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Collection « Les auteur(e)s classiques »
Les dynamiques de l'évolution culturelle. Recherche sur les relations raciales en Afrique (1941)
Introduction
Une édition électronique qui sera réalisée à partir du livre de Bronislaw Malinowski, Les dynamiques de lévolution culturelle. Recherche sur les relations raciales en Afrique. Traduction française: 1970. Paris : Payot, Éditeur, 1970, 338 pages. Ouvrage publié par Phyllis M. Kaberry. Traduit de lAnglais par Georgette Rintzler.
Ce livre était prêt pour une publication il y a près de vingt ans. Depuis lors, un certain nombre d'États africains ont obtenu leur indépendance et des changements économiques et politiques notables sont intervenus à travers tout le continent. Des contributions à la théorie de l'évolution sociale et culturelle ont également vu le jour, ainsi que la publication d'un certain nombre de monographies rédigées par des anthropologues, des spécialistes des sciences politiques et des historiens africains, américains, anglais et européens traitant du développement des institutions et d'un large éventail de problèmes propres au continent africain. Malinowski en aurait certainement apprécié un grand nombre; il aurait sans doute modifié ou développé ses idées pour tenir compte du matériel nouveau obtenu sur le terrain et de l'évolution de l'opinion. C'était un penseur original qui a beaucoup influencé les théories anthropologiques et les méthodes de travail sur le terrain ; il a formé un certain nombre d'anthropologues qui, avec leurs propres élèves, ont publié des travaux sur l'évolution sociale en Afrique, en Asie du Sud-Est et en Océanie. Si bon nombre de ses idées ne sont plus toujours de mise, elles ont, par leur force même et leur esprit très ouvert, contraint leurs adversaires à préciser leur propre position. Comme pour toutes les professions, l'anthropologie a ses détracteurs, et certains anthropologues, influencés par Freud, ont fait de Malinowski un substitut paternel redoutable - un croisement de Moïse et de Chronos. Mais, comme un grand nombre de ses anciens élèves l'ont souligné dans leurs essais (dans Man and Culture : An Evaluation of the Work of Bronislaw Malinowski), c'était surtout un grand professeur :
« Il avait le don de transformer ce qui avait été dit de façon a en faire ressortir la valeur comme contribution à la discussion. Chaque membre du séminaire avait le sentiment, quelque maladroits et déplacés que les mots aient été, que Malinowski avait perçu les idées et leur avait donné toute l'importance (et même plus) qu'elles méritaient. Aussi sa façon de parler insàpirait-elle. Il imposait rarement sa loi ; il parlait comme quelqu'un qui cherche aussi à savoir, comme un compagnon de travail souhaitant la coopération de ses élèves pour une tâche commune. Il insistait aussi toujours sur la nécessité de mettre à nu les racines du problème. Sa question constante était : où réside le vrai problème ? Et il le voyait toujours, non en termes de théories subtiles, mais naissant du comportement des êtres humains ordinaires » .
Si j'insiste sur l'atmosphère du séminaire, sur l'intérêt que Malinowski portait à ses élèves, à la contribution qu'ils apportaient à la discussion et sur sa préoccupation concernant le comportement des êtres humains ordinaires, je le fais dans le but de rétablir les circonstances dans lesquelles ce livre a été écrit. Il comprend une grande partie du matériel tiré des séminaires tenus de 1936 à 1938 à la London School of Economics et une grande partie de son propre travail. Tel qu'il est, il comporte toutes les contradictions, les défauts de style, les obscurités occasionnelles de l'argumentation et les affirmations inconsidérées qui caractérisent le feu croisé, d'une discussion animée, les premières annotations des idées et les premiers brouillons d'articles que l'on trouve dans les archives de tout anthropologue. Malinowski n'a laissé aucun projet de livre sur l'évolution culturelle, quoiqu'il ait eu l'intention d'en écrire un au cours de l'année universitaire 1942-1943 à l'université de Yale - et m'ait fait l'honneur de me demander d'y collaborer. Sa disparition prématurée en mai 1942 survint avant même que nous ayions discuté de la conception et du plan d'un tel livre, bien qu'en tant que participant aux séminaires de la L.S.E. je sois familiarisée avec ses idées. Mrs. A. V. Malinowski m'a confié ses manuscrits en vue de les éditer et je les ai organisés pour en faire ce livre, mais ce n'est pas le livre que Malinowski aurait écrit. Ce livre nous révèle les idées d'après lesquelles il travaillait, le genre de matériel qu'il avait entre les mains sur le terrain, les sujets qui l'intéressaient et ses notes préliminaires. Ce livre nous donne un aperçu de son matériel de travail et c'est sur cette base qu'il doit être jugé.
