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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Gabriel Tarde, Écrits de psychologie sociale (1973).
Introduction 2.


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Gabriel Tarde, Écrits de psychologie sociale. Textes choisis et présentés par A. M. Rocheblave-Spenle et J. Milet. Toulouse Privat, Éditeur, 1973, 202 pages. Une édition numérique réalisée conjointement par Réjeanne Toussaint, [Chomedey, Ville Laval, Québec] et Marcelle Bergeron, [professeure à la retraite, Chicoutimi], bénévoles.

Introduction

2. Gabriel Tarde
et la psychologie sociale
 

Par Anne-Marie ROCHEBLAVE-SPENLÉ 

 

A. Tarde et la psychologie sociale
B. La personnalité et l'« acteur social »
C. Les croyances et les désirs
D. L'invention
E. L'imitation
F. Tarde et l'interpsychologie
G. Tarde et les méthodes

 

 

Après une longue période de quasi-oubli, l'œuvre de Gabriel Tarde suscite actuellement un intérêt certain non seulement en France – où ce sont les aspects philosophiques qui ont surtout retenu l'attention [1] – mais aussi à l'étranger où les textes sociologiques et psychologiques sont plus souvent reproduits et commentés.

Un livre paru récemment au États-Unis [2], dans une collection de sociologie, offre une sélection de certains de ses ouvrages et articles que Clarke présente et commente dans une intéressante introduction. Le titre de ce livre, On Communication and Social Influence (À propos de la communication et de l'influence sociale), paraît significatif à cet égard et souligne la perspective de psychologie sociale dans laquelle peuvent être situés ces textes de Gabriel Tarde.

Il devient alors nécessaire de se demander pour quelles raisons un auteur, qui se révèle actuellement comme un précurseur de la psychologie sociale contemporaine, a pu être oublié et méconnu à ce point, pour « refaire surface » près d'un demi-siècle plus tard.

Plusieurs facteurs peuvent être avancés. Le premier semble inhérent à l'histoire même des idées. En effet, après une période de création intellectuelle et d'expansion, un retour sur soi devient souvent possible et fécond ; il peut prendre la forme d'un examen historique et critique des nouveaux concepts ou des théories récemment élaborées. C'est ainsi que l'on est amené à rechercher les origines, les précurseurs chez lesquels les idées nouvelles ont fait leur première apparition sans réussir encore à s'imposer vraiment.

Un deuxième facteur, plus particulier, peut être invoqué : c'est « l'étouffement » relatif de l'œuvre de Tarde par rapport à celle de Durkheim et la revanche tardive que semblent lui accorder les courants de la psychologie sociale actuelle. En effet, la pensée de Tarde n'a pas réussi à « faire école » comme celle de Durkheim et, pendant longtemps, le nom même de Tarde n'a été connu que par association avec celui de Durkheim, grâce à la célèbre polémique entre les deux auteurs. La seule idée importante qu'on lui attribue se réduit à sa conception de l'imitation. En fait, si la pensée de Durkheim a réussi à s'imposer en France aux dépens de celle de Tarde, cela provient en partie de son apparente rigueur, de sa tendance monolithique, plus satisfaisante pour l'esprit que les nuances, les hésitations et les intérêts polyvalents dont témoigne l'œuvre de Tarde. On peut penser également que l'accent mis sur l'extériorité des normes sociales, sur leur caractère contraignant, était satisfaisant pour l'esprit à un certain moment et dans un certain contexte politique, mais que, actuellement, l'intérêt se déplace sur les valeurs de créativité, d'innovation, d'imagination que l'individu peut transcrire dans la société.

Alors que Durkheim possède une place bien marquée et indiscutable dans la lignée des sociologues, Tarde se révèle tour à tour philosophe de l'histoire, sociologue, juriste, criminologue et psychologue social. Si, grâce à ses discussions avec Durkheim, il est connu surtout comme sociologue, l'importance de son apport en criminologie commence à être reconnue, comme en témoignent les articles de Boudon [3] et de Davidovitch [4], ainsi que le volume consacré par Pinatel [5] à la criminologie. Il semble que ce soit l'apport psychosociologique de Tarde qui a été le plus longtemps méconnu en France, malgré quelques tentatives isolées de réhabilitation. On peut ainsi mentionner la référence qu'y fait M. Jean Stoetzel dans son ouvrage Théorie des opinions [6], cet auteur voyant en lui un précurseur de la psychologie des groupes ; on peut également citer le titre que Mme Juliette Favez-Boutonier, professeur à la Sorbonne, avait donné à un de ses séminaires de Doctorat de 3e cycle, vers 1965 : Séminaire d'Interpsychologie, reprenant ainsi ce terme propose par Tarde pour désigner l'étude des personnes dans leurs relations à autrui.

