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Collection « Les auteur(e)s classiques »
Une édition électronique sera réalisée à partir du texte d'Henri de Man (1885-1953), L'ère des masses et le déclin de la civilisation (1951). Traduit de l'Allemand par M. Delmas. Titre original: Vernassung und Kulturverfull. Paris: Au Portulan chez Flammarion, 1954, 297 pp. Première édition allemande, 1951. [Autorisation accordée le 9 août 2004 par les ayant-droit, par l'intermédiaire de M. Jan Piet H. de Man, petit-fils de M. Henri de Man.] Avant-propos de la 2e édition allemande, 1952 La plupart des comptes rendus et des lettres de lecteurs qui me sont tombés sous les yeux depuis la publication de cet ouvrage ont dissipé les craintes que je laissais percer dans mon premier avant-propos. Il semble donc que j'aie largement atteint mon but : signaler un danger sans pour cela faire peur et donc décourager, et je n'aurais rien à ajouter si une minorité de lecteurs, au reste bienveillants, n'était d'avis qu'entre la rigueur de mon diagnostic et la réserve de mes pronostics, il existe un désaccord inexpliqué. À vrai dire ces images médicales s'appliquent mal à la nature de leur objet. La grégarisation n'est pas une maladie pour laquelle il faudrait découvrir une thérapeutique. Elle est la suite normale, logique, d'une évolution générale de la société sur laquelle on ne saurait revenir sans renoncer au machinisme, à l'économie industrialisée, à la forme démocratique de l'État. Il ne s'agit pas de prescrire à un malade le bon remède ; il s'agit de lutter contre la dégénérescence d'un organisme dont nous sommes les cellules, en reconnaissant comme telles les forces susceptibles de renverser le sens de l'évolution présente et en leur venant en aide. Dans cette tâche les efforts individuels de résistance ne peuvent eux non plus s'exercer que par l'entremise de forces de masses. C'est donc affaire non point de médication, mais de lutte. La réponse à la question : « Qu'y pouvons nous ? » se trouve, en dernière analyse, sur le plan de la politique - au sens le plus large et le plus élevé de ce mot, qui renferme en lui bien autre chose encore que les querelles des partis et l'élaboration des lois et aussi bien plus que ce que l'on appelle une politique culturelle. Car ce livre aurait manqué son but essentiel s'il n'avait pas réussi à faire toucher du doigt que la menace la plus immédiate qui pèse sur notre civilisation émane de la guerre en permanence. Et celle-ci de son côté ne peut être comprise que comme un produit de la grégarisation : en particulier de l'organisation de masses, de la peur de masses, de la propagande de masses. Il est encore une autre raison pour laquelle l'image évoquée par le mot pronostic est inexacte. Si je ne suis pas un pessimiste, cela vient en fin de compte de ce que je tiens pour impossible tout pronostic en histoire. Inutile d'approfondir des problèmes philosophiques pour fonder cette conviction. Une remarque de simple bon sens y suffit : pas un historien n'a encore réussi à prédire ce qui allait se passer. Seul l'invraisemblable peut aujourd'hui avoir quelque vraisemblance : et ceci fait plus que jamais bonne mesure à notre incertitude et, par suite, à notre liberté - comme à la portée des espoirs que nous permet la raison. Henri de Man Greng, par Morat.
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