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Collection « Les auteur(e)s classiques »
Catéchisme d'économie politique. (1915) Avant-porpos de l'auteur
Une édition électronique réalisée à partir du livre Catéchisme d'économie politique ou instruction familière qui montre de quelle façon les richesses sont produites, distribuées et consommées dans la société. Osnabruck: Otto Zeller, 1848. Oeuvres diverses de Jean-Baptiste Say, 3e édition publiée du vivant de l'auteur, en 1826. Réimpression, 1966, (pp. 1 à 116). 774 pages. Une édition réalisée M. Pierre Tremblay, collaborateur bénévole.
LÉconomie politique nest pas la politique ; elle ne soccupe point de la distribution ni de la balance des pouvoirs, mais elle fait connaître léconomie de la société ; elle nous dit comment les nations se procurent ce qui les fait subsister. Or, comme cest aux efforts des particuliers que ces choses sont dues, comme ce sont principalement les particuliers qui jouissent de laisance générale qui en est la suite, on ne doit pas considérer léconomie politique comme laffaire des hommes dÉtat exclusivement : elle est laffaire de tout monde.
On ne peut pas espérer, néanmoins, que chaque citoyen soit versé dans cette science. Tout le monde ne peut pas tout savoir ; mais il est très et très-désirable que lon acquière une teinture générale de ce genre de connaissance, et quon nait didées fausses sur rien, particulièrement sur les choses que lon est intéressé à bien connaître.
Tel fut mon motif pour composer, il y a quelques années, sous le nom de Catéchisme, une instruction familière destinée à rendre communes les principales vérités de léconomie politique ; je voulais que lon pût y être initié en dépensant si peu dattention, de temps et dargent, quil fût honteux de les ignorer. Mais on sait combien il est difficile de faire un bon ouvrage élémentaire et dêtre clair sans appeler à son secours les développements, les exemples et les preuves qui présentent chaque objet sous toutes ses faces et dans tout son jour. Je ne fus point satisfait de cet abrégé, et ce fut avec un vrai regret que je le vis traduit en anglais, en allemand, en espagnol, en italien, avant que je fusse parvenu à le rendre moins indigne de cet honneur ; jempêchai du moins quil ne fût réimprimé en français quand la première édition sen trouva épuisée, et jattendis, pour en donner une seconde, davoir pu le refondre entièrement ; je le rendis beaucoup plus clair ; je profitai de quelques critiques judi-cieuses, et jy fis entrer quelques principes qui nont été solidement établis que depuis sa première publication.
De nouvelles corrections et plusieurs augmentations rendent cette troisième édition moins imparfaite encore, et de nouveaux motifs se sont offerts pour étudier, suivant les nouvelles méthodes, léconomie des sociétés. Lopinion publique, en tous pays, a fait des pas immen-ses : les intérêts nationaux, presque partout, ont été mieux entendus et plus généralement réclamés. Les nouvelles républiques américaines ont cherché à connaître les seules bases solides de lédifice social. Le ministère britannique est enfin sorti des routines de la vieille diplomatie et du système exclusif qui a ralenti pendant un siècle les progrès du genre humain (note 2). Des capitaux considérables ont cessé dêtre dévorés par la guerre, et ont reflué vers des emplois utiles Les routes dune ambition dévastatrice fermées à la jeunesse, elle sest jetée avec ardeur dans la carrière de lindustrie. Mais les jeunes gens, au sortir de leurs études, se sont aperçus que léconomie politique aurait dû en faire partie ; elle supplée à lex-pé-rience, et quand on est sur le point doccuper une place dans la société, on sent la nécessité de connaître lensemble de ce vaste et curieux mécanisme. Parmi les hommes dÉtat, les jurisconsultes, les écrivains, les commerçants, ceux qui occupent le premier rang nont pas voulu demeurer étrangers aux premiers principes dune science où une analyse rigoureuse a conduit à la certitude sur tous les points essentiels ; malheureusement, au milieu du tourbillon du monde et des affaires, on na plus assez de loisir pour se livrer à une étude de longue haleine ; ils ont cherché un résumé quils pussent lire sans fatigue, et qui cependant offrît des bases sûres pour résoudre les plus importantes questions.