Ces quelques références à un auteur français dans le contexte de la psychologie sociale constituent en quelque sorte une réaction contre l'évolution et la situation de cette discipline en France. Celle-ci n'a été adoptée que tardivement dans notre pays, et le terme même de « psychologie sociale » ne figure pas dans le « Vocabulaire technique et critique de la philosophie » de Lalande [7], qui mentionne pourtant ceux de « psychologie pathologique », de « psychologie différentielle » et de « psychologie individuelle ».

Très souvent, en effet, la psychologie sociale est considérée comme une branche de la psychologie importée des États-Unis et, en conséquence, elle s'attire fréquemment des réactions de méfiance. C'est dans ce pays, il est vrai, que l'on trouve le plus grand nombre de manuels de psychologie sociale et les auteurs ayant apporté le plus de contributions. Ainsi, parmi les cinq grandes orientations théoriques dominant la psychologie sociale –théorie de la Gestalt, théorie de l'apprentissage, théorie psychanalytique, orientation lewinienne du champ, théorie du rôle –, presque toutes sont illustrées par des noms américains, même si, parmi les précurseurs ou fondateurs, figurent des noms européens (comme dans la théorie de la Gestalt et dans la psychanalyse, qui s'intéresse aux phénomènes sociaux surtout aux U.S.A.).

Ce n'est pas faire preuve d'un chauvinisme outrancier – bien déplacé dans le présent contexte – mais rendre justice aux faits que de souligner la part des auteurs français, et en particulier de Tarde, dans la naissance de la psychologie sociale.

On pourrait d'ailleurs se demander si ce n'est pas le sort de maint auteur européen d'élaborer des concepts ou des théories, peu remarqués dans leur propre pays, mais qui sont repris, structurés, reformulés aux États-Unis d'où ils reviennent, parfois englobés dans une conception plus rigoureuse et élaborée avec plus de soin.

Nous avons ainsi pu montrer [8], à propos de la théorie du rôle, que les précurseurs se rencontraient en nombre aussi grand en France et en Allemagne qu'aux États-Unis. Mais les nouvelles idées furent abandonnées et oubliées en Europe, alors que les auteurs américains les approfondirent, les systématisèrent, et ce n'est que bien plus tard (en 1950) que ce concept de rôle fut introduit en France, vraisemblablement sous l'impulsion des auteurs américains.

C'est dans une perspective analogue que nous pensons utile de montrer les apports de pionnier de Tarde et de mettre en évidence dans son œuvre les premiers germes de diverses orientations de la psychologie sociale actuelle. 

 

A. Tarde et la psychologie sociale

 

C'est à Gabriel Tarde que nous devons le terme même de psychologie sociale [9] puisque, en 1898, il publie ses « Études de psychologie sociale ». On peut faire remarquer, à ce propos, que ce terme apparaît de façon officielle simultanément en France et en Allemagne. Dans ce dernier pays, paraît, en effet, un ouvrage de sociologie de Gustav Ratzenhofer [10], comportant une partie qui tient particulièrement compte des individus et de leurs motivations et qui s'intitule Sozialpsychologie.

Ce n'est que dix ans plus tard, en 1908, que nous trouvons ce terme de psychologie sociale dans le Nouveau Monde, et cela presque simultanément chez Ross (Social Psychology) et chez Mc Dougall (Introduction to Social Psychology).

L'adoption de ce nouveau terme par Tarde n'était certes pas due au hasard ; elle répondait à un besoin conceptuel. Si, auparavant, cet auteur se définissait lui-même comme sociologue (il publie, en 1895, Essais et Mélanges sociologiques). Il soulignait cependant le rôle de l'individu, en particulier des innovations qu'il apportait par ses inventions, dans le développement social. Il faut dire que, depuis le début de sa carrière, son intérêt s'était porté sur la psychologie : il connaissait les travaux de l'école de Leipzig – qu'il critiquait d'ailleurs – et s'était penché surtout sur des fonctions mentales comme l'attention, la croyance, la sensation et le désir (1880). Il s'intéressait aux différentes manifestations de la personnalité et avait même consacré un article à la graphologie (1897), car il pensait que l'écriture pouvait refléter la personnalité.

Il n'est donc pas étonnant de voir qu'il a reconnu très vite l'intérêt qu'on peut trouver à faire appel à des facteurs psychologiques pour analyser des phénomènes étudiés par d'autres disciplines. Ainsi, dès 1881, il a publié un article intitulé « La psychologie en économie politique », qui met en évidence l'importance des facteurs psychologiques dans la vie économique.

Cet intérêt pour l'exploitation psychologique l'a amené tout naturellement à considérer l'action de ces facteurs dans les processus sociaux et à tenter ainsi un rapprochement entre la psychologie et la sociologie, comme en témoigne son article « La psychologie et la sociologie », paru en 1903.

