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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Gaston Gagnon, “Une voix ouvrière : Thomas-Louis Tremblay, Saint-Henri, Chicoutimi”, in ouvrage sous la direction de Jean-François Hébert, LA PULPERIE DE CHICOUTIMI. UN SIÈCLE D’HISTOIRE, pp. 55-58. Chicoutimi: Musée de La Pulperie de Chicoutimi, 1998, 100 pp. [Le 5 juin 2014, la direction du Musée de la Pulperie de Chicoutimi, conjointement avec les auteurs, nous a accordé son autorisation de diffuser ce livre, en accès libre à tous, en version numérique, dans Les Classiques des sciences sociales.]

[55]

Gaston GAGNON *

Historien et muséologue québécois, conseiller en patrimoine et en muséologie.
Ministère de la Culture et des Communications
Direction du Saguenay—Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord,
Bureau du Saguenay—Lac-Saint-Jean.

Une voix ouvrière :
Thomas-Louis Tremblay,
Saint-Henri, Chicoutimi
.” **

In ouvrage sous la direction de Jean-François Hébert, LA PULPERIE DE CHICOUTIMI. UN SIÈCLE D’HISTOIRE, pp. 55-58. Chicoutimi : Musée de La Pulperie de Chicoutimi, 1998, 100 pp.


Dans les années 1980, j'ai eu l'occasion d'effectuer, à l'intérieur d'un programme de recherche, plusieurs enquêtes orales auprès d'anciens travailleurs de la Compagnie de pulpe de Chicoutimi. Pour la plupart, ils étaient entrés aux moulins durant les années 1910, en pleine adolescence, et ils y étaient restés jusqu'au moment de la fermeture en 1930. Débrouillards et peu instruits, c'était souvent par le biais de leur entourage familial ou de leurs relations qu'ils avaient pu trouver une place au sein de la grande industrie.

À l'époque, la C.P.C., propriétaire du site de la Pulperie, était en plein essor. Près d'un millier d'hommes s'affairaient à la production de la pâte mécanique, qui était utilisée dans la fabrication du papier journal pour les grands marchés anglais et américains.

La vie économique et sociale de la ville et de la région dépendait en grande partie de cette activité dans les moulins. De plus, une dizaine de sociétés subsidiaires, spécialisées, entre autres, dans l'électricité, le téléphone, la construction ou le transport, étaient rattachées à la C.P.C. pour assurer son fonctionnement.

Le quartier du Bassin, depuis la rue Price jusqu'à la hauteur de la côte Saint-Ange et de la rue Saint-Paul, était alors largement identifié à la C.P.C, de même qu'à son église, érigée en 1903 par les Pères Eudistes. Les familles ouvrières habitaient dans des petites maisons en pièce sur pièce d'un étage avec toiture à double versant. Les conditions salariales de ces travailleurs, qui dépassaient rarement les 400$ par année, et leur cadre de vie tranchaient nettement avec ce qu'on pouvait observer dans les deux autres quartiers de la ville, là où étaient concentrés le commerce, les institutions, les professionnels, ainsi que les dirigeants locaux comme J.-É.-A. Dubuc, le directeur-gérant de la C.P.C.

Fig. p. 55. M. Thomas-Louis Tremblay. Source : Le Quotidien.

Toute cette histoire riche, complexe et entremêlée qu'est celle de la Pulperie, trouvait des traces matérielles dans l'architecture et les vestiges du site, en plus des importants fonds documentaires conservés à la Société historique du Saguenay et au centre régional des Archives nationales du Québec. Outre les plans d'ingénieurs et les photographies montrant les différents stades de construction des moulins et leur impact sur l'environnement, les journaux, la correspondance et les bilans financiers faisaient valoir une autre dimension, un autre regard sur ce haut-lieu du patrimoine industriel.

Mais, au-delà de ces matériaux premiers de l'histoire, il nous apparaissait que le témoignage direct pouvait également apporter sa contribution, en particulier à l'intérieur d'un projet de restauration et d'interprétation d'un site historique classé comme celui de la Pulperie.

