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Collection « Les auteur(e)s classiques »
Une édition électronique réalisée à partir du texte de Père Simon KIONG , s. j., Quelques mots sur la POLITESSE CHINOISE. Variétés sinologiques n° 25. Imprimerie de la Mission catholique, orphelinat de T’ou-sé-wé, Chang-hai, 1906, IV+110 pages. Ouvrage numérisé grâce à l’obligeance de la Bibliothèque asiatique des Missions Étrangères de Paris. Une édition réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris. Extrait DES VISITES À FAIRE wang-pai. 1. On peut faire une visite à quelqu’un pour différentes raisons : par motif de simple politesse ou d’étiquette, au nouvel an ho-sin-nien, pour des noces ho-hi, et des funérailles tiao-sang ; pour des anniversaires de naissance ho-cheou ; à certains jours de l’année ho-tsié, tels que le cinquième jour de la cinquième lune, et le quinzième jour de la huitième lune ; et enfin pour des affaires à traiter. 2. De ces différentes espèces de visites, il n’y a que la première (visite d’étiquette), la deuxième (visite de nouvel an), et la dernière (visite d’affaires), qui aient besoin d’être mieux étudiées. Il pourrait arriver que l’on eût des cadeaux à envoyer dans des circonstances exceptionnelles ; mais cela n’entraîne aucunement la visite rendue en personne ts’in-pai ; du reste, nous aurons l’occasion de parler de ces cadeaux un peu plus tard. 3. Mais comme les règles à observer sont presque toutes communes à toute espèce de visite, sauf quelques détails propres à chacune d’elles, je tâcherai de donner ici ces règles générales, auxquelles j’ajouterai à la fin les détails particuliers. 4. D’abord il n’est point d’usage de prévenir du jour et de l’heure des visites ting-pai, celles pour affaires exceptées. Si donc, dans les ports de commerce, avec les étrangers, on fait le contraire pour les visites officielles, ce n’est qu’en vertu d’une convention toute particulière et pour écarter tout malentendu. 5. Pour faire une visite officielle, il convient, autant que possible, d’avoir au moins deux valets eul-yé, dont l’un, porteur de la carte de visite tche-t’ié, ou hi-t’ié eul-yé, doit précéder le maître ; et l’autre, valet de corps tchang-soei, ou t’ié-chen eul-yé, ayant le droit d’aller partout où va le maître, le suit immédiatement. Ce dernier, si son maître est un personnage fort respectable, doit aller en chaise ; cette chaise, qui sera de simple toile de coton, doit suivre immédiatement celle du maître, même s’il y avait plusieurs autres chaises de visiteurs qui dussent compléter le cortège. Cependant, pour un simple missionnaire, un seul domestique suffirait et remplirait le double office dont nous venons de parler. 6. Avant d’arriver, le serviteur porteur de la carte tche t’ié, doit hâter le pas pour prévenir de l’arrivée de son maître, en donnant au portier, outre la carte de visite king-p’ien, un t’ié‑tsé, aussi appelé ts’iuen-kien t’ié ; ces deux objets doivent être en papier de couleur rose, hiu-mei, autrement dit t’ao-hong tche, et non pas de couleur rouge foncé fang-tchang hong. Le ts’iuen-kien t’ié, est composé de douze feuilles, ou plutôt de dix feuilles et de deux bandes de papier aux deux extrémités. Sur chacune de ces dix feuilles, on peut faire écrire une dénomination différente ; ces titres varient suivant le degré de respect que le visiteur doit à celui qu’il visite ; on écrirait par exemple yu-ti, yu-kiao ti, wan-chang … meou-meou, tchoen-cheou pai, votre pauvre frère cadet ; votre rustique frère en religion ; moi lettré méprisable … un tel, inclinant la tête, salue ! A la visite, le serviteur doit présenter la feuille sur laquelle est exprimée la dénomination qui convient dans la circonstance. Il est à remarquer en effet qu’il y a de la différence entre toutes ces qualités exprimées. Ainsi l’expression yu-ti, est relevée, et un simple missionnaire ne pourrait l’employer vis-à-vis de mandarins tels que préfets, etc. ; il prendrait mieux celle de yu-kiao ti, ou quelque appellation semblable. Si le visiteur était un inférieur direct, hia-chou, de celui qu’il visite, à la place des king-p’ien et ts’iuen-kien t’ié, il ne présenterait qu’une espèce de libelle cheou-pen, dans lequel la dignité du visiteur est exprimée en petits caractères. Si, sans être à proprement parler supérieur direct chang-se, celui auquel se fait la visite était cependant un homme que des raisons spéciales rendraient digne de respect, on