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Coutumes et croyances populaires
en France. (1924)
Avant-propos
Donner à lire une étude générale des croyances et coutumes populaires en France relève aujourd'hui d'une gageure à laquelle nous ne prétendons pas.
Une littérature foisonnante et hâtive existe. Elle s'évertue souvent à envelopper les mots couvrant ce domaine d'une obscurité telle que désormais nous traduisons plus une réalité que nous ne tentons de l'approcher. Le monde rural puisque c'est de lui qu'il s'agit essentiellement dans cet ouvrage devient aseptisé. Il est seulement admis d'y voir figurer, pêle-mêle, de dérisoires cartes postales représentant le partage de la miche de pain, la saignée du porc, les danses costumées sur la grand place du village, puis dès que le soir tombe, au retour des Rogations, ceux qui font chabrot avec la soupe aux choux, juste avant la veillée où grand mère contera aux enfants une légende bleue de la Bibliothèque de Troyes. Et ainsi, à l'unisson, plaisirs et dévotions ponctuent dorénavant les jours de nos dieux.
Notre entreprise, sans doute plus modeste, consistera donc à présenter un cheminement, une rencontre avec ces coutumes et croyances au travers de ce qu'il est convenu d'appeler le folklore, l'ethnographie de la Franceπ [1]. Prétexte, assurément, pour aborder l'œuvre d'un homme qui consacra son existence à témoigner de l'authenticité d'une société rurale dont nous sommes en grande part héritiers.
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Arnold Van Gennep est né en 1873 à Ludwisburg, en Allemagne, qu'il est obligé de quitter à l'âge de six ans par suite de la séparation de ses parents. Il effectue sa scolarité au Lycée de Nice puis de Chambêry et Grenoble, quand sa mère remariée, s'installe définitivement en Savoie.
Pour suivre des études supérieures, Van Gennep vient à Paris et s'inscrit à la Sorbonne dont l'enseignement ne répond pas à son attente. Il fréquente alors l'Ecole des langues orientales (arabe) et l'École pratique des hautes études dans les sections de linguistique générale, arabe ancien, égyptologie, religion islamique et religion des « peuples non civilisés ».
C'est aussi l'époque mouvementée des premières recherches pour une connaissance scientifique de la société, donnant lieu à des débats où s'affrontèrent de nombreux intellectuels : « Il s'éleva [...] un antagonisme assez violent entre toutes les sciences de l'Homme antérieurement constituées par le renouveau de la sociologie comtiste opérée par Durkheim. Celui-ci prit appui sur l'enseignement des universités, ses opposants ayant pour fiefs le Collège de France et l'Institut. En groupe serré les durkheimistes montèrent à l'assaut de ces positions et en vingt années à peu près s'en rendirent maîtres. Quiconque ne faisait pas partie du groupe était " marqué " » [2]. Dès lors, l'opposition résolue de Van Gennep à l'école sociologique française lui valut une hostilité jamais démentie de la part des milieux universitaires.
En 1897, il se marie et part quatre années en Pologne comme professeur de français : une occasion pour lui d'ajouter la connaissance du russe et du polonais à la liste des langues apprises (Il déclare, en 1927, savoir dix-huit langues et les dialectes de plusieurs d'entre elles !). À son retour il entre à l'Office de renseignements agricoles du ministère de l'Agriculture comme chef des traductions, rédige deux ouvrages importants, Tabou et totémisme à Madagascar (1904), Mythes et légendes d'Australie (1906), et dès [vii] 1908 quitte le ministère pour se consacrer à ses travaux. A ce moment il fonde la Revue des études ethnologiques et sociologiques, commence la traduction des Etudes de psychologie sexuelle de Havelock Ellis, rédige des comptes rendus et articles divers, et entame sa longue collaboration qui durera quarante ans au Mercure de France, y tenant les rubriques de préhistoire, anthropologie, ethnographie, folklore et histoire des religions.
En 1909, il démontre que les étapes franchies par un individu au cours de son existence (naissance, fiançailles, mariage, funérailles...) donnent lieu à des rites qui persistent dans toute société indépendamment de la forme qu'en revêtent les cérémonies. Ainsi, son essai sur les Rites de passage, « ce morceau de ma chair » avoue-t-il, marquera-t-il un tournant conséquent pour l'avenir des recherches anthropologiques, tout en accentuant des préoccupations qui le conduisirent très tôt à s'intéresser au domaine français.
Il publie, en 1911, La Formation des légendes et effectue deux séjours en Algérie pour étudier les arts et les industries indigènes. Puis il s'installe à Neuchâtel, en 1912 où l'université lui propose une chaire d'ethnographie , réorganise le musée ethnographique et prend l'initiative du premier congrès d'ethnologie.
En 1915, expulsé de Suisse pour y avoir dénoncé les ingérences allemandes, il rentre à Paris et occupe un poste au ministère des Affaires étrangères jusqu'en 1922, lorsqu'il donnera une série de conférences aux Etats-Unis et au Canada sur le thème des petits métiers et chansons populaires de France.
C'est en 1924 que Van Gennep publie son ouvrage intitulé Le Folklore [3], où il témoignera de manière définitive de l'intérêt grandissant qu'il porte aux problèmes de l'ethnographie de la France à laquelle son labeur sera désormais entièrement consacré.
À partir de 1937, il entreprend le Manuel de Folklore français contemporain [4] pour lequel il n'obtiendra une aide de la Recherche scientifique qu'en 1945, à l'âge de 72 ans.
Son Manuel restera inachevé à sa mort le 7 mai 1957.
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À travers cette œuvre, Arnold Van Gennep nous amène à découvrir un univers où l'empressement de l'histoire, les soubresauts du temps se résolvent sans fracas dans un murmure aux marges du quotidien. Il surprend le geste silencieux, répété, comme nécessaire à l'accomplissement de la vie : le geste rituel, les paroles non dites, la fausse immobilité d'instants cérémoniels. Des moments et des propos qui s'organisent en un savoir, jamais codifié, et se perpétuent non parce qu'ils sont raisonnement, mais d'abord tradition.
L'homme se constituerait ainsi, à la manière de strates mémoriales successives dont on ne répète que les gestes en en omettant la raison. Ce serait un palimpseste dont on ne peut déchiffrer les couches superposées d'écriture : la dernière seule, restant lisible, oublie toutefois de quel lexique, de quelle sémantique elle s'est formée.
Mais la fixité n'est qu'apparence. L'illusion d'un monde immobile fut trop souvent la demeure de nos mélancolies. Tout cela bouge, agit ; tout cela suppose des continuités, des ruptures, des nouveautés, avec un rythme différent et des variations si peu sensibles que les condensations de l'histoire n'ont guère de prise sur ce lent suintement du temps à travers les mentalités.
A un rythme distinct certes, mais à des conditions semblables où se conjuguent, sur différents niveaux, les structures économiques, sociales et psychiques, toutefois moins discernables en leurs interférences que dans la nouvelle société urbaine.
À juste titre, les folkloristes furent souvent définis comme des chroniqueurs partiels d'un monde rural confiné dans les solides vertus de la famille, de la propriété et de l'effort. Ils en recueillaient les cérémonies et les curiosités... Mais le paysan n'est pas sorti des livres de George Sand ni ses croyances des prêches de Mgr Dupanloup. Le 19e siècle tenta de s'annexer le mythe de l'immobilité, l'Angélus et Millet firent croire à la pérennité des valeurs, cachant combien ce monde restait perméable aux mutations, aux changements, dans ces coutumes et croyances mêmes.
Trop fréquemment la « société traditionnelle », dont on nous offre l'image, ne représente qu'un instantané de la relative stabilisation qu'elle connut au siècle dernier. L'essor industriel et les bouleversements techniques annoncent le déclin de modes d'exploitation incompatibles avec la logique de nouveaux rapports économiques. Entre les deux guerres, [ix] la désagrégation des communautés et le processus de destruction des campagnes s'amorcera irréversiblement.
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On peut expliquer l'intérêt soudain que suscitent le folklore et les traditions populaires par un désir accru de mieux connaître les liens existant entre les aspirations à un nouvel équilibre de l'homme, de son milieu et les fondements sociaux, économiques et culturels de la société dans laquelle s'accomplissent ces changements. Mais ceux-ci s'accompagnent d'un malaise que provoque notre univers éclaté. Il renvoie à ces représentations premières du monde rural : « la solidarité sociale et le sentiment collectif ». Une cohésion s'affirmant dans le tissu familial et relationnel qui n'était pas toutefois aussi idyllique et dénué de tensions, comme une certaine littérature tente de nous le faire accroire.
Comparé à notre temps, les contemporains du jeune Van Gennep connurent des perturbations du même ordre, les mêmes éclatements. C'est l'époque de l'industrialisation monstrueuse, l'époque où Durkheim, sensible aux troubles sociaux que ces bouleversements occasionnent, rédige son ouvrage relatif à la Division du travail social et se penche sur les liens qu'entretiennent le suicide et l’ « affection morale de la société ». Tout comme la naissance de l'ethnologie, la naissance du folklore intervient à un moment où son objet peut sembler voué à la régression ou assimilé à la société industrielle.
Bien qu'il ait clairement conscience d'ouvrir la voie à une nouvelle science l'ethnographie de la France , Van Gennep sait pertinemment qu'elle se développa avant qu'il ne la définisse. Dès la fin du 18e siècle se constitue le recueil capricieux des faits saillants, des coutumes apparentes, des usages visibles, repérables par leur archaïsme. D'étonnants érudits et notables locaux « folklorisaient » les visions exotiques perçues dans leur vie quotidienne. Confrontés à un monde si distant, si anachronique dans ses façons de penser, si contradictoire de l'évolution générale de la société, ils effectuaient des choix arbitraires qu'accentuait la nécessité de circonscrire ces marges en un langage rationnel sans pouvoir jamais les réduire à des schémas logiques. Et ces marges feront figure de matrice originelle où une civilisation croit trouver l'illusion de ses racines au point d'en [x] produire un discours irréel à l'aide de catégories ne couvrant évidemment jamais celles de l'Autre.
Problème du vécu et de sa relation que connaissent encore tous les ethnologues !
À l'encontre de ses prédécesseurs, Van Gennep estime que le folklore ne peut exprimer une conception du monde qui lui est extérieur. Transcender la réalité observable, n'en saisir que la nostalgie, sont des attitudes négatives permettant d'occulter insidieusement l'originalité des cultures populaires. Le folklore ne devient plus qu'un corps moribond sublimé.
Pour Van Gennep, il faut maintenant déterminer l'objet de la recherche, en commençant par préciser la signification des mots.
Très tôt il aborde ce problème de la terminologie et, dans sa Notice des titres et travaux scientifiques, publiée en 1911, explique que, dans son esprit, le folklore n'est rien d'autre que le terme communément admis pour désigner l'ethnographie tournée plus spécifiquement vers les populations rurales de l'Europe. « II ne convient pas d'attacher à tous ces termes une valeur de classement absolue », pourvu qu'ils désignent des champs d'investigation et des méthodes identiques : c'est-à-dire des faits vivants, pris dans le milieu social dont ils sont issus, et la manière dont ils se manifestent en productions matérielles, institutionnelles et mentales. L'ethnographie consistera donc en « l'observation et l'analyse de groupes humains considérés dans leur particularité [...] et visant à la restitution, aussi fidèle que possible, de la vie de chacun d'eux ; tandis que l'ethnologie utilise de façon comparative des documents présentés par l'ethnographe... » [5]. Définitions de Claude Lévi-Strauss, que Van Gennep n'aurait pas récusées.
L'une des premières tâches est de définir un domaine, des cadres, pour mieux exploiter et plus efficacement des données brutes. Il devient indispensable de ne s'attacher qu'aux manifestations concrètes, et de les examiner dans leur totalité. Ne pas privilégier un domaine au détriment des autres ; ne pas tout penser, par exemple, en termes de religion au détriment des autres aspects sociaux. A la fantaisie des récoltes passées, il substitue « l'obtention de documents par un emploi exact et méthodique de la technique de l'observation ». L'intention consiste à restituer la vie, dans sa complexité, ordonner la masse de renseignements et établir [xi] entre eux des réseaux de relations : « Il s'agit de pénétrer au fond des mentalités, [et, pour cela] modifier ses propres manières d'agir, de penser, de sentir » [6]. Il veut en finir avec cette résurgence de toute époque : la croyance en une illusoire civilisation traditionnelle, sous-entendu une sagesse égarée dans une ère anté-historique. A la fascination du mort, Van Gennep préfère la mobilité d'un vivant replacé en son milieu.
Le folkloriste n'est plus un antiquaire ; c'est un état présent qu'il doit regarder. Comme le souligne Nicole Belmont [7], pour Van Gennep « l'ethnographie est une science biologique, car elle étudie des faits vivants dans leur milieu (à la manière de la géologie et de la botanique). L'ethnographie fait partie des sciences naturelles, car l'homme fait partie de la nature ». Autant dire que cette conception nouvelle, dont l'origine appartient autant aux Lumières, qu'au 19e siècle, heurte un certain nombre d'idées chez les intellectuels de son temps. À commencer par les milieux de la sociologie française auxquels, comme nous l'avons vu, il s'opposait, mais aussi dans sa confrontation à l'Histoire et la très forte influence qu'elle eut au cours de ce siècle.
Souvent on a voulu voir chez Van Gennep un ennemi irréductible de la méthode historique (qui considère les phénomènes dans le temps) en raison de son juste attachement à la méthode comparative (qui les considère dans l'espace). Et sans doute sa méfiance vint-elle des abus d'une certaine histoire politique et événementielle, et de sa prétention à vouloir tout appréhender, tout expliquer des sociétés antérieures ou contemporaines. Il rappelle néanmoins que « la méthode historique est tout aussi nécessaire, dans certains cas définis, toutes les fois qu'on veut déterminer la genèse locale et l'évolution locale d'un phénomène culturel local. On peut à volonté étudier un phénomène culturel dans son extension ou dans son épaisseur [...]. [Mais] la méthode historique ne peut considérer comme mort un fait vivant, au lieu que la méthode ethnographique peut considérer un fait passé dans son actualité ancienne en tenant compte des facteurs efficients en jeu » [8].
Cette remarque doit être rapprochée de la nature différente des plans sur lesquels évoluent les phénomènes matériels et [xii] culturels. Ceux-là se déroulent dans le temps, suivant un trajet historique réparable et évoluant par progrès successifs ; tandis que ceux-ci sont d'une tout autre nature, dont l'origine n'est plus d'ordre généalogique, mais relèvent des représentations, des adaptations, dans l'expérience individuelle ou collective.
Il existe donc une étroite relation entre ces phénomènes matériels et culturels, bien que les processus historiques et les interférences entre l'individuel et le collectif soient si complexes et diversifiés qu'il demeure impossible de la déterminer avec précision.
Heureusement, nous ne sommes plus au temps des suspicions réciproques. Au fur et à mesure que l'ethnographie définissait domaines et méthodes, l'histoire se proposait des voies nouvelles. Avec Marc Bloch et Lucien Febvre, une autre dimension à cette science apparaissait, désireuse de prendre en compte les attitudes psychologiques des groupes sociaux étudiés, et replacés dans les phénomènes de longue durée : il n'est pas rare, présentement, de parler d'histoire des mentalités, d'histoire des attitudes collectives, à tel point que le folkloriste pourrait conjuguer au présent le projet d'un grand nombre d'historiens d'aujourd'hui : « C'est d'abord le souci d'une plongée dans l'histoire des masses anonymes, celles qui n'ont pas pu se payer le luxe d'une expression, si peu que ce soit, littéraire. [...] D'où le recours nécessaire, dans une démarche où la source écrite perd sa suprématie, à d'autres sources non-conformistes : l'iconographie, l'enquête orale sur la mémoire collective, le gestuel des rites et pratiques » [9].
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Sans doute peut-on regretter que Van Gennep n'ait pu approfondir certains domaines, ce qui s'explique aisément par la recherche solitaire à laquelle il était condamné et les outils conceptuels dont il disposait : ils sont, pour chacun d'entre nous, ceux de l'époque et de la société dans laquelle on vit. Mais sa rigueur intellectuelle ne lui fit jamais considérer une réflexion dans sa stabilité et comme définitivement acquise.
En effet, on s'attacherait, aujourd'hui, davantage aux problèmes des conditionnements sociaux-économiques et de leurs [xiii] rapports à l'individu à partir desquels il se forme comme être social. Il ne faut pourtant pas croire que Van Gennep négligeait ces phénomènes, et dès l'introduction du Manuel, il signalera que chaque chapitre de celui-ci « considère les faits non pas isolément, mais quant à leurs rapports psychiques et sociaux, d'une manière plus ou moins détaillée. Même quand ces rapports ne sont pas expressément signalés, ils existent en profondeur ; le lecteur est prié de bien comprendre que ce substratum, pour parler en doctrinaire, constitue l'essence même des phénomènes étudiés » [10].
Son évocation dans Le Folklore... en 1924 ! d'une psychologie paysanne, ou de celle des français, peut sembler fragile. Même si on peut relever des formes sociales communes à un groupe (mémoire, croyances, langue...), sa terminologie laisse supposer la psychologie collective d'une population socialement et économiquement hétérogène, perçue dans son unanimité et pourvue de traits spécifiques. Ce qui conduirait à définir un individu-type, incarnation du groupe, et opérer ainsi une démarche inverse d'une réelle psychologie sociale. Le risque étant également d'annexer, à son insu, l'ethnographie à une psychologie des peuples se désignant comme point d'intersection de toute science humaine.
Il reviendra pourtant indirectement sur tous ces problèmes et dans son Manuel, écrira que « le folklore ne se situe pas tout entier dans la psychologie [...] ; beaucoup d'activités populaires en sont indépendantes, notamment certaines techniques manuelles et certains arts. Le plus qu'on puisse dire, c'est que ces activités touchent à la psychologie dans la mesure où elles mettent en œuvre des éléments affectifs » [11].
Aujourd'hui, on mettrait également l'accent sur les liens entre mentalités et idéologies, ce par quoi « un homme ou un groupe se forgent (et forgent pour les autres), de manière souvent inconsciente mais souvent intéressée, une explication inexacte (et satisfaisante ou profitable de leur point de vue) d'un phénomène ou d'une classe de phénomènes donnés » [12]. De même, si l'on affirme moins catégoriquement l'autonomie des faits folkloriques par rapport aux structures sociales [13], [xiv] Van Gennep a eu le mérite de nous rappeler les différents niveaux sur lesquels s'articulent la vie matérielle et les mentalités.
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En invitant à lire maintenant cet ouvrage, nous convions le lecteur à suivre le parcours d'un homme dont la probité intellectuelle et l'indépendance d'esprit le tinrent continûment à l'écart des honneurs, bâtissant, dans des conditions difficiles, une œuvre d'une rigueur et d'une beauté singulière qui aujourd'hui encore, n'a pas trouvé l'audience qui lui revient.
Cette œuvre à laquelle Arnold Van Gennep s'identifiera tout au long de sa vie, avec humilité et déférence dans le regard qu'il posait sur l'humaine condition : « Pour les groupes, comme pour les individus, vivre c'est sans cesse se désagréger et se reconstituer, changer d'état et de forme, mourir et renaître. C'est agir puis s'arrêter, attendre et se reposer, pour recommencer ensuite à agir, mais autrement. Et toujours ce sont de nouveaux seuils à franchir, seuils de l'été ou de l'hiver, de la saison ou de l'année, du mois ou de la nuit ; seuil de la naissance, de l'adolescence ou de l'âge mûr ; seuil de la vieillesse ; seuil de la mort ; et seuil de l'autre vie pour ceux qui y croient » [14].
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[1] Les différentes études qui composent ce livre ont été délibérément choisies par nous et regroupées en parties couvrant sensiblement les domaines de l'ethnographie de la France. Quant à notre titre, emprunté à celui d'Arnold Van Gennep, Le Folklore ; croyances et coutumes populaires françaises, il nous semble correspondre à l'esprit même de ces études.
[2] Ce témoignage de Van Gennep reflète bien la véhémence des conflits intellectuels qui s'instaurèrent dès les dernières années du XIXe siècle, et dont les conséquences ne furent pas négligeables dans l'orientation des études ethnologiques en France, sous l'impulsion de Marcel Mauss.
Ce texte inédit est cité par Nicole Belmont dans son ouvrage Arnold Van Gennep, le créateur de l'ethnographie française (Paris, Payot, 1974) auquel nous renvoyons vivement le lecteur pour un regard plus précis sur la personnalité et le rôle si important du folkloriste. Quant aux éléments biographiques, ils sont établis à partir de la Bibliographie des œuvres d’Arnold Van Gennep que publia sa fille Katia Van Gennep (Paris, Picard, 1964).
[3] Ouvrage reproduit ici, pages 5 à 58.
[4] Voir la bibliographie, page 61.
[5] Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, p. 4, Paris, Plon, 1958.
[6] Arnold Van Gennep, Notice des titres et travaux scientifiques, p. 11, Paris, 1911.
[7] Nicole Belmont, Arnold Van Gennep, pp. 20-21, Paris, Payot, 1974.
[8] Arnold Van Gennep, Notice des titres et travaux, pp. 13-14, Paris, 1911.
[9] Michel Vovelle, « Y a-t-il un inconscient collectif ? », La Pensée n° 205, juin 1979, p. 129, Paris.
[10] Arnold Van Gennep, Manuel du folklore français contemporain, T. 1, Première partie, p. XI, Paris, 1943, Picard.
[12] Georges Mounin, « Mallarmé et le langage », Europe nos 564-565, p. 10, avril-mai 1976, Paris.
[13] Cf. Henri Raulin, « À propos de cérémonies agraires dans les Alpes du Nord », Arts et traditions populaires, n° 2, avril-juin 1967, Paris.
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