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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Jacques Amyot, “Au Roi et à son Conseil privé, par Jacques Amyot, prieur de Monfort-Lamaury, contre Hardouin de Perefixe, archevêque de Paris, 1664 (?).” (Affaire du bénéfice du prieuré Saint-Laurent de Montfort-L’Amaury) Texte paru en 1664 (?), 3 p. Une édition numérique réalisée avec le concours de Pierre Cabrol, bénévole, Docteur en droit privé, Maître de conférences de Droit privé à l’IUT Michel de Montaigne Bordeaux 3 (France).

Jacques Amyot

prieur de Monfort-Lamaury

Au Roi et à son Conseil privé,
par Jacques Amyot, prieur de Monfort-Lamaury,
contre Hardouin de Perefixe,
archevêque de Paris, 1664 (?).”

(Affaire du bénéfice du prieuré Saint-Laurent de Montfort-L’Amaury)

Texte paru en 1664 (?).




Et à Nos Seigneurs de son Conseil Privé.



Jacques Amyot, Prêtre, Docteur de la Maison de Sorbonne, pourvu par la libéralité de votre Majesté du Prieuré de Montfort-Lamaury, Demandeur en renvoi, implore sa protection & justice.

Contre le Sieur Hardouin de Perefixe Archevêque de Paris, en cette qualité Conseiller né en la grand’Chambre du Parlement, Proviseur de la Maison de Sorbonne, etc. Défendeur.


SIRE, la prétention du Sieur Archevêque dans le fond, Est qu’en vertu d'une Bulle [1] du Pape Pie IV, de l’année 1564, qui porte union de l’Abbaye de S. Magloire à l’Archevêché, il veut encore aujourd’hui unir, c’est à dire supprimer, éteindre, & abolir les Titres de vingt-quatre Prieurés [2], de quarante Cures [3], & de huit ou dix Chapelles [4] pour en appliquer le revenu à son profit ; quoi que cette Bulle ne soit qu’une simple Commission sans fulmination [5], approbation, ni confirmation des Commissaires auxquels elle a été adressée, aussi bien que sans exécution aucune à l’égard de tous ces Bénéfices [6] pas un seul excepté, depuis ladite année 1564 jusqu’à présent que l’on compte 1664, il y a cent ans : & qu’elle soit entièrement destituée de toutes les formes, & circonstances nécessaires pour avoir quelque force & vertu.

Il y a des appels comme d’abus [7] de l’obtention, & exécution si aucune y a de cette Bulle, qui est obreptice [8], & subreptice [9] ; doublement prescrite, révoquée, pleine de contradictions manifestes, la plus abusive, & défectueuse qui ait jamais paru aux yeux de la Justice : Il y a deux autres Bulles obtenues par les prédécesseurs du Sieur Archevêque, lesquelles sur leur réquisition portent adresse expresse au Parlement de Paris, pour y être tous Procès, & différents concernant l’union de la dite Abbaye de S. Magloire jugés, & terminés ; & lesquelles pour cet effet sont enregistrées audit Parlement le 24 Novembre 1581, par le même Arrêt que la Bulle dont se sert le Sieur Archevêque, lequel Arrêt porte en termes exprès, que toutes ces Bulles dépendent l’une de l’autre : Il s’agit encore de prononcer sur le possessoire [10] de plus de soixante Bénéfices, & avec tout cela il y a Arrêt contradictoire de votre Conseil du 30 Décembre 1653 entre le feu [11] Sieur Jean François de Gondy Archevêque de Paris, & Pierre Bertrand résignant d’Amyot, par lequel les Parties sont renvoyées au Parlement de Paris, pour y être le différend concernant le possessoire du Prieuré de Montfort-Lamaury, Jugé & terminé ; le feu Sieur de Gondy demandeur en règlement de Juges, & en renvoi audit Parlement ; où l’Instance est pendante [12] & encore indécise, & à laquelle juridiction les Parties se sont soumises, & ont comparu le 17 Janvier 1654 sur l’assignation à eux donnée, auparavant le 5 des mêmes mois & an à la Requête dudit Sieur de Gondy en exécution de cet Arrêt de renvoi, duquel on est encore à demander la cassation.