présenterait au lieu du cheou-pen, du ts’iuen-kien t’ié, et du king-p’ien, une autre espèce de carte dite yen-ming p’ien écrite avec de tout petits caractères siao-kiai, comme pour le cheou-pen. Mais ni le cheou-pen, ni le yen-ming p’ien, ne paraissent devoir servir aux Européens, vu qu’ils sont toujours considérés comme des hôtes proprement dits pin. Ainsi ils peuvent se contenter du ts’iuen-kien t’ié, avec la carte de visite king-p’ien. A propos de cette carte de visite, il est bon de noter que ses caractères doivent avoir une mesure moyenne ; elle serait, dit-on, à peu près de trois centimètres, ce qui vaut presque 1 pouce 7 du pied chinois koan-tch’e (0,358 m). De plus, il faut adopter, pour le papier dont on se sert, le format ordinaire ; l’usage du grand format paraîtrait prétentieux. Je n’ai rien dit d’une grande carte de visite dans le genre du yen-ming p’ien, mais qui a de grands caractères imprimés au milieu de la page depuis le sommet jusqu’au bas. Elle est d’un usage exclusivement international, et est absolument inusitée dans les relations ordinaires. Seulement comme cette espèce de carte remplace, ce me semble, le libelle sus-mentionné ts’iuen-kien t’ié, celui-ci n’aurait plus sa raison d’être quand, avec la carte de visite, on présente aussi l’autre. 7. Enfin le visiteur arrive en chaise à la grande porte de la maison. On y fait seulement arrêter la chaise sans la déposer. Alors, si le maître de la maison n’est pas visible, un serviteur viendra vous dire solennellement l’invariable phrase : tang-kia (votre char a été arrêté). Dans ce cas, le visiteur n’a qu’à revenir sur ses pas. Si, au contraire, on vous invite à entrer par la phrase consacrée ts’ing-tsin, à moins que le visiteur ne soit très inférieur en dignité au maître de la maison ou qu’il soit son inférieur direct, il pénètre dans la maison : et on dépose la chaise dans la première salle que l’on rencontre en entrant. Si on va chez les mandarins, on se fait conduire ordinairement jusqu’à la première salle de justice ta‑t’ang, devant l’estrade nommée noan-ko, autrement dite k’i-lin ko, à cause de la licorne (animal de bon augure) peinte au fond de cette estrade, où il y a une porte è deux battants k’i-lin men. C’est là que le visiteur sort de sa chaise ; et s’il est un homme considérable, de dignité supérieure ou égale à celle du maître, ou s’il vient comme hôte et non comme subordonné direct, il montera les degrés de l’estrade et la traversera ; autrement, la porte du fond de l’estrade lui étant fermée, il sera obligé de passer du côté droit. Dès qu’il verra le maître de la maison, soit sur l’estrade, soit plus loin, il fera un tso-i, le visage tourné vers le nord. Ce tso-i est toujours le même pour tous et en toute occasion : c’est un simple salut, dont on doit se contenter pour le moment, en attendant que l’on arrive à la salle où on devra faire la cérémonie en règle. Après ce tso-i, le visiteur n’a qu’à suivre le porteur de la carte, en marchant à droite du maître. 8. Arrivé à la salle de réception, le visiteur fera les saluts selon les exigences de l’étiquette, et d’après les règles données plus haut. Invité à prendre place, il le fera sans trop insister pour décliner l’honneur. Alors, on apporte le thé sans retard. Le maître vous présentera lui-même la tasse à thé, ou il la fera apporter par un des domestiques, selon le rang de dignité que vous occupez, et la mesure de respect qu’il vous doit. En tout cas, le visiteur doit se lever et faire au maître le kong-cheou, pour répondre à sa politesse. Ensuite, quand le maître de la maison soulèvera un peu le couvercle de sa tasse à thé, comme pour inviter le visiteur à boire, celui-ci en fera autant, sans que ni l’un ni l’autre boivent en ce moment. Alors la conversation s’engage. 