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Collection « Les auteur(e)s classiques »

André Siegfried, Tableau des partis en France.
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre d'André Siegfried, Tableau des partis en France. Paris: Les Éditions Grasset, 1930, 245 pp. Collection “Les Écrits”.

[1]

Tableau des partis en France

Préface

Beaucoup de gens, même en France, pensent de notre politique ce que Macbeth dit de la vie : « It is a tale, told by an idiot, full of sound and fury, signifying nothing ». Je préfère Gœthe quand il écrit : « L'Enfer même a ses lois ». La politique peut donc avoir les siennes. À vrai dire, contrairement à, l'opinion courante, l'esprit de notre vie publique me paraît intelligible. Pourquoi, dès lors, affecter de n'y voir qu'un monument d'incohérence ? Je préfère essayer de comprendre.

On me permettra une brève référence personnelle pour indiquer les raisons qui m'ont attiré vers l'étude de la politique intérieure française. Étant jeune j'avais essayé d'entrer à la Chambre, mais sans [2] succès : dans la circonscription où j'étais né les circonstances m'étaient hostiles, et ailleurs je n'étais qu'un étranger, un « exotique », comme disent les politiciens. Après quelques années, ne pouvant passer toute ma vie à ces sollicitations, j'abandonnai la partie. Mais j'avais appris, dans le détail, les règles du jeu, et elles m'avaient passionné, parce qu'au lieu de livres ou de documents j'avais vu des hommes. Je décidai donc de continuer à, m'occuper de politique, mais sous la forme de l'étude et de l'observation. Après six années de travaille publiai en 1913 un Tableau politique delà France de l’Ouest sous la troisième République (Armand Colin), qui, dans ma pensée, ne devait être que le premier d'une série de quatre ou cinq ouvrages se rapportant aux principales régions de la France. Si j'avais pu mener le projet à bien, il eût abouti à une psychologie politique de la France, basée sur la géographie.

En 1914, malheureusement, la guerre [3] suspendit mon travail, et je ne l'ai pas repris. Les circonstances m'invitèrent au contraire à visiter l'Australie, le Canada, les États-Unis, l’Angleterre, et ce fut l'occasion pour moi d'observer la démocratie telle que la pratiquent les Anglo-Saxons : au lieu de l'esprit doctrinaire et à vrai dire négatif de notre individualisme latin, je voyais des sociétés politiques basées sur la coopération et dont le rendement social est le véritable but. Au fond, il me sembla que le contraste résidait essentiellement dans une approche différente du problème religieux : les pays marqués par Rome, Calvin ou Luther ne réagissent pas politiquement de la même façon.

Cette comparaison a renouvelé, chez moi, le désir de reprendre mes études, commencées puis interrompues, sur la France. Je voudrais entreprendre un Tableau politique de la France du Midi (ou des Midis), qui serait passionnant au moins à préparer, mais il faut longtemps. [4] En attendant, de mes souvenirs électoraux, de mes voyages dans la France de l’Ouest, d'observations plus récentes sur les États-Unis se dégage maintenant, dans mon esprit, une image plus claire et plus vive de la démocratie à la française : j'ai pensé — ai-je eu tort — qu'il pouvait y avoir intérêt, sans plus tarder, à en exprimer brièvement les données essentielles.

Dans les pages qui suivent je me suis basé surtout sur des impressions personnelles, vieilles parfois de près d'un demi-siècle : mon père était député et y ai toujours vécu dans l'atmosphère parlementaire ; mon plus ancien souvenir politique est en 1884, âgé de six ans, d'avoir connu Gambetta ! Mais je me suis également appuyé sur l'étude et la méditation d'un certain nombre d'écrivains dont les écrits me paraissent essentiels à qui veut connaître l'esprit de la troisième République. Le premier, le plus important, est M. Charles Seignobos, dont le nom devrait être [5] cité comme référence presque à chaque page de ce livre. Les autres sont Robert de Jouvenel (la République des camarades), Alain (Essai d'une doctrine radicale). Étienne Fournol (L'esprit démocratique français est-il mort ? — polémique de la Revue Bleue), Albert Thibaudet (La République des professeurs). Tous ces hommes, même quand ils critiquent le régime, ont au fond pour lui une sympathie instinctive et je dois ajouter que tel est aussi mon cas.

Je n'en veux pas aux électeurs, qui m'ont laissé le loisir, la joie et la liberté d'esprit de l'étude. La volupté de comprendre me paraît aussi belle que l'ivresse de l’action.

[6]


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 2 février 2023 16:13
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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