Au moment de procéder à ces enquêtes, plusieurs anciens travailleurs de la C.P.C. vivaient encore dans leur maison du Bassin ; d'autres au contraire avaient été délogés à la suite du projet de construction du boulevard Saint-Paul. C'était le cas de Thomas-Louis Tremblay. Lors de l'entrevue, il avait gardé un souvenir mémorable de son travail à la C.P.C, mais son déracinement avait été brutal. Le fait qu'il ait travaillé dans les chantiers et dans les moulins en faisait un informateur recherché. Nous reproduisons la substance de cette entrevue réalisée le 4 novembre 1983. Les sous-titres sont de nous.

*  *  *

[56]

La Pulpe, une affaire de famille

Je suis né à Chicoutimi en 1905. Mon père s'appelait Siméon Tremblay et ma mère Marguerite Fortin. Nous habitions au Bassin sur la rue Saint-Henri. Notre famille comptait huit enfants, une fille et sept garçons.

Mon père travaillait à la Pulpe. Quand il est mort à 39 ans, en 1912, mon frère Patrick a commencé à travailler à la Pulpe. Durant l'hiver, il y avait quelqu'un qui ouvrait et fermait la porte du moulin pour le chargement de la pulpe. Il avait été engagé pour ça. Il est resté à l'emploi de la compagnie jusqu'à la fermeture des moulins en 1930.

Moi, je suis entré à la Pulpe en 1918 après avoir été à la petite école de la rue Bossé et à celle des Frères Maristes sur la rue Morin. Comme j'avais 13 ans et que j'étais gros et grand, on m'a mis sur les métiers. J'ai fait ça plusieurs années jusqu'en 1925-1926.

Pour accéder au premier moulin, on traversait le pont de la rivière, puis, à droite, les presses brocheuses, qui servaient à mettre la pulpe en ballots, étaient là. Au milieu, il y avait les presses hydrauliques, et de chaque côté, les métiers. Plus haut à droite, c'était les screens[1] Les meules étaient à gauche en entrant dans le moulin. Il y en avait peut-être quatre ou cinq. Mais les plus grosses, celles de 30 pouces, n'étaient pas là. Elles étaient au moulin no 3, dans le théâtre d'aujourd'hui [2].

Un travail régulier

La journée normale était de huit heures. On travaillait de trois à onze, de onze à sept, puis de sept à trois. Dans ce temps-là, c'était dans les moulins qu'on avait les meilleurs salaires. En 1925, en dernier, je gagnais 2,40$ par jour pour huit heures ; ça faisait trente cents de l'heure. Ceux qui travaillaient sur les presses brocheuses et les presses hydrauliques gagnaient beaucoup plus. Le travail était plus dur ; ça prenait de bons hommes, des hommes solides. Il y en avait seulement trois sur les presses hydrauliques. On était payé en argent, dans des enveloppes. Des fois, il y avait des arrérages de quelques semaines. Mais je n'ai jamais perdu un sou à la Pulperie.

Des fois, la nuit

Dans le moulin où j'étais, il y avait 28 métiers. J'allais très peu au moulin no 2. C'était pas le même monde. Nos contremaîtres à nous s'appelaient Eugène Blanchette et Clovis Girard. Ils étaient seulement à deux shifts ? [3]

On se connaissait tous, on était tous des amis. L'esprit de travail était très bon et puis il y avait des amusements, surtout la nuit. Les contremaîtres nous laissaient faire, du moment que notre ouvrage était bien fait. Dans ce temps-là, on se faisait des espèces de couvertes et puis on jouait là-dessus. On tirait du poignet, on tirait la jambette ou bien toutes sortes de choses, parce que la nuit, de onze à sept, c'était tannant, endormant. On coupait notre feuille, puis on avait deux minutes avant de recommencer. Si on jouait pas, on n'avait rien à faire, alors on s'assoyait sur nos tables de métier, puis on s'endormait.

Le moulin était très bien éclairé. Il y avait une sous-station électrique sur le terrain et il y avait un moteur de cent forces dans le moulin. On avait aussi une salle à manger dans le bureau des contremaîtres. Il y avait des petits poêles pour faire chauffer notre thé et notre nourriture. On s'aidait les uns les autres. Mon voisin coupait sur deux métiers quand j'allais manger et je faisais pareil quand lui allait manger. Ca dépendait toujours de l'entente qu'on avait ensemble.