Néanmoins, SIRE, au préjudice de toutes ces raisons invincibles ; combien que le Sieur Archevêque soit Conseiller né en la grand’Chambre de votre Parlement de Paris, qu’il ait l’honneur d’y avoir séance, & nonobstant [13] tout son grand crédit contre de faibles Particuliers, il affecte extraordinairement de fuir cette juridiction, aussi bien que la lumière d’une Audience publique, & par plaidoyers d’Avocats, qui est la seule voie naturelle, & ordinaire de juger ces sortes d’affaires, & inviolablement observée depuis la première Race des Rois de France, & l’établissement de vos Parlements jusqu’à aujourd’hui, tant sa cause est honteuse & déplorable.

Et non content de cette suite qui jette tous ceux qui en entendent parler dans le dernier étonnement & qui va jusqu’à faire l’outrage à cette même grand’Chambre du Parlement de Paris, que de la qualifier par une de ses Requêtes de Juges incoperas [14] en cette matière, il s’efforce encore avec un empressement non moins surprenant de faire retenir la connaissance de cette affaire dans le Conseil Privé de votre Majesté, ou notamment on n’a jamais jugé d’appels comme d’abus de cette qualité ; & avec cela, SIRE, de l’y faire juger par un sommairement ouï [15], dont l’instruction se fait en huit jours, ce qui ne peut être prémédité a autre dessein, que pour opprimer ses parties par sa faveur, étouffer leur bon droit, & dérober en même temps aux yeux de la Justice la haine de sa prétention : Procédure qui n’a jamais été vue, ni pratiquée en quelque Juridiction que ce soit de votre Royaume, & même de tout le monde.

Mais, SIRE, afin de démouvoir [16] entièrement le Sieur Archevêque, & pour le réduire tout à fait dans son tort, s’il veut absolument éviter la grand’Chambre de votre Parlement de Paris, il y a dans ce même Parlement cinq Chambres des Enquêtes ; s’il n’en veut point, il y a de plus dans Paris votre Grand Conseil ; s’il l’appréhende encore, il y a avec tout cela huit ou neuf autres Parlements dans votre Royaume, ce qui fait en tout quinze ou seize Juridictions souveraines, dont Amyot & ses Co-Intéressés lui abandonnent pleinement le choix, & sans réserve.

Et parce que le Sieur Archevêque se plaint sans sujet de la conduite d’Amyot par une Requête par lui présentée depuis peu au Conseil ; puisqu’il ne l’a pas plutôt eu attaqué, qu’il l’a fait prier de ne point plaider, qu’il l’en a été supplier lui-même avec toutes les civilités [17], & déshérences [18] imaginables, tant de vive voix, que par un écrit qu’il lui mit en main propre le 29 Janvier 1663 dans son appartement du Louvre, dont il ne peut disconvenir ; C’est pourquoi, SIRE, pour faire connaître d’abondant [19] au Sieur Archevêque qu’il n’y a point d’incertitude, non plus que de dérèglement dans la conduite d’Amyot, laquelle il justifiera en tout, & par tout, il le supplie & le conjure encore dans un Esprit de véritable Chrétien, Prêtre & Docteur, de vouloir sortir d’affaire par d’autres voies, & pour cet effet,

SIRE, Si votre Majesté pour instruire pleinement sa Religion & sa Justice, a pour agréable [20] auparavant que de donner aux Parties des Juges naturels & ordinaires, de renvoyer cette contestation par son Ordre exprès, dans une Assemblée générale de tous les Docteurs de la Faculté de Théologie de Paris pour prendre leur avis, & par forme de consultation, attendu que ce différend est entre le Proviseur, & un Docteur de la Maison de Sorbonne, en matière purement Ecclésiastique, & de très grande conséquence pour l’Église ; Au cas, SIRE, que la prétention du Sieur Archevêque ne se trouve, & ne soit jugée, contre la conscience : contre toute honnêteté & bonnes mœurs : incestueuse en tous degrés : fondée sur causes fausses de notoriété publique, ou ridicules ; bien loin de l’être sur de véritables, légitimes & raisonnables [21] : sans aucun titre valable, qui soit autorisé, ou qui puisse être approuvé par Justice : indispensable : contraire à tout droit naturel & divin : opposée à la disposition des Conciles généraux, & Décrets des Papes reçus en France, à la doctrine des Pères, & Docteurs de l’Église : aux Jurisconsultes & Canonistes, tant Anciens que Modernes, sans en pouvoir trouver un seul de quelque poids, & crédit qui la favorise : enfin reconnue comme l’un des plus horribles, & abominables monstres qui puisse paraître dans l’Église de Dieu. Amyot offre & s’engage d’abandonner tout son droit sur le Bureau de cette Assemblée, pour être ensuite passé en toute, & telle juridiction qu’il plaira au Sieur Archevêque, tel Arrêt que bon lui semblera ; Et en outre de lui faire satisfaction publique dans la même Assemblée, en reconnaissant tant de vive voix que par écrit, qu’il a eu tort de se défendre contre lui, depuis qu’il l’a attaqué.

