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Jérôme GAGNON
Historien
“Le quartier ouvrier
du Bassin à Chicoutimi.”
In ouvrage sous la direction de Jean-François Hébert, LA PULPERIE DE CHICOUTIMI. UN SIÈCLE D’HISTOIRE, pp. 81-96. Chicoutimi : Musée de La Pulperie de Chicoutimi, 1998, 100 pp.
Depuis le début de son histoire, le quartier du Bassin de Chicoutimi est lié à l'industrie locale. Carrefour commercial important pour la traite des fourrures lors de la période qui précède l'ouverture du Saguenay à la colonisation, ce secteur est celui qui accueille l'industrie de l'exploitation forestière jusqu'à la grande crise économique des années 1930. Comme pour d'autres établissements industriels de la région, le quartier ouest de Chicoutimi constitue une zone d'urbanisation dont le développement résulte de l'installation, de l'opération et de la production d'une industrie. Par contre, le cas de Chicoutimi ne peut se comparer tout à fait à celui d'autres villes planifiées par des compagnies, comme Kénogami, Arvida, Port-Alfred, Val-Jalbert, Riverbend ou Dolbeau. Il ne s'agit pas à Chicoutimi de créer de toutes pièces les infrastructures urbaines nécessaires à l'établissement de la main-d’œuvre, mais bien de développer un quartier dans une ville déjà existante et organisée en ce qui concerne les services publics.
La vocation du quartier ouest de Chicoutimi s'impose dès la fondation de la ville par l'activité de l'usine de sciage de la Compagnie Price. Puis, à la fin du XIXe siècle, c'est la Compagnie de pulpe de Chicoutimi (C.P.C.) qui relance l'activité dans le secteur, donne un souffle nouveau au peuplement du quartier et confirme la vocation industrielle et ouvrière du Bassin. Les dirigeants des manufactures de pâte à papier ont un pouvoir et une influence majeurs au sein de la société chicoutimienne, ce qui leur permet de modeler le quartier ouest un peu à leurfaçon. La C.P.C. pousse le concept de quartier ouvrier à un niveau élevé. La participation des ténors de l'industrie, de concert avec le clergé local, contribue à former une véritable enclave à l'intérieur des limites de Chicoutimi. Le Bassin, sous les auspices de cette industrie, devient véritablement une ville dans la ville. [1]
Les premiers établissements
- Le Bassin de Chicoutimi : maillon important
d'un réseau de traite des fourrures (1676-1856)
L'histoire du Saguenay, de Chicoutimi et plus précisément du Bassin s'ouvre au XVIIe siècle avec le commerce des fourrures qui anime toute la colonie de la Nouvelle-France. Organisé en 1652 en territoire d'exploitation exclusive sous l'autorité du Roi de France, le Saguenay Lac-Saint-Jean, appelé alors le « Domaine du Roi », ouvre son territoire à l'établissement d'un réseau de comptoirs de commerce de fourrures avec les Amérindiens qui habitent la région. Un poste de traite est construit à Chicoutimi en 1676, à un endroit déjà fort achalandé et ayant une importance notoire pour les autochtones qui parcourent le réseau hydrographique de la région. C'est sur la rive ouest de la rivière Chicoutimi, à sa rencontre avec le Saguenay, que sont construites les premières installations du poste de traite. Cet endroit représente pour les Montagnais (llnutsh) un lieu de repos avant d'affronter la remontée en canot de la rivière Chicoutimi et les difficultés que représentent les nombreux portages qu'elle comporte.
La rivière Chicoutimi est un maillon important de ce qu'on appelle la route des fourrures. Il s'agit d'une étape obligatoire pour passer du Saguenay au lac Saint-Jean (Piekouagami). Ainsi, le site choisi pour l'installation du poste de traite offre d'excellentes conditions à l'établissement d'un havre commercial. Toutes les facilités pour le transbordement des canots et des bateaux de marchandises se retrouvent dans le bassin de Chicoutimi. La forêt et la faune abondantes à cet endroit sont autant d'utilités offertes aux promoteurs et aux employés du poste.
Les fouilles archéologiques effectuées en ces lieux démontrent que le poste de traite de Chicoutimi a succédé à l'occupation séculaire de ce site par les Amérindiens. Cette continuité met en évidence une certaine logique dans le choix des établissements humains au Saguenay. [2] Il prouve également que de tout temps ce sont les ressources hydrographiques qui constituent la ligne directrice de l'histoire locale et régionale.
