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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Justin Chrysostome Dorsainvil, Voudou et névrose. [1931] (2012)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Justin Chrysostome Dorsainvil, Voudou et névrose. Médico-sociologie. Port-au-Prince, Haïti: Les Éditions Fardin, 2012, 182 pp. Première édition: 1931. Une édition en voie de réalisation par Rency Inson Michel, bénévole, étudiant en sociologie à la Faculté des sciences humaines de l'Université d'État d'Haïti et coordonnateur du Réseau des jeunes bénévoles des Classiques des sciences sociales en Haïti.

[5]

Voudou et névrose. Médico-sociologie.

Introduction

L’avènement de la littérature haïtienne


Dans avènement il y a avenir qui anciennement signifiait arriver. Nous gardons encore advenir avec ce sens : advienne que pourra ! La littérature haïtienne arrive en effet. Ce qui signifie qu'elle est mais n'existe pas pleinement encore. Comment imaginer une littérature sans lecteurs ? Ou du moins avec des auditeurs qui attendent de pouvoir lire ce que pourtant ils savent fort bien entendre.

Christophe Charles dans ses Perspectives 20041 brossait, en 1984, un tableau prospectif de la culture haïtienne pour l'an 2004 [1]. Il faudra revoir ses considérations à la lumière des événements historiques survenus depuis le 7 février 1986. Car nous sommes entrés dans l'après-Duvalier et le profil de notre avenir maintenant se modifie. La lecture de certains textes ou de certains événements change. À preuve la relecture que nous pouvons faire de Dézafi. Des barrières sont tombées et des espoirs naissent. Mais aussi nous nous apercevons du vide créé par la mort de nos mythes. Les perspectives 2004 se dessinent donc sur un horizon changeant.

Frantz Lofficial dans « chemen zórèy pep la se chemen sèvel li » [2] propose, lui, des objectifs plus spécifiques puisque concernant la littérature en haïtien mais de portée plus vaste qu'une prévision pour les 13 prochaines années. Il pose le problème de la mutation culturelle qu'implique le passage à la lecture et surtout à l'écriture de l'haïtien. Insistant sur la responsabilité, le rôle et le travail de l'écrivain il souligne la nécessité de concilier le respect de l'esprit oral et les exigences de la représentation [6] écrite. Il aurait pu, s'il s'était proposé de brosser un tableau à caractère socio-économique, insister sur les impératifs non seulement financiers et économiques de l'Institutionnalisation de l'écriture en haïtien mais encore sur ses prérequis commerciaux. Car dans le cadre d'une Institution littéraire organisée selon notre système économique la constitution d'un public ne va pas sans celui d'un marché de sorte que rêver d'une littérature en haïtien c'est forcément aussi penser à des organes de publication et de diffusion, en somme à des circuits pas forcément ou uniquement intellectuels.

Lofficial complète plutôt ses considérations par des propos à caractère idéologique et technique sur les genres et la pensée analogique dont on peut dire que c'est à la pratique de l'écriture en haïtien de nous en démontrer le bien-fondé.

Un fait apparaît clairement dans ces deux textes : bien avant le 7 février 1986 l'on s'inquiétait de savoir quelle serait la figure que pourrait prendre la nouvelle littérature haïtienne et l'on s'efforçait d'en dessiner les lignes de force.

Les essais réunis ici procèdent d'un même souci mais à un niveau moins prospectif et théorique donc plus analytique et ponctuel. Compte tenu de la nécessité d'envisager aujourd'hui non seulement quelle nouvelle littérature édifier mais comment relire les œuvres passées ou présentes en fonction de l'avenir, ces essais ont été regroupés sous trois rubriques principales.

Tout d'abord sous le titre de "La littérature à l'heure du post-duvaliérisme", je souligne quelle crise profonde connaît la littérature haïtienne dans cette ère de l'après-Duvalier. Il suffit d'ailleurs de [7] constater ce qui se passe depuis le 7 février 86 sur le plan politique, social et économique pour s'en convaincre. La littérature ne peut pas faire autrement que de traduire la réalité matérielle et spirituelle du pays. Les choses deviennent encore plus complexes dans le cadre de l'ouverture généralisée, de la culture comme de l'économie, que nous connaissons. Le grand défi de lancer la littérature en haïtien attend toujours d'être relevé et la représentation, en haïtien ou en français, des rapports interpersonnels attend encore de trouver le peintre ou plutôt le prophète qui nous en brossera un tableau harmonieux et serein.

Dans la construction d'un modèle j'essaie de faire voir que par l'évocation du passé et des racines (l'Afrique), et par la représentation de nous-mêmes (metagason/gasonkanson), selon un certain ton et sous un certain jour (indigénisme/réalisme merveilleux), c'est à la recherche et à la construction d'un modèle qu'en fait nous nous sommes attelés.

Et le meilleur moyen pour y parvenir étant encore de jeter un regard rétrospectif sur le chemin parcouru, un « bilan » de la trajectoire de l'écriture en haïtien, dans la troisième partie, nous projette résolument vers cet avenir de la littérature qui ne peut être que dans la venue de lecteurs nouveaux et nombreux qui verront représenté dans leur langue ce qu'ils disent, entendent et voient autour d'eux.

[8]



[1] Christophe Charles, Perspectives 2004, vers un nouvel ordre culturel en Haïti (essai), trajectoires III, Port-au-Prince, éditions Choucoune, 1984.

[2] Frantz Lofficial, "Chemen zórey pèp la se chemen sèvel li" dans Lambert F. Prudent, coordonnateur, Anthologie de la nouvelle poésie créole, Paris, édition Caribéennes, ACCT, 1984, pp. 352-358.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 12 février 2019 8:58
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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