|
RECHERCHE SUR LE SITE
Références bibliographiques avec le catalogue En plein texte avec Google Recherche avancée
Tous les ouvrages
numérisés de cette bibliothèque sont disponibles en trois formats de fichiers : Word (.doc), PDF et RTF |
Collection « Les auteur(e)s classiques »
Une édition électronique réalisée à partir du texte de Léon WIEGER S.J. (1856-1933), Bouddhisme chinois, tome I : Vinaya, Monachisme et Discipline. Hinayana, Véhicule inférieur. 1910. Textes de la Chine. Les Humanités d’Extrême-Orient, Cathasia, série culturelle des Hautes Etudes de Tien-Tsin, Paris : LES BELLES LETTRES, édition de 1951, 480 pages. Une édition numérique réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris. Extraits En peu, de mots, les grandes lignes de l’Ordre Le Bouddha n’inventa pas la vie ascétique, nous savons cela. Voici, en peu de mots, les grandes lignes de son Ordre. Sauf quelques cas d’incapacité peu nombreux, entrait facilement quiconque voulait obtenir la délivrance en p.94 observant la règle ; sortait aussi librement, quiconque était las de l’observance. Pas de Supérieurs proprement dits ; mais la Communauté, c’est-à-dire le chapitre des moines, dépositaire de la Loi ; et l’ancienneté pour toute hiérarchie. Réception au degré de novice, assez simple ; puis, à l’âge voulu, après les épreuves prescrites, réception solennelle, en chapitre, au degré de moine. Pas de voeux proprement dits, encore moins d’ordination, n’en déplaise aux écrivains modernes, lesquels étant peu au courant de la portée de ces termes, en abusent plaisamment. Défense de tuer, de commettre aucune impudicité, de voler, de mentir, spécialement de se vanter d’aucun don transcendant. En principe, la nourriture doit être mendiée, l’habit doit être fait de haillons raboutis, tout gîte doit être tenu pour bon, les médicaments sont proscrits. En pratique, la charité des laïques aidant, la vie des moines bouddhiques paraît avoir été très supportable, durant les premiers siècles. Le moine peut manger tout ce qu’on lui donne, même de la viande. Seul l’usage les boissons fermentées lui est absolument interdit. Aucun travail ni négoce n’est permis aux moines. Vie oisive et vagabonde. Réunion, par districts, tous les quinze jours, pour le chapitre pratimoksha, examen de l’observance. Vie cénobitique, pour les jeunes gens et les vieillards. Vie en groupe, pour tous, par districts, durant la saison des pluies, terminée par le chapitre pavạ̄ranā de pardon mutuel des offenses, avant la séparation. Les moines mendient leur unique repas, et le prennent individuellement, entre le lever du soleil et midi. Depuis midi, jusqu’au lendemain matin, défense de prendre aucune nourriture. Sa réception autorise le novice à porter l’habit, et à mendier avec les moines. Primitivement, pas de prières. Ni mystères, ni fêtes. Aucune sorte de culte extérieur. Enseignement mutuel et étude de la doctrine du Bouddha ; conférences et méditations sur cette doctrine. Quelques révérences, et l’offrande de quelques fleurs. Voilà ce qui remplissait la vie des moines. Ils devaient atteindre successivement, par ces moyens, quatre ārya degrés d’illumination. Au premier degré srota-āpanna, le nirvāna est promis après sept réincarnations terrestres. Au second degré saḳridāgāmin, après une unique et dernière réincarnation terrestre. Au troisième degré ānāgāmin, après une unique et dernière réincarnation céleste. Au quatrième, arhat ou arhan, le nirvāna est assuré pour la fin de la présente existence. L’acquisition de chacun de ces degrés, est manifestée par l’éclosion de certains pouvoirs transcendants correspondants (!).
Les nonnes Les nonnes, dont le Bouddha ne voulut pas, et dont Ananda, d’accord avec la tante et mère nourricière du Maître, lui arracha l’admission dans l’Ordre, sont soumises à des règlements semblables à ceux des moines, plus détaillés encore et plus sévères. Elles furent le crève-cœur du Bouddha, son grand souci dans le présent et pour l’avenir. Pour les laïques, les cinq règles, ne pas tuer, ne pas voler, ne pas mentir, ne pas commettre d’adultère, ne pas boire de vin ; et le titre de zélateur ou de zélatrice, upasaka upasikā. Ils ne sont pas affiliés à l’Ordre. Ils se font du bien, en faisant du bien aux moines. Ils doivent remercier, plutôt qu’on ne les remercie, car leurs largesses les tireront du samsāra. Seuls les laïques qui atteignent au degré de srota-apanna, ont une promesse précise ; celle de ne plus renaître que sept fois, et d’atteindre au nirvana, s’ils se sont bien conduits, à la fin de ces sept existences. L’idée est, qu’ils se prépareront un karman de moine, et mourront arhans pour la dernière fois.
