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Collection « Les auteur(e)s classiques »
Une édition électronique réalisée à partir du texte de Louis-René Villermé (1782-1863), Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie. Textes choisis et présentés par Yves TYL. Paris: Union générale d'Éditions, 1971, 316 pp. Collection: 10-18, n° 582. Une édition numérique réalisée par Marcelle Bergeron, bénévole, professeure retraitée de l'enseignement à l'École polyvalente Dominique-Racine de Chicoutimi, Ville de Saguenay. Introduction de l'auteur L'Académie des Sciences morales et politiques de l'Institut a chargé M. Benoiston de Chateauneuf et moi, de faire dans les départements de la France des recherches d'économie politique et de statistique, dont le but était de constater, aussi exactement qu'il est possible, l'état physique et moral des classes ouvrières. Cette mission était conforme à l'esprit et au texte de la loi du 3 brumaire an IX (25 octobre 1795), qui a organisé l'Institut, et voulait que tous les ans plusieurs membres de cette compagnie voyageassent, soit ensemble, soit séparément, pour faire des recherches sur diverses branches des connaissances humaines autres que l'agriculture. Le choix des lieux à parcourir et du plan à suivre, nous était laissé. Nous ne pouvions entreprendre de constater l'état physique et moral de toutes les classes ouvrières, nous dûmes donc réduire le cercle de nos observations, pour nous occuper seulement des professions qui emploient le plus de bras, et ailleurs qu'à Paris. Afin de rendre notre voyage plus utile, M. Benoiston de Chateauneuf et moi, nous nous sommes séparés. Tandis que mon confrère parcourait le centre de la France et les côtes de l'Océan, j'ai visité les départements où les industries du coton, de la laine et de la soie occupent le plus d'ouvriers. Mais avant tout, je dirai comment j'ai procédé dans mes recherches. Il me fallait examiner les effets de l'industrie sur ceux qu'elle emploie, interroger la misère sans l'humilier, observer l'inconduite sans l'irriter. Cette tâche était difficile. Eh bien ! j'aime à le dire : partout des magistrats, des médecins, des fabricants, de simples ouvriers, se sont empressés de me seconder. Avec leur aide, j'ai pu tout voir, tout entendre, tout connaître. Ils m'ont, comme à l'envi, fourni des renseignements. J'en ai demandé, j'en ai surpris. Et tel est le soin que je désirais mettre à cette enquête, que j'ai suivi l'ouvrier depuis son atelier jusqu'à sa demeure. J'y suis entré avec lui, je l'ai étudié au sein de sa famille ; j'ai assisté à ses repas. J'ai fait plus ; je l'ai vu dans ses travaux et dans son ménage, j'ai voulu le voir dans ses plaisirs, l'observer dans les lieux de ses réunions. Là, écoutant ses conversations, m'y mêlant parfois, j'ai été, à son insu, le confident de ses joies et de ses plaintes, de ses regrets et de ses espérances, le témoin de ses vices et de ses vertus. Toutefois, dans la Suisse allemande que j'ai dû parcourir aussi, et dans le département du Haut-Rhin, la différence des langues ne m'a point permis de me livrer à des observations aussi intimes... Une scrupuleuse exactitude était d'autant plus indispensable, que l'ignorance et l'esprit de parti ont répandu de graves erreurs sur les ouvriers de nos manufactures. Or, comme il m'arrive de soutenir des opinions contraires à celles que beaucoup de personnes adoptent consciencieusement, et que beaucoup d'autres défendent par calcul, c'était pour moi un devoir rigoureux de décrire les faits tels que je les avais vus. Malgré tout le soin et toute la conscience que j'ai mis dans mes recherches, et que je mettrai à les exposer, des accusations pourront encore s’élever contre moi. On ne saurait toucher aux préjugés et aux intérêts des hommes, sans exciter leurs passions. Peut-être aussi trouverai-je des défenseurs dans les préjugés et les intérêts contraires. Mais de cette controverse, qui doit conduire à mieux éclairer les faits, il ne pourra sortir que des vérités nouvelles et utiles... Qu'il me soit permis, en terminant cette courte introduction, d'arrêter un instant l'attention du lecteur sur les mots fabrique et manufacture, dont nous ferons très fréquemment usage. Ces deux mots sont ordinairement employés l'un pour l'autre, et tout-à-fait dans le même sens. Nous éviterons cette confusion ; pour nous, ils signifieront : fabrique, la ville, la localité considérée dans son ensemble, où l'on fabrique certains produits de l'industrie ; et manufacture, le bâtiment, la maison où l'on fabrique en grand ces produits.
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