Malinowski n'a pas accompli en Afrique un travail approfondi sur le terrain, mais en 1934 il fit au Cap une conférence sur « l'instruction indigène et le contact culturel ». Puis il fit un voyage à travers le Sud, le Centre et l'Est de l'Afrique, passant en tout cinq mois chez les Bembas, les Swazis, les Chaggas, les Masais, les Kikouyous et les Maragolis. Il continua à faire des conférences et à diriger des séminaires sur l'évolution culturelle et en 1938 il écrivit l'essai préliminaire au Memorandum XV, Methods of Study of Culture Contact in Africa, publié par l'International African Institute of African Languages and Cultures, aux travaux duquel il fut associé pendant de longues années . Pour illustrer ses théories et ses méthodes, il puisa très largement dans le matériel provenant du Sud, du Centre et de lEst de l'Afrique. Ce livre se limite donc à une discussion de certains problèmes concernant ces parties du continent.
Dans l'un des essais de Man and Culture : An Evaluation of the Work of Bronislaw Malinowski, le Dr Lucy Mair donne une analyse très détaillée et très claire des théories de Malinowski sur l'évolution sociale ; il n'y a donc pas lieu de traiter ici le même sujet. Mon rôle est d'indiquer brièvement la relation des idées contenues dans ce livre avec l'essentiel de la théorie de Malinowski et leur application à l'étude actuelle de l'évolution africaine.
Pour ceux qui ont connu Malinowski, son souci à propos de l'évolution culturelle était compatible avec son approche de l'anthropologie et avec son intérêt pour la situation existant sur le terrain. Le concept de culture avait pour Malinowski une signification beaucoup plus étendue qu'il n'en a pour la plupart des anthropologues américains, et même pour beaucoup d'anthropologues anglais. Ce concept englobait tous les phénomènes sociaux ; c'était en outre « une unité organique » avec les quatre dimensions de l'organisation sociale, les croyances, l'équipement matériel et le langage. Il n'aurait donc pas établi de distinction entre les institutions culturelles et les institutions sociales, distinction que Bascom et Herskovits ont faite récemment dans leur vivante introduction à Continuity and Change in African Cultures. Pour lui, l'institution sociale était « un élément de la culture », la plus petite unité culturelle : « un groupe uni dans la poursuite d'une activité simple ou complexe; toujours en possession d'une dotation matérielle et d'un équipement technique; organisé selon une charte définie, légale ou coutumière, formulée sur le plan linguistique par des mythes, des légendes, des règles et des maximes ; entraîné ou préparé à la poursuite de sa tâche » . L'étude de la culture d'un peuple était donc l'étude des institutions dans toutes leurs interactions ; c'était la méthode que Malinowski avait adoptée dans son travail sur le terrain aux Iles Trobriand en 1915-1918 ; c'était la méthode qu'il enseignait à ses élèves, celle que plus tard ils employèrent dans leurs propres recherches sur le terrain et qu'à leur tour ils transmirent à leurs élèves. Par essence, c'était aussi la méthode qu'il préconisait pour l'étude de sociétés subissant une évolution rapide et de longue portée. Lorsqu'il discutait de la guerre, de la sorcellerie, du régime alimentaire des indigènes, du régime foncier, de la loi, etc.... il le faisait toujours dans le contexte des rapports sociaux ; « les unités en transformation » qu'il isolait pour l'analyse étaient des institutions.
