Adam SMITH (1778)
“Discours de l’épingle”.
[Glasgow Toast]
PASTICHE. Texte de Peter Sloterdijk attribué, de manière humouristique, à Adam Smith. [Glasgow Toast] Discours qui aurait pu être prononcé en 1778 par Adam Smith.
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Un texte publié dans le livre de Peter Sloterdijk, Le palais de cristal. À l'intérieur du capitalisme planétaire, pp. 283-292. Édition allemande, 2005. Traduit de l'Allemand par Olivier Mannoni. Maren Sell Éditeurs, 2006, 380 pp.
Avertissement de Peter Sloterdijk
Adam Smith et Rainer Maria Rilke se retrouvent sous le firmament technique. Le poète du Grand Intérieur croise le penseur du marché mondial - on ignore si c'est par hasard ou parce qu'ils se sont secrètement donné rendez-vous. Comme nous ne voulons pas utiliser plus qu'il ne faut l'expression de « rencontre », nous nous contentons de faire allusion à un quasi-encounter. Nous présentons d'abord un discours de table apocryphe tenu par Adam Smith en l'honneur du Premier ministre Lord North, le Glasgow Toast (discours douteux également connu sous le nom de Discours de l'épingle), qui pourrait avoir été prononcé peu aptes que Smith eut été nomme contrôleur des douanes d'Écosse, en 1778 ; on n'en cherchera pas moins en vain le texte restitué ici dans la Glasgow Edition des oeuvres et des lettres de Smith. Suit une lettre incunable de Rilke a une destinataire noble et inconnue, lettre que les caractéristiques de son style et de sa teneur permettent de faire remonter au début 1922 ; est-il nécessaire de souligner le fait que ce texte ne figure pas lui non plus dans les éditions intégrales publiées à ce jour ?
On laissera à l'imagination théorique du lecteur le soin de prolonger les impulsions des deux documents de telle sorte qu'ils se recoupent sur un point virtuel dans l'espace sémantique de l'observation mûrissante de soi au sein de la vieille Europe. Ce site devrait, à l'aide du mot de passe « pas de capitalisme sans animisme », être accessible depuis la plupart des postes de travail dotés d'un équipement conforme à notre époque...
“Discours de l’épingle”
[Glasgow Toast]
« Messieurs, je m'adresse à vous, mon grand mécène, monsieur le Chancelier du Trésor, et à vous tous, amis des Sciences et des Beaux-Arts, en cette soirée de fête, pour accéder au vœu de notre hôte : tenir à l'assemblée une brève conférence sur les causes véritables de la richesse des nations. Ah, très vénérable Lord, comment n'aurais-je pas remarqué que je dois être aujourd'hui être la victime de votre humour ? Pourrais-je vraiment être aveuglé par la vanité au point de ne pas comprendre que vous m'avez pose un piège charmant lorsque vous m'avez charge de faire connaître en quelques minutes ce qui m'a coûté des décennies d'études laborieuses ? Mais où, Messieurs, puiserais-je le courage d'échapper à une ruse imaginée par la plus noble amitié ? À quoi bon des amis si l'on n'offre pas le plaisir de rire de temps en temps a nos dépens ? Je me fais donc une raison et vous livre les fragments d'une réponse en me soumettant à l'exercice consistant à transformer le fruit d'une longue pratique de l'art en une anecdote de banquet. Vous le comprenez bien, Messieurs, je le fais plus pour vous amuser que pour vous enseigner, et moins par témérité personnelle que par respect pour les lois de l'hospitalité.
