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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie et le Thibet pendant les années 1844, 1845 et 1846 (1854)
Introduction


Une édition électronique sera réalisée à partir du texte du Père Évariste HUC (1813-1860), Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie et le Thibet pendant les années 1844, 1845 et 1846. Éditions OMNIBUS, Paris, 2001, 576 pages, conforme à l’édition originale de 1854. Une édition numérique réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris.

Introduction

Père Évariste HUC : Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie et le Thibet pendant les années 1844, 1845 et 1846.  

En guise d’introduction

Extrait des Nouvelles annales des voyages, 1846, t. 112, pp. 396-398.

Le 7 janvier est parti de Marseille pour Paris M. l’abbé Gabet, lazariste, missionnaire apostolique de la Mongolie. Cet intrépide prêtre, qui revenait du fond de la Tartarie chinoise, voisine, comme on sait, de la Sibérie, a eu les pieds gelés en traversant ces immenses déserts où les traces du chemin ne se font reconnaître que par les osse-ments d’hommes et de chaineaux, Dans le même trajet et le même jour, trente à quarante hommes furent gelés et abandonnés.

Arrivé dans le Tibet, à la grande lamaserie, M. l’abbé Gabet y fut très bien accueilli par le personnage faisant fonctions de régent pendant la minorité du grand lama, ainsi que son compagnon M. Huc, lazariste comme lui ; mais le représentant de l’empire de la Chine à la même résidence, jaloux du séjour de ces deux missionnaires, réussit par ses intrigues à neutraliser les pouvoirs du régent, et fit si bien qu’il obtint l’expulsion immédiate des deux missionnaires, Le délégué chinois leur intima donc l’ordre de départ ; mais au lieu de les acheminer par la route le plus directe et la plus courte en les dirigeant sur l’Indoustan et les premiers postes européens qui n’étaient qu’à vingt-cinq ou trente journées de chemin, il les fit conduire à Macao, à travers la double étendue du Tibet et de la Chine, accompagnés par des satellites qui leur donnaient une mauvaise nourriture, sans toutefois les maltraiter autrement. M. Gabet et son confrère ont mis huit mois à faire ce trajet de 700 lieues. Du point de leur expulsion jusqu’à Marseille, c’est un voyage de 4.000 lieues et plus.

Une lettre écrite de Canton par M. Huc, compagnon de voyage de M. Gabet, fournit quelques détails de plus sur cette double traversée du Tibet. Nous la reproduisons ici, en attendant que nous soyons à même de donner la relation circonstanciée de ce long voyage, un des plus importants pour la géographie qui aient été exécutés depuis longtemps. La lettre est datée du 1er novembre 1846.

 « Voilà tout au plus une quinzaine de jours que je suis arrivé à Macao, après un voyage de plus de deux ans dans des pays fabuleux et à travers des routes incroyables. C’est avec M. Gabet, mon confrère et ami, que nous avons exécuté ce gigantesque voyage. Nous nous mîmes en route le 1er août de l’année 1844, et depuis cette époque jusqu’à ce jour nous avons été privés de toute communication avec l’Europe, même avec nos confrères de la Chine et de la Tartarie. C’est hier seulement que j’ai eu le plaisir de recevoir une lettre. Les lettres antérieures et les envois particuliers que vous avez pu une faire, tout cela est parti pour la Tartarie, oû j’irai les retrouver plus tard.

Pour satisfaire votre juste curiosité, je vais vous tracer en quelques mots mon itinéraire. Il faut d’abord placer notre point de départ dans la Tartarie, dans nos chrétientés tartaro-chinoises, un peu au-dessus de Pékin. Nous nous sommes mis en ordre de caravane avec quatre chameaux pour porter nos bagages et nos vivres, deux chevaux que montaient M. Gabet et moi, plus un petit mulet au service d’un jeune lama qui nous suivait en qualité de domestique ; ainsi organisés, nous nous sommes enfoncés dans les déserts de la Tartarie, ayant pour tout guide le soleil et une carte de géographie, Nous avons visité la majeure partie des royaumes tartares. Il est inutile de vous en dire les noms, parce qu’ils ne sont pas sur les cartes. Nous avons campé sur les bords de la mer Bleue, dans le pays des Kalmouks ; et, après avoir séjourné pendant plus de huit mois dans une fameuse lamaserie habitée par 5,000 lamas, nous nous sommes joints à une immense caravane tartare qui se rendait à Lassa, capitale du Tibet. Rien de comparable à cette épouvantable route ! Nous avons été attaqués par les brigands ; nous avons été ensevelis dans la neige ; nous avons été plus d’une fois sur le point de mourir de faim et journellement exposés à être tués par le froid.

La nombreuse caravane a été forcée d’abandonner quarante hommes subitement gelés, sans parler du nombre incalculable de chameaux, de chevaux, etc. Aussi, presque tous les jours, la place que nous avions occupée pour camper était-elle jonchée de cadavres d’hommes et d’animaux. M. Gabet a failli rester au nombre des victimes de ce meurtrier climat ; pendant trois jours il a eu les pieds et la figure gelés ; mais Dieu ne lui a pas permis de mourir. Enfin nous sommes arrivés à Lassa, capitale du Tibet. Quel pays que le Tibet ! Quelle ville que Lassa ! et le Boutala, temple grandiose où le grand lama fait sa résidence ! En vérité, rien ne ressemble au Tibet. Nous avons été très bien accueillis par les autorités du lieu, et surtout par le premier ministre régent du royaume pendant la minorité du grand lama, qui est actuel­lement un enfant de huit ans. Le régent nous a alloué une de ses maisons, où nous avons pu ériger une chapelle ; il nous a chargés de l’éducation de son neveu. Tout allait à ravir à Lassa. Nous étions publiquement reconnus comme Français et prédicateurs du christianisme ; mais un mandarin chinois, ambassadeur de la cour de Pékin près le grand lama, nous a cherché querelle.

Nous avons protesté, disputé, querellé... Il a fallu céder à la violence de ce mandarin, qui, contre le gré des autorités tibétaines, nous a fait reconduire à Canton honorablement il est vrai, mais arbitrairement. C’est donc une route de huit mois qu’il nous a fallu entreprendre à travers des montagnes épouvantables. Nous sommes partis avec une grande et belle escorte de mandarins chinois, mais ils n’ont pas tous survécu à cette abominable route : quand nous sommes arrivés aux fron­tières de la Chine, nous étions suivis de quatre cercueils, sans parler de quatre hommes qui étaient tombés dans des gouffres, sans qu’on eût pu retirer leurs cadavres. Enfin, apres avoir été longtemps secoué et ballotté sur des précipices affreux, après avoir presque tous les jours pendant deux ans nargué la mort, me voici à Macao vivant, bien vivant, très vivant... Chose étrange ! depuis que j’ai quitté la France, je n’ai jamais été malade, je n’ai pas eu même un seul jour a supporter la plus légère incommodité. Pour le moment, je ne vous donne pas de plus grands détails. Si Dieu me donne vie et repos, J’espère rédiger un volumineux paquet de notes sur des pays où jamais encore Européen n’a pénétré.


Retour au livre de l'auteur: Père Évariste HUC (1813-1860) Dernière mise à jour de cette page le vendredi 6 juin 2008 6:35
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cegep de Chicoutimi.
 



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