Ainsi en juin 1676, Charles Bazire, associé de Jean Oudiette, adjudicataire de la Ferme du Domaine du Roi, préside aux débuts des travaux de construction du comptoir commercial à Chicoutimi. Arrivés par bateau, les artisans construisent un [82] magasin, une chapelle, des dépendances et un appartement pour le desservant jésuite de la mission de Chicoutimi, en l'occurrence le père François de Crespieul. Le missionnaire joue un rôle primordial dans la dynamique du commerce des fourrures. Par son ascendant sur les populations autochtones, il est l'intermédiaire privilégié entre les habitants indigènes et les commerçants européens. L'activité au poste de Chicoutimi débute à l'automne 1676. Le magasin reçoit ses premières marchandises et les échanges peuvent s'amorcer. Contre des peaux de castor et des pelleteries de toutes sortes, les Européens offrent aux Amérindiens des marchandises nécessaires à leur subsistance (farine, pois, blé d'Inde, lard salé, graisse, etc.), toute la gamme du
Fig. p. 82a. Une partie du quartier du Bassin au début du XXe siècle.
Source : Archives nationales du Canada.
Fig. p. 82b. Dessin représentant la chapelle des Jésuites érigée par le Père Laure en 1726.
Source : ANQC, fonds SHS.
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matériel employé pour la chasse (pièges, fusils, poudre et munitions), du tabac, des pipes de plâtre et aussi de l'eau-de-vie.
Fig. p. 83a. Les établissements du Bassin de la compagnie Price vers 1892.
Source : ANQC, fonds SHS.
Fig. p. 83b. La scierie Price vers 1898. Source : ANQC, fonds Lemay.
Au fil des ans le poste de Chicoutimi s'agrandit et se modifie. Un cimetière est aménagé et une nouvelle chapelle est construite en 1726 sous l'initiative et le zèle du Père Pierre Laure. Cette période correspond à l'âge d'or de la traite des fourrures à Chicoutimi. L'histoire de ce commerce au Saguenay et à Chicoutimi est parsemée de hauts et de bas. Les comptoirs de la région prospèrent au rythme des fluctuations des populations animales et de la santé du commerce des fourrures en général. Après la capitulation de Montréal et la chute de la Nouvelle-France en 1760, la traite du Domaine du Roi passe entre les mains des Anglais. La traite conserve sa vocation de territoire affermé. Le changement d'allégeance ne provoque que peu de remous si ce n'est que le territoire porte dorénavant le nom de King's Posts. Le poste de Chicoutimi survit encore près de cent ans. À compter de 1821, c'est la célèbre Compagnie de la Baie d'Hudson qui s'installe dans les postes du roi. Le commerce, à ce moment, est en période de déclin. La concurrence est extrêmement forte. Les nombreuses pressions pour ouvrir le territoire à la colonisation, puis l'exploitation forestière et l'arrivée des colons en 1838 ruinent la traite qui s'éteint, au Saguenay, en 1856, avec le départ des deux derniers employés du poste de Chicoutimi. [3]
- La première phase d'industrialisation au Bassin :
l'exploitation d'une scierie (1843-1901)
L'histoire de la colonisation blanche au Saguenay débute en 1838 avec l'ouverture du territoire à la coupe du bois. C'est à une société de Charlevoix, la Société des Vingt-et-Un, que revient le droit d'exploiter les forêts de pin du Saguenay. Cette société est financée en sous-main par l'industriel anglais de Québec, William Price. Fort de sa fortune et d'une expertise dans l'industrie du bois, il ne tarde pas à racheter les investissements de la société charlevoisienne et, du même coup, à s'imposer comme roi et maître du Saguenay. L'ouverture de la région à la colonisation n'est pas le fruit du hasard. Les terres cultivables sont rares dans la vallée du Saint-Laurent, et, de plus en plus, une partie de la population du Québec prend la route des États-Unis pour améliorer son sort. La situation oblige l'ouverture de nouvelles terres. En outre, les conditions du marché international dictent l'action du gouvernement du Bas-Canada concernant le désenclavement du territoire du Saguenay. L'Angleterre a besoin de bois pour la construction de ses navires et les pressions des entreprises commerciales pour ouvrir le Saguenay à l'exploitation forestière trouvent preneurs [84] chez les détenteurs du pouvoir politique et économique. Les colons qui s'installent au Saguenay, bien que désireux de cultiver la terre, se voient pris dans l'engrenage de l'exploitation forestière. Il s'agit alors de la seule source de revenus sûre et les colons n'ont d'autre choix que de s'adonner à cette activité, mettant leurs destinées entre les mains des capitalistes du bois. Ainsi, l'agriculture stagne au profit de la coupe et du sciage du bois qui, à eux seuls, déterminent révolution de la colonisation au Saguenay.