Qu'est-ce que je tiens ici en main, Messieurs ? Demandez un effort à vos yeux et prenez votre temps, car ce que je vous montre pour vous expliquer l'alpha et l'omega de la science de la richesse des nations est bel et bien une épingle. Oui, vous avez bien vu et entendu, une épingle, un objet comme on n'en trouverait pas de plus profane, de plus domestique et humble. J'affirme cependant que dans ce maigre quelque-chose se dissimule la somme de la sagesse économique de notre temps, pourvu qu'on l'observe correctement. Iriez-vous à présent penser que c'est à vos dépens à vous que l'on veut s'amuser ? Nullement ! je vais vous expliquer sur-le-champ comment il faut comprendre cet obscur aphorisme. Imaginez un pays peu développé, dépourvu de division du travail et d'échanges commerciaux animés, un pays où chacun se procure soi-même tout ce qu'il veut : dans un tel pays, il n'est pas nécessaire d'amasser un capital quelconque ou de faire des réserves. Chacun satisfait ses besoins tels qu'ils se présentent. S'il a faim, il va chasser dans la foret. Si son habit est use, il se revêt de la peau du prochain grand gibier qu'il abat. Si sa cabane commence à s'effondrer, il l'améliore aussi bien qu'il le peut avec des branches et de l'herbe trouvées aux environs. Est-il encore nécessaire d'expliquer que dans un pays de ce type, on chercherait en vain des épingles, sans parler de dix mille autres objets utiles ? Il n'y aurait pas d'épingles, d'abord parce que personne ne saurait s'en servir, ensuite parce qu'il ne viendrait à l'idée d'aucun citoyen d'en fabriquer, sauf au nom d'une marotte qui ne déboucherait ni sur une production régulière, ni sur le commerce. Il en va tout autrement dans un pays où la grande majorité des gens a rompu avec l'ancienne autosuffisance. En vérité, Messieurs, il existe déjà des pays dont les habitants se sont presque sans exception embarqués sur la vaste mer de la division du travail, si vous me permettez cette métaphore toute britannique. N'est-ce pas une gigantesque aventure lorsque les entrepreneurs et marchands d'une nation ont décidé de fabriquer exclusivement des produits qui voient exclusivement le jour dans le but d'être échangés contre d'autres valeurs ? Une folie, c'est un fait, mais une folie rationnelle et une sagesse risquée ! D'innombrables personnes s'y sont déjà converties, pour un motif visible sans peine, car pour cette fois, il y a dans l'audace bien plus de raison que dans la prudence inerte. Comprenez-moi bien, Messieurs : dans cet ordre des choses, chaque fabricant de biens doit être individuellement disposé à faire entièrement dépendre son bonheur et son malheur des besoins d'autres personnes qui, pour leur part, suspendent leur destin aux besoins de tiers. C'est de la folie, mais elle ne manque pas de méthode.
Regardez cette épingle, gentlemen ! Nous pouvons erre fermement convaincus que son producteur ne l'a pas créée pour son usage personnel ou sa joie solitaire. Sans rien savoir de plus sur la situation de cet homme, j'aimerais parier que son épingle l'a copieusement nourri, si elle ne l'a pas transformé en citoyen fortuné. Et pourquoi cela ? Parce que la décision de placer son propre bien-être sur la pointe d'une aiguille ne pouvait mener qu'à une multiplication inouïe de l'art de produire des épingles de ce genre. Un ouvrier non qualifié, aussi sérieux et appliqué fût-il, ne pourrait sans doute pas en produire en une journée une seule qui puisse servir à quelque chose - et dans le meilleur des cas il n'en fabriquerait que quelques-unes. Mais à présent que la production d'épingles constitue une activité autonome, on obtient par la spécialisation des ouvriers une augmentation de la production qui frôle le miracle. Ce n'est pas seulement la quantité : la perfection des objets produits mérite elle aussi l'admiration. Le premier ouvrier tire le fil, l'autre le tend, un troisième le coupe, un quatrième l'appointit, un cinquième aiguise l'extrémité supérieure afin que l'on puisse poser la tête, et cela continue ainsi jusqu'à ce qu'au bout du compte un ouvrier consacre toute son ardeur au seul emballage du produit fini. Pour réaliser une épingle, il faut a peu près dix-huit étapes de travail différentes. J'ai moi-même visité tout récemment une manufacture dans laquelle dix ouvriers étaient capables de produire quarante-huit mille épingles chaque jour, de telle sorte que chacun d'entre eux pouvait en revendiquer à peu près cinq mille quotidiennement, tandis que, nous l'avons mentionne, un ouvrier seul aurait eu du mal à en fabriquer une seule dans le même laps de temps. C'est dans cette division intelligente du travail et sa recomposition tout aussi judicieuse, Messieurs, que vous pourrez à l'avenir chercher les causes dernières de la richesse des nations, en cela et en rien d'autre.
