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Collection « Les auteur(e)s classiques »
Une édition électronique réalisée à partir du texte de Maine de Biran, Influence de l'habitude sur la faculté de penser. Paris: Les Presses universitaires de France, 1re édition, 1953, 242 pp. Une édition numérique réalisée par Marcelle Bergeron, bénévole, professeure à la retraite de l'École polyvalente Dominique-Racine de Chicoutimi, Ville de Saguenay. Ouvrage qui a remporté le prix sur cette question proposée par la classe des sciences morales et politiques de l'Institut national: Déterminer quelle est l'influence de l'habitude sur la faculté de penser ; ou, en d'autres termes, faire voir l'effet que produit sur chacune de nos facultés intellectuelles la fréquente répétition des mêmes opérations. Préface de l'auteur Quelque encourageants et honorables que soient les suffrages de la classe qui a décerné la couronne à ce Mémoire, j'avoue cependant que je ne me détermine à le publier qu'avec ce sentiment de méfiance et de crainte si naturel à un auteur qui, sans avoir éprouvé ses forces, se soumet, pour la première fois, au jugement sévère et toujours redoutable du public. Lorsque je commençai ce Mémoire, je ne pensais pas qu'il fût destiné à voir le jour: sans viser à la gloire littéraire, je voulais seulement occuper les loisirs de ma retraite, et employer, à étudier mon intérieur, le temps que les circonstances particulières où je me trouvais, jointes à une santé débile, ne me permettaient pas d'utiliser d'une autre manière. En notant les observations que je faisais sur moi-même, je cherchais alors surtout à m'entendre avec ma propre pensée; il me semblait n'écrire que pour moi seul. Lorsque je me déterminai ensuite à offrir le tribut de mes méditations à la société savante qui m'en avait fourni le sujet, je crus encore qu'il suffisait de me bien entendre pour être parfaitement compris; je négligeai des développements inutiles pour des juges éclairés, des ornements superflus pour des juges sévères; je parlais de principes convenus entre eux; je parlais une langue qui leur était familière; j'avais donc plus rarement le besoin de démontrer ou de définir. En adressant mon ouvrage au public, je me trouve aujourd'hui dans une situation bien moins favorable. Je ne me dissimule point tout ce que j'ai à craindre, et du dégoût presque général qu'inspirent les ouvrages de ce genre, lorsque la sévérité du sujet n'y est pas tempérée par les formes agréables du style, et de la rigueur avec laquelle on les juge, sans vouloir souvent se donner la peine nécessaire pour les entendre, et des préventions à la mode contre ce qu'on appelle la métaphysique, et des préjugés de quelques savants, qui considèrent ces sortes de recherches comme inutiles, et de l'opposition des ennemis de la philosophie, qui veulent les faire considérer comme dangereuses; enfin des critiques frivoles (1) ou amères des ans, comme des accusations graves des autres. Sans doute lorsqu'on a cherché la vérité de bonne foi, avec pureté d'intention, et qu'on a pour soi, outre le témoignage de sa conscience, le suffrage d'un petit nombre d'hommes sages et éclairés, on peul se consoler de toutes les oppositions; mais peut-être valait-il mieux encore ne pas s'y exposer. Je devais au moins me donner le temps de faire à ce Mémoire les changements et les corrections dont il pouvait avoir besoin; ajouter en certains endroits des développements ou éclaircissements nécessaires pour prévenir le danger des fausses interprétations, lui donner enfin une forme qui le mît à portée d'un plus grand nombre de lecteurs. Sachant d'ailleurs qu'un ouvrage de ce genre est bien moins recommandable par l'exactitude de sa théorie, que par l'utilité pratique de ses applications, et convaincu d'un autre côté, que tout l'art de l'éducation consiste à former de bonnes habitudes physiques, intellectuelles et morales (c'est-à-dire, à modifier persévéramment l'organisation, l'esprit et le cur de l'homme, de telle manière, qu'il se dirige ensuite vers tout ce qui est bon et vrai, avec celle nécessité, cette sorte d'instinct d'une heureuse habitude), j'avais songé à faire converger vers ce grand but l'application de plusieurs principes répandus dans le cours de ce Mémoire, et à lui donner ainsi tout le degré d'utilité dont la nature du sujet le rendait susceptible. Mais en suivant ce plan, «j'allais faire un autre ouvrage à la place de celui que les suffrages de l'Institut venaient d'honorer; je m'interdisais la faculté de le reproduire ensuite sous d'aussi heureux auspices. D'ailleurs, le Mémoire jugé par la classe, déposé en original dans ses archives, lui appartenait en quelque sorte, et en