Ainsi après l’avis, & consultation de cette savante Compagnie, qui a l’honneur d’être bien souvent consultée par les Rois mêmes, aussi bien que par toutes les Provinces Chrétiennes & Catholiques de l’Europe, on verra assurément que si les obligations du Caractère Archiépiscopal engagent le Sieur Archevêque selon les termes d’une de ses Requêtes à défendre les droits de son Archevêché (comme on n’en peut douter) c’est seulement quand ils sont bons & soutenables, c’est par les voies de justice accoutumées & incontestables, & par devant les Juges naturels, & ordinaires en telles matières, où ledit Sieur Archevêque n’aurait rien à appréhender du peu de crédit de ses Parties si sa cause était bonne, ou tançait [22] peu favorable.

Mais il paraîtra encore en même temps que les obligations de ce même Caractère ne permettent pas audit Sieur Archevêque d’acquérir à l’Archevêché (qui ne fera que passer en ses mains) des droits, & des biens qui ne peuvent lui appartenir ; & par des voies toutes irrégulières, qui ne sont extraordinairement affectées, que pour appuyer une mauvaise cause, & la faire réussir, si faire se peut, par la seule force du crédit & la facilité des surprises ; C’est S. Paul Docteur des Evêques, aussi bien par sa doctrine, que par ses bons exemples, qui est garant de cette vérité dans sa première Epitre à Timothée chapitre 3. Il faut, dit-il, Que l'Evêque soit irrépréhensible, &c. Qu’il ne soit point cupide, ou désireux, &c [23].

On connaîtra encore bien évidemment par cette consultation des Docteurs les plus éclairés du monde de quel côté se trouveront l’avarice & la cupidité, (il fallait ajouter insatiabilité) dont on veut accuser Amyot par cette même Requête du Sieur Archevêque ; & si ce sera du côté d’un simple Ecclésiastique, qui ne prétend pour tout partage, & toute portion dans l’Église de Dieu qu’un seul Bénéfice fort médiocre : ou bien si ce sera du côté de celui qui après la jouissance paisible de Cent-cinquante mille livres de rente en Bénéfices, entre lesquels le seul Archevêché est par lui-même affermé à quatre-vingt-quinze mille livres, avec la réserve d’une somme de soixante mille livres, veut encore aujourd’hui unir, supprimer, éteindre & abolir les Titres de plus de soixante autres Bénéfices, tant dans Paris qu’aux environs, pour en prendre tout le revenu, & l’appliquer à son profit par la ruine & le ravage du culte, & du service de Dieu dans plus de soixante Églises, par la réduction de cet exorbitant nombre de Bénéfices en de pures Fermes, au grand préjudice, & à la fraude des pieuses volontés & saintes intentions des fondateurs & bienfaiteurs ; non moins que par la dépouille impitoyable d’autant de simples Ecclésiastiques, bien loin de leur en faire des libéralités, & de se souvenir avec le même S. Paul aux Actes chapitre 20. Que c’est une Sentence prononcée par la bouche même de Jesus-Christ, Qu’il est beaucoup plus heureux de donner que de prendre [24], & avec S. Jérôme dans son Epître à Nepotian, Que c’est la gloire d’un Evêque de pourvoir à l’entretien, & commodité des pauvres (surtout des Ecclésiastiques [25]).