Fig. p. 84a. La côte des Saints-Anges, vers 1923. Source : ANQC, fonds SHS.
En 1842, William Price s'associe à Peter McLeod junior pour implanter une usine de bois de sciage dans le secteur du Haut-Saguenay. Au mois d'août, McLeod et une équipe de 23 hommes débutent la construction d'un moulin à l'embouchure de la rivière du Moulin. Au printemps 1843, le moulin commence ses opérations et l'installation ne tarde pas à attirer les colons. L'activité du duo Price-McLeod ne se limite pas à cette scierie. Peu de temps après la mise en opération de la première usine de sciage, les deux industriels forestiers s'associent à nouveau en vue de développer le pouvoir de la rivière Chicoutimi et d'y établir un second établissement de ce genre.
Le site de la construction du nouveau moulin est déterminé de façon judicieuse par les avantages du milieu. La force motrice de la rivière Chicoutimi, la matière première qui se trouve en grande quantité le long de la rivière et dans le bassin hydrographique du lac Kénogami favorisent l'implantation de cette nouvelle scierie qui bénéficie en outre d'un havre portuaire idéal avec le site naturel du bassin.
Fig. p. 84b. Scène de la vie quotidienne au Bassin, vers 1926.
Source : Collection des Eudistes, fonds du Père Courtois.
Construite sur la rive ouest de la rivière Chicoutimi, la scierie du Bassin, terminée au printemps 1844, est de dimensions appréciables : 47,5 mètres de longueur et 22 mètres de largeur. Munie de six scies, elle est alimentée en énergie hydraulique par un canal aménagé à partir d'une écluse construite sur la première chute de l'impétueux cours d'eau. En plus de l'usine de sciage, les installations Price-McLeod comprennent également un quai de 152 mètres de longueur par douze de large, trois maisons et un magasin. [4]
Le magasin est un bâtiment essentiel pour la communauté ouvrière et pour une bonne partie de Chicoutimi. À ses débuts, le magasin de la compagnie est un des seuls à pouvoir approvisionner l'usine et ses employés. C'est dans ce magasin que sont échangés les « pitons » et les « grimaces », les fameux coupons-monnaie émis par la Compagnie Price. Cette monnaie interne s'impose de facto chez les ouvriers de la compagnie et chez les marchands qui n'ont d'autre choix que de les accepter. Ainsi, les ouvriers comme les marchands doivent subir les nombreuses fluctuations à la baisse des « pitons ». Ces changements dans le cours de cette monnaie interne ne relèvent que du bon vouloir de la compagnie maîtresse. Ce système des plus [85] critiqués fait l'objet de nombreuses protestations de la part de la population chicoutimienne. La Compagnie Price doit abandonner graduellement cette forme d'exploitation au cours des années 1880.
Les installations du Bassin ne tardent pas à s'imposer comme étant le centre le plus important de production de bois de sciage au Saguenay. Entre 1843 et 1846, les deux moulins à scie de Chicoutimi exportent tout près de 250 000 madriers de pin par année. La scierie du Bassin à elle seule en fournit les trois quarts. Il n'est pas surprenant que Chicoutimi soit le théâtre des développements socio-économiques les plus rapides et les plus imposants des débuts de la colonisation dans la région. Lors de sa visite en 1845, l'arpenteur Stephen Ballantyne constate, qu'en plus des installations Price et de celles de la Baie d'Hudson, le secteur compte aussi une vingtaine de maisons. Il s'agit pour la plupart des demeures des employés de l'usine de sciage. Un an après la construction de cette industrie, l'embryon de société devient la base d'un établissement agro-forestier appelé à devenir une ville d'importance majeure au Saguenay. Ballantyne constate aussi que la puissance de la rivière Chicoutimi sera utilisée sous peu pour faire fonctionner un moulin à farine. En effet, un groupe de citoyens s'affairent à construire cet établissement qui servira à moudre le grain des habitants et à approvisionner les chantiers de bûcherons. [5] Bien que le Bassin reste un lieu où l'activité est centrée presque exclusivement sur le sciage du bois, il n'en demeure pas moins que quelques initiatives commerciales y sont tentées. Vers 1859, Abel Gaudreault ouvre une boutique de forge sur la rue Taché. William Lavoie offre, à compter de 1878, le service de cordonnerie, tandis que Xavier Fortin ouvre à la même époque un magasin général. [6] En périphérie du quartier proprement dit s'établissent quelques agriculteurs qui viennent compléter le paysage social de la population du Bassin.
