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Collection « Les auteur(e)s classiques »

De la nature de la richesse et de l'origine de la valeur (1831)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre d'Auguste Walras, De la nature de la richesse et de l'origine de la valeur (1831), augmenté de notes inédites de Jean-Baptiste Say. Paris: Librairie Félix Alcan, 1938.


PRÉFACE

par Gaëtan Pirou, professeur à la Faculté de droit de Paris, 1938.


Plusieurs années se sont écoulées depuis la parution des premiers volumes de la présente collection. Les difficultés dans lesquelles se débat l'édition française sont la cause de ce ralentissement dans le rythme des publications que nous avions prévues à l'origine. Nous espérons cependant, dès que les circonstances le permettront, reprendre et réaliser notre programme initial. Mais il nous faudra, hélas ! le faire sans l'aide de celui qui en avait été le véritable initiateur. Ce n'est pas le lieu de dire ici quelle perte irréparable a été la disparition prématurée de François Simiand pour l'économie politique française. Le nombre et la qualité des hommages rendus à sa mémoire (note 1) en est une suffisante preuve. J'espère pouvoir ultérieurement reprendre, dans un exposé d'ensemble, l’œuvre de Simiand pour marquer sa place parmi les grands courants de la pensée économique contemporaine. Je veux seulement aujourd'hui rendre hommage à son rôle comme créateur de la « Collection des principaux économistes ». Par l'orientation de sa méthode et la tournure de son esprit, François, Simiand n'était pas, tourné vers l'histoire des doctrines économiques, Il estimait qu'en France, on lui avait fait peut-être une place excessive et qu'il eût mieux valu canaliser l'effort des travailleurs vers l'étude des faits et, les recherches d'économie positive. Aussi fut-on surpris de le voir s'intéresser à une réédition d'ouvrages doctrinaux du passé. Cette attitude pourtant s'expliquait fort bien. D'une part, Simiand sentait vivement les liens qui unissent histoire des doctrines et histoire des faits, Par exemple, il savait que le grand ouvrage d'Adam Smith sur La Nature et les Causes de la Richesse des Nations est une des meilleures sources pour l'étude du milieu économique des XVIIe et XVIIIe siècles. Lorsqu'il retint, pour en faire l'objet d'une des premières publications de la collection nouvelle, ces Écrits notables sur la monnaie, dont il surveilla avec tant de soin le choix et la présentation, l'intérêt qu'il y portait provenait moins de la valeur scientifique, souvent assez mince, de ces divers écrits que de la lumière qu'ils jettent sur les changements économiques du XVIe siècle. Au surplus, François Simiand entendait offrir aux lecteurs de bons instruments de travail, supérieurs à ceux des collections précédentes par la fidélité rigoureuse des traductions et par la valeur documentaire des annotations : il tenait à ce que celles-ci fument purement objectives et purgées de ces préoccupations dogmatiques ou normatives qui viciaient (et rendaient parfois ridicules) les collections de textes parues au XIXe siècle. Par tous ces traits, l'entreprise à laquelle il apportait l'autorité de son nom devait différer radicalement de ses devancières, revêtir un caractère plus historique et moins doctrinal, plus positif et moins dogmatique. Simiand n'était donc nullement infidèle aux préoccupations de positivité et d'objectivité qui, par ailleurs, animaient son œuvre personnelle.

