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Collection « Les auteur(e)s classiques »
Une édition électronique réalisée à partir du livre du Baron de Reinsberg-Düringsfeld, Traditions et légendes de la Belgique. Tome 1. Bruxelles: Ferdinand Claassen, Libraire-Éditeur, 1870, 443 pp. Une édition numérique réalisée par M. Gustave Swaelens, bénévole, journaliste à la retraite, Suisse. Introduction Les anciens habitants de la Belgique divisaient l'année en douze lunes, division, qui frappe tous les hommes, car la lune disparaissant et reparaissant douze fois, coupe visiblement l'année en douze parties tandis que l'année solaire, véritable année, n'est point indiquée par des variations dans le disque du soleil. Mais voulant égaler leur année lunaire aux révolutions du soleil, ils ajoutaient de temps en temps une treizième lune de sorte que des trente années qui composaient le siècle gaulois, onze étaient de treize lunes. Le sixième jour de la lune était chez les Celto-Belges un jour sacré qui commençait les mois, les années et les siècles (1). Malheureusement il ne eus reste aucun document qui puisse nous donner quelques renseignements sur les noms des jours et des mois. A juger par analogie, il est à croire que l'année celto-belge commençait à la nuit du feu de Baal (« Oidhehe Baaltinne ») qui, en Irlande, s'allume encore de nos jours la veille du 1er mai. Sur le calendrier des Germano-Belges nous possédons des notions plus actes. M. Coremans dans « l'Année de l'ancienne Belgique», ouvrage dont on ne peut pas assez reconnaître le mérite, nous en donne un exposé aussi complet que lucide. D'après lui, les Germano-Belges ne comptaient pas par années, mais par hivers, et comptaient par nuits et non pas par journées. Aussi ne divisaient-ils leur année qu'en trois parties : le printemps, l'été et l'hiver, ne connaissant de l'automne ni le nom, ni les biens, et on peut même présumer, que dans le principe l'année ne fut partagée qu'en deux saisons, l'été et l'hiver, parce qu'à cause de la rigueur du climat, il n'existait véritablement que ces deux saisons en Belgique. Les dénominations encore d'usage générai parmi les Flamands nous en fournissent la preuve presqu'évidente. Les paysans en Brabant comme en Flandre, ne parlent jamais que du « Zomerdag », jour d'été, et du « Winterdag », jour d'hiver. Le jour de St-Mathieu est pour eux le « winterdag », le dimanche de la Mi-Carême le « zomerdag », la Noël le « midwinter », mi-hiver, et la St-Jean d'été le « mid-zomerdag », jour de le mi-été. Le printemps s'appelle en flamand « Lente » (du vieux mot « lyns, lins, mou, doux) et l'usage s'est conservé dans les campagnes de le partager en deux parties, dont la première nommée «kleinlente», petit printemps, va du zomerdag jusqu'au « wonnezondag », dimanche des délices, qui est celui de « Jubilate », et l'autre appelée «grootlente », grand printemps, finit à la St-Jean. Une autre dénomination du printemps, en vieux flamand: « springtyd », temps d'éclosion, nous rappelle le mot « spring » dont les Anglais se servent pour désigner le printemps. Le «zomer », en haut-allemand « sommer », été, doit son nom selon quelques auteurs, aux moissons ( « sommer » en vieux flamand, rassembler) (2), selon d'autres à « Sunna » ou « Zuna », déesse du soleil, à laquelle l'été était consacré. « Herfst » en haut-allemand «Herbst », signifiait anciennement et signifie encore aujourd'hui en quelques contrées «récolte des fruits », comme en anglais « harvest » (en anglo-saxon « haerfest », de « haeran », rassembler); d'où provient le vieux verbe « herfsten », en anglais « to harvest », récolter. Le « winter », hiver, est la saison du vent ou « Wind »; la mi-hiver ou « midwinter » marquait en même temps le commencement de l'année, célébré par les fêtes de « Joul » ou « Joel », qui se continuaient jusqu'à la « treizième nuit », c'est-à-dire jusqu'à la dernière des douze saintes nuits ou «twelf nachten », dénomination encore généralement en usage de nos jours. L'année avait douze mois, dont les noms se sont en partie maintenu jusqu'à présent. Il en est de même des dénominations des jours, dont chacun portait le nom d'une divinité particulière. Le dimanche ou « zondag », jour du soleil, était consacré à « zuna» ou « Sunna », le lundi ou « maendag », jour de la lune, à « Manan » ou « Monan », frère de la déesse du soleil. Le mardi, appelé « dingsdag » ou « dinsdag, desdag, disdag, dissendag » était dédié à «Tyr» ou « Zin », le Mars teutonique. Le mercredi ou « woensdag », était le jour de wodan ou Odin, le dieu suprême des peuples du nord. C'est pourquoi ce jour était presque généralement respecté comme jour sacré. Quelques peuplades pourtant lui préféraient pour le jour de fête hebdomadaire le jeudi ou « donderdag », jour du tonnerre, qui était dédié à « thor » ou « donar », l'aîné et « le plus vaillant des fils d'Odin ». Le vendredi ou « vrydag, vreyadag » était consacré à « freyja », la Vénus germanique. Le nom du samedi « zaturdag, saterdag » ne paraît être qu'une traduction du latin « dies saturni ». M. Coremans le met pourtant en rapport avec le dieu «Saeter» ou « Seater », qui se confond avec « Suaf, Seaf », placé à la tête des généalogies de Wodan. Nombre d'idées superstitieuses, rattachées encore à présent aux jours particuliers de la semaine, se rapportent au culte des divinités païennes, auxquelles les jours étaient dédiés. Il suffit de rappeler ici le dicton populaire : « Mariage de jeudi, heureux mariage » (puisque Donar était aussi considéré comme dieu des hymens), et la coutume qui en maintes localités et nommément en Brabant s'est conservée jusqu'à nos jours, d'attribuer au jeudi le caractère d'un demi-jour de fête. La croyance assez généralement répandue que les jours fatals ou jours de sort, appelés en flamand « lotdagen », décident du sort des moissons, du bétail et d'individus isolés, pendant le cours de l'année, dérive de la même source (3). Le dimanche devint le jour de fête hebdomadaire; le jeudi fut consacré à l'adoration de l'Eucharistie parce que l'institution de ce sacrement d'amour se fit le Jeudi-saint; le vendredi, jour de la mort de Jésus-Christ fut dédié au souvenir de la passion de Notre-Seigneur et le samedi était déjà avant le huitième siècle considéré comme le jour de la Sainte-Vierge. Le commencement de l'année différait en Belgique selon les localités. En général il était fixé à Noël ou à Pâques. A Anvers, au secrétariat de la ville, l'année civile s'ouvrait au Vendredi-saint à midi, mais l'année financielle commençait au jour de St-Martin et finissait à la veille de cette fête, probablement, parce que jadis le magistrat ou « wet » se renouvelait chaque année ce jour-là. Les négociants étrangers, qui se trouvaient en grand nombre à Anvers, comptaient selon le style de leur pays natal, en commençant l'année soit au 1er mars, comme à Venise et à Bénévent, soit à Noël, comme à Milan, à Rome et en Allemagne (4). Dans le Brabant l'usage était de commencer l'année à Pâques selon le style de Cambrai. Ce style que l'on appelait ordinairement (« mos gallicus » ou «styl loop, ghewoonte van don hove; » dénomination, qui fut également reçue en Hollande et qui plus tard fut appliquée par les Flamands à l'année commençant le Samedi-saint, fut aussi adopté en Flandre et dans le Hainaut. Mais pour éviter toute confusion, les notaires qui suivaient ce style dans leurs actes, étaient obligés d'ajouter à leurs dates, lorsqu'elles précédaient Pâques, les mots : « selon le style de la cour » on bien « avant Pâques » ou « more gallicano.» Avant d'adopter l'époque de Pâques, au Xe siècle et au XIe, on datait en Flandre du jour de Noël. A Bruges et dans les environs de cette ville, ou le « sticht » d'Utrecht possédait l'église de St-Boniface ou de Notre-Dame, ainsi que de grands droits seigneuriaux et ecclésiastiques à Sysseele, était usité le style d'Utrecht, qui comptait avant 1313 depuis l'Incarnation (le 25 mai), mais à dater de cette époque depuis la Nativité de Jésus-Christ (le 25 décembre). Dans certaines contrées de la Flandre et du Tournaisis l'année commençait après la messe du Vendredi-saint, comme dit Li Muisis, et on appelait ce style dans le pays de Bruges par opposition à celui d'Utrecht, le style de Tournai. Li Muisis lui-même, dans sa chronique, commence les années au Vendredi-saint, tandis que Froissart date toujours du 1er janvier, selon le style romain. Les notaires et les receveurs du Luxembourg prenaient dans leurs actes, le 25 mars pour le premier jour de l'an. Le duc de Requesens, gouverneur des Pays-Bas, en ordonnant, en 1575, par un placard du 16 juin, que l'année commencerait au 1er janvier, abolit tous ces différents styles (5). L'Église seule continua de commencer l'année à Noël, mais fixa plus tard le commencement de l'année ecclésiastique au premier dimanche de l'Avent, usage qui s'observe encore de nos jours. Parmi les fêtes qui depuis l'introduction du christianisme furent établies en Belgique, les kermesses appelées en flamand kermis, en wallon ducasses occupent, sans contredit, le premier rang. Comme le nom le dit, kermis vient de kerkmis, messe de l'église, et ducasse par altération de « dédicace. » - Ces fêtes furent instituées pour rappeler chaque année le souvenir de la consécration solennelle d'une église. La semaine teutonique était de sept jours, les fêtes se réglaient suivant les phases de la lune. Les époques les plus solennelles de l'année étaient le nouvel an, le commencement du printemps, le temps de la récolte et