Préface de la 2e édition
Nous n'avons rien à changer à ce livre qui parut il y a dix mois et que le public lettré a bien voulu accueillir avec faveur.
Les gouvernements, en quête de popularité facile, se jettent de plus en plus dans la voie du socialisme d'État. Le jeune empereur d'Allemagne s'y est précipité avec une enthousiaste ardeur. Ses fameux rescrits entonnaient la réforme du monde social. La pâle conférence de Berlin fut un médiocre épilogue à ce prologue retentissant.
Néanmoins, les socialismes prétendus conservateurs éclosent de toutes parts. Ils tracent des programmes pour enchaîner la liberté humaine et l'offrir en holocauste au dieu nouveau, l'État.
Ce dieu a ses jours comptés, comme tous les faux dieux.
Dès que l'on sort des cérémonies pompeuses en son honneur et que l'on veut passer aux œuvres, les obstacles surgissent et se multiplient. La nature humaine reprend ses droits et se révolte contre l'oppression. Les infirmités de l'État se manifestent, et son impuissance se révèle. Ses ressorts plient et se dérobent, ses finances s'obscurcissent et s'épuisent.
Nous nous félicitons d'avoir minutieusement décrit l'État moderne, son principe d'action, ses rouages, ses inévitables faiblesses, sa radicale inaptitude au rôle gigantesque qu'on lui veut confier.
Non seulement nous ne plions pas le genou devant l'idole, mais nous analysons le métal dont elle est faite, les vices de structure dont elle souffre.
Puissions-nous contribuer à réduire le nombre de ses adorateurs et à sauver la civilisation occidentale de la nouvelle servitude dont on la menace !
Montplaisir, par Lodève, 15 Septembre 1890.
Paul LEROY-BEAULIEU.
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