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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Le problème de l’incroyance au XVIe siècle. La religion de Rabelais (1947)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Lucien Febvre, Le problème de l’incroyance au XVIe siècle. La religion de Rabelais. Édition revue. Collection: L’évolution de l’humanité, synthèse collective. Paris: Albin Michel, Éditeur, 1947, 549 pages, 6 planches hors texte. Une édition numérique réalisée par M. Jean-Marc Simonet, bénévole, professeur retraité de l'enseignement, Université de Paris XI-Orsay.

AVANT-PROPOS
__________

Psychologie collective et raison individuelle.

  

Personne ne connaît mieux que Lucien Febvre l’histoire du XVIe siècle. Ç’a été son point de départ, et c’est resté son domaine de prédilection.D’une façon plus précise encore, c’est la Franche-Comté qui a été son terrain initial de recherche personnelle. Là il a acquis, avec un savoir puisé aux sources, la méthode et la doctrine. Muni de ce parachute, — expérience et réflexion, — il a pris son vol d’historien. Il a élargi sans cesse son souci de comprendre.Rien de ce qui se rapporte aux faits humains du passé, aux faits de tous ordres, — politique, économie, religion, philosophie, science, — rien, et pas davantage le milieu où se déroulent les faits [1], ne lui est demeuré étranger ; rien de ce qu’embrasse aujourd’hui le savoir encyclopédique n’échappe tout à fait à la curiosité du directeur de l’« Encyclopédie française ». Personne, à un plus haut degré, n’a cette préoccupation de synthèse qui a inspiré notre propre entreprise. On conçoit tout ce que l’histoire du XVIe siècle peut gagner à être traitée par un esprit de cette envergure. 

Le présent volume — que deux autres auraient dû précéder diffère, par le fond comme pour la forme, des volumes habituels de l’Évolution de l’Humanité. J’ai dit, au début de l’œuvre collective, que ce qui en ferait l’unité et l’autorité, ce serait, d’une part, le programme destiné à capter dans son filet les grands problèmes explicatifs, les éléments organiques de l’histoire ; et que ce serait, d’autre part, la solidité du savoir, la compétence, aussi grande, aussi reconnue que possible, des auteurs. Mais j’ai dit également que tous les volumes ne se ressembleraient pas de façon absolue ; que, les conditions premières étant sauves, chaque collaborateur manifesterait librement sa nature propre, sa manière personnelle, parfois son talent. Si je pouvais avoir comme collaborateur Michelet, j’accueillerais Michelet avec joie. 

Or, voici un autre Michelet, — mais mieux outillé, d’esprit plus critique, et qui, intuitif lui aussi, ne se laisse pas emporter par le génie créateur. Si original que soit ce livre, si vivant, si imagé qu’en soit le style, pour le fond historique Febvre y observe une prudence extrême (j’y reviendrai). A tout prix il veut « éviter le péché des péchés, le péché entre tous irrémissible : l’anachronisme » (p. 6). II veut l’éviter ; il le pourchasse chez autrui ; et le mot méprisant revient souvent sous sa plume [2]. Sans que le mot soit toujours employé, c’est contre la chose que « tout ce livre s’est trouve dirigé » [3]. 

Or, éviter l’anachronisme, atteindre la réalité d’un temps et d’un espace déterminés, en « comprendre et faire comprendre » la « façon de vouloir, de sentir, de penser et de croire » [4], c’est tâche particulièrement difficile. « L’historien n’est pas celui qui sait. Il est celui qui cherche » (p. 1). « Nous n’avons jamais de convictions absolues quand il s’agit de faits historiques... Nous cherchons. Avec les lumières de la seule raison ». Gardons-nous du simplisme. Méfions-nous de l’hypothèse : « hypothèse séduisante et vérité démontrée font deux » [5]. 

Quel est donc, ici, le propos, en ce qui concerne le XVIe siècle, de cet historien à la fois si épris de sa science et si convaincu de la difficulté de savoir ? 

*** 

Un problème se pose : comment concevoir exactement l’attitude du siècle par rapport à la religion ? Ses croyances, et ses lutte de croyances, le tome 52 est destiné à les exposer : mais a-t-il été capable d’incroyance ? « C’est tout un siècle à repenser », dont il s’agit de retrouver « le sens et l’esprit » [6]. Les opinions sont diverses : Febvre le montre. Il le montre à propos de Rabelais, si diversement jugé. Il recense les Rabelais, — Rabelais de la tradition, Rabelais des historiens et des critiques [7]. Or, il s’attache particulièrement, parce qu’elle lui a donné le « choc » d’où ce livre est sorti, à la thèse d’Abel Lefranc, qui a vu dans Rabelais, dès la date de 1532, un « ennemi du Christ, un athée militant » (p. 15), émule de Lucien, et « qui est allé plus loin que tous les écrivains contemporains dans la voie de l’opposition philosophique et religieuse » (p. 218). 

Pour traiter le difficile problème, Febvre centre donc son enquête sur Rabelais. Et qu’on ne s’étonne pas si, dans une œuvre destinée à étudier l’évolution de l’humanité, nous avons admis qu’un homme soit le « centre » de tout un volume. Cette œuvre veut être explicative : or l’explication comporte l’étude du rôle de l’individu, soit comme interprète d’un temps, soit comme initiateur de l’avenir. Et justement il s’agit ici de savoir dans quelle mesure celui-là reflète son siècle, dans quelle mesure il a pu le devancer ou le dépasser. 

Febvre admire en Rabelais « le plus grand artiste en prose de son temps », « le premier des grands romanciers modernes », « un des trois ou quatre écrivains vraiment puissants et originaux que la France possède » [8] mais ce n’est pas de l’écrivain qu’il s’occupe, c’est de l’homme par rapport à son milieu (p. 17). Est-il, ou non, le libre penseur qui, dès 1532, « avait cessé d’être chrétien » et dont le rire lucianesque déguisait des desseins « que personne n’avait osé concevoir pendant de longs siècles » (p. 218) ? Ce novateur-là, était-il possible qu’il le fût ? La question ainsi posée étend bien le problème au siècle tout entier. 