Aussi se donna-t-il avec beaucoup d'ardeur à la tâche qu'il assumait. A côté de son nom, Simiand désira que fut placé celui d'un autre économiste, spécialisé, en raison de ses travaux et de son enseignement, dans l'histoire des doctrines. Il y avait toutes les raisons du monde pour que le nom de Simiand figurât avant le mien sur la couverture des volumes. Dans une conversation que nous eûmes, en présence des directeurs de la librairie Alcan, je le lui dis avec toute l'insistance dont j'étais capable. Mais il fut impossible de faire fléchir sa décision et d'obtenir que l'ordre logique fut substitué à l'ordre alphabétique. Cependant, c'est bien à François Simiand - je tiens à le proclamer - que revient, le mérite, non seulement d'avoir posé les bases de la « Collection », niais aussi d'avoir rédigé les notices et instructions à l'usage de nos collalaborateurs. Personne, au reste, ne s'y sera trompé parmi ceux qui avaient l'habitude du style de Simiand, de sa minutie rigoureuse, de ses scrupules infinis, de sa conscience scientifique et professionnelle. Simiand, qui avait été dans sa jeunesse éditeur lui-même, possédait en matière de typographie des connaissances techniques étonnantes. C'est dire combien nous souffrirons de ne pouvoir plus mettre à contribution son inlassable dévouement, sa compétence hors de pair, son exceptionnelle autorité.

*
**

L'ouvrage d'Auguste Walras, que nous présentons aujourd'hui au publie, diffère profondément des écrits reproduits dans les tomes précédents de cette collection. Il s'agit d'une oeuvre purement spéculative où l'on ne trouvera guère l'écho du milieu économique qui l'a vue naître. Il nous avait semblé cependant, à Simiand et à moi-même, que cette réédition s'imposait en raison, à la fois, de la valeur intrinsèque du livre et de la place qu'il tient dans l'histoire de la théorie économique.

Auguste Walras s'est appliqué à reprendre le problème du fondement de la valeur, et il y donne une solution fort originale pour l'époque. Des deux grandes thèses qui se partageaient alors les esprits : théorie de l'utilité, théorie du coût de production, il apporte une critique extrêmement vigoureuse, qui me paraît décisive, surtout si on la prend dans sa dernière forme, c'est-à-dire dans le Mémoire à l'Académie des Sciences Morales et Politiques (postérieur de 18 ans à son livre) que l'on trouvera reproduit en annexe. Auguste Walras propose à son tour une théorie qui prétend ramener à l'unité l'explication de la valeur en la fondant sur la rareté. Sa démonstration est d'une impressionnante ampleur, puisqu'elle l'amène à faire de la rareté (c'est-à-dire de la limitation dans la quantité) le principe d'une sorte de métaphysique du monde.

On peut, à la vérité, se demander si l'effort unitaire d'Auguste Walras n'était pas plus apparent que réel, plus formel que profond. Ainsi que le fait remarquer M. Gaston Leduc dans l'introduction qu'on lira ci-après, la rareté, au sens économique du mot, représente un rapport entre deux termes : d'une part, la, quantité des besoins existants ; d'autre part, la quantité des biens disponibles. Or, s'il est vrai que la quantité des besoins correspond à la demande, cependant que la quantité des biens disponibles exprime l'offre, le vocable de rareté n'est guère autre chose qu'une expression rajeunie de la vieille loi de l'offre et de la demande. Comme, d'autre part, les besoins comportent à la fois un élément qualitatif et un élément quantitatif, il apparaît que la rareté, lorsqu'on en analyse les parties constituantes, ne représente pas une notion purement numérique, ou qu'en tout cas elle ne nous permet pas d'échapper à la redoutable question de savoir si l'on peut mesurer, par des chiffres, l ‘utilité des choses (note 2).

Quoiqu'il en soit d'ailleurs, il est certain que l'ouvrage d'Auguste Walras, qui fit peu de bruit au moment de sa publication, tient tout de même une place importante dans l'histoire des idées. Quand on le compare aux écrits contemporains de Jean-Baptiste Say, on ne peut qu'être frappé de la supériorité de son analyse. Puis, l'influence qu'Auguste Walras a exercée sur son fils Léon (influence expressément reconnue par celui-ci, peut-être même exagérée dans une louable intention de piété filiale) a été si forte que l'on ne peut pleinement comprendre l'œuvre du protagoniste de l'équilibre économique si l'on ignore les idées de son père (note 3). Enfin, il est incontestable que dans un certain nombre d'ouvrages récents, dus à quelques-uns des économistes contemporains les plus qualifiés, de Cassel à Robbins, la notion de rareté reparaît au premier plan pour devenir (en particulier chez Robbins) le critère de discrimination du fait économique lui-même. Ce sont là autant de motifs de relire l'ouvrage d’Auguste Walras. Or, il était devenu à peu près impossible de le trouver en librairie. Peu de bibliothèques le possédaient. Moi-même, en 1932, lorsque j'ai voulu l'utiliser pour la préparation des conférences que je devais faire à l'École Pratique des Hautes Études, je n'ai pu me le procurer que grâce à l'obligeance de mon collègue et ami Étienne Antonelli qui en possédait un rarissime exemplaire. Il me semble donc que nous aurons fait œuvre utile en remettant ce texte curieux à la disposition des travailleurs.