les solstices. Quand le paganisme céda à la religion chrétienne, l'Église, tout en rejetant ce qui n'était pas conforme à ses dogmes, ne supprima pas tout d'un coup les vieilles fêtes et les cérémonies qui s'y rattachaient, mais elle en sanctifia le but, en les appliquant aux fêtes chrétiennes qui tombaient sur un temps peu éloigné. Fidèles aux préceptes du Pape saint-Grégoire le Grand, les missionnaires élevèrent souvent leur sanctuaire à l'endroit même, où les gentils avaient adoré leurs dieux. Ils se contentèrent même parfois de transformer les temples en églises et les simulacres païens en images chrétiennes, et permirent aux peuples germaniques de conserver aux jours et aux grandes fêtes les dénominations païennes. Mais bien que les apôtres du christianisme fissent tout leur possible, pour ménager la transition et pour rendre à de rudes barbares l'Évangile plus acceptable, le paganisme continua à dominer fort tard dans la plus grande partie de la Belgique. Il ne faut que consulter « l'Indiculus superstitionum et paganiarum » « ou sommaire des superstitions et des pratiques païennes », condamnées par le concile de Leptines (le village actuel des Estinnes près de Binche, où les rois francs de la seconde race avaient un palais), tenu en 743, pour voir combien l'ancien culte avait encore d'empire sur les Belges nouvellement convertis. Le peuple était opiniâtrement attaché à ses anciens usages et à ses croyances; c'est par suite de cette ténacité du caractère belge que la civilisation et les mœurs romaines n'exercèrent que peu d'influence sur la Belgique, mais c'est aussi par la même raison que malgré ses efforts le clergé n'a pas jusqu'à présent réussi à extirper toutes les pratiques superstitieuses que le christianisme ne pouvait adopter et que l'Église a condamnées mille et mille fois comme des erreurs. Remarquons au surplus, qu'il était on ne peut plus difficile de déraciner entièrement les coutumes du paganisme chez les peuples du Nord et qu'en Suède on découvrit encore au siècle passé les pratiques de l'ancien culte de « Thor ». Charlemagne voulant consolider l'union des différentes peuplades de son vaste empire, régla les dénominations des mois; c'est aussi sous le règne de cet empereur que l'usage de compter les années par celles de Jésus-Christ s'est établi en Belgique. Les jours de la semaine, comme nous venons de le dire, ne changèrent pas de nom, mais en recevant une destination analogue au génie du christianisme, ils perdirent peu à peu la signification primitive de leurs dénominations. Dans le principe purement religieuses, les kermesses, dont les actes synodaux de l'évêque Aylo de Bâle, de l'an 822, font déjà mention, devinrent bientôt des réjouissances populaires et prirent dans les Pays-Bas le caractère de fêtes nationales. Partout on attendait avec la même impatience la venue de la kermesse pour la célébrer de la manière la plus joyeuse, partout on rivalisait de magnificence pour ajouter à la splendeur des festivités et pour donner à la fête locale de nouveaux attraits. C'est surtout sous la domination espagnole, que brillèrent le kermesses par la pompe et le luxe des cavalcades et processions connues sous le nom flamand de Ommegang, et l'affection des populations flamandes pour ces sortes de cérémonies était telle qu'à Furnes, une seule année, celle de 1592, n'a pas vu moins de quinze de ces processions, sans compter celles de dévotion ordinaire (6). Les Ommegang d'aujourd'hui n'offrent que le faible reflet des cortèges d'autrefois, mais la célébration des kermesses: est restée intacte jusqu'à nos jours, bien que les autorités civiles et ecclésiastiques aient plus d'une fois essayé de restreindre ces festivités qui, par trop souvent, ont amené de graves désordres. A cause de la grande affluence d'étrangers qu'attiraient les kermesses avec leurs spectacles de tout genre, il s'établit de bonne heure des marchés ou foires à l'époque des kermesses, de sorte que la dénomination de « kermis », pour désigner une foire est restée eu usage dans la Hollande, quoique les dédicaces y soient tombées en désuétude depuis l'introduction du Calvinisme. D'autres fêtes qui en grande partie se sont conservées jusqu'à présent, doivent leur origine à l'organisation des communes et des nombreuses associations de toute nature, qui, de tout temps, ont joué un rôle considérable dans l'histoire de la Belgique. * Notes: (1) Schayes L.P.-B.A, I, 140. (2) « Someren » encore aujourd'hui dans le Limbourg cédé « glaner. » (3) Coremans J., 7-10, 42-68. (4) Mertens, t.II, 434; t.VII, 610. (5) A.d.l'E., t. X, 394-8; A.d.l'U., d.L. 1851, XXXII., LXXII. (6) Geschiedenis der Veurnsche Processie, door H. Van de Velde, Veurne, 1855, p. III.
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