Entre le problème et la solution, l’enquête sera d’une patiente rigueur. 

*** 

Considérons donc le cas Rabelais. C’est un procès qu’il s’agit d’instruire. Il faut peser des témoignages, — témoignages d’amis, témoignages d’ennemis. 

Febvre commence par interroger les poètes latins de ce temps. Il prouve que des épigrammes, des textes divers, n’ont été appliqués à Rabelais que par lourdes méprises, ou n’atteignent en lui que des ridicules sans portée [9] ; que des pièces nombreuses, authentiquement consacrées à Rabelais, lui sont favorables ou ne soulèvent pas la question religieuse [10]. Il semble, par contre, que, de bonne heure, Gargantua, Pantagruel et Panurge aient engendré un Rabelais légendaire, « chantre de la Dive Bouteille et prodigieux biberon » [11]. 

En second lieu viennent les théologiens et controversistes. Nouvelle discussion, où les témoignages sont passés « au crible d’une logique aussi serrée que possible » (p. 159) il en ressort que pas un ne prouve 1’« athéisme » de Rabelais, que pas un n’est antérieur à 1550, que pas un « n’ « émane d’un esprit libre », que, dans ces controverses, tous ces hommes sont « dressés les uns contre les autres, l’injure à la bouche — ou l’anathème, en attendant mieux » (p. 157) ; et que, d’ailleurs, le mot « athée » n’avait pas alors le sens précis que nous lui assignons : « il s’employait dans le sens qu’on voulait bien lui donner », et « c’était l’injure suprême que des polémistes de tendances très diverses s’envoyaient les uns aux antres » [12]. 

Et « voici venu le moment d’interroger Rabelais, Rabelais lui-même » (p. 159), c’est-à-dire son œuvre. Pénétrante analyse, où Febvre observe d’abord qu’à la suite du Moyen âge qui, dans l’absolu de sa loi, se permettait avec les choses et les êtres de la religion des familiarités anodines, Rabelais parsème son roman de « bonnes vieilles plaisanteries », de « malices d’Église », « qu’on manque de psychologie en prenant pour des attaques venimeuses et sournoises » [13]. 

Des textes relatifs à l’immortalité de l’âme et au miracle, interprétés par Louis Thuasne et Abel Lefranc à la charge de Babelais, le sont par Febvre à sa décharge. Ici encore, il relève l’influence persistante du Moyen âge, de sa théologie, pour la conception de l’âme [14], de ses romans, pleins d’aventures merveilleuses, pour le miracle [15]. On pouvait, observe Febvre, en 1532, « se dire, se croire, être chrétien, et vouloir, avant tout, libérer les fidèles, les simples croyants, de terreurs enfantines et de superstitions grossières ». 

Des conclusions négatives — à cette date de 1532, Rabelais « n’a pas été l’annonciateur des temps nouveaux, le héraut surhumain d’une foi rationaliste faite pour réduire en cendres les religions » [16] — Febvre passe à une recherche positive : que pensait, au fond, Rabelais, toujours à la même date, des choses de la religion ? Quel est le credo des géants ? 

A qui se pose cette question, il apparaît tout d’abord, non sans surprise, que « dans les premiers livres de Rabelais, des pages entières sont tissues de citations ou d’allusions évangéliques et bibliques » (p. 260). Comme la religion d’Erasme, la religion gigantale, plus que du Père et de l’Esprit saint, est religion du Fils [17]. C’est sur la bonté divine qu’elle met l’accent ; c’est cette bonté qu’invoque la prière ; et dans le roman rabelaisien « on prie largement, amplement, solennellement » (p. 265). « Vingt fois... l’Évangile est invoqué, allégué, cité, préconisé, honoré, célébré, et toujours avec un accent de sincérité émue et d’enthousiaste gravité » (p. 271). Religion, en somme, qui veut un culte intérieur, — la droite conscience avant tout, — indifférente aux « constitutions humaines », ennemie des pratiques, hostile aux prêtres et aux moines. « Le salut, c’est œuvre individuelle affirmation d’accent tout moderne » [18]. Et Febvre cite, en grand nombre, les textes convaincants, qui sont religieux, qui sont chrétiens. « Mais de quel christianisme ? » (p. 290). 

Réformé ? Rabelais peut-il être ainsi défini ? De la discussion des témoignages à charge, il était ressorti que, vers 1532, bien loin de « prendre place dans la cohorte des libertins », Rabelais était considéré plutôt, par un Postel entre autres, comme « un fauteur de l’hérésie réformée » [19].D’une analyse minutieuse il ressort, maintenant, que le jeune Rabelais suivit avec une curiosité passionnée le « drame des Allemagnes », qu’il fut de ces esprits qui, entre 1530 et 1538, tentaient des voies nouvelles, avec un mélange d’audace et de timidité [20].Souffles luthériens et, en même temps, influence érasmienne : la piété gigantale « est plus proche de la religion érasmienne, interprétée libéralement et sans curiosités exagérées, que de la religion réformée » — plus proche, par sa profonde humanité et son optimisme ; mais, par la chaleur et l’onction, plus proche de Luther que d’Érasme [21]. 

De 1532 à 1538, cependant, puis à 1543, à 1548, « le monde a marché », et très vite. Et Rabelais, également, a marché : dans le Tiers Livre et le Quart Livre, il est loin de la Réforme ; il est l’adversaire des « pape figues », des « démoniacles Calvins imposteurs de Genève », comme des « papimanes ». Mais il reste fidèle à l’Évangile. Les guerres religieuses s’annoncent, et chez le « vieil évangéliste impénitent » leur fureur est à l’avance dénoncée. En lui survit l’idéal de sa jeunesse, — cet éramisme qu’il a rendu plus humain encore (p. 358). Et c’est alors que Rabelais est vu par certains avec d’autres yeux ; alors, qu’il est accusé d’athéisme et que Calvin lance contre lui l’anathème (p. 156). 

*** 

On peut se rendre compte par cet aperçu de la façon méthodique et sûre dont, ici, la pensée profonde de Rabelais est pénétrée. Mais ce n’est qu’un des aspects et l’un des mérites de ce livre d’une prodigieuse richesse. 