Mais la forte augmentation de la production et l'amélioration des marchandises en vue de l'échange ne font rien à elles seules. Car pour la production spécialisée de biens, il faut une société de citoyens éveillés qui a fait évoluer ses besoins dans toutes les directions. Imaginez, Messieurs, qu'il existe dans une nation dix ou vingt manufactures d'aiguilles dont chacune n'ait rien à envier à la productivité de celle que j'ai décrite : il faudrait en même temps demander un peuple d'acheteurs d'aiguilles, un peuple qui, outre mille autres prétentions extraordinaires, exprimerait aussi son besoin d'être abondamment approvisionné avec ces entités délicates. Le nombre requis ne sera pas mince, il est facile de le calculer, car dans une seule fabrique on produit quarante-huit mille épingles pour chacun des trois cents jours ouvrés de l'année, soit un total d'environ quinze millions. Si cette performance est atteinte aussi régulièrement dans dix ou vingt manufactures du même type, la production globale devra être multipliée par ce facteur. Un peuple civilise, on pourrait le déduire du point de vue de l'économiste, est par conséquent un groupe de personnes suffisamment cultivées pour consommer en une année cent cinquante ou trois cents millions d'épingles. Comprenez-vous à présent ? Voyez-vous les conséquences ? Quel flot de richesse d'une autre nature voyons-nous forcement défiler ici devant nos yeux car, gentlemen, là où l'on a besoin d'un aussi grand nombre d'épingles, il faut aussi qu'existe des montagnes de tissus, des halles entières de soie noble, les comptoirs les plus vastes remplis des trésors textiles du monde et de gigantesques entrepôts pleins de vêtements, de draps, de couvertures et de rideaux de toutes espèces. Tout cela se fait au vu et au su de chaque observateur, tout cela veut être cousu et assemblé, tout cela appelle les épingles, les fils et des dizaines de milliers de mains qui cousent et qui piquent tout ce qu'elles attrapent. Nous voyons immédiatement apparaître l'image d'innombrables dames élégantes qui, vêtues de robes magnifiques, virevoltent devant leur miroir. Mais nous ne pensons pas seulement aux femmes riches : les boutiquières, les servantes participent aussi à ces voltes coquettes. Et songez aux navires dans les ports, aux véhicules sur les routes nationales, qui acheminent de tels trésors de par le monde ! Bref, il a fallu que tous ces besoins soient éveillés et aient atteint des niveaux éminents pour que l'industrie locale de l'épingle atteigne le sommet de ses performances. En dernier lieu, c'est forcément l'étranger qui prêtera attention à nos manufactures d'épingles, il ne pourra même qu'en être jaloux. De nombreux marchands venus de toutes sortes de pays visitent l'île britannique pour orienter nos excédents vers leurs contrées. Qui s'étonnerait alors que cette épingle insignifiante devienne une source de grande prospérité pour un nombre non négligeable de personnes, et une base de revenus assez sûre pour beaucoup d'autres ?
