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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Naissance de la tragédie (1872)
Dédicace de l'auteur


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Friedrich Nietzsche (1872), Naissance de la tragédie. Paris: Éditions Gallimard, 1949. Traduction: Geneviève Bianquis, Dijon, Mai 40.

Dédicace à Richard Wagner

Bâle, fin de l'année 1871

Aux heures où je tente d'écarter un instant les objections, les contrariétés et les malentendus auxquels donneront lieu, vu l'étrange nature de notre public esthétique, les pensées recueillies dans cet ouvrage, quand j’essaie d'en écrire l'introduction avec le même plaisir pensif dont il porte le signe à toutes ses pages, où se sont condensées tant d'heures d'heureuse exaltation, je me représente, mon ami vénéré, moment où vous recevrez mon livre. Je vous vois au retour de quelque promenade dans la neige, un soir d'hiver, contemplant le Prométhée délivré de la vignette, lisant mon nom, et persuadé aussitôt que quel que soit le contenu de cet écrit, l'auteur a des choses graves et impressives à dire, et que dans toutes ses cogitations il s'est entretenu avec vous comme si, vous étiez présent, et n'a rien pu écrire qui ne soit digne de cette présence. Vous vous souviendrez que c'est au moment même où naissait votre magnifique ouvrage commémoratif sur Beethoven, dans ces heures terribles et sublimes du début de la guerre, que de mon côté je me recueillais pour méditer ces pensées. Mais ceux qui, apercevraient dans ce recueillement je ne sais quel contraste entre l'émotion patriotique et la jouissance esthétique, entre la gravité héroïque et le jeu riant se tromperaient : s'ils lisent vraiment cet ouvrage ils s'apercevront avec surprise que c'est à un grave problème allemand que l'on s'est ici attaqué en le plaçant au centre même des espérances allemandes dont il est le pivot et le point décisif. Mais peut-être trouvera-t-on scandaleux de voir prendre tellement au sérieux un problème d'esthétique, si l'on ne sait plus voir dans l'art autre chose qu'un accessoire divertissant et le tintement de grelots assez inutile qui accompagne le « sérieux de la vie ». Comme si personne ne savait de quoi il retourne quand on m'oppose ainsi le « sérieux de la vie »! Je dirai pour l'instruction de ces hommes graves que je suis convaincu que l'art est la tâche suprême et l’activité véritablement métaphysique de cette vie ; c’est aussi la conviction de l’homme auquel j’ai souhaité dédier ces pages, comme à mon noble précurseur dans cette voie.

Bâle, fin de l'année 1871.


Retour au texte de l'auteur: Lewis Henry Morgan Dernière mise à jour de cette page le vendredi 21 novembre 2008 6:59
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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