Avertissement de l'éditeur
Cet ouvrage est composé de deux Parties. La première est une traduction du texte littéral des Principes Mathématiques de la Philosophie Naturelle. Il est presque superflu d’avertir qu’elle a été faite sur la dernière édition de 1726, édition qui l’emporte sur toutes les précédentes par rapport aux corrections suggérées par des idées postérieures, et par les remarques de quelques célèbres mathématiciens. L’illustre interprète, plus jalouse de saisir l’esprit de l’auteur, que ses paroles, n’a pas craint en quelques endroits d’ajouter ou de transposer quelques idées pour donner au sens plus de clarté. En conséquence ou trouvera souvent Newton plus intelligible dans cette traduction que dans l’original ; et même que dans la traduction anglaise. En effet on s’est tellement attaché dans cette dernière au texte littéral de l’Auteur, que s’il y a quelque ambiguïté dans le Latin, on la retrouve dans l’Anglais. Tant de timidité donnerait lieu de soupçonner l’Auteur d’avoir faiblement entendu son original, et d’avoir usé de la ressource ordinaire en pareil cas : c’est de rendre les mots quand on ne peut rendre les choses. Nous aimons pourtant mieux penser que cette scrupuleuse fidélité vient d’un autre motif, et l’attribuer à un certain respect si justement acquis à cet immortel Ouvrage, respect qui a engagé son traducteur à le rendre trait pour trait.
À l’égard de la confiance que le Public doit avoir dans cette traduction, il suffit de dire qu’elle a été faite par feue Madame la Marquise du Châtelet, et qu’elle a été revue par M. Clairaut.
La seconde partie de l’Ouvrage est un Commentaire des endroits des principes, relatifs au système du monde. Ce Commentaire est lui-même divisé en deux parties, dans la première desquelles on expose de la manière la plus sensible, les principaux phénomènes dépendants de l’attraction : ces découvertes jusqu’à présent hérissées de tant d’épines, seront désormais accessibles à tous les Lecteurs capables de quelque attention, et qui auront de légères notions des Mathématiques.
À cette partie du Commentaire en succède une plus savante. On y donne par analyse la solution des plus beaux problèmes du système du monde : on y examine la forme qu’ont réellement ou qu’auraient les orbites des planètes dans les différentes hypothèses de pesanteur, l’attraction qu’exerceraient des corps de différentes figures, la réfraction de la lumière, effet de l’attraction des parties insensibles des corps, la théorie de la figure de la Terre et celle des marées. Toutes ces recherches sont tirées pour la plupart ou des Ouvrages de M. Clairaut ou des cahiers qu’il donnait en forme de leçons à M. le Comte du Châtelet Lomont, fils de l’illustre Marquise. L’avant-dernière section est un excellent précis de son Traité sur la figure de la Terre. La dissertation du savant M. Daniel Bernoulli, qui a remporté le prix proposé pour la question des marées forme le fond de la dernière : elle est de plus augmentée de diverses notes et éclaircissements que l’auteur a communiqués.
On s’étonnera sans doute que ce Commentaire ne s’étende pas plus loin ; mais je l’ai déjà dit, son Auteur a cru devoir se borner à ce qui concerne plus particulièrement le système du monde. Dans cette vue, il n’y a pas jugé nécessaire de commenter la partie des Principes qui contient la théorie des fluides. D’ailleurs cette théorie a été traitée par tant de mains, et en particulier avec tant du succès par MM. Daniel Bernoulli et d’Alembert, dont les écrits sont entre les mains de tout le monde, qu’il devenait superflu d’y toucher. À l’égard de la théorie des Comètes, on trouve dans la première partie du Commentaire un article entier qui les concerne et qui doit suffire. La détermination géométrique de la forme de leurs orbites est contenue dans le problème général des trajectoires, et c’est dans les traités d’Astronomie qu’on doit chercher la manière d’en déterminer la forme et la position d’après les observations. M. le Monnier a suffisamment rempli cet objet dans ses éléments d’astronomie, et ceux qui ne trouveraient pas une clarté suffisante dans le texte même du troisième livre des Principes de M. Newton, peuvent recourir à ces éléments comme à un excellent Commentaire.
Il n’y a que la théorie des planètes secondaires dont le manque dans cet Ouvrage semblerait plus difficile à justifier ; mais au temps où M. Clairaut travaillait avec Madame du Châtelet, il était encore trop peu content, et de ce que Newton avait fait sur ce sujet, et de ses idées propres, pour lui en rien communiquer. Cette partie intéressante du système du monde n’a reçu que depuis peu cette perfection qui lui manquait. Pour suppléer à ce défaut, on doit consulter la pièce de M. Clairaut qui a remporté le prix de l’Académie de Petersbourg sur la théorie de la Lune, et la première partie de l’Ouvrage que M. d’Alembert vient de publier sous le titre de Recherches sur quelques points importants du système du Monde.
C’est là tout ce qu’en qualité d’éditeurs nous avons à dire de cet ouvrage. M. de Voltaire a pris la peine de tracer le caractère de la savante Dame qui en est l’auteur. La préface historique qu’on lit à la suite de cet Avertissement est de cet homme célèbre.
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