[7]
Le racisme allemand.
Essai de mise au point.
1935-1939: Henri Heine disait...
« Le christianisme, et c’est là son plus beau mérite, a adouci, jusqu’à un certain point, cette brutale ardeur batailleuse des Germains ; mais il n’a pu toutefois la détruire, et quand la croix, ce talisman qui la dompte, viendra à se briser, alors de nouveau la férocité des anciens combattants se donnera libre carrière, cette fureur absurde des Berserkers * qui entre en marchant dans une fureur sacrée que les poètes du Nord chantent et célèbrent tant de fois. Or, ce talisman est vermoulu et le jour viendra où il s’effondrera de pitoyable manière. Alors les vieilles divinités guerrières se lèveront de leurs tombeaux oubliés, essuyant de leurs yeux la poussière millénaire ; Thor se dressera avec son marteau gigantesque et démolira les cathédrales gothiques… Quand vous entendrez le vacarme et le tumulte, soyez sur vos gardes, nos chers voisins de France, et ne vous mêlez pas des affaires que nous ferons chez nous en Allemagne. Il pourrait vous en arriver mal. Gardez-vous de souffler le feu, gardez-vous de l’éteindre, car vous pourriez facilement vous brûler les doigts. Ne riez pas [8] de ces conseils, quoiqu’ils viennent d’un rêveur qui vous invite à vous déifier des kantiens, des fichtéens, des philosophes de la nature. Ne riez point du poète fantasque qui attend dans le monde des faits la même révolution qui s’est opérée dans le domaine de l’esprit. La pensée précède l’action comme l’éclair le tonnerre. Le tonnerre en Allemagne est assurément, lui aussi, un authentique Allemand. Il n’est pas très leste, et vient en roulant un peu lentement. Mais il viendra, et quand vous entendrez un craquement comme jamais craquement ne s’est fait entendre dans l’histoire du monde, sachez que le tonnerre allemand aura enfin touché le but. À ce bruit, les aigles tomberont morts du haut des airs. ci les lions, dans les déserts les plus reculés de l’Afrique, baisseront la queue et se glisseront dans leurs antres royaux. On représentera en Allemagne un drame auprès duquel la Révolution Française pourrait bien ne sembler qu’une innocente idylle…
Et l’heure sonnera. Les peuples se grouperont comme sur les gradins d’un amphithéâtre, autour de l’Allemagne, pour voir ces grands et terribles jeux. Je vous le conseille, Français, tenez-vous alors fort tranquilles, et surtout gardez-vous d’applaudir. Nous pourrions facilement mal interpréter vos intentions, et vous renvoyer un peu brutalement, suivant notre manière impolie ; car, si jadis, dans notre état de servilité maussade, nous avons pu nous mesurer avec vous, nous le pourrions bien plus encore dans l’ivresse arrogante de notre jeune liberté. Vous savez [9] par vous-même tout ce qu’on peut dans un pareil état, et cet état, vous n’y êtes plus… Prenez donc garde. Je n’ai que de bonnes intentions et je vous dis d’amères vérités. Vous avez plus à craindre de l’Allemagne délivrée que de la Sainte Alliance tout entière avec tous les Croates et les Cosaques. D’abord, on ne vous aime pas en Allemagne, ce qui est presque incompréhensible, car vous êtes pourtant bien aimables, et vous vous êtes donné, pendant votre séjour en Allemagne, beaucoup de peine pour plaire, au moins à la meilleure et à la plus belle moitié du peuple allemand ; mais lors même que cette moitié vous aimerait, c’est justement celle qui ne porte pas d’armes et dont l’amitié vous servirait peu. Ce qu’on vous reproche, au juste, je n’ai jamais pu le savoir. Un jour, à Gœttingue, dans un cabaret à bière, un jeune Vieille-Allemagne dit qu’il fallait venger dans le sang des Français le supplice de Konradin de Hohenstaufen que vous avez décapité à Naples. Vous avez certainement oublié cela depuis longtemps ; mais nous n’oublions rien, nous. Vous voyez que, lorsque l’envie nous prendra d’en découdre avec vous, nous ne manquerons pas de raisons valables. Dans tous les cas, je vous conseille d’être sur vos gardes. Arrive ce qui voudra en Allemagne, que le prince royal de Prusse ou le docteur Wirth parvienne à la dictature, tenez-vous toujours armés, demeurez tranquilles à votre poste, l’arme au bras. Je n’ai pour vous que de bonnes intentions, et j’ai presque été effrayé quand j’ai entendu dire que vos [10] Ministres avaient le projet de désarmer la France…
Comme, en dépit de votre romantisme actuel, vous êtes nés classiques, vous connaissez l’Olympe. Parmi les joyeuses divinités qui s’y régalent de nectar et d’ambroisie, vous voyez une déesse qui, au milieu de ces doux loisirs, conserve néanmoins toujours une cuirasse, le casque en tête et la lance à la main.
C’est la déesse de la sagesse. »
Henri Heine. De l’Allemagne 1835.
« Rien ne saurait m’empêcher de devenir ici insolent et de crier aux Allemands quelques terribles vérités. Qui donc le ferait si ce n’était moi ? Je parle de leur impudence “in historici… avant tout ils veulent être “Allemands” ; avant tout ils veulent être “Race”. Ce n’est qu’alors, pensent-ils, qu’ils pourront distinguer entre les valeurs et les non-valeurs “in historicis” ; ce n’est qu’alors qu’ils pourraient découvrir les véritables valeurs. “Être Allemand”, est un argument. “L’Allemagne, l’Allemagne, au-dessus de tout” est un principe. Ces Germains, avec leur justice de fer ! »
Friederich Nietzsche, « Le Cas Wagner ».
* Dans la mythologie nordique et germanique noirrois , désigne un guerrier-fauve, ou « peau-d’ours », porteur, en marchant à la guerre ou à la chasse, de surpuissance et d’exploits.
|