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La crise britannique au XXe siècle.
L’Angleterre des années 30.
PRÉFACE
de la première édition
mars 1931.
La guerre a provoqué, dans l’économie de l'Europe, un déséquilibre persistant : plusieurs pays, dont la puissance et la prospérité constituaient avant 1914 l'armature même du vieux continent, se débattent dans des difficultés qu'ils n'arrivent pas à surmonter. Pour l'Allemagne, l'explication peut se trouver dans sa défaite. Mais l'Angleterre victorieuse paraît cependant presque aussi gravement atteinte : on a pu, chaque année depuis dix ans, parler de la crise britannique ; tantôt virulente, tantôt atténuée, elle était en effet toujours présente.
Étudier cette crise, considérer L’Angleterre d'après-guerre du point de vue de cette véritable maladie économique, tel est le but de ce livre. On pénètre souvent davantage les ressorts et le fonctionnement d'un organisme quand on l'observe dans un état de dérèglement : les caractères essentiels de l'économie britannique contemporaine se révèlent mieux en effet dans cette période de crise que dans la longue phase de prospérité qui, en se prolongeant sans doute à l'excès, avait fini par nous voiler certains traits, anciens ou nouveaux, du caractère anglais. Il s'agit donc ici d'une analyse des conditions d'existence et de persistance de la puissance économique de l'Angleterre, après la révision des valeurs mondiales à laquelle la guerre a donné lieu.
Me permettra-t-on une justification personnelle ? J'étudie [6] l'Angleterre, jour après jour, depuis l’année 1898, mais j'y étais allé pour la première fois, comme enfant, en 1882 : d'où la possibilité d'un certain recul. Depuis la guerre, que j'ai faite dans l'armée britannique, je retourne en Angleterre presque tous les ans. Des liens, en quelque sorte personnels, m'attachent donc à ce pays, dont je pense, comme beaucoup de Français, que le concours, sinon l'alliance formelle, est nécessaire à la France, et d'une façon plus générale à l'équilibre même de l'Europe : aucune raison quelconque ne nous pousse, en tant que Français ou Européens, à souhaiter une Angleterre moins forte, moins influente dans le monde.
C'est en raison de pareils sentiments, et connaissant l'estime des Anglais eux-mêmes pour toute étude loyale, que j'ai cru pouvoir me permettre une observation d'une complète franchise. J'ai dit ce que j'ai observé, ce qu'e j'ai cru comprendre, sans rien cacher. Le sujet est assez grave, soit pour l'Angleterre, soit pour la France et l'Europe par répercussion, pour qu'on l'examine dans l'esprit de la plus sérieuse objectivité.
Mars 1931.
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