La rencontre de ces deux disciplines, leur synthèse, représenterait en conséquence ce que Tarde appelle la psychologie sociale. Dans cette rencontre, est-ce la sociologie qui vient fournir une aide à la psychologie ou bien, au contraire, la psychologie qui permet de mieux connaître les processus sociaux ? Autrement dit, quel est le sens que Tarde donne à ce terme de psychologie sociale et sa définition correspond-elle à ce que nous entendons actuellement par psychologie sociale ? Il faut reconnaître que, si nous pouvons citer des définitions de cette dernière, celles-ci sont si variées et si complexes qu'elles révèlent surtout le caractère double et, partant, la possible ambiguïté de cette discipline. Nous ne nous engagerons pas dans un tel travail de débroussaillage, mais, dans une première approche, très sommaire, nous pourrions dire la chose suivante : si, avec les sociologues, nous nous tournons vers la société, les institutions, les groupes, mais en considérant surtout le fait qu'ils sont composés d'individus concrets ; si, d'autre part, avec les psychologues, nous nous tournons vers les individus, mais en tenant compte particulièrement de leurs déterminations sociales, du fait qu'ils vivent en groupe, nous avons délimité, sommairement, la position de la psychologie sociale entre les deux disciplines voisines et ses relations avec celles-ci.

C'est sur le premier aspect de la psychologie sociale, sur sa face tournée vers la sociologie, que Tarde a certainement le plus insisté. Pour lui, en effet, le groupe est composé d'individus, et les facteurs ou processus psychologiques dégagés par l'étude de l'individu peuvent être appliqués à l'étude du groupe, théorie qui sera développée dans sa polémique avec Durkheim.

Tarde s'est moins intéressé à l'individu en tant que tel, et, même s'il montre la nécessité de tenir compte de l'importance des facteurs sociaux dans l'étude de la personnalité, son apport relatif au deuxième aspect de la psychologie sociale reste peu important. Prendre en considération les déterminants sociaux eût été reconnaître l'influence souvent contraignante de la société sur l'individu et eût constitue un certain rapprochement avec les thèses défendues par Durkheim.

Quoi qu'il en soit, c'est le versant sociologique de la psychologie sociale qui l'intéresse, mais surtout dans la mesure où les échanges avec la psychologie sont possibles, et c'est dans cet esprit qu'il écrit au psychologue Baldwin, qui se situe sur l'autre versant -psychologique – et montre l'impact de la société ou de l' « autre » sur l'individu : « le point d'arrivée de l'un coïncide avec le point de départ de l'autre » (rapporté par Baldwin, 1899, trad. fr., préface, p. III [11]).

Certaines définitions actuelles de la psychologie sociale se situent à la charnière même de la psychologie et de la sociologie, telle celle de Allport (1954), pour qui elle concerne « l'étude des relations réelles, imaginées ou anticipées de personne à personne, dans un contexte social, en tant qu'elles affectent la personne impliquée ».

Dans cette « étude des relations » aussi, Tarde fait figure de précurseur. S'il emploie le terme de « psychologie sociale » dans un sens très large, pour indiquer tous les processus psychologiques à l'œuvre dans la société, nous trouvons également la dénomination « interpsychologie », qui possède à ses yeux un sens plus limité et surtout plus « interactionnel ». Il s'agit là principalement de l'étude des relations entre les individus, relations que Lagache appellera « relations intersubjectives », ou aussi « relations interpersonnelles ». Si Tarde emploie, parallèlement et dans le même sens, « intermental » et « interspirituel », ces derniers termes – tout en accentuant également le caractère d'interaction – lui paraissent pourtant trop vagues, trop entachés peut-être aussi d'un certain spiritualisme, et il leur préfère en général celui d'interpsychologique et d'interpsychologie. Comme nous l'avons déjà souligné, ce terme, tant décrié par Durkheim, revient à l'honneur dans la psychologie moderne.

Si nous distinguons avec Klineberg différents secteurs dans la psychologie sociale [12], nous nous apercevons que Tarde avait, dans une certaine mesure, abordé leur étude ; c'est ainsi qu'il envisagea les attitudes et opinions, les problèmes de la communication, l'interaction sociale, la pathologie sociale.

Nous dégagerons rapidement certains des problèmes de psychologie sociale apparaissant dans l'œuvre de Tarde, en indiquant éventuellement dans quelle mesure il a fait œuvre de précurseur.

 

B. La personnalité et l'« acteur social »

 

Comme nous venons de l'indiquer, Tarde ne s'est pas spécialement intéressé à l'individu en tant que tel ; il n'a pas été un psychologue au sens actuel du terme, il n'a pas étudié l'individu « concret et complet » engagé dans une situation réelle. On peut d'ailleurs souligner que l'époque de Tarde connaissait surtout la psychologie classique, d'orientation introspectionniste, axée sur l'étude des facultés, et, à l'autre extrême, une psychophysiologie naissante, que Tarde n'ignorait pas, mais envers laquelle il gardait une réserve critique.