Fig. p. 85. La chapelle du Bassin qui servira tour à tour de lieu de culte, de salle publique et de salle de réunion pour le syndicat. Source : ANQC, fonds Lemay.
Après la mort du métis Peter McLeod, en 1852, les installations du Bassin passent entièrement entre les mains de son associé William Price. Sous l'administration de ce dernier et de ses successeurs, la scierie du Bassin et la plupart des autres moulins du Saguenay continuent à rythmer la vie des pionniers de cette époque. Price est le principal employeur de Chicoutimi. Bon an, mal an, une centaine d'hommes y travaillent. Le cycle de l'exploitation du bois détermine la vie des habitants du Saguenay. L'hiver dans les chantiers à couper le bois, le printemps à pratiquer la drave et l'été c'est le moulin qui transforme la matière première en marchandise exportable vers les chantiers de construction navale d'Angleterre.
Un témoin de cette époque, Mgr Eugène Lapointe, décrit la ville qu'il découvre lors de son arrivée au Saguenay en 1882.
- « [...] sur les deux rivières du Moulin et du Bassin, de magnifiques chutes tout près du Saguenay, jusqu'au pied desquelles pouvaient pénétrer à marée haute de petits et de moyens bateaux. Site incomparable pour la construction de scieries et le chargement du bois, puisque les bâtiments d'outremer pouvaient remonter le Saguenay jusqu'à l'embouchure de ces deux rivières.
- « En 1882, celle de la Rivière-du-Moulin [la scierie] la seconde en cet endroit je crois, existait encore mais était abandonnée, tandis que celle du Bassin était en pleine activité. Inutile de dire qu'à ce moment-là le tout appartenait à la maison Price...
- « La population de Chicoutimi en 1882 se ressentait quant à sa composition, de son origine. Autour du moulin du Bassin un groupe d'ouvriers et quelques employés du bureau ou du magasin de M. Price...
- « Il y avait donc à Chicoutimi, dans ce temps-là, deux classes sociales bien distinctes et assez éloignées l'une de l'autre, celle des ouvriers et celle des bourgeois. Entre les deux, un certain nombre d'intermédiaires participants plus ou moins de l'une ou de l'autre.
- « Les ouvriers étaient en général très pauvres, gagnant peu : 8.00$ à 10.00$ par mois dans les chantiers en hiver, 0.50$ par jour au moulin l'été, pour une journée de 12 heures. Ils étaient tous très mal logés. La vie n'était pas chère, parce qu'ils dépensaient très peu, vivant de si peu. » [7]
Lorsque Mgr Eugène Lapointe découvre Chicoutimi, la ville est en perte de vitesse, les scieries Price sont en plein déclin. Depuis la fin des années 1870, la demande en bois d'oeuvre a considérablement diminué. La crise [86] économique de 1873, l'adoption de la politique du libre-échange de la part de l'Angleterre, l'utilisation du fer dans la construction navale et la diminution des forêts de pin de bonne dimension près des scieries font que la Compagnie Price ralentit ses activités pour finalement fermer le moulin de Chicoutimi en 1901. Au début des années 1890, la population du Bassin ne compte que quelques centaines d'habitants. Cette situation change radicalement avec la relance de ce secteur industriel par rétablissement des usines de pâte à papier de la Compagnie de pulpe de Chicoutimi.