Une telle uniformité d'approche chez un être qui, comme tous les penseurs originaux et polémistes, était capable d'inconséquences, ne veut pas dire pour autant qu'il négligeait les complexités de l'évolution sociale. Pour l'utilisation des données, il établissait les tableaux synoptiques que l'on trouvera dans ce livre. Comme toutes les représentations schématiques d'un matériel, ils paraissent artificiels mais ils constituent un moyen heuristique pour souligner la nécessité d'étudier et d'analyser tout le champ social où se produisait l'évolution. Les Européens, leurs influences et leurs intentions, devaient être étudiés les uns par rapport aux autres et par rapport aux Africains représentant à la fois les éléments traditionnels de la population et la nouvelle élite. La clef permettant de comprendre les institutions nouvelles et les institutions modifiées se trouvait dans les dynamiques de la situation même du contact culturel - c'est-à-dire telles qu'elles fonctionnaient en relation avec les institutions indigènes, la politique et les intérêts des Blancs et les traditions africaines avec leur longue histoire, dans la mesure où celles-ci influaient sur le comportement actuel. Ces institutions n'étaient pas de simples « mélanges » d'éléments culturels dont l'origine remontait à des cultures-mères - la métropole d'une part et de l'autre la tradition africaine. Les phénomènes d'évolution devaient être considérés comme de « nouvelles réalités culturelles » qui devaient être étudiées directement et en elles-mêmes. L'école dans la brousse, la mine de cuivre africaine, le taudis de Johannesbourg et le système de l'Indirect Rule n'ont aucun équivalent dans la métropole ou dans la société africaine traditionnelle. « La nature de l'évolution culturelle est déterminée par des facteurs et des circonstances qui ne peuvent être évalués par l'étude d'une seule culture ou par l'étude des deux cultures en tant qu'assemblage d'éléments ».
A ce point de vue, Malinowski avait raison ; et si depuis sa mort on a publié un grand nombre de rapports importants et compliques sur les sociétés africaines en évolution, son livre peut encore être lu avec profit par le grand publie qui n'est pas spécialisé en matière de sciences sociales. Le premier pas vers une compréhension des nouvelles sectes africaines, des nouveaux systèmes parlementaires des États africains indépendants, des conseils locaux d'aujourd'hui et d'exemples de grandes entreprises africaines, consiste à reconnaître que ce sont des institutions nouvelles qui ne sont ni de pâles copies d'institutions européennes, ni des institutions africaines traditionnelles recouvertes d'un vernis neuf. Le stade suivant sera de les étudier telles qu'elles fonctionnent dans l'Afrique actuelle, une Afrique où il y a encore des Européens qui agissent en tant que conseillers et experts techniques, une Afrique où une partie de la machine administrative coloniale a été maintenue.