Comme le souligne Clarke, c'est à juste titre qu'on a reproché à Tarde son absence de conception dynamique de la personnalité. A sa décharge, on peut cependant faire remarquer que la psychologie de son temps ne se montrait pas particulièrement dynamique et que, à l'époque de l'élaboration de l'œuvre de Tarde, Freud commençait seulement à élaborer ses théories.

Quoi qu'il en soit, on peut relever chez Tarde certaines considérations qui se situent déjà dans la ligne dynamique freudienne, même s'il n'a pas approfondi ces réflexions, qui se situaient en quelque sorte en marge de sa préoccupation principale. Mais, en 1898, lorsqu'il parle de l'apposition des sentiments dirigés vers un même objet, il décrit en fait ce que Freud – à la suite de Breuer – désigne sous le nom d'ambivalence. Ainsi, il déclare (Les lois sociales, p. 74) : « Notre conscience est ainsi constituée qu'elle comporte une infinité d'affirmations opposées à des négations, une infinité de désirs opposés à des répulsions et ayant précisément le même objet. » Pour l'auteur, cette opposition existe en nous et dans le monde, et elle tisse le fond tragique de la destinée. Pour lui, c'est l'existence des contraires qui est responsable du changement, du progrès social. Il n'a pas, semble-t-il, franchi le pas consistant à souligner le caractère dynamique et historique de la personnalité du fait de ces oppositions et des conflits internes qu'elles engendrent, comme le fera Freud. Et cependant, là aussi, il avait mis en évidence les données qui lui auraient permis d'aboutir à de telles considérations. En effet, étudiant l'opposition, il montre que celle-ci peut se situer non seulement entre deux individus, mais aussi au sein d'une même personne : « dans les combats singuliers de thèses et d'anti-thèses, de vouloirs et de nouloirs, dont la conscience de l'individu est le théâtre » (Les lois sociales, p. 80), ce qui constitue déjà une description de ce conflit interne qui se trouve au cœur des conceptions freudiennes. Il est d'ailleurs intéressant de voir que c'est vers la même époque que Freud, dans son premier article « psychologique » [13], a concentré sa réflexion sur l'opposition entre un vouloir et un contre-vouloir (Willen und Gegenwillen), ce qui se rapproche singulièrement du combat entre vouloir et nouloir, dégagé par Tarde.

En conséquence, le point de départ d'une conception dynamique existait chez les deux acteurs, et Tarde a même eu l'intuition d'une relation, d'un passage entre la lutte extérieure et la lutte intérieure.

Pourtant, malgré ces points de départ communs, ces deux auteurs se sont engagés dans des voies différentes par la suite. Ainsi, si Freud a montré le conflit à l'origine du dynamisme personnel, mais aussi de la névrose, Tarde a pris en considération les changements sociaux introduits par les oppositions de forces.

En fait, pour Gabriel Tarde, l'individu est surtout l'acteur, et les différences individuelles l'intéressent principalement dans la mesure où elles conditionnent l'action sociale.

Pourtant, cet acteur porte en lui tout le poids de la société. En effet, si, pour Durkheim, les normes sociales sont extérieures à l'individu et exercent sur lui une contrainte qui lui est étrangère, Tarde montre comment ces normes sont devenues intérieures au sujet d'un groupe et comment elles « finissent par être ce qu'il a de plus intime [14] ». Elles existent dans la conscience de chaque membre de la société qui les a assimilées, et cette contrainte devenue intérieure fait évidemment songer à l'instance du Surmoi, telle que la décrira Freud.

Les éléments fondamentaux de la personnalité sont, d'après lui, la croyance et le désir, et ce sont ces deux éléments qui se retrouvent dans la structure sociale.

 

C. Les croyances et les désirs

 

C'est en 1880 que Tarde publia un article intitulé « Croyance et Désir », qu'il reprit quinze ans plus tard dans les « Essais et Mélanges sociologiques ». C'est-à-dire que sa pensée psychologique est restée relativement constante, même s'il indique que certaines de ses affirmations se sont transformées en interrogations. C'est dans ces données premières de la conscience qu'il faut rechercher les bases de la vie sociale, les croyances individuelles se regroupant dans l'opinion, les désirs individuels dans la volonté commune [15].

Alors que les croyances représentent l'aspect cognitif de la personnalité, les désirs en constituent le côté affectif ou, plus précisément, conatif, puisque le désir vise un objet qu'il érige en valeur. Pour Tarde, c'est du reste la croyance qui est première, qui modèle les désirs et les commande. On trouve ici la position très intellectualiste de cet auteur qui semble considérer uniquement les désirs que l'on pourrait appeler secondaires et qui se modèlent effectivement sur la base d'opinions et de croyances (comme c'est le cas pour la plupart des désirs de consommation, élaborés par les croyances et opinions que véhicule la publicité). Tarde ne prend pas en considération dans ce contexte – il faut rappeler que nous sommes avant Freud – les désirs primaires, d'origine pulsionnelle, même si, à certains endroits, il emploie le terme de besoin, plus proche du biologique.