Voici venu, Messieurs, le moment de dire toute la vérité sur le système moderne des besoins ! La production d'épingles aussi solides et aussi nombreuses ne pourrait jamais fonctionner, que ce soit dans cette nation ou dans une autre, si n'avait mûri dans l'âme du premier entrepreneur le projet d'attacher tout son avenir à la production de ce bien qui fait partie de ce monde. Quelle perspicacité, lorsque ce producteur a compris pour la première fois qu'un nouveau grand marché promettait de s'ouvrir ici ! Quel courage de prendre, sur une simple intuition, un crédit auprès d'un banquier, pour payer des outils et des machines ! Quelle obstination à chercher des bâtiments appropries et à trouver des ouvriers compétents qui consacrent leurs journées à la manufacture pour mettre en oeuvre leur savoir-faire sous la direction du propriétaire et de ses subordonnés ! Quelle habilité que de choisir les marchands, les transporteurs et les agents sans les services desquels les épingles n'arriveraient jamais dans le vaste monde, dans les autres ateliers et dans les maisons des utilisateurs ! Quelle énergie stoïque faut-il pour se lancer bon an, mal an, dans la compétition avec les fabricants de produits similaires, sans perdre courage et en réfléchissant constamment à l'amélioration de la marchandise ! Comprenez-moi bien : je ne veux pas seulement faire l'éloge de l'homme compétent auquel sa foi active dans les épingles permet de proposer un bien aussi utile au monde entier, pour autant que celui-ci est prêt à en payer le prix naturel. je voudrais plus encore glorifier le secret qui se cache derrière le lien entre toutes les marchandises pour l'échange sur les marchés. Messieurs, je ne souhaiterais rien tant que de parvenir a allumer en vous l'étincelle de l'étonnement que m'inspire le mystère quotidien de notre époque : étonnez-vous avec moi sur cet événement si simple et pourtant tellement incompréhensible, le fait que des millions d'épingles fassent leur chemin de la mine de fer aux usines sidérurgiques, des usines aux manufactures, des manufactures aux comptoirs et maisons de commerce, et des maisons de commerce aux ateliers et aux foyers ou elles donnent de nombreuses preuves de leur utilité, aussi triviale puisse-t-elle paraître ! Si l'on voulait utiliser une métaphore poétique, on pourrait devenir superstitieux et se permettre l'idée exaltée qu'il existe, dans un monde supérieur qui prendrait part au nôtre, un peuple d'esprit des épingles qui, tels des démons porte-bonheur, accompagnent les épingles terrestres dans leur métamorphose. Mais écartons la tentation des images poétiques et regardons sobrement la cohésion des choses, telle qu'elle se déploie sur les marchés de ce monde ! Cette cohésion est-elle moins enchanteresse lorsque nous l'observons avec les yeux de la science ? Certainement pas, Messieurs ! Plus nous envisageons sèchement les choses, plus notre admiration va augmenter en constatant que non seulement les épingles, mais des dizaines de milliers de produits différents suivent leur route avec la ponctualité la plus étonnante, comme si une main invisible les guidait vers leur lieu de destination.
Honorable assistance, je crains que vous ne deviez me pardonner l'image audacieuse que je viens d'utiliser, mieux, vous allez devoir tolérer que j'aille encore plus loin en disant que cette main invisible ne mène pas seulement ces différentes sortes de marchandises sur leur chemin, non, plus encore, qu'elle garantit de la manière la plus étrange et la plus sûre cette cohésion générale des choses produites au nom de l'échange que nous appelons le marché mondial. Pour l'amour du ciel, allez-vous vous exclamer, Messieurs : l'orateur est-il devenu fou ? A-t-il tous ses esprits lorsqu'il parle d'une main invisible qui, venant d'on ne sait où, se permet d'intervenir pour mettre de l'ordre sur les marchés ? Vous avez certainement motif à élever cette objection, Messieurs, et pourtant mon devoir est de vous répondre que l'étude la plus détaillée des marchés m'a conduit à la supposition, et même à la ferme conviction qu'il doit exister en eux une puissance supérieure compensatrice. Une comparaison peut vous aider à comprendre cette conviction profonde. Pensez à ces galants éhontés qui forcèrent jadis Pénélope à tisser sa tunique de noces puisque son époux, Ulysse, n'avait plus aucune chance de revenir ! Avec quel agacement, avec quelle méfiance ces messieurs devaient-il noter qu'une main dissimulée avait régulièrement défait, la nuit, ce qu'on avait tissé dans la journée ! Notre situation est aujourd'hui bien meilleure, Messieurs, car nous avons le privilège de voir une main invisible fabriquer de jour et de nuit une seule et même pièce, un drap plusieurs milliers de fois plus grand, mieux tissé, plus riche de fils et de motifs que la tunique de noces d'Ithaque, et bien plus utile puisque, vous le savez, cette chemise n'allait jamais être portée, Ulysse étant au bout du compte revenu chez lui. Combien devrions-nous être plus étonnés que cette troupe d'invités insolents qui rivalisaient Pour les faveurs d'une matrone ! Tandis que sa propre main défaisait ce qu'elle avait elle-même tisse, le marché mondial noue dans notre dos, selon ses lois encore tout à fait obscures, ce que nous avons défait en confiant nos destins à la division du travail et au commerce. Pénélope, la tisseuse rusée, avait sur nous cet avantage qu'elle voyait sa propre action dans les deux directions. C'est elle-même qui tissait et défaisait. Nous, en revanche, nous ne connaissons nos affaires que dans un seul sens. Nous fournissons les différents fils et nous devons laisser au marché, le grand tisserand, et à sa main enchantée, le soin de savoir s'il veut les nouer ou les tisser. Messieurs, je vous conseille de manière pressante, pour tout l'avenir, de vous en tenir à la croyance selon laquelle le marché en saura toujours plus sur le tissu dans son ensemble que nous ne sommes capables de l'appréhender avec notre vision limitée aux fils pris isolément !