Réception d’un novice. Les dix préceptes. S’adressant au chapitre assemblé, le cérémoniaire qui présente le postulant dit : Vénérable chapitre, un tel, ici présent, demande que un tel (le parrain préalablement choisi par le postulant) lui rase la chevelure. Si le chapitre le juge à propos, qu’il veuille bien accorder à un tel, qu’on lui rase la chevelure, sur la demande que j’en fais. La chevelure étant rasée, le cérémoniaire reprend : Vénérable chapitre, un tel, ici présent, demande à quitter sa famille (le siècle), et à s’attacher à un tel comme à son parrain). Si le chapitre le juge à propos, qu’il veuille bien accorder à un tel de quitter sa famille, sur la demande que j’en fais. Le chapitre ayant consenti, le maître désigné pour instruire le novice, lui fait découvrir l’épaule et le bras droit, ôter sa chaussure, fléchir le genou droit, et élever les mains jointes. Dans cette position, le postulant prononce trois fois, à haute voix, devant le chapitre, la formule suivante : Moi un tel, je donne ma foi au Bouddha, à sa Loi, à son Ordre. A l’imitation du Bouddha, je quitte ma famille. Je reconnais un tel pour mon parrain. Celui qui est venu, le Véridique, et tous les Illuminés, sont les objets de ma vénération. Cette profession de foi étant censée avoir produit son effet, le postulant, toujours un genou en terre et les mains jointes élevées, dit trois fois : Moi un tel, j’ai donné ma foi au Bouddha, à sa Loi, à son Ordre. A l’imitation du Bouddha, j’ai quitté ma famille. Un tel est mon parrain. Celui qui est venu, le Véridique, et tous les Illuminés, sont les objets de ma vénération. Alors le maître du novice lui propose, article par article, les dix préceptes. 1. Ne jamais tuer, voilà le premier précepte des novices. Te sens-tu la force de l’observer ?.. Le postulant répond : Je l’observerai. 2. Ne jamais voler, voilà le deuxième précepte des novices. Te sens-tu capable de l’observer ?.. Je l’observerai. 3. Ne jamais commettre d’impudicité, voilà le troisième précepte des novices. Te sens-tu la force de l’observer ?.. Je l’observerai. 4. Ne jamais mentir, voilà le quatrième précepte des novices. Te sens-tu capable de l’observer ?.. Je l’observerai. 5. Ne jamais boire de vin, voilà le cinquième précepte des novices. Te sens-tu capable de l’observer ?.. Je l’observerai. 6. Ne jamais orner sa tête de fleurs, ni oindre son corps de parfums, voilà le sixième précepte des novices. Te sens-tu capable de l’observer ?.. Je l’observerai. 7. Ne jamais chanter ni danser, comme font les histrions et les courtisanes ; ne jamais regarder pareil spectacle, ni écouter de tels chants ; voilà le septième précepte des novices. Te sens-tu capable de l’observer ?.. Je l’observerai. 8. Ne jamais s’asseoir sur un siège élevé, sur un spacieux divan, voilà le huitième précepte des novices. Te sens-tu capable de l’observer ?.. Je l’observerai. 9. Ne jamais manger en dehors du temps (permis, lequel va de l’aube jusqu’à midi), voilà le neuvième précepte des novices. Te sens-tu capable de l’observer ?.. Je l’observerai. 10. Ne jamais toucher ni or ni argent, qu’il soit en barres, ou monnayé, ou façonné en bijoux précieux, voilà le dixième précepte des novices. Te sens-tu capable de l’observer ?.. Je l’observerai Ce sont là les dix préceptes des novices, que tu ne devras pas violer, jusqu’à la fin des jours de ton corps. Le pourras-tu ?.. Je le pourrai. Puisque te voilà soumis aux préceptes, ton devoir est, désormais, d’honorer et de faire honorer les Trois Trésors, le Bouddha, sa Loi, son Ordre. Tu devras t’appliquer diligemment à morigéner tes pensées, tes paroles, et tes actes. Tu devras méditer, étudier, et faire ta part des travaux communs.