Mais si les méthodes de Malinowski sont essentielles pour le premier stade du travail sur le terrain et l'analyse des sociétés africaines en évolution, telles quelles, elles ne sont pas suffisantes. Elles nous fournissent un plan de base, qui manque d'une dimension historique. L'utilisation des archives administratives, des rapports de voyageurs et de missionnaires, de même que les traditions orales des peuples eux-mêmes et de leurs voisins, non seulement nous aide à reconstituer le passé mais enrichit notre compréhension du présent. C'est naturellement essentiel à l'étude de l'évolution sociale et culturelle. La plupart des anthropologues américains souscriraient à cette opinion qui a été aussi celle de leurs prédécesseurs. Les anthropologues anglais, sous l'influence de Malinowski et de Radcliffe-Brown, ont nié la valeur de l'histoire conjecturale, reconstruite en l'absence d'archives sûres, pour la compréhension de sociétés contemporaines. Mais un grand nombre de ceux qui étudiaient les sociétés africaines pour lesquelles un certain matériel historique était disponible, incorporèrent ce matériel dans leurs rapports. Parmi ceux qui écrivirent avant 1942, il faut citer Godfrey et Monica Wilson, I. Schapera, A. I. Richards, L. Mair, S. Nadel, M. Read et M. Gluckman. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, un grand nombre d'entre eux, ainsi que d'autres, ont apporté des contributions aux études africaines et, dam certains cas, se sont particulièrement intéressés à l'histoire des institutions politiques - par exemple E. Evans-Pritchard, J. A. Barries, I. Cunnison, A. Southall, A. Epstein, G. I. Jones et M. G. Smith. En 1952, le East African Institute of Social Research, sous la direction du Dr A. I. Richards, projetait une étude comparative du développement politique dans certaines tribus de l'Ouganda et du Tanganyika. Le livre fut publié en 1960 sous le titre East African Chiefs et les collaborateurs comprenaient des membres anglais et américains de l'Institut et d'autres savants travaillant en même temps dans cette région.
Si je me suis étendue sur les contributions récentes aux études africaines, c'est qu'on prétend parfois que les anthropologues anglais, en rejetant l'utilisation de l' « histoire conjecturale », ont également fait peu de cas de l'utilisation du matériel historique pour l'analyse des institutions actuelles. Il est certain que Radcliffe-Brown, en adoptant une définition étroite de l'explication historique, la distinguait nettement de l'explication sociologique; toutefois, ceux qui souscrivent à ce point de vue ne nieraient pas que les documents historiques peuvent être traités comme le matériel important d'une période plus primitive, aussi insuffisants soient-ils à certains égards.
En fait, leurs carnets de notes sont des documents historiques. Tout en proclamant que l'anthropologie a développé ses techniques particulières pour l'étude approfondie des sociétés et que l'anthropologue a une optique de spécialiste sur les phénomènes sociaux et qu'il s'intéresse à un certain nombre de problèmes extérieurs au domaine de nombreux historiens, il y a aujourd'hui des anthropologues anglais qui admettraient néanmoins que la limite entre l'anthropologie sociale et l'histoire est une question de convention ou de convenance. Je ne me propose pas de développer ici ce point de vue avec lequel je suis d'accord, mais je désire indiquer que la relation entre l'anthropologie sociale et l'histoire, problème que Malinowski a discuté dans ce livre, reste un sujet de discussion parmi les anthropologues anglais .
Malinowski lui-même n'a jamais défini clairement ses idées à ce sujet, comme le prouvent les contradictions contenues dans ce livre. « Il est vain d'opposer histoire et science. Négliger l'une des deux rend toute recherche humaniste incomplète... Le soi-disant fonctionnalisme n'est pas et ne peut être opposé à l'approche historique, mais il est en fait son complément indispensable » (infra, p. 62). En effet. Mais un matériel historique insuffisant a une valeur aussi longtemps qu'on le manie avec précaution et esprit critique. Ailleurs, Malinowski affirme que :
« admettre la légitimité de l'intérêt pour la reconstitution, même une passion archéologique, est une chose ; supposer que la reconstitution est une méthode spécifique pour l'étude du contact culturel en est une autre. Il est tout d'abord essentiel de ne pas confondre le passé reconstitué avec la réalité de ce qui survit comme un résidu vital du passé historique... Ce qui importe pour l'avenir et même pour le présent, c'est ce qui est encore vivant et non ce qui est mort... Pour celui qui étudie l'évolution culturelle, ce qui importe réelle. ment n'est pas le passé objectivement fidèle, scientifiquement reconstitué et qui est de la plus haute importance pour l'archéologue, mais bien la réalité psychologique d'aujourd'hui ».