Chemin faisant, Febvre rencontre des milieux de toutes sortes, de nombreux personnages. On songe, en le suivant, à quelque cours d’eau, qui, constant dans sa direction, côtoie et reflète des rivages divers, des paysages changeants. 

Il rencontre les poètes latinisants, les « Apollons de collège » : il fait un tableau très vif en couleurs de ces « chevaliers servants du distique et de l’iambe » [22]. On ne sait ce qu’il faut admirer le plus : l’abondante érudition ou l’allègre raisonnement poursuivi parmi les textes pour découvrir les hommes visés sous des pseudonymes, par ces poètes prompts aux revirements, qui vont de l’amitié à l’antipathie, pour revenir à l’amitié, selon leurs humeurs, leurs intérêts, leur amour-propre flatté ou déçu. Son analyse — on pourrait dire son instruction — est menée avec une perspicacité qui ferait honneur à un juge. Mais le comportement du bon historien diffère-t-il de celui du juge ? 

Il rencontre aussi les poètes humanistes, les vrais poètes, — Ronsard, Du Bellay, Baïf, — et, ce qui est plus inattendu, ce qui est le fait d’un historien total de la civilisation, les musiciens. 

Il rencontre les professeurs, notamment ceux du Collège de Bordeaux, qu’il silhouette en quelques mots (pp. 30-31). Il rencontre les imprimeurs, en particulier ceux de Lyon, cité des livres, cité royale, où règne Gryphe, l’imprimeur au griffon (pp. 32-33) ; mais de plus humbles aussi, les « libraires du carrefour sous les auvents, les bisouards et porte-balles » (p. 187). Il rencontre les médecins et étudie leur doctrine en s’attachant à ce Fernel — que, « pendant un siècle et demi au moins ». des milliers d’hommes ont suivi docilement [23]. 

Il rencontre les prédicateurs, les « libres prêcheurs », « rudes et gaillards contempteurs des vices du temps » (p. 179). Il rencontre le monde des théologiens et controversistes, d’une « structure mentale » si particulière, redoutables jouteurs habitués aux solutions tranchantes [24] ; le monde de la Préréforme et de la Réforme, dont — Calvin mis à part — Rabelais, nous le savons, a les sympathies [25] ; et, comme Febvre a voulu « mettre en place la religion rabelaisienne par rapport aux autres religions » du temps (p. 344) et l’opposer aux tendances irréligieuses, il rencontre, d’une part, les « mal sentans de la foi », les « mécréants » [26], d’autre part, les trop crédules, les « pauvres idiots » [27]. 

Sur ces derniers milieux nous devrons insister. Notons, auparavant, que, dans tous, il y a des personnages que Febvre, en quelques pages ou en quelques lignes, a le doit de faire revivre, que son livre fourmille de signalements et de portraits. Portraits de savants en us, — un Visagier (Vulteius), un des « Apollons de collège », dont la vie accidentée, vagabonde, « reproduit, trait pour trait, celle de cent lettrés ses contemporains » [28] ; un Nicolas Bourbon, « vates entiché de son grec et de son latin », « abondant diseur de riens » [29] ; un Sussannée, « un instable et un violent, mi-savant mi-pédagogue » [30] ; un Macrin, un Chéradame [31], un Jules-César Scaliger : de ce dernier, de ce « type », aventurier assez doué, « gladiateur de lettres », « paon vaniteux et criard », il trace une frappante image [32]. 

Portraits des précurseurs et des protagonistes de la Réforme. Lefèvre d’Étaples, « un saint national », et Farel ne font qu’apparaître [33]. Mais Erasme est finement dessiné, « le subtil, ondoyant et nuancé Érasme », le « philosophe du Christ », dont la « religion humaniste » mettait l’essentiel à « faite fructifier en soi les dons de l’Esprit amour, joie, bonté, patience, foi, modestie », Érasme dont l’œuvre « moderniste » — sauf pour la sensibilité, nous l’avons vu — offre tant d’analogies avec celle de Rabelais [34]. Et volet Castellion, ce « pauvre chevalier de la triste figure » [35]. Et voici enfin Luther et Calvin : l’ex-frère, dont la « puissante voix », venue du « lointain Wittenberg », avait en France un large écho [36] ; le Noyonnais, qui, jeune, ne manquait pas « d’allant ni de feu », mais qui deviendra, de plus en plus austère et dur, — le bourreau de Servet [37]. 

Portraits aussi de quelques novateurs hardis, — esprits, pour ainsi dire, hors cadres. Un Guillaume Postel, « ce curieux, cet original, cet intelligent Postel », « un déséquilibré de génie au total, avec des parties d’illuminé et de délirant », rêvant la Concorde du Monde, « propagandiste d’une religion naturelle » qui embrasserait, « dans l’unité d’un Christianisme élargi, tout ce qu’il y a de meilleur (et au fond d’identique) clans le judaïsme, l’islamisme et le christianisme » [38]. Un Bodin, animé de préoccupations semblables, et qui peut substituer au catholicisme « un universalisme à base de connaissances scientifiques et d’étude comparative des faits : disons, d’un mot, à base d’humanité ». 

Tous deux ancêtres des Saint-Simoniens. Un Étienne Dolet, « brutal et sensible, ivre d’orgueil et fou de musique, remarquable nageur, prompt spadassin une force de la nature, mais mal réglée et déconcertante dans ses effets », qui sera martyr, lui qui « crie très haut sa haine des persécutions, inhumaines et, par surcroît, totalement inutiles » [39]. Un Des Périers, figure énigmatique,« que les critiques, tour à tour, tirent vers la Réforme, la libre-pensée, le mysticisme ou la gauloiserie [40] », et dont Febvre, dans un volume qui paraît en marge de celui-ci, éclaire l’état d’esprit. Le Cymbalum mundi fut « l’Introduction à la Vie libertine » ; c’est « un livre précurseur » [41]. 