L’examen bi-mensuel des nonnes. Le chapitre est-il assemblé ?.. Il est assemblé. Le chapitre est-il au complet ?.. Il est au complet. Que les novices sortent !.. Elles sont sorties. Les nonnes qui n’ont pas pu venir, ont-elles fait savoir qu’elles sont pures ?.. Elles l’ont fait savoir. Dans quel but ce chapitre est-il assemblé ?.. Pour la lecture du formulaire. Assemblée des grandes sœurs, écoutez-moi ! C’est aujourd’hui le dernier jour de la quinzaine, jour du chapitre pour la lecture du formulaire. Si vous jugez que le moment soit venu, si vous l’avez pour agréable, si tout est prêt pour cette lecture, veuillez le manifester !.. Tout est prêt. Alors, grandes sœurs, je vais lire le formulaire. Ecoutez avec attention. Réfléchissez bien. Que celles qui se sentiront coupables, avouent leur faute. Que celles qui se savent innocentes, gardent le silence. Je conclurai de votre silence, que vous êtes pures. Mes interrogations faites à toutes, équivaudront à autant d’interrogations faites à chacune. Celle qui, étant en faute, laissera passer la triple interrogation sans se déclarer, sera coupable de mensonge formel. Or vous savez que le Bouddha a dit, que le mensonge formel empêche tout avancement spirituel. Ne vous exposez pas à un si grand mal. Que celle qui a conscience d’une transgression, et désire s’en purifier, l’avoue. L’aveu ayant été fait, elle retrouvera la paix du cœur et la joie... Grandes sœurs, voilà l’introduction lue. Maintenant je vous pose la question : Vous jugez-vous pures, quant à ce qu’elle contient ?.. Une fois, deux fois, trois fois ?.. Les grandes sœurs sont pures, quant au contenu de l’introduction. C’est ainsi que j’interprète leur silence.
Quatrième cas de dégradation des moines. En ce temps-là, comme le Bouddha se trouvait dans le pays de Vaisali, la famine vint à sévir. Les grains devinrent très chers, et le peuple souffrit de la faim. Naturellement les quêtes des moines se ressentirent de cet état de choses. Ce que voyant, le Bouddha dit à Ananda de réunir tous les moines du district. Quand ils furent tous assemblés, le Bouddha reçut leurs salutations, s’assit au milieu d’eux, et leur dit : Vu la famine, le produit des quêtes va baisser. Ne restez pas tous ici. Dispersez-vous par petits groupes, les jeunes moines et les novices suivant leur parrain et leur maître, et cherchez un refuge et votre subsistance, durant cette saison des pluies, parmi vos anciens amis et connaissances. Pour moi, je resterai ici. Les moines se dispersèrent donc dans le pays, par petits groupes, et le Bouddha resta à Vaisalī. Or les moines d’un couvent situé au bord de la rivière P’ouo-k’iou, éprouvés eux aussi par la diminution des aumônes, suite de la famine, tinrent conseil et imaginèrent un expédient. Vantons-nous devant les notables, dirent-ils, d’être des arhans, qui possèdent les pouvoirs transcendants, qui pénètrent le secret des cœurs, etc. Vantons-nous aussi les uns les autres, en disant, un tel est un arhan, qui possède les pouvoirs transcendants, qui pénètre le secret des cœurs, etc. Les notables dévots nous croiront, et nous donneront leurs aliments, plutôt qu’à leur femme et à leurs enfants. Ils firent ainsi, avec le succès prévu. Il s’ensuivit que, quand les autres moines n’eurent plus que la peau et les os, ceux de la rivière P’ouo-k’iou étaient dodus et vermeils. Quand la saison des pluies fut passée, les petits groupes des dispersés rentrèrent, maigres, hâves et déguenillés. Quand ils eurent salué le Bouddha, celui-ci leur adressa les paroles de bienvenue, qu’il adressait à tout arrivant : Avez-vous subi des contradictions ? Avez-vous obtenu votre subsistance sans trop de difficultés ?.. Les moines répondirent : Nous n’avons subi aucune contradiction. Mais, à cause de la famine, nous avons souffert de la faim. Les moines de la rivière P’ouo-k’iou arrivèrent à leur tour, dodus et vermeils. Quand ils eurent salué le Bouddha, celui-ci leur adressa