le présentant comme ouvrage couronné, il ne dépendait pas de moi d'en altérer la forme». Ces représentations, qui m'ont été faites par des personnes dont l'amitié m'est bien chère, et à l'ascendant desquelles je ne sais pas résister, jointes à l'intérêt qu'elles ont bien voulu prendre à la prompte impression de ce Mémoire, ont vaincu ma répugnance et fait taire toutes mes objections (2). Si je pouvais me flatter de trouver auprès du public la même indulgence que j'ai obtenue de mes premiers juges, je pourrais alors effectuer, avec plus d'assurance, le plan que j'ai conçu; un second travail, peut-être moins imparfait, occuperait ou charmerait encore les loisirs de ma retraite; heureux, après l'avoir complété, de jouir de l'idée pure et consolante d'avoir été utile, d'avoir acquis peut-être quelques droits à l'estime de mes semblables, sinon par mes succès, du moins par mes efforts. Notes (1) Je ne taxerai point pourtant en général de frivolité la plupart de ceux qui dédaignent ou condamnent les recherches de ce genre; je sais qu'il y en a parmi eux, qui honorent notre espèce et l'éclairent tous les jours par d'importantes vérités; mais peut-être s'exposent-ils du moins au reproche de légèreté dans ce seul point, de condamner trop précipitamment des choses sur lesquelles ils n'ont pu acquérir assez de données. (E.) Malgré le discrédit presque général où sont tombées de nos jours les sciences que j'appelle de réflexion et qui sont connues sous le nom de sciences métaphysiques et morales, j'ai peine à croire que cette espèce de proscription soit durable. Il est impossible que ce mouvement continuel qui entraîne l'esprit humain dans toutes les directions ne le remmène pas à lui-même et aux recherches qui lui sont propres, après qu'il sera lassé de ses excursions au dehors; il est impossible que d'autres circonstances politiques, d'autres hommes à la tète de l'instruction publique, d'autres dispositions dans les esprits n'encouragent pas tôt ou tard ces sciences de réflexion, dont on semble vouloir aujourd'hui extirper jusqu'aux racines et qui sont pourtant bien plus près qu'on ne pense de la morale publique et particulière. Il est impossible qu'on s'obstine longtemps à traiter de billevesée et de chimères des sujets qui ont tant et si profondément exercé la sagacité des plus grands génies des deux siècles précédents, des Descartes, des Malebranche, des Pascal, des Locke, etc., et encore de nos jours, d'une école célèbre qui a donné des hommes de génie dans les diverses branches des connaissances humaines, je veux parler de l'école d'Édimbourg. Il faut que l'on prouve ou que ces grands hommes ont tout dit sur ces matières, qu'il ne reste plus rien à découvrir après eux, ce qui ne s'accorde pas avec leurs prétentions plus modestes, les doutes nombreux qu'ils ont élevés sans les résoudre, les oppositions qui subsistent entre eux, etc., ou, si l'on pense que ces problèmes sont à jamais insolubles, il faut démontrer pourquoi et comment ils le sont, ce qui serait en donner une solution très utile pour tout le monde, et surtout très profitable aux vues des ennemis de la métaphysique, puisqu'elle fermerait pour toujours une carrière où l'esprit humain consume selon eux un temps et des soins qui pourraient être utilement employés. Il en est ici comme des problèmes du mouvement perpétuel, de la quadrature du cercle; démontrer qu'ils sont insolubles, c'est les avoir résolus. Mais si ceux qui s'élèvent avec le plus de force contre ce genre de recherches métaphysiques ignorent complètement ce qu'est pour nous la métaphysique, quel est l'état de nos connaissances sur ces matières, ce qu'on a fait, ce qui reste à faire, et qu'ils se bornent à des déclamations vagues, et a ce sourire présomptueux de l'ignorance, ils font preuve d'une légèreté bien condamnable. Qu'ils songent qu'en affectant de ravaler ainsi ce qu'ils n'entendent pas et ne veulent pas entendre, ils fournissent au vulgaire, dans le rang duquel ils se mettent, des armes contre la science quelconque dont ils peuvent s'occuper eux-mêmes. Les principes des mathématiques, de la physique, peuvent aussi être tournés en ridicule par les ignorants et bientôt on finira par dire de toutes les connaissances: A quoi bon? Nous avons assez d'hommes disposés maintenant à raisonner et à agir comme le calife Omar. (E.) (2) J'ai besoin de prévenir le lecteur que plusieurs des notes répandues dans cet ouvrage et surtout celles où je parle des savants, dont j'ai quelquefois emprunté les idées, n'ont été ajoutées que pendant l'impression du mémoire, et après le jugement de l'Institut. Influence de l'habitude (HENRICHS, An XI).
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