9. On ne peut demander à son interlocuteur ni son nom de famille sing, ni son nom propre ming, puisque l’un et l’autre sont supposés connus, et se trouvent sur la carte de visite. On peut demander le hao, par les formules usitées ts’ing-kiao t’ai-fou, ts’ing-kiao ya-tchoen, ts’ing-kiao ta-hao ; et la personne interrogée doit répondre : k’i-kan ? pou-kan, ts’ao-tse meou-meou. Cette demande a de l’utilité. Car quand on aura besoin d’appeler son interlocuteur, on pourra prendre le premier caractère du hao, et lui adjoindre le mot wong, (vénérable vieillard) : supposons, par exemple, que l’une des personnes présentes se nomme p’ong-fei, l’autre pourra l’appeler []. Cependant si le nom restait ignoré, on pourrait prendre l’appellation commune lao-hiong. En autre, les Européens pourraient prendre vis-à-vis des mandarins les formules beaucoup plus commodes koei-hien, koei-fou, koei-tao, etc. ; ils ne doivent jamais employer les formules lao-yé, ta-lao yé, ta-jen, parce que ce sont les appellations des sujets vis-à-vis de leurs maîtres. Enfin, pour se désigner soi-même, on dit hiong ti, tso-hiong-ti ti. Avec les mandarins, si on a des affaires officielles à traiter, on ne demande d’ordinaire ni l’âge ni autre chose semblable. Mais si la conversation était un peu familière, on pourrait demander l’âge de son interlocuteur en disant ts’ing-kiao koei-keng, si celui-ci est encore jeune ; s’il est déjà avancé en âge, d’une cinquantaine d’années par exemple ou au-dessus, on dirait ts’ing-kiao kao-cheou ; et l’autre répondra pou-kan, hiu-tou, tant, par exemple trente, cinquante. Dans de pareilles circonstances, il est permis de demander aussi à son interlocuteur combien il a d’enfants ; on dirait yeou ki-wei chao-yé, si c’est à un lao-yé qu’on adresse la demande ; et si c’est un ta jen, on dira yeou ki-wei kong-tse ? L’autre répondra: k’i-kan ? siao-eul yeou .... ko. Pour demander le nombre des frères, on pourra prendre cette formule : hien koen-tchong yeou ki-wei ? Pour répondre, on dit: ... pou-kan, tso hiong-ti-ti ti-hiong yeou .... ko. Pour le reste de la conversation, il est impossible de donner des formules d’avance : la chose dépendra des circonstances de temps, de lieu, et des affaires à traiter. 10. A la fin de la conversation, celui qui le premier veut lever la séance, et c’est ordinairement le visiteur, prendra avec les deux mains la tasse de thé avec le support, sans soulever le couvercle de la tasse, et la portant à sa bouche, il boira seulement quelques gouttes de ce thé, à deux ou trois reprises presque consécutives : l’autre en fera autant de son côté : c’est là le dernier acte de la visite. On se lève alors, sans qu’on ait besoin de rien dire ; on fait un tso-i, et le maître de la maison accompagne le visiteur plus ou moins loin selon le degré de respect qu’il lui doit. En sortant, aux portes principales, par exemple, aux t’ang-tchan-hia, ping-men, i-men, le visiteur doit s’arrêter un instant, et courbant un peu le corps, il invitera par un petit geste du bras le maître de la maison à rentrer chez lui. Le maître fera de même, s’il veut encore faire la conduite. Enfin arrivés à l’endroit voulu, tous font un tso-i, et se séparent. Si le maître de la maison a accompagné ou précédé le visiteur jusqu’à la chaise, c’est à côté d’elle que doit se faire le tso-i d’adieu. Enfin, sur l’invitation du maître, le visiteur monte en chaise ; mais au bord de la chaise, avant de s’asseoir, le visiteur fait encore un tso-i, auquel le maître doit répondre. La visite est finie. N.B. Régulièrement parlant, dans ces visites on n’offre point de goûter, si ce n’est entre amis intimes ; même dans ce cas ne le fera-t-on qu’aux heures ordinaires du goûter, c’est à dire, à peu près de trois heures jusqu’à cinq. Le goûter que l’on fait dans les visites internationales, doit être regardé comme une exception à la règle. Mais dans les cas où on sert un goûter, on peut servir aussi, outre les desserts, un peu de vin et même de la viande. De même, dans ce cas, on peut quitter le wai-t’ao, et prendre un ma-koa-tse avec un chapeau simple, après avoir déposé le chapeau de cérémonie. 11. Pour les visites de nouvel an, on peut agir de plusieurs manières. La première consiste à envoyer seulement sa carte par un serviteur, tch’ai-pai ; elle ne mérite guère le nom de visite, et n’est pratiquée dans le monde qu’envers les personnes peu connues. La deuxième manière consiste à faire une tournée en personne, il est vrai, mais sans demander à être introduit ; l’on se contente de remettre sa carte, tout en prévenant de sa venue. La troisième, c’est la visite que l’on fait en personne et en demandant à voir le maître, ts’ing-hoei. De quelque façon que l’on fasse cette visite de nouvel an, on ne présente que la carte king-p’ien, sans le ts’iuen-kien t’ié, et par suite sans le yen-ming p’ien international, qui remplace le ts’iuen-kien t’ié ordinaire. 12. Enfin, quand la visite se fait pour affaires, on convient d’avance du jour et de l’heure de la visite, ting-pai, comme cela a été dit ailleurs.
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