Dans son analyse de la croyance et du désir, Tarde peut apparaître en quelque sorte comme un précurseur des études sur les opinions et les attitudes. Ces dernières, pour les auteurs modernes, se situent également entre le psychologique et le social et appartiennent donc de plein droit au domaine de la psychologie sociale. La relation entre opinion et attitude apparaît très étroite, de telle sorte que les deux sont parfois confondues actuellement et que l'on trouve des études portant sur l'opinion publiée sous le nom « mesure des attitudes ». On peut penser que la croyance et l'opinion, d'une part, le désir et l'attitude, d'autre part, constituent les aspects complémentaires d'un même processus, le premier plus rationnel, plus accessible à la communication verbale et à l'observation directe – ce qui fait qu'il semble si important dans la vie sociale –, le second plus affectif, plus dynamique, le désir comme l'attitude orientant l'action de façon plus immédiate.

Tarde a fort bien vu que la croyance et le désir constituent des forces et qu'ils peuvent varier en intensité, ce qui l'amène tout naturellement à proposer de les mesurer. Ici aussi, comme nous le verrons encore par la suite, son intuition a été vérifiée par la mesure des attitudes, courante parmi les méthodes de la psychologie sociale actuelle.

En ce qui concerne le terme de désir, il n'a évidemment pas chez Tarde le sens que l'on rencontre si fréquemment dans la littérature psychanalytique actuelle ; mais il possède déjà chez lui le caractère de « tension vers », impliqué dans celui d'attitude, ce qui le lie également au terme moderne de « motivation », conçue comme « ce qui pousse l'organisme vers ». Tarde identifie d'ailleurs l'aspect psychologique de l'effort au désir. Malgré tout ce que l'on a pu dire, cette importance accordée au désir ouvre aussi la voie à une approche dynamique de la personnalité, au même titre que l'a fait la conception de l'effort introduite par Maine de Biran.

 

D. L'invention

 

Parmi les processus qui sous-tendent la réalité sociale, celui que l'on rattache presque automatiquement au nom de Tarde est l'imitation, qui, comme nous le verrons plus loin, a effectivement fait l'objet chez lui d'une analyse particulièrement approfondie. Trop souvent même, on a restreint la contribution de Tarde à l'étude de ces processus d'imitation, ce qui a permis de lui reprocher de réduire toute la vie sociale à des phénomènes imitatifs.

Or, si l'imitation a pour lui une telle importance, c'est surtout parce qu'elle permet aux inventions d'avoir un impact social, parce que, grâce à elle, l'invention peut se propager dans le groupe, transformer toute la vie sociale et ne pas demeurer un phénomène ponctuel.

Si l'imitation assure une certaine permanence, ainsi qu'une homogénéisation sociale pouvant aller jusqu'au nivellement, l'invention, elle, y introduit le nouveau, l'inattendu, le jamais vu, et Tarde peut apparaître ainsi comme le précurseur de ce thème de réflexion et de recherche, tant à l'honneur actuellement, qui est celui de la créativité.

Si c'est surtout l'aspect de « norme extérieure », de contrainte sociale exercée sur l'individu, qui parcourt l'œuvre de Durkheim et lui donne son aspect déterministe, Tarde, en mettant l'accent sur l'individu, introduit en quelque sorte la liberté par l'intermédiaire de l'acte créateur de la personne ; cette dernière ne subit pas seulement le poids des déterminismes, elle a la possibilité de créer, d'introduire du neuf dans la société. Comment ne pas penser, à ce propos, à la distinction que fera Moreno entre les « conserves culturelles », représentant les modèles contraignants et stéréotypés de la société et les créations spontanées de l'individu.

Pour Tarde, l'invention, l'innovation, est toujours le fait de l'individu et constitue ce que l'on appellerait aujourd'hui l'expression de sa créativité ; le groupe, lui, n'est pas capable d'invention, mais il peut freiner ou favoriser l'activité d'invention de l'individu. Cet auteur montre d'ailleurs l'importance de la stimulation fournie par les échanges intellectuels et les communications entre les personnes, dont l'intensité expliquerait la plus grande fécondité inventive qu'il attribue aux « Élites ». Actuellement encore, on cherche à favoriser les échanges et les discussions dans les petits groupes pour favoriser l'émergence des idées créatrices.

Permettre à chacun de manifester sa créativité est une exigence très actuelle ; elle aurait certainement rencontré l'approbation de Tarde, qui a insisté sur le fait que la plupart des hommes possèdent cette faculté d'invention, même si elle n'est pas toujours actualisée.