Il serait présomptueux pour quiconque, même un ancien élève, d'affirmer ce qu'étaient réellement les vues de Malinowski, mais de l'analyse des problèmes contenus dans ce livre et de l'importance accordée au rôle de l'anthropologue comme conseiller pratique, il ressort que Malinowski ne considérait pas « le passé objectivement fidèle » comme essentiel à la compréhension de la situation de contact et d'évolution culturels. Le Dr Mair a, me semble-t-il, correctement diagnostiqué son attitude ambivalente face à l'histoire lorsqu'elle dit qu'elle « était compliquée par son souci de la politique » . Je crois qu'elle était aussi en harmonie avec sa conviction que les seules généralisations valables qui pouvaient être faites au sujet de l'évolution étaient celles fondées sur un excellent « travail empirique sur le terrain ». C'est un idéal auquel nous devons tous souscrire en théorie ; mais puisque, comme nos prédécesseurs, nous arrivons sur le terrain avec toutes nos imperfections, peu d'entre nous peuvent espérer que leurs carnets de notes, leurs documents historiques, sortent intacts de l'examen critique d'une génération ultérieure d'anthropologues et d'historiens. Nous devons faire du mieux que nous pouvons ; nous devons également utiliser au mieux les documents historiques disponibles.
Il y a cependant un point sur lequel la plupart d'entre nous seraient d'accord avec Malinowski : l'anthropologue a, envers les Africains, l'obligation morale de donner à ceux qui sont concernés par les affaires africaines (qu'ils soient Européens ou Africains) le bénéfice du savoir acquis par la recherche et de donner un avis là où il est requis. C'est un point de vue auquel Malinowski s'est attaché avec une conviction passionnée dès 1929 et qu'il a constamment préconisé. L'application pratique de la recherche anthropologique s'est plutôt développée depuis l'époque de Malinowski, quoique nous soyons peut-être moins confiants que nous l'étions auparavant quant à la valeur de notre contribution aux affaires pratiques. Il est admis que la politique a un déterminisme qui lui est propre et que les domaines où l'anthropologue peut le plus utilement faire des recommandations pratiques sont également limités - ou plus clairement définis. Mais les études anthropologiques, en vertu de leur particularité et de leur pénétration, conservent une importance primordiale pour la bonne compréhension des institutions africaines contemporaines en évolution .
Mais il est encore une autre façon pour l'anthropologue qui étudie l'évolution, d'être aujourd'hui utile aux Africains. On trouve chez de nombreux peuples africains une recrudescence d'intérêt pour leur propre histoire ; même l'histoire qu'ils ont oubliée mais qu'on peut encore trouver dans les archives administratives, les rapports des missions, des voyageurs et des commerçants, ainsi que d'anciens carnets de notes. Dans de nombreuses communautés, les Africains ont constitué leurs propres sociétés d'histoire ; les gouvernements africains ont proposé des thèmes pour la recherche historique ; des historiens africains ont publié un certain nombre d'études. L'anthropologue qui va aujourd'hui sur le terrain, même si ce n'est que pour étudier le gouvernement local, le régime foncier, ou la famine et le mariage, est fréquemment tenu par ses hôtes africains d'agir en historien et de leur rendre accessible le matériel qu'il a réuni ou auquel il a accès, concernant leur histoire, leurs traditions et les formes pré-européennes d'organisation. Cet intérêt pour le passé ne provient pas d'un désir de revenir au mode de vie antérieur ; il jaillit du désir de recouvrer l'héritage d'un passé qui symbolise leur identité nationale ou tribale, dans un présent où les anciens jalons disparaissent et où les frontières traditionnelles se dissolvent.
Connaissant la capacité de Malinowski à répondre aux exigences d'une situation sur le terrain et connaissant son sens profond du devoir dû à tout peuple au milieu duquel il a travaillé, on peut prédire qu'il aurait assumé le rôle d'historien des cours de justice et qu'il y aurait trouvé du plaisir. On peut aussi prédire qu'il aurait développé davantage ses idées concernant la fonction de l'histoire, de la tradition et du mythe en tant que privilèges des institutions et des valeurs actuelles.
