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La doctrine de l’évolution.
Tome I. Un exposé des faits et des hypothèses.
Avant-propos
La doctrine de l'évolution comprend trois aspects bien distincts : l'aspect scientifique, l'aspect philosophique et l'aspect théologique. C'est pour répondre à la plupart clés questions qui se posent sur le sujet que nous avons été amené à en faire une synthèse à ce triple point de vue. Un premier volume traite de l'aspect scientifique, un second, de l'aspect philosophique et théologique.
L'intention particulière de l'exposé scientifique n'est pas de prouver l'évolution, d'établir si l'évolution est un fait, une vérité indiscutable et indiscutée - ce qui d'ailleurs n'est pas de notre compétence , mais simplement de rapporter, suivant un certain ordre, ce que disent les savants sur le fait de l'évolution et sur son mécanisme. Et nous ferons ce rapport sans tenir compte des théories et des objections des fixistes, lesquelles n'ont pas lieu d'être dans cet exposé.
L'idée du second volume, avons-nous dit, est de présenter un point de vue philosophique et théologique du même problème, c'est-à-dire de montrer, indépendamment des données scientifiques, ce qu'une philosophie pourtant très ancienne philosophie aristotélicienne et thomiste - mais dégagée d'une expérience et de théories expérimentales, autrefois provisoires comme le sont encore d'ailleurs celles d'aujourd'hui, peut dire de l'évolution, et de rappeler ce que plusieurs théologiens catholiques en pensent.
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Il ne faudra donc pas voir dans cette étude sur la doctrine de l'évolution une tentative de concordisme. Nous n'avons pas non plus cherché à illustrer une thèse philosophique au moyen de procédés et de raisons scientifiques, ni à confirmer ou à renforcer une position scientifique par des principes philosophiques. Mais on pourra constater, après lecture du second volume, si les points de vue philosophique et théologique que nous y envisageons sont conformes ou non à l'idée d'évolution telle que définie et expliquée dans le présent volume. Cet exposé général de la doctrine de l'évolution aura l'avantage, nous l'espérons, d'aider ceux que le problème intéresse à se faire une certaine représentation synthétique de l'histoire du monde vivant tout en montrant, par un exemple particulièrement remarquable, comment se distinguent sur une même question les aspects scientifiques, philosophique et théologique. Cela pourra contribuer aussi à faire disparaître les préjugés, de part et d'autre, de savants, de philosophes et de théologiens, préjugés nés parfois d'une réaction des uns et des autres contre ceux qui confondent les vues de la science avec celles de la philosophie ou de la théologie.
Nous avertissons, de plus, le lecteur qu'au cours de ce travail nous avons préféré citer textuellement les auteurs scientifiques plutôt que de les interpréter et de les résumer. Il convient, en effet, non seulement d'éviter tout soupçon de faux, mais de faire connaître exactement la pensée de ceux des savants qui sont ici en cause.
Quant à la partie philosophique et théologique de cet ouvrage, nous ne prétendons pas y avoir incorporé toute la doctrine ni tous les textes aristotéliciens et thomistes qui ont trait à l'évolution et aux problèmes qui lui sont connexes. [11] Néanmoins, notre exposé devrait suffire et à montrer dans quelle mesure la doctrine thomiste est ouverte à tout ce que le progrès des sciences expérimentales peut nous apprendre ; et à faire le partage, dans les écrits scientifiques, entre ce qui est de la compétence des savants comme tels, et ce qu'à leur science ils mêlent, parfois, de leur propre philosophie.
Je tiens à remercier ici tous ceux qui m'ont aidé dans la préparation de cet ouvrage, et, en particulier, M. W. R. Thompson, docteur en philosophie et en sciences naturelles, membre de la F.R.S. de Londres et directeur de l'Imperial Parasital Bureau, Ottawa ; M. l'abbé Pascal Tremblay, bachelier ès arts, licencié ès sciences et professeur de Chimie au Séminaire de Chicoutimi, qui ont bien voulu lire la partie scientifique de mon travail et me faire des suggestions dont j'ai tenu compte.
Je dois une reconnaissance particulière aussi à mon excellent Professeur de philosophie, M. Charles De Koninck, docteur en philosophie, doyen de la Faculté de Philosophie de l'Université Laval, membre de la Société Royale du Canada, de l'Académie canadienne Saint-Thomas d'Aquin, et de la Société canadienne d'Études mariales, qui m'a encouragé à entreprendre cette étude, qui m'a permis de plus une généreuse utilisation de ses notes de cours et qui, après avoir lu le manuscrit en entier, en a discuté avec moi plusieurs points en vue de la rédaction définitive.
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