*** 

Et maintenant nous arrivons à l’objet essentiel du livre, à l’étude de psychologie collective qui en est le tond et qui répond à la tâche principale de l’historien. Tant que tes travaux de psychologie historique feront défaut, « il n’y aura pas d’histoire possible », déclarait Febvre à une Semaine de Synthèse [42], On ne saur ait, affirme-t-il ici, comprendre le XVIe siècle en isolant l’individu du « climat moral » [43], de « l’atmosphère » de l’époque. Le problème pour lui, est « de savoir comment les hommes de 1532 ont pu entendre et comprendre Pantagruel et le Cymbalum mundi », ou plus encore, en retournant la phrase, « de savoir comment les mêmes hommes n’ont pu, certainement, ni les entendre ni les comprendre » Sans cesse il répète: « Eux, et non pas nous » ; « il ne s’agit pas de lire un texte du XVIe siècle avec ses yeux d’homme du XXe » [44] A travers le présent livre, mais surtout dons la dernière partie, — les limites de l’incroyance au xvie siècle, autrement dit : l’emprise de la religion sur les âmes, — il poursuit une analyse psychologique qui constitue un modèle. Mentalité du siècle, sensibilité du siècle ; vie intellectuelle, vie émotionnelle : psychologie totale de cette époque attachante, — voilà le fruit, le fruit précieux et rare, d’un travail de dix années. 

La sensibilité, Febvre estime avec raison que les historiens n’en ont pas, jusqu’ici, mesuré l’importance [45]. Lui, il relève « l’extrême mobilité d’humeur » des gens du XVIe siècle, « leurs violences et leurs caprices », « leur peu de défense contre les impressions du dehors » — d’autant plus fortes qu’on subissait, alors, davantage les contrastes du jour et de la nuit, de l’hiver et de l’été [46]. « Sentir », c’est la caractéristique du siècle (p. 490). Et il s’attache à évoquer l’atmosphère mystique où baignait alors l’existence. Depuis des siècles, le christianisme « pénètre et sature les esprits, se glisse par les usages dans tous les actes, toutes les pensées des hommes » ; le temps même est rythmé par la religion : c’est une prise insidieuse, multiforme, universelle. Ici, quelques pages, de toute beauté et de toute science, sur le rôle de l’église : l’église établie « en plein cœur » de la vie, — vie sentimentale, vie esthétique, vie professionnelle, vie publique — ; l’église, centre de toutes les grandes émotions collectives, — fêtes, cérémonies, processions, réjouissances, lieu d’assemblée, refuge et asile en temps de guerre ; l’église, dont la cloche sonne « pour le repos comme pour le travail, pour la prière et la délibération, pour la naissance et l’enterrement » [47]. 

Comment se dégager de la croyance commune ? Comment ne pas croire ? Il y faudrait des raisons (p. 492). Or, quelle est la structure mentale de ces hommes ? ils sont extraordinairement crédules, d’une « acide crédulité », dénués de tout esprit critique : présages, apparitions, signes prodigieux, guérisons stupéfiantes, songes prophétiques, miracles, miracles de Dieu ou miracles de Satan, [48] tout ce qui est surnaturel, ils l’admettent sans discussion, avec admiration ou tremblement. « Personne, alors, n’avait le sens de l’impossible » (p. 476). 

Sans doute, il y en a qui raisonnent ; mais « leur esprit ne suivait pas les mêmes démarches que le nôtre » (p. 150). Sous l’influence de ces « dogmatiques et pesantes personnes, Nos Maîtres les Théologiens », on pratiquait jusqu’à l’absurde la logique déductive, la « vieille mécanique logicienne » [49]. Ils raisonnaient sans besoin de preuves, sans souci d’objectivité, sans crainte de contradictions, en sorte que des tendances opposées pouvaient coexister dans une même tête [50]. 

*** 

En contraste avec la vieille méthode dogmatique, le dialogue, résurrection de l’humanisme, le dialogue « libéral et émancipateur », marque un tournant de la mentalité. Febvre, dans tout le livre, insiste sur l’évolution qui assouplit les esprits.Nous avons vu que, de 1532 à 38, puis à 43 (grande année), puis à 52, le siècle a marché : il a marché dans le sens de la réforme religieuse [51], mais aussi dans le sens de la hardiesse de pensée, du « glissement pers des doctrines de plus en plus libérales [52] ». « Lucien », « singe de Lucien », « Lucianiste » ou « Lucianique » : tel est le nom qu’on donnait « à tous ceux qui pensaient un peu hors série, ou s’en donnaient les airs » [53]. Et ils étaient nombreux, ces Lucianiques, qui, disait Calvin, « font semblant d’adhérer à la parolle et dedans leurs cueurs s’en moquent et ne l’estiment non plus qu’une fable » [54]. 

Bien plus, il y avait des « rationalistes militants », qui pouvaient aller jusqu’à la plus ferme hostilité au surnaturel, jusqu’à des solutions « nettement antichrétiennes » [55]. 

Febvre, cependant, déclare que « parler de rationalisme et de libre pensée, s’agissant d’une époque où, contre une religion aux prises universelles, les hommes les plus intelligents et les plus audacieux étaient incapables vraiment de trouver un appui soit dans la philosophie, soit dans la science : c’est parler d’une chimère » [56]. La philosophie ? Mais elle ne disposait pas des mots « dont, pour philosopher, nous ne saurions vraiment nous passer », elle manquait du soutien logique d’une syntaxe rigoureuse [57]. Sans doute, il y avait le latin : mais « était-il capable d’accoucher des idées qui hésitaient à naître ? » (p. 396,). « La philosophie, alors, ce ne sont que des opinions. Un chaos d’opinions, contradictoires et flottantes. Flottantes, parce qu’il leur manque encore une base stable et solide. La base assurée qui les consolidera. La Science » (p. 411). Opinions, la philosophie : « la science d’alors ? des opinions pareillement » (p. 434). 

L’imprimerie naît, il est vrai ; mais elle sert à « compiler » : car les hommes de ce temps, « pour conquérir les secrets du monde, pour forcer la nature dans ses retraits ils n’avaient rien : ni armes, ni outils, ni plan d’ensemble » (p. 420). Pas d’instruments ; pas de langage algébrique ; pas même de langage mathématique commode (p. 423). En tout imprécision, inexactitude, — pour l’heure du jour, pour l’âge des gens, pour la chronologie [58]. Inexistence du sens historique ; absence ou insuffisance de l’observation, de l’expérimentation. Incuriosité des découvertes, — de celle même d’un nouveau monde ou de l’univers de Copernic [59]. 