son salut ordinaire : Avez-vous subi des contradictions ? Avez-vous obtenu votre subsistance sans trop de difficultés ?.. Les moines répondirent : Nous n’avons subi aucune contradiction. Nous avons aisément obtenu notre subsistance. Comment cela se peut-il, alors que tout le pays est affligé par la famine ? demanda le Bouddha. Tout fiers, les moines lui dirent le truc dont ils avaient usé. Le Bouddha n’en crut pas ses oreilles. Possédez-vous vraiment les dons dont vous vous êtes vantés ? demanda-t-il. Peu importe ! répondirent les moines. Alors les écluses oratoires du Bouddha s’ouvrirent toutes grandes, et déversèrent sur ces menteurs un déluge d’imprécations... Imbéciles ! Si vous possédiez vraiment des dons transcendants, vous devriez les taire, les cacher. Et vous vous vantez faussement de ceux que vous ne possédez pas ! Ensuite, s’adressant à tous les moines, le Bouddha dit : Deux sortes d’hypocrites sont particulièrement détestables. D’abord, ceux qui prétendent être chastes, alors qu’ils ne le sont pas. Puis ceux qui se donnent des qualités qu’ils n’ont pas, pour le bien de leur bouche et de leur ventre. Ce que ceux-là acquièrent, par leurs mensonges, est volé (car si le donateur avait su la vérité, il ne leur aurait rien donné). Ils sont voleurs au premier chef. Puis, revenant aux moines dodus, le Bouddha les chapitra encore une fois du haut en bas, et conclut en ces termes : Ce que ces imbéciles ont fait, d’autres pourront être tentés de le refaire. Je prescris donc que désormais soit inséré dans le formulaire le texte suivant : Si un moine imbécile s’est vanté en ces termes : Moi je possède des dons transcendants, j’ai acquis la science supérieure des Sages, j’ai eu telle révélation telle vision... Si ensuite, par contrainte ou librement, il se rétracte et convient avoir menti... Que ce moine soit dégradé, et retranché de la Communauté.
Stances finales. Les sages qui gardent les préceptes, en retirent trois avantages : une bonne réputation, les aumônes des fidèles, et la renaissance dans les cieux après la mort (s’ils n’ont pas atteint au degré d’arhan, lequel donne accès au nirvana après la mort). Regardez comment, dans la Communauté, les sages et les fervents gardent la règle. Garder la règle et vivre pur, ces deux choses donnent la sagesse. Elles sont le fondement de tout le reste. Par l’enseignement des Bouddhas passés, présents, et à venir, on se délivre de toute tristesse. Or ces Bouddhas ont tous insisté sur l’observation respectueuse des préceptes. Tous les sept ont prêché que cette observance délivrait de tous les liens, et aboutissait au nirvạ̄na, la fin de toute agitation. (Agitation des existences successives. Le terme chinois hi, jeu scénique, drame, est très expressif. Il y a dans le texte, littéralement... et aboutissait au nirvạ̄na, lequel met fin pour toujours au drame.) Conformément aux enseignements des rishis, aux exhortations des sages, aux exemples des disciples, tendons donc à la quiétude du nirvana. Au moment de quitter la terre pour entrer dans le nirvana, le Vénérable (Sakyamuni) encouragea et exhorta encore les moines, en ces termes : Quand je vous aurai quittés, ne dites pas de moi, « entré dans son nirvana, le Pur ne nous garde plus ». Je vous laisse ma règle (vinaya), qui vous gardera. Continuez à me considérer comme votre maître. Tant que ma règle sera conservée dans le monde, la doctrine bouddhique luira et prospérera. Si vous contribuez à la faire luire et prospérer, en observant ma règle, vous obtiendrez aussi le nirvạ̄na. Si vous la laissez éteindre, le monde sera replongé dans les ténèbres, comme il arrive le soir, après le soleil couché. Gardez soigneusement ma règle, comme le yak garde jalousement sa queue, sa gloire et son orgueil. Réunissez-vous pour la répéter, telle que moi je l’ai enseignée. Afin qu’elle se conserve, pour le bien de tous les êtres, pour leur permettre à tous de suivre la voie du Bouddha.
|