Pour la quantité d'ouvrage, c'était la machine qui dictait. Il y avait un assistant-contremaître, qu'on appelait un spareman, qui piquait les meules [4] et, à ce moment-là, les meules grugeaient plus. Alors, en grugeant plus, on avait plus de travail à faire sur les métiers. Plus il piquait, plus on avait de l'ouvrage. La feuille venait et montait plus vite. Puis, il fallait ne pas couper trop épais, sinon on était averti. La feuille devait mesurer moins d'un quart de pouce. Je faisais entre 15 à 20 ballots par jour. Quand une pièce brisait, il y avait la machine shop avec une forge et la machinerie pour tout arranger. Les petits chars électriques logeaient là-dedans aussi pour se faire réparer. Il y en avait deux, un pour le Bassin, l'autre pour Bagotville.

L'hiver au bois

L'hiver, quand les moulins fermaient parce qu'il manquait d'eau dans la rivière, on allait dans les chantiers. Je suis allé bûcher à la rivière Pikauba, qu'on appelait le gros Pikauba. Puis au lac Ha ! Ha ! et à la rivière du Moulin. J'y suis allé trois hivers de suite. On était engagé par des jobbers, qui avaient des contrats du grand jobber de la compagnie. Il y en a un qui était mon frère, Ludger Tremblay. Ensuite, l'autre c'était Joseph Fortin sur le lac Ha ! Ha !. Puis sur la rivière du Moulin, c'était pour Joseph Bouchard.

On montait dans les camps comme on pouvait : à pied, en équipe. La première fois quand j'ai travaillé pour mon frère, c'était un camp de famille. On était quatre frères, ma mère et ma soeur. Il y avait plusieurs camps en bois rond. Chaque petit jobber avait le sien. Le gros jobber avait, lui, un dépôt pour les provisions.

Pour couper le bois, on avait notre hache et on natchait [5] l'arbre du côté qu'on voulait faire tomber. On prenait après un sciotte et on sciait l'arbre de l'autre côté. L'arbre tombait, on le débranchait. On coupait du sapin et de l'épinette. Le bouleau, on ne touchait pas à ça ; c'était un embarras. Des fois, lorsque le vent nous trompait, l'arbre tombait pas toujours du bon bord. Il se branchait dans les bouleaux et on avait de la misère à l'enlever.

En 1924-1925, l'année du gros tremblement de terre, j'étais assistant-mesureur. [57] On était deux pour mesurer le bois. L'assistant tenait un bout de l'arbre, puis le mesureur était à l'autre bout. On mesurait le bois, on criait ça au mesureur et il l'étampait. La mesure du bois était importante parce que c'est avec elle qu'on faisait le prix.

Le premier hiver, j'ai pas eu de paie parce que mon frère la donnait à ma mère ; c'était pour vivre. Sur la rivière du Moulin et sur le lac Ha ! Ha !, j'avais 25$ par mois. Un hiver, mon frère et moi, on avait gagné 100$, mais on en a eu seulement la moitié parce que le jobber arrivait en-dessous. L'autre 50$, on l'a perdu, on l'a jamais eu, parce que le jobber avait eu trop de dépenses pour le produit qu'il avait fait. Les petits jobbers n'arrivaient pas toujours. L'administration, c'est pas tout le monde qui savait faire ça. Ils dépensaient trop pour le revenu qu'ils avaient. Puis le grand jobber, lui, il fallait qu'il arrive dans ses chiffres. Sinon le petit jobber nous garantissait juste la moitié.

Fig. p. 57. Des bûcherons à l'oeuvre dans le secteur de la rivière du Moulin. M. Tremblay se trouve au centre sur cette photo. Source : La Pulperie de Chicoutimi en évolution 1896-1982, Ville de Chicoutimi, 1983, p. 24.

Il y a un de mes frères qui était payé plus cher que nous autres. Il avait 50$ par mois parce qu'il était le plus vieux. Lui, il avait gagné 200$ et il a eu 100$. L'autre 100$, il a actionné le petit jobber. Il a fini par avoir son argent, tant par mois. On aurait pu faire pareil, mais c'était un pauvre homme et ma mère a dit de le laisser faire. On était pas plus pauvre pour tout ça.

