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Introduction
Ce livre n'est pas une simple mise à jour de celui que je publiais en 1927 sous ce titre : Les États-Unis d'aujourd'hui. Un quart de siècle écoulé a modifié tous les angles de perspective : il faut tout changer, même ce qui pouvait sembler immuable. Pour mettre les choses au point, la nécessité s'impose donc de faire un nouveau livre.
J'avais visité les États-Unis pour la première fois en 1898, et avant 1914 j'y étais retourné trois fois. Entre les deux guerres j'ai traversé sept fois l'Atlantique, et quatre fois encore depuis 1945. C'est en m'appuyant sur les observations et les impressions issues de ce contact que j'essaie, après un quart de siècle, ce tableau d'un pays qui, plus que tout autre, doit nous intéresser.
Trois points de vue essentiels m'ont guidé au cours de ce travail. Je crois que, pour comprendre l'Amérique d'après 1914, il faut les avoir constamment dans l'esprit.
Après la grande dépression de 1929 à 1941 et le New Deal de Roosevelt, après la seconde guerre mondiale, le pays ne peut plus être ce qu'il était antérieurement : de pareils événements labourent le sol trop profondément. Mais ne méconnaissons pas que, par ses conséquences, la grande dépression est probablement aussi importante que la guerre.
En dépit de relations plus étroites, les différences entre l'Europe et l'Amérique s'accroissent : l'Amérique est plus américaine qu'elle ne l'était autrefois, quand elle était encore fille de l'Europe, à peine parvenue à sa majorité. C'est d'un point de vue continental, plus que national, qu'il faut envisager cette opposition : les problèmes des États-Unis se comprennent mieux ainsi.
En considérant la question sous cet angle, on s'aperçoit que ce que l'on a étudié c'est moins un pays qu'une civilisation. [p. 2] Dans cet occident auquel nous appartenons les uns et les autres, une civilisation américaine se distingue de plus en plus de notre traditionnelle civilisation européenne et, comme elle prend le dessus, c'est toute la destinée du monde qui s'en ressent.
Les jugements ne peuvent être les mêmes si, parlant des États-Unis, on se place du point de vue américain ou du point de vue européen. C'est du point de vue européen que je me suis placé. D'où telles impressions dans lesquelles on aurait tort de voir une critique : elles sont simplement le signe que, sur la grande voie du destin occidental, les États-Unis évoluent plus vite que nous.
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