Gaëtan Pirou.
NOTES:

Note 1

Cf. en particulier les articles ou notices de MM. : AD. LANDRY, Annuaire de l'École pratique des Hautes Études, 1935-1936 C. BOUGLÉ, Annales sociologiques, série A, fasc. 11, 1936 ; Max LAZARD, Documents dit Travail, nos 218-219, 1935 ; P. HARSIN, Annales de la Société scientifique de Bruxelles, 1935 ; M. HALBWACHS, Revue philosophique, mai-juin 1936 et Journal de la Société de Statistique de Paris, juillet-septembre 1935 ; MARC BLOCH, Annales d'Histoire économique et sociale, mai 1936 L. FEBVRE, Annales d'Histoire économique et sociale, 1935 CHARLES RIST, Revue d'Économie politique, mars-avril 1935 E. COORNAERT, Revue des Cours et des Conférences, 15 avril 1937 Mario ROQUES, Annuaire de la Fondation Thiers, 1935-1936. Les Cahiers trimestriels de l'Association François Simiand (123, rue de Grenelle, Paris, 6e), ont publié de nombreuses études sur François Simiand et en particulier le texte des allocutions et déclarations prononcées à la séance mémoriale du 25 avril 1936. (Retour à l'appel de note 1)

Note 2

* Ces points d'interrogation, qu'appelle la théorie d'Auguste Walras, se posent aussi à propos d'une autre tentative d'explication unitaire de la valeur, à laquelle le nom du fils d'Auguste Walras est demeuré attaché et qui porte, dans l'histoire de la pensée économique, le nom de marginalisme. Elle aussi, l'utilité marginale, a prétendu réconcilier, dans une notion homogène et dans une explication unitaire, la quantité des biens et l'importance des besoins, l'utilité et la rareté, l'offre et la demande. Mais on peut penser que cette conception, séduisante par son élégante simplicité, masque plutôt qu'elle n'efface la dualité profonde que l'on retrouve au fond de tout phénomène économique : dualité de l'homme et de la nature, de l'effort et de la satisfaction, de la production et de la consommation, du bien et du besoin. Cf. G. PIROU, L'Utilité marginale, 2e édition 1938. (Retour à l'appel de note 2)

Note 3

** Cf. GAÉTAN PIROU: Les Théories de l'Équilibre économique, 2e édition 1938, Éditions Domat-Montchrestien, p. 48-93.

Il s'en faut d'ailleurs que l'influence d'Auguste sur Léon Walras ait toujours été heureuse. La conception fort contestable que Léon Walras s'est faite du capital parait bien lui venir de son père. Cf. sur ce point GAËTAN PIROU, op. cit., pp. 226-228.

V. PARETO cite, à plusieurs reprises, Auguste Walras avec éloge dans son Cours d'Économie politique. Par contre, il ne paraît pas qu'Auguste Walras ait eu de l'influence sur Cournot. Cf. la lettre de Mlle Aline Walras reproduite dans l'ouvrage du Dr Lilly HECHT, A. Cournot und L. Walras. (Retour à l'appel de note 3)


Retour à l'ouvrage de l'auteur: Auguste Walras Dernière mise à jour de cette page le Jeudi 27 mars 2003 15:53
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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