Si l'invention aboutit à des innovations dans la société et y introduit le changement, elle se fonde, au niveau de l'individu, sur le besoin ou le désir, ce qui permettrait d'expliquer son dynamisme.

L'invention constitue donc le moteur de la société et de l'individu, et Tarde voit en elle le bien suprême, constituant un capital bien plus important que les richesses. L'importance accordée actuellement à la créativité semble moins nouvelle lorsque l'on parcourt les lignes consacrées par Tarde à l'invention. Certains rares auteurs ont reconnu le rôle de précurseur de Tarde dans ce domaine ainsi, R.T. La Pière, dans son introduction à l'ouvrage de Bennett : Innovation and Social change (Innovation et changement social), déclare : « Depuis Tarde..., il n'y a plus eu aucune tentative réelle visant à formuler une explication théorique du processus d'innovation et des circonstances individuelles et sociales qu'il implique [16] ».

 

E. L'imitation

 

Comme nous l'avons déjà vu, l'imitation constitue pour Tarde en quelque sorte le complément de l'invention, puisqu'elle permet à celle-ci de se propager selon certaines lois bien définies.

L'imitation représente la courroie de transmission des inventions, mais ce qui évite la reproduction monotone et stéréotypée des inventions est, d'une part, la grande variété des modèles existants, d'autre part, les réactions d'opposition suscitées par une vague d'imitation, qui se manifestent entre autres dans la contre-imitation.

En ce qui concerne le premier point, Tarde souligne le caractère dynamique et sélectif de l'imitation. Nous ne nous calquons pas sur le modèle d'une seule personne, mais en empruntant un trait à l'une, un second à une autre, et ainsi de suite, nous sommes obligés de les combiner, d'en réaliser une synthèse ou un compromis, c'est-à-dire de faire une œuvre originale.

Le deuxième point concerne les processus d'opposition soulevés par un courant d'imitation. En effet, en se propageant, celui-ci se heurte à des vagues d'imitation antérieures qui constituent une résistance et provoquent une contre-réaction. Le résultat de cette opposition, de ce conflit, est un compromis, et l'alternance de ces phénomènes d'imitations et d'oppositions se résolvant en compromis dynamise la vie sociale et constitue une source de progrès.

Lorsque Tarde souligne le caractère positif que peut avoir le conflit social ainsi que son rôle dans l'évolution de la société par les nouveaux équilibres et adaptations auxquels il aboutit, il n'est peut-être pas tellement éloigné de Gérard Mendel proposant de remplacer les rapports rigides d'autorité par des rapports mouvants de conflit.

Quoi qu'il en soit, c'est dans ce domaine de l'imitation que Tarde a eu l'influence la plus nettement décelable sur certains courants de la psychologie sociale. Grâce à la diffusion mondiale de son livre : Les lois de l'imitation, il a été à l'origine de certaines conceptions qui aboutiront plus tard à la théorie du rôle.

Si des auteurs comme McDougall, Ross et Faris ont été influencés par ces théories, c'est surtout Baldwin, dans ses conceptions sur le « soi social » (social self) qui a fondé certaines de ses conceptions sur le processus de l'imitation. En effet, étudiant le problème de l'évolution de la personnalité, il explique le sentiment de soi en se référant à la fois à la théorie de l'imitation de Tarde et aux conceptions de James sur l'existence des facteurs sociaux au sein de la personnalité. Pour Baldwin, l'enfant se développe grâce à l'imitation ; son sentiment de soi s'accroît au fur et à mesure qu'il imite les autres. Par l'intermédiaire de cet auteur, les conceptions de Tarde sur l'imitation revinrent en France, et nous en trouvons la trace chez Janet [17] qui, étudiant ce qu'il appelle « l'acte social », se réfère surtout aux actions imitatives. Cette notion apparaît plus centrale encore chez Guillaume [18], qui lui consacre un ouvrage : L'imitation chez l'enfant, dans lequel il souligne la valeur fonctionnelle de ce processus et montre la possibilité d'imitations réciproques. Nous avons ici une première indication sur la réversibilité des conduites et sur les « renversements de rôles »qui seront largement étudiés par la suite.

Un autre courant, issu de Tarde, nous mène non plus vers la psychologie, mais vers la sociologie. En effet, certaines de ses idées que nous rencontrons aussi chez Baldwin (sans qu'il soit toujours possible de dire s'il s'agit d'une influence directe ou d'une rencontre fortuite), figurent également chez G. H. Mead [19], qui, d'ailleurs, se montrait hostile à Tarde ; en particulier ce que celui-ci appelle la « prise de rôle » (role-taking), c'est-à-dire le fait de prendre le rôle d'autrui, peut être rapproché des processus d'imitation.