On ne saurait dire à quel point les chapitres que nous résumons sont riches de faits et d’idées, de remarques fines et ingénieuses. Ainsi, Febvre note que le XVIe siècle n’est pas un siècle qui voit : pour la vue, le sens intellectuel par excellence, il est en retard sur l’ouïe et l’odorat : il « hume les souffles », il « capte les bruits » ; et de la musique, il vivait « autant que nous, plus que nous sans doute » [60]. 

Finalement, nous retombons sur la crédulité et le « primitivisme ». Tous, plus ou moins, crédules et rêveurs, mêlant « nature » et « surnature ». Et non pas seulement les incultes, les sots, les ignorants ; non seulement les pseudo-savants, les « spéculateurs en marge », — astrologues, cabalistes, hermétistes, chercheurs de pierre philosophale, « occultistes de toute obédience », dont Febvre parle en d’intéressantes pages, — qui portaient en eux un univers fantasmagorique [61] ; mais les savants eux-mêmes, qui« ne pensent pas encore que leur tâche, leur matière propre, c’est... de découvrir les lois et, plongés dans une masse de faits en apparence sans lien, d’y introduire un ordre, un classement, une hiérarchie » [62]. 

La Science : ce mot, ici, « fait anachronisme ». 

*** 

Fait-il vraiment anachronisme ? Le présent livre — Febvre l’a dit est né d’un « choc » ; il vise « une déformation de l’histoire intellectuelle et religieuse » [63]. Sa vigoureuse intelligence attache tant de prix à la discussion, dans la poursuite de la vérité, qu’il me saura gré, j’en suis sûr, de discuter avec lui quelque peu. Mon admiration pour son livre n’en doit apparaître que plus sincère et plus réfléchie. 

« Prétendre faire du XVIe siècle un siècle sceptique, un siècle libertin, un siècle rationaliste et le glorifier comme tel : la pire des erreurs et des illusions », dit-il dans sa conclusion (p. 500). Et à une thèse de ce genre il oppose — après avoir noté qu’il n’est pas « si facile pour un homme, si peu conformiste qu’on l’imagine d’ailleurs, de rompre avec les habitudes, les coutumes, les lois mêmes des groupes sociaux dont il fait partie » — ici. « religiosité profonde de la plupart des créateurs du monde moderne » [64]. 

La « religiosité profonde » du siècle, il l’a, certes, prouvée, fortement prouvée. Mais ici donne-t-il toute sa valeur créatrice au rôle de l’élite pensante, au travail de la raison individuelle ? 

Que certains textes « prennent pour le lecteur d’aujourd’hui un sens qu’ils n’avaient pas autrefois, une portée qu’ils n’avaient pas pour le penseur d’autrefois lui-même » ; que « l’incroyance varie avec les époques », et que « d’une époque à l’autre, par leur tour d’esprit, leur expérience scientifique et leurs arguments particuliers », les libres esprits diffèrent profondément [65] : d’accord. Mais la chaîne de ces libres esprits nous paraît former l’élément essentiel de l’histoire ; et, comme le « primitivisme » survit à l’époque contemporaine, nous croyons que la raison constructive — et la « science » préexistent dans le passé. 

Admettons que ce qu’a pu dire Rabelais contre la religion ait été « sans portée sociale », surtout « sans force contraignante » ; mais que cela « n’importe pas, historiquement parlant » (p. 381), voilà ce qui nous semble discutable. Quand Rabelais affirme que « gens liberes, bien nés, bien instruits... ont par nature un instinct et aiguillon qui toujours les pousse à faits vertueux, et les retire de vice » sans doute ne faut-il pas, là, voir la Nature des Naturalistes, « cette idole (avec la Vie) des temps biologiques » (p. 309) ; mais le mythe de Physis opposée à Antiphysie donne pourtant à ce terme de « nature » une signification profonde [66] et marque un tournant de la pensée. Au surplus, lorsque Febvre parle de la soif inextinguible de connaissance » de Rabelais ; lorsqu’il cite des propos de lui sur « l’aise et le plaisir merveilleux de l’entendement », qui, se proposant « de congnoistre la vérité de quelque chose, ne se repose jamais jusques à ce qu’il l’ait trouvée, et parvenu à la parfaite science d’elle, lors se contente » ; lorsqu’il dit que Rabelais entonne dans son Gargantua, dans son Pantagruel « l’hymne à la Science, au savoir indéfini des hommes » [67], ne corrige-t-il pas lui-même son jugement d’anachronisme » ? Sans doute ne faut-il pas installer les idées de Rabelais « en tête de série, à l’origine de nos idées à nous » (p. 497) : mais nos idées à nous ne sont pas proles sine matre creata. Il y a une généalogie, une longue et nécessaire généalogie des idées — où Rabelais prend place, et bonne place. 

En bien des esprits, au cours du livre, nous voyons de traditions diverses, spéculatives ou pratiques, la raison faire table rase pour l’observation et l’expérience. Ne revenons pas sur ce Dolet — dont Febvre cite un beau texte latin où est implicitement exprimée l’idée de loi naturelle [68]. Recueillons, par contre, son témoignage sur les médecins « animés depuis le XIVe siècle d’un esprit expérimental, rudimentaire encore, mais déjà agissant » (p. 438) ; et sur ces « précurseurs, Léonard, Servet, Palissy, Bruno et combien d’autres, pleins de pressentiment ». Ils n’emportaient pas « l’adhésion publique » [69]. D’accord. Mais ceux-là, ajoute-t-il dans une image admirable, « s’évadaient du cachot en esprit ». Le « cachot », c’est le milieu mythique, mystique, l’atmosphère de croyance. Cette « évasion en esprit », si peu retentissante qu’elle ait pu être, prend dans l’histoire une importance singulière. 