Après la Pulpe, le Progrès

Quand la Pulperie a fermé, je suis entré au Progrès du Saguenay. Je vendais le journal mais pas comme camelot. On abonnait les gens. Il fallait être abonné pour recevoir le journal. Ça coûtait 2$ par année. Pour moi, c'était un travail complètement différent que la Pulpe. C'était ma première expérience dans la sollicitation. On courait maison par maison, puis on donnait des primes.

On était bien habillé dans ce temps-là. C'était plaisant, on courait les rangs. J'ai été jusqu'en Abitibi pour vendre le Progrès. J'y allais en train, c'était loin. On était quatre à faire ce travail. On travaillait pour René Grenon, mais aussi pour J.-E.-A. Dubuc, qui était un des propriétaires du Progrès. Quand j'ai quitté le journal, je suis allé travailler pour Gagnon Frères meubles pendant un an, puis après ça, je suis entré à la Compagnie électrique.

La Compagnie électrique, la vraie vie

Au commencement, j'étais au petit magasin de matériel pour les installations. J'ai été là quelques mois. Ensuite, je suis allé au département des compteurs comme lecteur de compteurs. J'ai fait ça 13 ans de suite jusqu'en 1943. Je suis entré le 4 mars 1929 et je me suis marié cinq mois plus tard, le 2 août 1929. C'est là vraiment que j'ai commencé à vivre. On lisait les compteurs, on faisait une facture et on entrait dans chaque maison pour se faire payer. Puis le soir, on se rendait au bureau pour donner l'argent et balancer.

On avait 1 500 clients parce qu'il y en avait qui utilisaient plus d'un compteur. On avait des clients importants comme les maisons de gros, J.-B. Renaud et Côté-Boivin. Il y avait aussi L.-B. Gagnon, Gagnon Frères, L-H. Carrier, l'Évêché et la Cathédrale. Dans ce temps-là, la rue du Havre était la rue du commerce. On faisait aussi tout Rivière-du-Moulin, Laterrière, les rangs Saint-Pierre, Saint-Paul, Saint-Joseph. L'hiver, on allait en voiture à poils, à cheval. Puis l'été, on roulait en machine. On commençait parfaire Laterrière au mois de mai.

Les bureaux de la compagnie étaient sur la rue Tessier. La bâtisse est encore là. Elle a été achetée par Hydro-Québec en 1963 et dernièrement (1983) elle a été revendue. Elle s'appelle la Maison carrée [6].

J'ai commencé à 85$ par mois. Puis vers 1932-1935, pendant la crise, on a eu une diminution générale de 10%. Tout le monde a dit merci et a accepté la baisse de salaire. Aujourd'hui, on aurait eu la grève tout de suite. On n'avait pas le syndicat. En 1943, j'ai été nommé contremaître des compteurs ; on était quatre.

Le pouvoir électrique de la compagnie était au Pont-Arnaud qui éclairait la ville de Chicoutimi, puis la Chute Garneau qui alimentait le village de Laterrière. La compagnie achetait aussi de l'électricité de l'Alcan qui, à ce moment-là, avait déjà des pouvoirs. J.-É.-A. Dubuc était le patron de la compagnie au début, mais il me semble que J.-D. Guay était aussi là-dedans.

Dubuc, un homme de projets

Dubuc était très bien considéré. C'était le principal de [58] la place. D'abord, c'était un homme imposant. Il marchait bien et il parlait toujours bien. Il a fait beaucoup pour Chicoutimi. S'il n'avait pas eu tant de bois dans les roues, peut-être qu'il aurait gardé la Pulperie. C'était un homme pour aller chercher de l'argent. C'était un bon financier avec des bonnes idées, mais ce n'était pas un administrateur. Ça été son plus grand défaut.

Quand Dubuc a été maire de Chicoutimi, il s'est fait battre par le docteur Henri Duhaime, le grand-père de Yves Duhaime. J'avais trouvé ça terrible qu'un homme comme Dubuc se fasse battre par un gars comme Duhaime. Quand Dubuc était maire, c'était la période du chômage en 1932-1933. Il était maire et député en même temps. Il avait lancé plein de projets. Il a donné de l'ouvrage à bien du monde. Puis Duhaime est arrivé avec toutes sortes d'autres projets et de promesses et les gens se sont faits emplir. Ils l'ont regretté par la suite, parce que Duhaime n'a pas été maire bien longtemps (1936-1938).

