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Collection « Les auteur(e)s classiques »
Une édition électronique réalisée à partir du texte de Paul Pelliot, HISTOIRE SECRÈTE DES MONGOLS. Restitution du texte mongol et traduction des chapitres I à VI. Librairie d’Amérique et d’Orient Adrien-Maisonneuve, Paris, 1949, 198 pages. Oeuvres posthumes de Paul Pelliot, publiées sous les auspices de l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres et avec le concours du Centre national de la Recherche Scientifique. Ouvrage numérisé grâce à l’obligeance de la Bibliothèque asiatique des Missions Étrangères de Paris. Une édition réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris. Introduction LE TEXTE MONGOL DE L’HISTOIRE SECRÈTE DES MONGOLS L’histoire de Gengis-Khan et de son empire, en dépit du grand intérêt qu’elle offre et des efforts qui ont été tentés pour la retracer, est particulièrement difficile à reconstituer. Les sources les plus variées doivent être mises en œuvre, chinoises, mongoles, persanes, arabes, arméniennes, russes, latines, et une sorte de fatalité a pesé sur celles qui nous devraient être du plus grand secours, c’est-à-dire l’histoire officielle chinoise de la dynastie mongole et la chronique persane de Rachid-ud-Dîn. L’histoire officielle chinoise de la dynastie mongole, compilée très hâtivement en moins d’un an lors de la chute des Mongols, a été en outre, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, l’objet d’une révision où tous les noms propres ont été transformés pour se plier à des étymologies fantaisistes ; or c’est de cette orthographe « réformée » des noms propres que s’est servi le P. Hyacinthe dans sa traduction de l’histoire des quatre premiers grands Khans. La chronique persane de Rachid-ud-Dîn ne nous est pas parvenue intégralement. De plus, si Quatremère a donné jadis une excellente édition, avec traduction richement annotée, de l’histoire des premiers Houlagides de Perse, la description des tribus et l’histoire de Gengis-Khan, éditées et traduites par Berezin, sont restées si peu connues en Europe occidentale qu’en 1906, dans son Histoire de la littérature persane, le professeur Browne ne parle encore de cette édition que par ouï-dire. Enfin M. Blochet édita pour le Gibb Memorial Fund le reste de l’Histoire des Mongols de Rachid-ud-Dîn, mais cette édition, dont un seul volume a paru, ne comporte pas de traduction. A côté des grandes sources chinoises et persanes, et même avant elles, on s’attendrait à voir figurer les sources mongoles. Malheureusement les deux seules chroniques mongoles anciennes, connues et éditées jusqu’ici, l’Allan Tobči et la chronique de Sanang Setsen, ne remontent qu’au XVIIe siècle, et leur autorité est des plus minces. Toutefois il existe une autre chronique mongole qui est, elle, un document de premier ordre, mais dont la conservation est due non aux Mongols, mais aux Chinois : c’est le Yuan-tch’ao pi-che ou Histoire secrète des Mongols, dont l’original mongol doit être de 1240 A. D. Dans la seconde moitié du XIVe siècle, cette chronique, qui s’étend jusqu’au règne d’Ögödäi, fut traduite en langue chinoise vulgaire, et voilà plus de cinquante ans que le grand sinologue russe Palladius en a donné une traduction complète dans le quatrième volume des Travaux de la mission orthodoxe russe de Pékin. Mais Howorth ne l’a connue qu’après l’achèvement de son ouvrage, et M. Blochet l’a ignorée. Palladius signalait en outre qu’il y avait encore des manuscrits d’une transcription (et non plus d’une traduction) en caractères chinois du texte original mongol du Yuan-tch’ao pi-che. Postérieurement à sa traduction, Palladius put se procurer un de ces manuscrits qu’il donna à M. Pozdnéiev, lequel le remit à l’Université de Petrograd. A l’aide de ce manuscrit, M. Pozdnéiev remit en mongol, transcrit en caractères russes, le premier chapitre du Yuan-tch’ao pi-che et ce travail fut publié en 1880 à Petrograd ; il est introuvable. Depuis lors, nous avons souvent les uns et les autres signalé l’intérêt qu’il y aurait à publier le manuscrit entier de la transcription chinoise du texte mongol. Sur l’intervention de M. d’Oldenbourg, cette impression était décidée quand la guerre éclata ; je ne sais où en est le travail. Mais cette édition, pour importante qu’elle demeure, n’est plus aussi urgente. En effet, et sans que pendant quelques années il en soit parvenu d’exemplaire en Europe, un Chinois du Hou-nan, Ye Tö-houei, a édité, dès 1908, le texte complet de la transcription chinoise du Yuan-tch’ao pi-che, ou pour l’appeler désormais de son vrai titre mongol, du Monγol-un ni‛uča tobči‛an. J’ai de mon côté acquis récemment en Chine un bon manuscrit ancien de cette transcription. Malgré nombre d’incorrections dans la tradition de cette transcription chinoise, il n’est pas difficile de remettre en mongol le texte original complet. C’est à ce travail que je me suis livré, et nous avons ainsi, pour la première fois, une chronique mongole en mongol, écrite presque au lendemain de la mort de Gengis-Khan. L’intérêt de cette chronique mongole en mongol est considérable tant au point de vue historique qu’au point de vue philologique. Au point de vue historique, nous avons là, avec plus de développements que dans la version chinoise utilisée par Palladius, le récit des événements avec un grand nombre de noms propres qui ne se sont jamais rencontrés antérieurement, ou, s’ils se rencontrent ailleurs, qui ont été défigurés dans les autres sources. Pour la première fois également, un texte considérable nous fait pénétrer dans la vie et la pensée mongoles avant qu’aucune influence lamaïque ne soit venue les bouleverser. Au point de vue philologique, nous ne devons pas oublier que la littérature mongole ne commençait guère pour nous qu’au XVIIe siècle. Jusque-là on n’avait qu’une ou deux inscriptions assez courtes. Il y faut joindre aujourd’hui une poésie mongole dont j’ai rapporté un exemplaire imprimé au XIVe siècle et une grande inscription funéraire de 1362 que j’ai rapportée du Kan-sou. Il y a aussi quelques documents inédits à Berlin. Mais il va sans dire qu’aucun de ces monuments n’approche, comme richesse de vocabulaire et de sujet, de l’œuvre en douze ou quinze chapitres (suivant les recensions) que constitue l’Histoire secrète des Mongols. La transcription chinoise est en outre faite selon des règles fixes qui donnent aux caractères employés une valeur rigoureuse et une précision que, même de nos jours, l’écriture mongole ne comporte pas. On peut donc dire qu’à bien des égards nous pouvons mieux étudier la langue mongole de l’Histoire secrète des Mongols au moyen de la transcription chinoise que si cette Histoire nous était parvenue dans l’écriture mongole. Et c’est pourquoi je me propose d’éditer le texte mongol reconstitué non en caractères mongols, mais en romanisation. L’Histoire secrète des Mongols nous a en outre conservé des morceaux de poésie épique populaire dont les chroniques du XVIIe siècle ne connaissaient plus qu’un texte mutilé et altéré. Enfin, et pour paradoxal que ce résultat puisse paraître, cette transcription de l’Histoire secrète des Mongols nous permet de fixer dans certains cas, pour la prononciation de certains mots chinois dans la Chine du Nord dans la seconde moitié du XIVe siècle, des prononciations que nous ne faisions que soupçonner ou auxquelles mêmes nous ne nous attendions aucunement.
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