Si l’on veut entendre par « Science » les connaissances — elles-mêmes provisoires — de notre temps, il est de toute évidence qu’on ne la saurait trouver au XVIe siècle. Mais l’esprit scientifique — Abel Rey l’a fortement montré — date du moment où des hommes ont cherché à savoir, — à savoir pour savoir et non pas seulement pour vivre : en dehors des techniques, comme de la croyance, mais avec l’apport des techniques et le support de la « foi profonde », la science, dès lors, s’est construite graduellement. 

« A chaque civilisation son outillage mental » ; et cet outillage « ne vaut pas pour l’éternité, ni pour l’humanité ; pas même pour le cours restreint d’une évolution interne de civilisation » (p. 157). Entendons-nous : cet outillage vaut pour l’humanité, en ce sens qu’il représente un degré, un passage de l’esprit pour les progrès ultérieurs [70]. Avant les temps du travail collectif, quand les savants « jouissent à huis clos de leur vérité, ou la réservent à leurs amis » [71], ils ouvrent, cependant, pour la vérité. Febvre ne parle-t-il pas lui-même de « l’effort persévérant de l’intelligence humaine » (p. 384) ? Se déclare-t-il pas qu’il n’est plus guère question, aujourd’hui, de la « Nuit du Moyen âge » ? « Donc, quand on nous dit : à la Renaissance, l’esprit d’observation renaît — nous pouvons répondre : Non... Il n’a jamais disparu. Il prend seulement, peut-être, des formes nouvelles. Et très certainement, il s’outille rationnellement » [72]. 

*** 

Concluons. — Le point de départ de Febvre — réaction contre la thèse que le XVIe siècle serait déjà un « siècle des lumières » — l’a amené à mettre l’accent sur la religiosité de « ce temps très chrétien » (p. 401), sur tout ce qui manifeste la foi, la sensibilité collective. Il y a déjà quelques années, d’ailleurs, rendant compte d’un volume de l’Histoire littéraire du sentiment religieux en France, de l’abbé Bremond, Febvre disait : « Il est peu de sujets (la vie chrétienne sous l’ancien régime) d’une semblable importance pour la connaissance véritable et profonde de l’ancienne France, mais il en est peu aussi dont semblent se méfier pareillement les historiens de tout bord et de toutes tendances » [73]. 

Une préoccupation si neuve lui fait « minimiser », en apparence, cette logique créatrice du savoir, qu’il connaît, qu’il a reconnue, ici — car nous avons discuté Febvre à l’aide de Febvre lui-même — et bien souvent ailleurs. Dans ces articles, par exemple, de la Revue de Synthèse historique, où l’on voit sa curiosité, toujours en éveil, interroger l’horizon en tous sens. Plaidant — en 1924 — Pour l’Histoire des Sciences, il évoque « ce beau drame émouvant de l’histoire d’une science qui n’est, à vrai dire que le drame éternel de la pensée humaine ». Traitant — en 1927 — Un chapitre d’Histoire de l’Esprit humain, il déclare qu’il tient « l’histoire des sciences pour partie intégrante et fondamentale de cette histoire générale des sociétés humaines qui sera, un jour, l’histoire proprement dite, mais qu’à peine nous entrevoyons dans nos rêves » ; et, dans cet article, précisément, il est question du « beau et courageux mouvement scientifique de la Renaissance » [74]. 

 

Pour bien comprendre l’attitude intellectuelle, à la fois instinctive et voulue, de notre collaborateur, une remarque s’impose encore. L’historien-né qu’il est s’est toujours méfié de tout parti-pris unifiant. Déjà en 1913, A propos d’une étude de psychologie historique, il disait : « La perception des différences est aussi instructive, pour le moins, que celle des ressemblances. Il ne faut pas être dupe, jamais, de l’illusion d’une fausse unité de caractère... Notre nature est tissée de contradictions, au moins autant que d’harmonies » [75]. Ici, il déclare : « L’homme n’est pas l’homme » ; mais « les hommes varient, et bien plus que nous ne l’imaginons, et à beaucoup plus bref intervalle » (p. 158) Peut-être faudrait-il dire : il y a les hommes, et il y a l’homme ; il y a le milieu contingent de la croyance et le milieu progressif de la raison. Febvre nous l’accorderait : il voit et il fait voir les deux milieux ; mais il ne veut pas trop donner à l’homme. Son sens historique est si scrupuleux, sa vision si aiguë, qu’il est porté à insister plus sur la diversité que sur la similitude, sur le changement que sur la continuité et le progrès. 

Il parle de la science « qui se fait et se refait [76] continuellement » (p. 405) : il ne nierait pas qu’elle se parfait, mais il ne l’ajoute pas. Essentiellement changeante, telle qu’il la conçoit, est l’œuvre de l’historien : elle est « fille du temps » [77]. « Chaque époque, dit-il, se fabrique mentalement sa représentation du passé » ; sans doute, « un élément de progrès peut se glisser dans le travail d’histoire », mais « les curiosités et les motifs d’intérêt, si prompts à se transformer,... projettent l’attention des hommes d’une époque sur tels aspects du passé, longtemps laissés dans l’ombre, et que demain les ténèbres à nouveau recouvriront » (p. 2). Ne peut-on dire, plutôt, que les curiosités et les motifs d’intérêt se complètent ; qu’en histoire-science, rien ne se perd, tout s’ajoute ; qu’ainsi le passé apparaît peu à peu dans la complexité de ses éléments ? Et le livre même, le beau livre de Lucien Febvre, par le modèle qu’il donne d’une étude approfondie de psychologie collective, n’enrichit-il pas singulièrement la science de l’histoire ? [78]. 

Henri Berr.


[1] T. IV de l’Évolution de l’Humanité, La Terre et l’Histoire, Introduction géographique à l’histoire.

[2] Voir pp. 85, 309, 346, 382, 456, 491.

[3] Voir, par exemple, pp. 351, 354-55.

[4] Pp. 6, 17, 18.

[5] Voir pp. 93, 227, 235, 408 ; et sur ce qui manque à certains historiens, à certaines époques, à la notre même, pp. 208, 434, 471, 474, 476, 477. Peut-être va-t-il un peu loin, parfois, quand il dit par exemple : « N’est-il pas admis par consentement tacite et quasi universel, qu’il n’y a ni intérêt, ni profit, ni même matière à faire l’histoire des idées modernes ? » Note de la page 208.