Après tout ce que dessus, SIRE, dont ledit Amyot a par écrit la preuve constante & la justification exacte avec démonstrations invincibles ; Plaise à Votre Majesté renvoyer cette affaire par devant ses luges naturels suivant l’Arrêt contradictoire de votre Conseil du 30 Décembre 1653 pleinement exécuté par le feu Sieur de Gondy Archevêque de Paris & qui n’a été interrompu que par la longue vacance de l’Archevêché & pendant l’économat ;  Lequel étant rempli, & l’économat fini par la prise de possession du Sieur Archevêque, comme il ne peut agir dans cette affaire qu’en ladite qualité d’Archevêque, il doit aussi nécessairement reprendre l’instance de son prédécesseur pendante & indécise au Parlement de Paris, & ce sera lorsqu’il suivra les démarches de ses Prédécesseurs, comme il le veut faire croire par sa dite Requête, quoi qu’il fasse tout le contraire en reprenant une Instance périe, & éteinte de Charles Martineau dernier économe, qui ne peut passer pour son Prédécesseur, si ce n’est en vexation. Et Amyot continuera ses prières pour la santé, & prospérité de votre Majesté.

Le Sieur FOULLE Rapporteur.



[1] Note de lecture : décision du pape adressée à l’ensemble des fidèles, voir des païens, ce qui la distingue de la décrétale destinée au clergé. La bulle tire son nom du sceau de plomb, d’argent ou d’or qui était originellement attaché au document pour l’authentifier, la bulla.

[2] Note de lecture : monastères placés sous l’autorité d’un prieur.

[3] Note de lecture : paroisse placée sous l’autorité spirituelle et administrative d’un curé.

[4] Note de lecture : église n’ayant pas le titre de paroisse.

[5] Note de lecture : en droit canon, publication avec accomplissement de formalités.

[6] Note de lecture : les bénéfices ecclésiastiques étaient des biens matériels ou des fonctions lucratives qui assuraient des revenus aux titulaires des diverses charges de l’Église catholique. Il en existait environ 95 000 en France à la veille de la Révolution française. Cette dernière les supprima en confisquant, le 2 novembre 1789, les biens de l’Église catholique.

[7] Note de lecture : voie judiciaire tendant à obtenir l’annulation ou la cassation d’une décision, en raison du fait que celle-ci peut être considérée comme abusive car sortant du domaine de la juridiction considérée.

[8] Note de lecture : obtenue sur la base d’une déclaration dans laquelle un élément important a été dissimulé.

[9] Obreptice, parce que tout l’exposé est faux de notoriété publique. Subreptice, d’autant qu’on a celé tout ce que de droit on était obligé de dire, & qui aurait détourné & dû absolument empêcher le Pape d’accorder la grâce qu’on lui demandait.

[10] Note de lecture : qui a rapport à la possession.

[11] Note de lecture : décédé.

[12] Note de lecture : en cours.

[13] Note de lecture : sans s’arrêter à ; sans tenir compte de.

[14] Note de lecture : inopérants ; incompétents.

[15] Savoir l’exécution de 4 Bulles registrées au parlement ; des appellations comme d’abus, de 2 desd. Bulles avec le possessoire de plus de 60 Bénéfic.

[16] Note de lecture : afin de le faire renoncer à ses prétentions.

[17] Note de lecture : formules de politesse.

[18] Note de lecture : abandons.

[19] Note de lecture : d’abondance, plus que de besoin.

[20] Note de lecture : trouve plaisant.

[21] Ce sont les termes des Conciles parlant des voies lesquelles ils déclarent nulles & invalides, Si non ex veris, legitimis aut alins rationabilus causis siant. Note de lecture : « Si ce n’est pas pour des causes vraies, légitimes ou d’autres causes raisonnables ».

[22] Note de lecture : ou réprimandée comme.

[23] Ad Thimoteum 3. Oportet Episcopum irreprehesistem esse, &c. non trigosum &c. non cupidum &c.

[24] Saint Paul Actorum 20. Oportet meminisse verbi Domini Jesus quiniam ipse dixit, Beatius est magis dare quam accipere.

[25] S. Jérôme Ep. Ad Noposianum gloria Episcopi est pauperum opibus providere : Ignominia omnia Sacerdotum propriis studere divitiis.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 21 avril 2024 13:17
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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