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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Les forces religieuses et la vie politique. Le catholicisme et le protestantisme. (1951)
Introduction: le catholicisme


Une édition électronique réalisée à partir du livre d'André Latreille et André Siegfried, Les forces religieuses et la vie politique. Le catholicisme et le protestantisme. Paris: Librairie Armand Colin, 1951, 218 pp. Collection “Cahiers de la Fondation nationale des sciences politiques”, no 23.

[9]

Les forces religieuses et la vie politique.
Le catholicisme.

Introduction: le catholicisme.

Lorsqu’on pose le problème des forces religieuses et de la vie politique devant des Français de notre temps, on le pose presque instinctivement sous la forme des rapports du Christianisme avec les Sociétés modernes civilisées à l’Occidentale. « La religion », dans le langage courant de la plupart d’entre nous, qui sommes « nés Chrétiens et Français », comme disait la Bruyère, dans un pays profondément marqué par l’empreinte de la tradition, c’est le Christianisme, peut-être même le seul catholicisme romain.

Qu’il y ait là une erreur d’optique, toute la construction de cet ouvrage l’établit clairement. Mais qu’il y ait là aussi une sorte d’inconséquence raisonnable, c’est ce que prouve l’aspect singulier et irréductible que prend le problème politique partout où apparaît le christianisme.

Erreur de fait évidente, celle qui mettrait derrière le vocable religion la seule idée de catholicisme. Au regard du géographe, le catholicisme n’occupe sur le globe qu’une place assez réduite. À s’en tenir aux chiffres habituellement reçus, on peut lui attribuer environ 375 millions de ressortissants officiels, c’est-à-dire d’hommes qui ont été incorporés à l’Église par le baptême, mais qui ont pu d’ailleurs par la suite s’affranchir de toute dépendance à son égard. C’est un chiffre à peine supérieur à celui des chrétiens non romains (220 millions de protestants, 160 d’orthodoxes), à peine supérieur à celui des monothéistes non chrétiens (20 millions de Juifs, 300 millions de Musulmans), — en tous cas peu élevé au regard des masses innombrables de païens n’appartenant à aucune des religions monothéistes lesquels représentent plus de la moitié de l’humanité, plus d’un milliard d’êtres humains. Du point de vue de l’historien, il serait aussi inadmissible d’identifier les deux termes de religion et de christianisme. Le christianisme ne peut invoquer qu’une ancienneté de 2 000 ans, et, dans la période impossible à mesurer qui l’a précédé, des formes religieuses innombrables sont apparues, ont coexisté ou se sont succédées. Les âges préchrétiens, que nous appelons aujourd’hui globalement « l’antiquité » [10] ont été essentiellement des âges religieux. La Cité Antique, telle que l’a décrite Fustel de Coulanges dans un grand livre classique, dont la lecture demeure une préparation indispensable à l’intelligence des problèmes dont nous avons à traiter, la Cité Antique est profondément religieuse ; dans chaque acte de la vie publique, comme dans la vie domestique, la religion joue un rôle considérable. On pourrait dire que pendant des millénaires avant l’apparition du christianisme, les peuples ont demandé à des cultes infiniment divers de leur fournir le lien social essentiel à leur vie collective.

Toutefois, autant il serait inexact de ramener le problème des forces religieuses dans la vie politique à celui des rapports de l’Église Catholique avec les États, autant il convient de souligner que l’apparition du christianisme a donné à ce problème un aspect absolument nouveau et singulier. Non point par suite d’un accident historique, mais en raison de la nature même de cette religion, parce qu’elle apporte, partout où elle intervient, un certain nombre d’affirmations relatives à l’homme individuel et social qui changent radicalement les conceptions anciennes de ses relations avec la divinité. Historiquement, il est douteux que l’on ait le droit de parler de la Cité Antique, en mettant sur le même plan les cités du monde méditerranéen et celles de l’Inde ; mais si on le peut, s’il y a désormais pour nous une Cité d’un type primitif, qui se distingue de nos Sociétés modernes, c’est précisément par le fait que l’une est séparée des autres par la distance infranchissable entre deux modes d’organisation où les forces religieuses jouent d’une manière radicalement différente dans la vie politique. Et le débat instauré par le christianisme au cœur des Sociétés politiques ne résulte pas non plus de certains caractères transitoires de nos sociétés de civilisation occidentale. Il s’ouvre partout où se répand la religion du Christ, plus net peut-être là où s’implante l’Église catholique romaine. Cette Église se présentant comme universelle par vocation, ayant réussi dès maintenant, non point à embrasser toute l’humanité, mais à prendre pied dans chacun des peuples qui la composent, il importe donc de déterminer comment elle pose par sa présence et par son essence mêmes le problème des forces religieuses, avant d’examiner de quel poids elle a pesé et pèse effectivement sur le monde contemporain.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 26 février 2023 12:18
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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