[6] P. 11 ; cf. 3, 8, 12.

[7] Voir pp. 9, 12 et suiv., 68, 78, 98-99, 124, 218.

[8] Pp. 12, 259 ; cf. 186, 235, 449.

[9] Pp. 55, 64-65, 67, 72, 75, 77-78, 91.

[10] Pp. 94-95.

[11] Pp. 98-100.

[12] Voir notamment pp. 137, 140-141, 154, 159.

[13] Pp. 163, 171, 182.

[14] Pp. 198, 214. Distinction de l’âme sensitive et de l’âme intellective.

[15] Pp. 193 ; 255-256.

[16] P. 247 ; cf. 65.

[17] « Dieu, c’est nostre Saulveur », dit Gargantua (p. 326).

[18] Voir pp. 276, 326, 338.

[19] Pp. 123, 132, 148.

[20] Pp. 316, 321, 322, 326.

[21] Pp. 303, 306, 354.

[22] (3) Pp. 20 et suiv., 48, 59, 69, 76, 83, 102, 105. (Cf. le Des Périers de Febvre, pp. 17-23), Nombreuses citations, savoureusement traduites : voir, par ex., pp. 62-83, 75, 84.

[23] Pp. 197 et suiv., 216.

[24] Pp. 105, 448.

[25] Pp. 109, 110, 123, 132.

[26] Pp. 31, 106, 166.

[27] Pp. 173, 223.

[28] Pp. 30, 34 et suiv., 55.

[29] Pp. 40-43, 44-45, 67, 72, 73, 77.

[30] Pp. 68 et suiv.

[31] Pp. 69, 74.

[32] Pp. 78, 79, 80, 142, 144.

[33] Pp. 29, 131, 313.

[34] Pp. 28, 329 et suiv., 335, 338, 345, 350, 351 et suiv., 360 ; 448.

[35] Pp. 148, 136.

[36] Pp. 303, 316, 317, 321.

[37] Pp. 106, 127, 151, 156.

[38] Pp. 115 et suie., 125 et suiv., 145.

[39] Pp. 5, 29, 31, 34, 40, 48-53, 65, 129.

[40] Pp. 4, 97.

[41] Origène et Des Périers ou l’énigme du « Cymbalum Mundi », p. 131.

[42] La sensibilité dans l’histoire, voir La sensibilité dans l’homme et dans la nature, 10e Semaine de Synthèse.

[43] Pp. 178, 447.

[44] Pp. 6, 212, 309, 495.

[45] « Nous n’avons pas d’histoire de 1’Amour, qu’on y pense ! Nous n’avons pas d’histoire de la Mort. Nous n’avons pas d’histoire de la Pitié. Nous n’avons pas d’histoire de la Joie. Grâce aux Semaines de Synthèse, nous avons une esquisse rapide d’histoire de la Peur. Elle suffit à montrer de quel puissant intérêt de telles histoires pourraient être... » Toute la communication citée plus haut est absolument remarquable.

[46] Pp. 102-105, 114, 157.

[47] (1) Pp. 382- 33-3,371,375-381.

[48] (2) Pp. 236, 237, 443-444, 475 et suiv.

[49] Pp. 150-153, 158, 208, 213-214, 448.

[50] Voir pp. 302, 312. « Un beau livre à écrire, dit-il en note p. 151 sur les modes de raisonner du 16e s. ».

[51] Pp.111,176,178.

[52] P. 127 ; cf. 106,173.

[53] Pp. 56, 58, 61, 96, 122.

[54] P. 133. Cf. Henri Estienne, pp. 146-147.

[55] Pp. 37, 143, 243, 289.

[56] P. 382. – La contradiction avec ce qui précède n’est qu’apparente : le « rationalisme militant » dont parlait Febvre est le raisonnement – négatif – appliqué aux choses religieuses, et non le rationalisme – constructif – appliqué aux phénomènes naturels.

[57] Pp. 384, 388 et suiv.

[58] Pp. 425, 426, 429.

[59] Pp. 432, 459, 495.

[60] Pp. 461, 468, 472, 473. Sur la passion de Dolet pour la musique, voir le Des Périers de Febvre, p. 49.

[61] Voir pp. 288-289, 482, 486, sur l’astrologie en particulier, 193, 268.

[62] Pp. 480, 482.

[63] Voir pp. 3, 8-9, 345.

[64] Pp. 491, 501. – P. 8, Febvre citait Renan : « Kepler, Newton, Descartes et la plupart des fondateurs du monde moderne étaient des croyants. » Sur Descartes « croyant », sur l’évolution de sa pensée, il y aurait beaucoup à dire. Il est vrai qu’on peut élargir le sens du mot croyant.

[65] Pp. 7, 13, 497.

[66] « Physis (c’est nature) en sa première portée enfanta Beaulté et Harmonie... » Pantagruel, livre IV. chap. 32.

[67] Pp. 62, 196, 420.

[68] P. 444. – His notis securus ages, nec territus ullo – portento, credes generari cuncta sagacis – naturae vi praestante, imperioque stupendo. Cf. ce texte de Telesio : « Sensum videlicet et naturam, aliud praeterea nihil, secuti sumus, quae perpetuo sibi concors, idem semper, et eodem agit modo, atque idem semper operatur. » De rerum natura, in Proœmio. – Dans la « pensée profonde » (p. 453), les concepts intuitifs devancent les mots qui les fixeront. « Langues, pensée » : sur leurs rapports, voir p. 392. Ribot, dans l’Évolution des idées générales (p. 222) cite d’intéressantes remarques de Wundt sur le développement de ta notion de loi : « Le concept de loi naturelle considérée comme une sorte de règle, de police, ne s’est formé et établi que très lentement. Copernic et Kepler se servent du mot hypothèse. »

[69] P. 460. Voir aussi, sur Copernic, pp. 437 et suiv. A propos du « gros problème du précurseur, de l’homme qui a deviné l’avenir », Febvre cite Rauh : il rend témoignage à un maître trop tôt disparu et qui vit, non seulement par ses œuvres, mais par une sorte d’action prolongée dans le cœur et l’esprit de ceux qui l’ont connu. Parlant de la vérité morale, Rauh disait que te précurseur n’eût pas pu la réaliser : « il n’aurait pu que la rêver ». Mais le rêve, ici, prépare la réalisation. Cf. pp. 489-490.