La Compagnie de pulpe de Chicoutimi
et la construction du quartier ouvrier
- Une nouvelle dynamique industrielle,
une population à la hausse
L'émergence de la C.P.C. (Compagnie de pulpe de Chicoutimi) dans le quartier ouest amène un véritable renouveau. C'est, en fait, à partir de 1896 que se développe à Chicoutimi un quartier ouvrier véritablement structuré et planifié. Si la Compagnie Price n'avait accordé que peu d'importance au développement du quartier, il n'en est pas ainsi des nouveaux promoteurs qui contribuent à faire naître au Bassin une véritable ville dans la ville. Déjà, en 1898, la Compagnie de pulpe impose à l'ancien maître des lieux son désir de faire dominer sa vision de l'avenir du Bassin. C'est alors que des représentations auprès du gouvernement concernant la propriété de lots de grève le long du Bassin, sur la rue Montcalm, aboutissent à l'installation de zones portuaires pour l'expédition de la pâte produite par la Compagnie de pulpe. [8] Le succès de cette démarche est d'une importance capitale pour cette industrie et revêt également un caractère symbolique : un changement de pouvoir s'effectue à Chicoutimi et la Compagnie Price n'aura d'autre choix que de s'éclipser en 1901... pendant quelque temps. La vénérable compagnie réoriente ses activités dans les pâtes et papiers, mais c'est le canton Jonquière qui reçoit son attention particulière. Price fera un retour remarqué à Chicoutimi lorsqu'en 1923, la compagnie aménage un barrage et une centrale électrique destinés à augmenter le potentiel énergétique nécessaire au fonctionnement de la papeterie de Kénogami. [9]
Sources : Recensements du Canada, cité dans Gaston Gagnon, La pulperie de Chicoutimi, histoire et aménagement d'un site industriel, 1988, Ville de Chicoutimi et M.A.C. pp. 120-121.
Une donnée majeure quant à l'évolution du quartier du Bassin est son [87] indéniable accroissement démographique. Lors de la mise sur pied du projet d'usine de pulpe, le principal avantage que publicisaient les promoteurs est le fait que le travail que fournit la pulperie permet à de nombreux habitants de la ville de gagner leur vie honorablement. Devant le succès de la nouvelle compagnie, c'est non seulement la population locale mais aussi ceux qui proviennent de l'extérieur de la ville qui peuvent profiter de cet apport économique. La population de Chicoutimi s'accroît de façon substantielle au cours des trente années de fonctionnement de la C.P.C.
Le tableau 1 démontre qu'à partir de l'ouverture des usines de pâte à papier à Chicoutimi, il y a une évolution à la hausse de la population de la ville variant selon les périodes. Ainsi, de 1891 à 1901, on assiste à un accroissement significatif, voire spectaculaire, de près de 70%. Cette période correspond à l'ouverture des usines et à la mise en place du quartier ouvrier. L'apport démographique bat son plein ; Chicoutimi est plus que jamais sur la voie de la prospérité. Dans les décennies subséquentes, de 1901 à 1921, le boum démographique s'atténue tout en maintenant une augmentation des plus appréciables de la population (aux alentours de 50%). La C.P.C. ne cesse, au cours de cette période, d'augmenter sa production par l'ajout de nouveaux moulins. De son côté, la ville de Chicoutimi ressent les bienfaits de la prospérité. Le fonctionnement à plein régime des moulins de pulpe entraîne une vitalité économique qui se transpose sur tous les plans. Pour ce qui est de la dernière décennie de la période étudiée, les données confirment une diminution appréciable de la croissance de la population de la ville. Ce ralentissement est attribuable aux bouleversements dans les activités de la pulperie. La décennie 1921 -1931 s'avère critique. L'industrie locale traverse de nombreuses crises financières qui vont la conduire à sa fermeture. Il en est de même pour le reste de la ville qui s'apprête à entrer dans la crise des années '30 de façon fort tragique. [10]
Incontestablement, il faut croire que la nouvelle prospérité de Chicoutimi entraîne non seulement une amélioration des conditions de vie mais génère également une augmentation de ses effectifs humains. L'accroissement de la population n'a pu se produire sans l'apport d'un mouvement migratoire important, notamment dans le quartier ouvrier du Bassin. La construction des usines ne manque pas d'attirer de nombreux travailleurs qui s'y établissent avec leurs familles. L'augmentation très rapide de la population de ce quartier démontre bien l'influence qu'ont les usines de pâte mécanique sur le développement de ce secteur.
Le tableau II démontre avec clarté que la possibilité de travailler dans les usines de pâte de Chicoutimi justifie l'installation de populations nouvelles dans le secteur du Bassin. À peine six ans se sont écoulés entre 1899 et 1905, que déjà la population a doublé. