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Collection « Les auteur(e)s classiques »
Une édition électronique réalisée à partir du livre d'Emmanuel Kant, La religion dans les limites de la raison (1794). Traduit de l'Allemand par André Tremesaygues. Paris: Félix Alcan, Éditeur, 1913, 254 pp. Une édition électronique réalisée par Pierre Tremblay, bénévole, à partir du fac-similé de l'édition originale telle que reproduite par la Bibliothèque Nationale de France. Préface de la deuxième édition, 1794 Cette édition ne contient aucun changement. On a seulement corrigé les fautes d'impression et remplacé quel-ques expressions par d'autres meilleures. Les additions qu'elle renferme sont marquées d'une croix () et placées au-dessous du texte. Au sujet du titre de cet ouvrage (car on est allé jusqu'à se préoccuper de l'intention cachée sous ce titre), j'ajouterai cette remarque. La révélation peut au moins comprendre en soi la religion de la raison pure, mais cette religion ne peut pas réciproquement contenir en soi l'élément historique de la révélation ; je pourrai donc con-sidérer cette dernière comme une sphère de croyance plus vaste et la religion de la raison pure comme une sphère plus restreinte incluse dans l'autre (non point comme deux cercles extérieurs l'un à l'autre, mais bien comme deux cercles concentriques ; en tant que professeur de raison pure (als reiner Vernunftlehrer) (procédant par simples concepts a priori), le philosophe doit se tenir dans les limites de la dernière sphère et conséquemment y faire abstraction de toute expérience. Me plaçant à ce point de vue, je puis donc tenter un second essai, je veux dire partir d'une révélation admise et, faisant abstraction de la religion de la raison pure (en tant qu'elle constitue un système indépendant), considérer la révélation, en tant que système historique, d'une façon seulement fragmentaire, n'en retenir que les concepts moraux et voir si de cette manière je ne serai pas ramené au même système rationnel pur de religion, système qui, sans doute, au point de vue spéculatif (où doit rentrer aussi le point de vue techniquement pratique, celui de la méthode d'enseignement, qui est une technologie), ne pourrait pas être autonome, mais le serait au point de vue moralement pratique et suffirait pour la religion proprement dite, laquelle, en tant que concept rationnel a priori (qui demeure, une fois disparus tous les éléments empiriques), existe seulement à cette condition. Si l'essai tenté réussit, on aura le droit d'affirmer qu'il y a non seulement compatibilité, mais union entre la raison et l'Écriture, de sorte que l'homme qui suivra l'une (sous la direction des concepts moraux) devra se rencontrer immanquablement avec l'autre. Mais si le contraire se produisait, on aurait, dans une personne, ou deux religions, ce qui est absurde, ou une religion et un culte ; et dans ce dernier cas, le culte n'étant pas (comme la religion) une fin en lui-même et n'ayant de valeur qu'à titre de moyen, il faudrait fréquemment les battre ensemble pour arriver à les voir s'unir quelques instants et se séparer tout de suite après, comme l'huile et l'eau, l'élément moral pur (la religion de la raison) continuant à surnager. Le penseur qui s'occupe de philosophie religieuse trouve dans ses attributions le droit complet de faire cette union ou d'essayer de la réaliser, et ce n'est pas là un empiétement sur les droits exclusifs du théologien biblique : je l'ai fait remarquer dans la première préface. Depuis, j'ai trouvé la même assertion dans la Morale de feu Michaelis (1re partie, pp. 5-11), homme également versé dans les deux matières ; et il ne l'a pas seulement émise, mais s'y est conformé dans tout son ouvrage, sans que la Faculté supérieure ait regardé cela comme préjudiciable à ses droits. Quant aux jugements portés sur ce livre par des hommes honorables, connus et inconnus, je n'ai pas pu en tenir compte dans cette seconde édition, car (comme tout ce qui se publie à l'étranger) ils sont arrivés tard dans nos contrées. Je l'aurais cependant bien désiré, sur-tout en ce qui regarde les Annotationes quædam theologicæ, etc., du célèbre docteur Storr, de Tubingue, qui a mis à l'examen de mon ouvrage toute sa pénétration ordinaire en même temps qu'une application et une équité dignes des remerciements les plus grands. J'ai l'intention de lui rendre sa politesse, mais je n'ose pas me le pro-mettre, en raison des difficultés que la vieillesse oppose surtout à l'élaboration des idées abstraites. - Il est une appréciation que je puis réfuter en aussi peu de mots que l'auteur en a employés pour la faire sur mon livre : c'est celle qui se trouve dans le n° 29 des Neue kritischen Nachrichten de Greifswald. D'après cet article, mon livre aurait simplement en vue de répondre à la question suivante, que je me serais posée à moi-même : « Comment le système ecclésiastique de la dogmatique est-il possible, dans ses concepts et dans ses propositions, selon la raison (spéculative et pratique) pure ? » Et il conclut : « Ce livre n'offre donc aucun intérêt pour ceux qui ne connaissent pas et ne comprennent pas le système de Kant, pas plus qu'ils ne désirent le connaître, et par suite il peut être considéré par eux comme non avenu. » - A cela je réponds : « Il n'est besoin, pour comprendre ce livre dans son contenu essentiel, que de la morale commune, et l'on n'a pas à s'embarquer dans la Critique de la raison pratique, pas plus que dans celle de la raison pure; si, par exemple, en tant qu'adresse à conformer ses actes au devoir (sous le rapport de sa légalité), la vertu y est dite virtus phænomenon, alors qu'envisagée comme intention constante daccomplir par devoir des actions de ce genre (sous le rapport de sa moralité), elle y est nommée virtus noumenon, il n'y a en cela que les termes qui soient d'école, mais la chose elle-même, bien qu'exprimée par des mots différents, se trouve contenue dans les instructions qu'on fait aux enfants et dans les sermons les plus populaires, et elle est aisément intelligible. Je voudrais bien qu'on pût en dire autant des mystères qui font partie de la doctrine religieuse et qui ont pour objet la nature divine, mystères que l'on a introduits dans les catéchismes, comme s'ils étaient tout à fait populaires, et que l'on devra transformer plus tard en concepts moraux pour qu'ils puissent enfin être intelligibles pour tous les hommes. Königsberg, le 26 janvier 1794.
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