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Collection « Les auteur(e)s classiques »
Aux sources de notre histoire.
Les conditions économiques et sociales de la colonisation en Nouvelle-France (1946)
Avant-propos, par Léon Gérin
Une édition électronique réalisée à partir du livre de Léon Gérin, Aux sources de notre histoire. Les conditions économiques et sociales de la colonisation en Nouvelle-France. Montréal, Les Éditions Fidès, 1946, 277 pages.
LETTRE-PRÉFACE par Édouard Montpetit août 1944
Au cours d'un séjour en France, Léon Gérin fréquenta Edmond Demolins et ses disciples. Il se mit à leur école, le temps de se familiariser avec leur enseignement et leur méthode. De retour au pays, il appliqua l'un et l'autre au Canada français, en y apportant les adaptations nécessaires.
M. Gérin étudia d'abord les procédés de la colonisation française en Amérique, lente et difficile aventure, suite de privilèges et de concessions de la part de la monarchie qui, devenue plus forte, enrichie, renonça au régime stérile des Compagnies qui avait abouti à la « prédominance de l'esprit bureaucratique », pour venir au secours de l'entreprise et prendre en main les destinées du pays, jusqu'à ce que les événements d'Europe la contraignirent à l'abandon.
Bien des causes ont retenu l'élan de la colonie : la guerre à l'Iroquois, la course aux pelleteries, la faiblesse d'une aristocratie, préoccupée de ses intérêts, incapable d'assurer une exploitation rationnelle des domaines immenses dont elle disposait, l'inégalité de la lutte finale contre un adversaire mieux pourvu et plus nombreux, et surtout le manque d'initiative. « Gravons-nous dans l'esprit, écrit Gérin, les conclusions générales qui se dégagent de l'histoire sociale de la Nouvelle-France. La monarchie française qui aurait voulu faire du négociant français un grand entrepreneur de colonisation commerciale, n'y avait pas réussi, non plus qu'à faire du gentilhomme français un chef de grande exploitation agricole. Cela illustre encore une fois l'impuissance de l'intervention du pouvoir central quand la participation des forces de la vie privée est insuffisante ».
Léon Gérin s'attache à dégager la tentative des véritables colons, ceux qui, recherchant la terre pour la terre, avaient traversé l'Océan dans l'intention de s'installer au Canada. Venus du Perche et d'autres provinces avoisinantes, ces hommes avaient l'habitude des tâches dures et la ténacité qui caractérise le défricheur. Ils abattirent la forêt, vécurent par leurs propres moyens, entourés de leur famille, habiles à toute sorte de métiers. Au milieu d'une aristocratie besogneuse, sourds aux tentations de la traite des fourrures, ils devinrent « la clef de voûte du Canada moderne ».
L'uvre de Gérin, précieuse, inspiratrice, unique chez nous, fut longtemps disséminée dans des articles de -revue, des brochures, des communications à la Société royale. Elle a paru, en grande partie, dans la Science sociale de Paris, publication à peu près introuvable au Canada.
Ses admirateurs le pressaient de réunir en volume la série de ces monographies. Il hésitait. Réfugié dans son domaine de Coaticook, loin des préoccupations d'ordre parlementaire qui l'avaient longtemps retenu à Ottawa, il voulait revoir ses études, les remanier, les compléter en éprouver les conclusions.
Il se décida à publier un premier ouvrage, consacré à la famille, où il rapproche de notre type quasi communautaire le type particulariste anglo-saxon.
Sous le titre : Aux Sources de notre Histoire : les conditions économiques et sociales de la Colonisation en Nouvelle-France, il livre au grand public ses premiers travaux.
Souhaitons qu'il reprenne aussi les fortes synthèses qu'il a consacrées à l'enseignement dans la province de Québec, à la méthode appliquée en science sociale, et à divers aspects de notre vie sociale.
Nous aurons ainsi l'uvre complète de ce grand sociologue qui révèle sous son véritable jour l'effort tenté par la France colonisatrice au Canada, et les raisons profondes de notre survivance.
Gérin ne conçoit pas l'histoire comme une suite de dates, un faisceau d'événements. Il l'utilise, certes, comme une « base profonde » pour reprendre le mot de Stendhal, mais s'il s'y attache c'est moins pour s'y complaire que pour en tirer une leçon d'ordre politique ou social. Qu'on relise, sous cet angle, son puissant réveil de la figure de Cartier. L'histoire ainsi traitée me Paraît plus vivante. On y sent toutes les forces, toutes les faiblesses aussi, de la nation.
Appelé, il y a plusieurs années, à donner des cours en Sorbonne et à l'Université de Bruxelles, c'est dans l'évocation qu'avait réussie admirablement Léon Gérin que j'ai puisé mon plus ferme appui. À sa suite, j'expliquai les lenteurs et les rebondissements de notre colonisation, la lutte suprême, et, la paix venue, la poursuite de nos destinées parmi d'autres difficultés. Je ne me retiens pas de lui exprimer aujourd'hui mes remerciements pour tout ce que je dois à ses recherches patientes et à son généreux esprit.
Edouard MONTPETIT
Août 1944
Dernière mise à jour de cette page le dimanche 4 février 200710:45
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
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