Il est intéressant de souligner que l'imitation, conçue par Tarde comme processus de base de la vie sociale, aura été étudiée également comme un des mécanismes fondamentaux dans la formation de la personnalité. Elle se révèle ainsi effectivement comme un concept de psychologie sociale, c'est-à-dire comme un concept susceptible d'être utilisé aussi bien dans une perspective sociologique que dans l'analyse psychologique. L'imitation partage cette situation charnière avec d'autres concepts de psychologie sociale, spécialement avec la notion de rôle, cette dernière étant utilisée dans les analyses de la structure sociale, mais aussi dans celles de la personnalité.

 

F. Tarde et l'interpsychologie

 

Déjà dans sa conception de l'imitation transparaissaient les préoccupations « interpsychologiques » de Tarde, surtout dans ses considérations sur la réciprocité des imitations.

Gabriel Tarde repousse l'idée d'une « conscience collective », qui lui apparaît comme une construction de l'esprit, et s'en tient à ce qui est observable au cours des processus sociaux, c'est-à-dire à l'action exercée par un individu sur un autre individu qui réagit à cette action et dont la modification ainsi provoquée pourra se répercuter sur un troisième individu. Adoptant une perspective génétique, il montre comment, dès les premiers jours de la vie, se nouent des relations interpsychologiques et comment les relations mère-enfant puis les relations avec les contemporains contribuent à former la personnalité de l'enfant. Pour Tarde, « il n'y a rien en lui qui ne soit le reflet d'autrui » (cf. Interpsychologie infantile, p. 178) et il voit dans l'immaturité de l'enfant et de la nécessité où il se trouve d'avoir recours à autrui la condition même de sa socialisation. Après l'interpsychologie de l'enfant, Tarde avait envisagé d'étudier l'interpsychologie de l'écolier, autrement dit les interrelations ou les interactions se déroulant au sein du petit groupe de la classe, études qui seront entreprises bien plus tard dans le cadre de l'étude des groupes restreints.

Selon Tarde, c'est l'enfant qui se montre le plus apte à innover, puisque les relations interpsychologiques dont il est en quelque sorte le centre vont se combiner de façon absolument originale.

L'interpsychologie telle qu'il la conçoit doit avoir pour objet l'étude des petits groupes ; il envisage tout d'abord ce qu'il appelle le « groupe enfant-mère », et ensuite les petits groupes composés de quelques personnes.

Dans le programme qu'il esquisse pour l'Interpsychologie, nous voyons également apparaître l'étude des interactions entre les « Consciences » ; Tarde l'a entreprise sous plusieurs aspects, notamment sous celui de la « conversation », et l'on pourrait y voir les premiers débuts des théories de la communication. Ainsi, il montre l'utilité de la conversation, c'est-à-dire de l'échange intellectuel, pour la démocratie, la circulation des idées s'opposant à l'instauration d'un pouvoir absolu. De même, ses études sur l'opinion annoncent un des domaines privilégiés de la psychologie contemporaine.

 

G. Tarde et les méthodes

 

Ici aussi, Tarde a émis certaines idées, certaines suggestions qui devaient se réaliser une cinquantaine d'années plus tard. Ainsi, il préconise la « création de laboratoires d'interpsychologie », il recommande l'usage des statistiques et montre l'utilité de l'observation directe. Sa perspective pourrait déjà être appelée clinique, puisque c'est dans la vie de tous les jours, dans le concret, que, selon lui, peut le mieux se situer la recherche. Pour lui, un champ d'observation privilégié, dans lequel on voit s'ébaucher les relations interpsychologiques, est la cour de récréation d'une école primaire ; on voit bien ici l'ouverture d'esprit de Tarde et ce souci du concret, qui est une des préoccupations de la psychologie sociale actuelle.

C'est en particulier dans le domaine des croyances qu'il souhaite voir se répandre l'usage des instruments de mesure, et nous trouvons effectivement son souhait réalisé dans toutes les entreprises actuelles de « mesure des attitudes et opinions », d' « échelles d'attitudes », etc.

D'après Clarke (p. 69), certaines recherches contemporaines, en particulier celles de Davidovitch et Boudon (cf. p. 26 de notre texte) continuent les idées fondamentales de Tarde et représentent une application « perfectionnée » de ses visées méthodologiques.

En conclusion, il ne sera peut-être pas inutile de dégager l'actualité de l'œuvre de Tarde – c'est-à-dire, également, de justifier la publication de certains de ses textes – en rappelant, de façon schématique, les thèmes que nous trouvons abordés chez lui et qui reparaissent, souvent sous des dénominations quelque peu différentes, dans la psychologie sociale contemporaine.

 

Thèmes apparaissant chez Tarde

Thème actuel correspondant

Invention

Créativité

Imitation

Prise de rôle – suggestion

Croyances et désirs

Opinions et attitudes

Coexistence d'opposés dans la personnalité

Ambivalence

Actions et oppositions intermentales et intra-mentales

Relations et conflits intrasubjectifs et intersubjectifs (Lagache).