Mais quel droit a celui-ci à leur confiance ? Un auteur qui nexpose pas des vérités au nom dune autorité reconnue, doit prouver quil a raison ; or, comment établir ces preuves dans. un petit nombre de pages, et lorsquon est en même temps jaloux de se faire entendre des esprits les moins exercés ? Il est donc bien nécessaire que les lecteurs qui ne trouveraient pas assez de motifs de conviction dans ce petit livre, aient recours à un ouvrage plus considérable (note 3) que jai constamment corrigé, et auquel il mest permis de croire que le public a. donné son approbation, puisquil a subi lépreuve de quatre éditions nombreuses et épuisées (note 4), et quaprès avoir été traduit dans toutes les langues de lEurope, il est adopté dans lenseignement de léconomie politique partout où cette science est professée (note 5).
Je sais que quelques tètes nébuleuses sefforcent encore tous les jours de répandre du louche sur des sujets quelles sont incapables de concevoir nettement. Elles obscurcissent une question pour se donner le droit de dire quelle nest point encore éclaircie. On doit peu sen inquiéter ; cest lépreuve indispensable que doit subir toute vérité. Au. bout dun certain temps, le bon sens du public fait justice des opinions qui nont pour appui que de vieilles habitudes, ou les illusions de lamour-propre, ou les sophismes de lintérêt personnel ; et la vérité reste.
Dun autre côté, certains écrivains, capables de travailler utilement à la diffusion des lumières, soccupent à fabriquer des systèmes où il ny a rien à apprendre et des dissertations dogmatiques qui ne prouvent autre chose que la facilité davoir une opinion en économie politique, et la difficulté de lier les principes dont se compose cette science. On veut paraître avoir dépassé les éléments, et lon se jette dans des controverses qui découvrent quon ne les possède pas bien. On remplace lexposition des faits par des arguments, simaginant quil est possible darriver à des résultats importants avant davoir bien posé les questions. On oublie que la vraie science, en chaque genre, ne se compose pas dopinions, mais de la connaissance de ce qui est.
En économie politique, comme dans toutes les sciences, la partie vraiment utile, celle qui est susceptible des applications les plus importantes, ce sont les éléments. Cest la théorie du levier, du plan incliné, qui a mis la nature entière à la disposition de 1homme. Cest celle des échanges et des débouchés qui changera la politique du monde. Le temps des systèmes est passé m; celui des vagues théories également. Le lecteur se défie de ce quil nentend pas, et ne tient pour solides que les principes qui résultent immédiatement de la nature des choses consciencieusement observées, et qui se trouvent, dans tous les temps, être applicables à la vie réelle.
Note 1: Cet avertissement est celui de la 3e édition de louvrage, la dernière qui ait été publiée du vivant de lauteur (1826). Une 4e a été donnée, en 1837, par M. Ch. Comte, gendre de lillustre économiste, secrétaire per-pétuel de lAcadémie des sciences morales et politiques. On doit rappeler également quil existe plusieurs traductions de cet ouvrage en langue italienne, espagnole, anglaise, allemande, et même en grec moderne. E. D. (Retour à l'appel de note 1) Note 2: On sait que le système exclusif est celui qui soutient que la prospérité dune nation ne saurait avoir lieu quaux dépens de celle des autres nations. Cest cette fausse notion qui a causé la plupart des guerres ; et cest un grand triomphe de léconomie politique que dêtre parvenue à démontrer que chaque peuple, au contraire, est intéressé aux progrès de tous les autres. Lorsque cette vérité sera généralement répandue, le germe des rivalités sanglantes ne subsistera p1us (Note de lAuteur.) (Retour à l'appel de note 2) Note 3: Traité dÉconomie politique, ou simple exposition de la manière dont se forment, se distribuent et se con-somment les richesses. Trois vol. in-9&Mac251;. ((Retour à l'appel de note 3) Note 4: La cinquième a paru en 1826, et l sixième, en 1841, dans la Collection des principaux économistes, dont elle forme le tome IX. (Retour à l'appel de note 4) Note 5: Relativement à quelques doctrines plus nouvelles, ou qui ont été contestées par des auteurs dont lopinion est de quelque poids, jai cru devoir les développer dans des notes et les appuyer de preuves dont les esprits bien faits ne peuvent jamais se passer. (Note de lAuteur.) (Retour à l'appel de note 5)
Dernière mise à jour de cette page le Jeudi 27 mars 2003 14:29 Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
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