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Un Haïtien parle.
Avant-propos
Depuis que Verlaine a recommandé de prendre l'éloquence et de « tordre son cou », le lyrisme en prose ou en vers est considéré par les intellectuels purs comme le langage d'une âme grossière.
Le « discours », qui fait souvent appel aux sentiments élémentaires de la foule, est particulièrement honni : les clercs ont décrété son expulsion de la littérature.
Je reconnais que semblable hostilité paraît se justifier en Haïti où l'éloquence est synonyme de déclamation et où l'orateur mérite trop souvent la réputation de bavard qu'on lui fait.
J'ai moi-même beaucoup discouru à l’étranger comme en Haïti, et mes compatriotes me l'ont quelquefois malicieusement reproché.
Si je réunis en volume quelques-uns de ces discours, ce n'est point pour faire œuvre de littérateur ou étalage d'éloquence. Je n'ai pris la parole ici ou ailleurs que pour traiter de sujets intéressant le peuple haïtien, sa formation historique, son état social, son éducation, sa prospérité matérielle, ses relations politiques et économiques avec les autres nations.
Je me suis efforcé, dans toutes les occasions, de parler avec la plus grande simplicité. Et si, à Paris, à Genève, à Lyon, à Rome, à Washington, à New-York, j'ai été accueilli par la sympathie frémissante des auditoires, j'attribue ce succès, non à des qualités purement oratoires, mais à la sincérité profonde dont j'étais animé chaque fois que j'élevais la voix en faveur de ma petite patrie.
J'ai pensé que les discours rassemblés dans ce recueil pourront offrir quelque intérêt à ceux qui étudient le problème haïtien.
Je n'ai pas d'autre prétention.
Dantès Bellegarde
21 Février 1934.
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