LES MANUSCRITS DE MALINOWSKI.
La portée et la structure de ce livre reposent sur certains articles de Malinowski et sa façon de traiter le sujet au cours des séminaires qu'il a tenus à l'Université de Yale en 1941. La première partie com. prend une grande partie du matériel de son « Introductory Essay » aux Methods of Study of Culture Contact in Africa (1938), où étaient rassemblés certains résultats du programme de recherches commencées en 1931 par lInternational African Institute. La seconde partie expose les applications de sa théorie du contact et de l'évolution culturels aux institutions particulières.
Pour certains chapitres j'ai eu à ma disposition des manuscrits presque complets, ne nécessitant que des corrections minimes et l'insertion de notes additionnelles. Ceci vaut en particulier pour la seconde partie du chapitre I, le chapitre II et la première partie du chapitre III, les chapitres IV, VII, VIII, X et XIII. Pour les autres, à l'exception de XI et XII, j'ai eu affaire principalement à des textes dactylographiés; mais avec la nécessité de nombreuses mises au point et l'on peut dire qu'ils représentent une mosaïque de tous les matériaux disponibles sur les sujets traités. Les chapitres XI et XII, les deux plus importants au point de vue de l'administration coloniale, étaient les plus difficiles car, dans le premier cas, les notes étaient presque complètes mais rédigées au crayon ; alors que dans le second il n'y avait en tout que huit pages rédigées, dont certaines se répétaient. Il y avait heureusement des tableaux détaillés contenant un résumé des faits et je les ai incorporés au texte en les développant un peu. Quant à mes propres additifs, je les ai indiqués par des notes en bas de page. En dehors de modifications minimes qui ne changent pas la substance de ses idées, généralisations, critiques et théories, le vocabulaire de l'ensemble du livre est celui de Malinowski.
REMERCIEMENTS
J'exprime mes remerciements les plus chaleureux à l'Université de Yale, non seulement pour la « Research Fellowship in Race Relations » qui m'a permis d'éditer les manuscrits de Malinowski sur l'évolution culturelle, mais aussi pour les facilités et l'aide qui me furent accordées si spontanément pendant mon séjour à New Haven. Le travail a été mené à bien en accord avec le Professeur Maurice R. Davie, président des Départements de « Sociologie » et de «Relations raciales » à Yale et je ne suis que trop profondément consciente des exigences que je lui ai imposées sur son temps, sa bonté et sa patience. Je lui dois beaucoup pour ses conseils et ses critiques utiles.
Je suis également très redevable au Dr Audrey Richards, au Dr Lucy Mair, au Dr Margaret Read et au Dr Raymond Firth qui, malgré leurs travaux et leurs tâches supplémentaires dus à la guerre, ont lu le premier brouillon du manuscrit et ont fait commentaires et critiques. Quoique je ne puisse être d'accord avec toutes leurs suggestions, beaucoup s'avérèrent d'une valeur primordiale au cours de la révision ultérieure du livre.
Enfin, je voudrais exprimer ma profonde gratitude à Mrs. A. V. Malinowski pour m'avoir confié le privilège et la responsabilité d'éditer les manuscrits de son mari, pour les conseils et les encouragements qu'elle m'a prodigués à tous moments. C'est une tâche que j'ai entreprise de grand cur car, en tant qu'ancienne élève de Malinowski, je réalise combien il a contribué à mon savoir et à ma formation en matière de théorie et de travail sur le terrain. La dette que j'ai contractée envers celui qui fut un grand anthropologue et un ami généreux, ne pourra jamais être payée ; en éditant ses manuscrits j'espère rendre accessible à d'autres anthropologues et à de futurs savants la portée de sa contribution à l'un des domaines les plus importants de l'anthropologie - celui du contact et de l'évolution de la culture.
P.M.K. Londres, 1961.
Dernière mise à jour de cette page le Jeudi 27 mars 2003 09:15 Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
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