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Avertissement
sur la présente édition
Le présent texte est un abrégé des Six Livres de la République de Jean Bodin, et reprend le texte de l'édition de Paris de 1583, paru chez Jacques Du Puis, Libraire juré, à la Samaritaine. J'ai utilisé la deuxième réimpression en fac-similé fournie par Scientia Verlag Aalen, Darmstadt, 1977. Le texte retenu représente exactement la moitié du texte original.
En France, ce texte fondamental n'a jamais fait l'objet d'une édition scientifique. On dispose bien d'une réimpression récente, en six volumes, dans le « Corpus des Œuvres philosophiques en langue française » (Fayard, 1986), qui a le mérite de présenter un texte ayant fait l'objet d'une modernisation typographique. Mais cette réimpression (qui ne reprend pas le texte de 1583, le meilleur) ne facilite pas la compréhension d'un lecteur contemporain, sans présenter pour autant les avantages d'une édition scientifique.
Le présent abrégé vise seulement à mettre à la disposition [40] d'un large public un texte rare et extrêmement difficile, quoique essentiel, au sens propre de ce mot. Il n'était pas possible de donner le texte intégral dans le cadre de cette édition. Mieux, cela n'était pas souhaitable tant le texte de Jean Bodin est littéralement illisible, et donc inintelligible, pour un non-spécialiste, dans son état original. Il faut une pratique de plusieurs années pour se familiariser avec ce texte d'une densité extrême. La langue de Bodin n'est pas stable et, pire, elle n'est pas structurée régulièrement ; l'orthographe varie. Bodin ne va jamais à la ligne dans le cours d'un chapitre ; il n'observe aucune règle de ponctuation. C'est ainsi qu'il abuse des deux points (:), en sorte que certaines phrases courent sur plusieurs pages. Mais surtout, Bodin, qui est d'une érudition prodigieuse, défiant tout savant moderne en « sciences humaines », insère, dans le cours d'une même proposition théorique ou d'une démonstration, plusieurs séries de digressions, exemples, illustrations et polémiques : historiques, juridiques, philosophiques. Si l'on considère que l'ouvrage, dans sa version in 8" de 1583, compte plus de mille pages imprimées dans un corps très fin, on aperçoit combien un lecteur contemporain non spécialiste ne saurait se lancer dans la version originale. L'abrégé que je présente tient compte des caractéristiques préclassiques de ce texte, telles que je viens sommairement de les décrire.
J'ai modernisé, non seulement la typographie, mais l'orthographe. J'ai agi sur la ponctuation, sans du tout la modifier fondamentalement, afin de rendre le texte accessible à un lecteur contemporain, tout en veillant à préserver la saveur de la langue bodinienne. J'ai pratiqué quelques alinéas. On trouvera entre crochets [ ] un mot ou une expression se substituant à un mot ou à une expression sans signification pour un lecteur d'aujourd'hui ou simplement nécessaires à la compréhension de la phrase. Les majuscules sont de Bodin. Les intertitres en italique sont de Bodin ; dans l'original, ils figurent sous forme d'indications marginales. La plupart des notes de bas de page (marginales elles aussi dans l'original) n'a pu être maintenue dans le présent abrégé en raison de leur caractère souvent très imprécis ou obscur. Les chiffres entre crochets gras [122-136] * renvoient à la pagination de l'édition de [41] 1583. Le symbole /.../, sans indication de chiffre, signale une coupure n'excédant pas deux pages dans le texte original.
Quant au fond, j'ai cherché à dégager la substance théorique de l'ouvrage, en libérant celle-ci de l'épais sédiment qui la recouvre, auquel je fais allusion ci-dessus. Toutefois, ma règle générale a été le respect de ce texte à maints égards inouï. J'espère ne pas l'avoir trahi et mon entreprise hasardeuse aura trouvé sa justification si elle permet à un grand nombre de lecteurs de lire Bodin en lui ménageant une voie d'accès au texte original.
G.M.
* [À ne pas confondre avec les numéros entre accolades en caractère non-gras et précédé de p., qui font référence à l’édition papier, (1993). MB.]
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