Du Bassin à la Messieuterie

Il y avait sur la rue Racine, dans ce temps-là, un pont qui traversait la rivière aux Rats parce qu'elle n'était pas encore canalisée. L'électricité et le téléphone étaient partout dans la ville. Les Pères Eudistes étaient au Bassin. Le révérend Père Courtois était le vicaire et le révérend Père Dréan, curé. C'était le Père Courtois qui avait formé les Zouaves. J'ai été moi-même zouave pendant plusieurs années. On avait un beau costume tout payé par le Père Courtois. C'était un comte français ; il avait de l'argent. Je me souviens que ma femme a fait des costumes pour la Compagnie de zouaves. On était 75 à 80 dans la compagnie. C'était surtout des gens du Bassin, même s'il y en avait quelques-uns de la ville.

Les gens du Bassin disaient que la Messieuterie restait en ville et les ouvriers au Bassin. C'était peut-être parce que le commerce était en ville. On aimait mieux pas aller en ville parce qu'ils nous regardaient de haut. On aurait dit qu'ils nous méprisaient. C'était, comme on dit, une affaire simple : pourquoi avoir une rivalité dans la même ville ?

Propriétaire et déraciné

J'ai eu la maison de ma mère sur la rue Saint-Henri, près des usines de la Compagnie de pulpe. Mon père l'avait achetée de J.-D. Guay. Il avait plusieurs terrains et maisons au Bassin. C'était des maisons sans finition. Celui qui l'achetait devait la finir à son goût. Quand j'ai eu celle de ma mère, l'intérieur n'était pas fini parce qu'elle n'avait pas eu les moyens de le faire. Elle était veuve, avec huit enfants. Je lui ai toujours donné mon argent. J'ai changé mon premier chèque de paie seulement quand je me suis marié. J'ai habité le Bassin jusqu'en 1979. À ce moment-là, ils ont construit un viaduc sur la rue Saint-Henri et ma maison a été démolie. Je me suis ennuyé quand je suis arrivé ici, parce qu'au Bassin j'avais tout pour m'occuper. J'avais un petit morceau de terre que je cultivais ; je faisais l'entretien de ma maison et je pouvais bricoler dans mon garage. On avait neuf pièces dans la maison, donc ma femme était aussi bien occupée. Ici, dans le bloc où on est, on a seulement quatre pièces. Ca fait tout un changement de vie ! Quitter un emplacement quand ça fait 74 ans qu'on est là, c'est dur à prendre. Couper la souche, ça fait toujours mal.



* L'auteur est historien et muséologue ; il oeuvre au ministère de la Culture et des Communications, direction du Saguenay— Lac-Saint-Jean. Transcription de l'entrevue : Marguerite Hurtubise.

** M. Tremblay fut à l'emploi d’Hydro-Québec pendant 42 ans. Il est décédé à Chicoutimi le 6 septembre 1991, à l'âge de 86 ans et 8 mois. Le sculpteur Richard Langevin a immortalisé son visage dans une oeuvre réalisée à partir de l'ancien mur de soutènement de la Eastern Mining & Smelting, à l'entrée de l'Édifice 1921.

[1] Screen : tamis.

[2] Le moulin no 3, construit en 1912, fut aménagé en théâtre au cours des années 1980. L'intérieur a été complètement ravagé lors des inondations de juillet 1996.

[3] Shift : quart de travail.

[4] Quand les meules sont usées et qu'elles deviennent trop lisses, on doit leur faire des stries pour qu'elles redeviennent rugueuses et qu'elles puissent recommencer à défibrer normalement les billes de bois. C'est cette opération qu'on appelle « piquer les meules ».

[5] Entaille que l'on fait dans le tronc d'un arbre avant de l'abattre, du côté qu'on veut qu'il tombe.

[6] Cette appellation provient de la troupe de théâtre « Les Têtes heureuses » qui acheta le bâtiment et le baptisa ainsi. Ce nom fut utilisé de 1983à 1988.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 28 mars 2015 9:58
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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