Interpsychologie : conversation – option – petits groupes

Étude des relations interpersonnelles – communication – opinion – publicité – groupes restreints.

 

Les rapprochements que nous avons ainsi faits entre les thèmes de Tarde et ceux qui sont étudiés aujourd'hui ne signifient pas qu'il y ait entre eux une filiation directe. Certains d'entre eux ont été – nous l'avons vu – repris par des auteurs américains et nous sont revenus intégrés dans l'ensemble de la psychologie sociale. D'autres réapparaissent sans qu'on puisse savoir si leur point de départ se situe dans l'œuvre de Tarde ; peut-être ont-ils pris leur source chez lui pour resurgir chez d'autres auteurs après une élaboration souterraine.

Quoi qu'il en soit, si certaines notions clefs de l'œuvre de Tarde ont rencontré un écho favorable dans son temps (en particulier l'imitation), le terrain n'était sans doute pas encore prêt à accueillir les autres, comme l'invention ou les relations interpsychologiques. On peut penser ainsi que certaines intuitions individuelles ne sont pas immédiatement acceptées puisqu'elles ne correspondent pas aux intérêts de l'époque. Mais l'émergence de nouveaux besoins, l'apparition d'un nouveau contexte socio-culturel ou politique, les remet « dans le circuit »et déclenche ce que Tarde aurait appelé un courant d'imitation. On peut dire que de tels auteurs « inspirés » – parmi lesquels se situe Gabriel Tarde – sont en avance sur leur temps. Il est donc juste que, dans cet avenir qu'ils annonçaient et qui est notre présent, leur message soit reconnu.

Anne-Marie ROCHEBLAVE-SPENLÉ 



[1] MILET, J. – Gabriel Tarde et la philosophie de l'histoire, J. Vrin, Paris, 1970.

[2] CLARKE, T.- N. – Gabriel Tarde. On Communication and Social Influence. The Univ. of Chicago Press, 1969.

[3] BOUDON, R. – La « statistique psychologique » de Tarde. Ann. Intern. Criminol., Fr., 1964, pp. 342-57.

[4] DAVIDOVITCH, A. – Criminalité et répression en France depuis un siècle. Rev. fr. Sociol., 1961, pp. 30-49.

[5] PINATEL, J. – Criminologie, Vol. 3 du Traité de droit pénal et de Criminologie de Bouzat (P.) et Pinatel (J.), Dalloz, Paris, 1963.

[6] STOETZEL, J. – Théorie des opinions, P.U.F., Paris, 1943.

[7] LALANDE, A. – Vocabulaire technique et critique de la philosophie, P.U.F., Paris, 1947 (1re éd. 1926).

[8] ROCHEBLAVE-SPENLÉ, A.-M. – La notion de rôle en psychologie sociale, P.U.F., Paris, 1962 (2e éd. 1970).

[9] Il faut dire que, déjà en 1881, nous trouvons ce terme de Tarde sous la plume d'A. Bertrand rendant compte des « Lois de l'imitation » qu'il définit comme « l'une des plus originales et des plus brillantes études de psychologie sociale » ; mais il est employé ici de façon, pourrions-nous dire, non officielle.

[10] RATZENHOFER – Die Soziologische Erkenntnis (La prise de conscience sociologique), 1898.

[11] BALDWIN, J.-M. – Le développement mental chez l'enfant et dans la race. Trad. fr., Alcan, Paris, 1897.

[12] KLINEBERG, O. – Psychologie sociale. Trad. fr., P.U.F., Paris, 1957.

[13] Ein Fall von Hypnotischer Heilung. Nebst Bemerkungen über die Entstehung Hysterischer Symptome durch den « Gegenwillen » (Un cas de guérison par l'hypnose, accompagné de remarques portant sur l'origine des symptômes hystériques dans la « contre-volonté »). [Z. Hypnotism, Suggestionsther. Suggestionslehre und verwandte Psychol. Forchg (1892). 1, n° 3-4, pp. 102-107. Cet article n'a pas encore été traduit en français.]

[14] Texte inédit, p. 112 de cet ouvrage.

[15] Auguste Comte, avant lui, avait écrit un article sur « La séparation générale des opinions et des désirs » (voir J. Milet, p. 199).

[16] Cité par Clarke.

[17] JANET, P. – Les débuts de l'intelligence. Flammarion, Paris, 1935.

[18] GUILLAUME, P. – L'imitation chez l'enfant. Alcan, Paris, 1925.

[19] MEAD, G.-H. – Mind, self and society. Charles Morris, Chicago, 1934.


Retour à l'ouvrage de l'auteur: Gabriel Tarde Dernière mise à jour de cette page le vendredi 13 juin 2008 14:47
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur sociologie au Cegep de Chicoutimi.
 



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