[70] Les anciens, disait Ambroise Paré, « doivent nous servir d’échauguettes pour voir plus loin ».

[71] Pp. 452, 455-457.

[72] Pp. 417-418. – Dans les Considérations de Cournot, que Febvre cite d’ailleurs, sur la marche des idées et des événements dans les temps modernes, t. I, un chapitre a pour titre Du progrès scientifique au xvie siècle (pp. 116-129). Après avoir parlé des progrès dans le champ de l’algèbre et de la mécanique, de l’hypothèse de Copernic, « un des anneaux » d’une chaîne, Cournot insiste sur les sciences naturelles, où le XVIe siècle, dit-il, surpasse le suivant « en originalité inventive ». Caullery, dans le t. XV de l’Histoire de la Nation française de Hanotaux, Histoire des Sciences en France, Guyénot, dans notre t. LXVIII, Les Sciences de la Vie aux xviie et xviiie siècles, ont insisté également sur les progrès de la botanique, de la zoologie, de l’anatomie et de la physiologie humaines au XVIe s., et sur le rôle de l’« observation directe ». Sur Pierre Belon et Rondelet, sur Ambroise Paré, sur Palissy et ses conférences publiques suivies par « des gens bien honorables et doctissimes », sur les étapes de la découverte de la circulation du sang, voir Caullery, pp. 37-46, 49, 51, 52, 54, 57-62. « Les botanistes, dit Guyénot, furent conduits à mettre en pratique la recommandation qui avait valu à Roger Bacon, le doctor mirabilis, douze années d’emprisonnement : renonçant à la dialectique abstraite, ils observèrent dans la nature et firent œuvre originale », p. 10. Voir, pp. 9-16, 42-52, 128-133, 168-169, 317, 341-343. Cf. Febvre lui-même, pp. 419-420.
On a pu écrire un gros livre sur La Poésie scientifique en France au xvie siècle (Albert-Marie Schmidt, 1939) : il y a là un témoignage tout au moins des aspirations du siècle. Nous y relevons ces lignes de Du Bartas, dans la préface de la Semaine : « Les yeux de notre intellect ne pourront jamais voir à clair la vérité, s’ils se laissent esblouyr par l’humaine splendeur d’autruy... Si les flottes des mariniers eussent toujours suivi la route des vieux,... les grandes et riches provinces de l’Amérique seroient incognües è nos vaisseaux... » (p. 316). — A propos de l’Amérique mentionnons un article curieux, paru dans La Grande Revue en avril 1933 : Maurice Besson, Rabelais et les débuts de a colonisation française (pp. 278-286). Rabelais, dit l’auteur, était trop averti des grands courants d’idées et des aspirations de son temps pour ne pas donner au mouvement prodigieux qui secoua nos populations côtières toute la place qui lui revenait dans l’actualité d’alors. » Il énumère diverses relations de voyages, entre autres le Brief récit et succincte narration de la Navigation faicte ès-isles du Canada, Hochelage et Sachenay et aultres, de Cartier, vendu à Paris, à l’enseigne de l’Escu de France par les frères Le Clerc (1545) ; et, parmi les faits qui ont dû frapper les esprits, il cite la « première exposition coloniale », l’Esbat Américain, organisée à Rouen en octobre 1550. S’appuyant sur Abel Lefranc (Navigations de Pantagruel) et sur Gilbert Chinard (L’Exotisme Américain au xvie siècle), M. Besson estime que « l’itinéraire de Pantagruel est celui des navigateurs portugais » ; mais que, peut-être ayant connu Cartier, Rabelais a fait allusion aux « toutes récentes découvertes faites par des bâtiments français dans l’Océan Atlantique Nord ». Voir les premiers chapitres du Quart Livre.

[73] R. S. H., t. LII (1932), p. 199. Cf. ibid., p. 196, à propos d’un recueil de Saintyves, En marge de la légende dorée : celle enquête « plonge très loin, très avant, dans les couches profondes de la sensibilité humaine », et elle montre « dans quelle atmosphère de miracle perpétuel baignaient des hommes encore tout proches de nous : ceux du XVIe, ceux du XVIIe siècle ».

[74] R. S. H.,. XXXVII (1924), p. 6 ; t. XLIII (1927), pp. 37-60. Cf. sur « la filiation logique des idées », R. S., t. III (1932) pp. 97-103 (L’histoire de la philosophie et l’histoire des historiens). – Sur le rôle et l’importance de l’histoire des sciences voir En marge de l’histoire universelle, pp. 231-236. 270 et suiv. ; P. Tannery, De l’Histoire générale des Sciences, R. S. H., t. VIII (1904), pp. 1-16 ; Georges-Berthier, L’histoire des sciences en France, R. S. H., t.XXVIII (1914), pp. 230-252, notamment 234 et 247 ; Bachelard, La formation de l’esprit scientifique (1938) : « La science contemporaine est de plus en plus une réflexion sur la réflexion », une sorte de psychanalyse qui permet d’éliminer les sources d’erreur du passé (p. 250).

[75] R. S. H., t. XXVII, p. 6.

[76] C’est nous qui soulignons.

[77] P. 3. – La même formule, au lieu du changement, exprime la continuité dans le passage suivant du 5e livre, – intéressant, qu’il soit de Rabelais ou apocryphe : « ... Par temps ont esté et par temps seront toutes choses latentes inventées ; et c’est la cause pourquoy les anciens ont appellé Saturne le Temps, père de Vérité, et Vérité fille du Temps. Infailliblement trouveront (les philosophes) tout le sçavoir, et d’eux et de leurs prédécesseurs, à peine estre la minime partie de ce qui est et ne le savent ». Addition au dernier chapitre d’après le ms. de la Bibl. Nat.

[78] Sa bibliographie même est un modèle, – pour la sélection et le classement.


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Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cégep de Chicoutimi.
 



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