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Collection « Les auteur(e)s classiques »
Aux sources de notre histoire.
Les conditions économiques et sociales de la colonisation en Nouvelle-France (1946)
Avant-propos, par Léon Gérin
Une édition électronique réalisée à partir du livre de Léon Gérin, Aux sources de notre histoire. Les conditions économiques et sociales de la colonisation en Nouvelle-France. Montréal, Les Éditions Fidès, 1946, 277 pages.
AVANT-PROPOS
Jetons l'oeil sur la carte de l'Europe : nous serons frappés de la masse imposante et de la situation avantageuse d'un grand pays en bordure à l'Atlantique. Ce serait un carré parfait, n'était le bec de corbeau de la Bretagne armoricaine, en projection sur l'Atlantique: Quadrilatère borné au sud par la Méditerranée, l'Espagne, la chaîne des Pyrénées et le golfe de Gascogne; ouvrant sur l'ouest, par-dessus l'océan, une gueule immense, comme pour happer l'Amérique lointaine; vers le nord lorgnant sous cape la verte Angleterre et la Flandre industrieuse; enfin, du côté de l'est, enfoncée dans la muraille des Alpes, comme si elle craignait le contact trop intime de l'impétueuse Italie: cette grande nation, c'est la France.
C'est la France, avec la mosaïque de ses sols et de ses cultures; la France impérissable, en dépit de ses ennemis du dedans ou du dehors; la France d'où, en fin du moyen âge, nous sont venus les fondateurs de nos familles et de nos paroisses, assises d'une France nouvelle sur les rivages du Saint-Laurent et de son golfe immense.
Les voyages répétés du navigateur malouin, Jacques Cartier, dans les parages hantés de banquises et d'ours polaires, nous ont assuré, - et par surcroît à la France, - le droit d'occuper et de mettre en valeur les terres du continent nouveau. Droit de prime importance à une époque où les jeunes monarchies de l'Europe occidentale réclamaient dans le nouveau monde leur «part du patrimoine d'Adam», que l'Espagne dans sa force leur refusait.
Mais pour parler juste, ce que convoitaient surtout en Amérique toutes les puissances européennes, combattives mais besogneuses, ce n'était pas tant des terres incultes à mettre en valeur que des métaux précieux à utiliser pour les fins de leur administration interne ou de leurs entreprises d'outre-mer. Après les épices, l'or devenait le mobile le plus inspirant du colonisateur français, marchant sur les traces de l'Espagnol.
Vice irrémédiable qui va précipiter la ruine de mainte entreprise maritime de la France, en déterminant le choix de sujets médiocres qu'on se flatte, bien à tort, de pouvoir plier à un travail sérieux pour le compte de leurs geôliers. Le résultat, plutôt décevant, ce sera le désastre à brève échéance, la ruine méritée de l'entreprise mal conçue. Quel bonheur pour le Canada, que ces braves forçats aient eu le bon esprit d'aller se faire pendre ailleurs, avant même d'avoir pu contaminer la jeune colonie.
Et puis, bénissons la mémoire du cardinal-ministre, Richelieu qui, après avoir mis un peu d'ordre dans les finances de l'État, n'a eu rien de plus pressé que de se faire rendre le Canada que les corsaires huguenots de Charles 1er avaient capturé, une fois la paix conclue. Coup de maître qu'avait préparé et permis la prise de La Rochelle, forteresse du protestantisme en France, acte de force qui eut pour complément un acte de perspicacité : l'envoi de colons défricheurs recrutés sur le piton forestier du Perche.
Grâce à la lucidité de ce vigoureux esprit, des colonies françaises jumelles ont pris forme en Amérique : l'une dans la péninsule acadienne, l'autre dans la vallée du Saint-Laurent. À travers d'angoissantes vicissitudes, elles se sont perpétuées jusqu'à nos jours... Le secret de leur durée, en dépit de conditions économiques et sociales souvent désastreuses, c'est dans l'ordre matériel, de n'avoir jamais délaissé la culture du sol; et, dans l'ordre spirituel, de s'être agrippées à la tradition des ancêtres.
Dernière mise à jour de cette page le dimanche 4 février 200710:45
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
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