Que résulte-t-il de tout cela pour l'art de diriger une grande communauté ? demanderez-vous, Messieurs, et je ne voudrais pas rester sans vous apporter une esquisse de réponse. Dans un État bien régi où l'on a bridé le gaspillage des gens improductifs apparaît inévitablement une prospérité générale sensible jusque dans les catégories les plus basses de la population. Elle se forme obligatoirement si les gouvernements se conforment à l'idée de ne pas entraver le grand métier à tisser et la main invisible qui l'actionne. Un État riche est la somme de ses villes prospères ; mais la ville est une foire permanente où la région avoisinante afflue pour pratiquer le commerce et étudier les innovations. Heureuses les nations qui sont d'ores et déjà des foires permanentes ! Heureux le monde qui sera un jour une unique foire emplie du bruit des marchands et des acheteurs ! Dans ce monde, les philosophes recevront des producteurs d'épingles une indication qui dirigera leurs pensées sur de nouvelles voies. Ils admettront un jour que ce bien élevé qui, depuis l'époque des Anciens, Porte le nom de liberté humaine, n'est rien d'autre que le reflet des choses mobiles sur les marchés, qui ont acquis la liberté par leur prix, si je peux m'exprimer ainsi. La liberté signifie pour les choses la possibilité de changer de propriétaire ; la liberté pour les personnes signifie en revanche qu'elles se libèrent par rachat du service qu'elles devaient a des pouvoirs féodaux afin de devenir leurs propres propriétaires. Le grand affranchissement se produit lorsque nous ne servons plus un maître que nous connaissons, mais les besoins de tiers situés au même niveau que nous et que, pour la plupart, nous ne connaissons pas.
Messieurs, libérez-moi à présent de mon devoir. je vous en prie, consacrez l'une de vos heures de calme au paradoxe sur lequel j'ai conclu mon discours. C'est effectivement un paradoxe insondable que nous devions notre liberté, qui nous est si chère, à notre soumission aux besoins de tierces personnes. Pour aujourd'hui, nous effaroucherons les spectres de la profondeur d'esprit qui veut franchir les frontières du bon sens. Laissons à nos collègues allemands le soin de descendre dans les sombres abîmes de l'existence et de revenir avec du faux or à la lumière du jour ! Levons nos verres à notre hôte, le noble Chancelier du Trésor d'Angleterre ! je sais bien à quel point l'aperçu que j'ai eu le plaisir embarrassant de vous exposer est insuffisant. J'ai la vive conscience du fait qu'avec ce que j'ai dit, je me suis mis autant en faute à l'égard de la science qu'a celui de votre patience. Soyez indulgent avec mon discours prononcé à la hâte. Accordez-moi ces circonstances atténuantes dont peut bénéficier un orateur dans ma situation. Mais si je devais aujourd'hui, Écossais parmi des gentlemen anglais, m'être montré avare de mes mots, je n'économiserais certes pas la gratitude pour l'honneur que vous m'avez fait en m'accordant votre attention, cette jolie fille de la sociabilité et de la gravité masculine. »
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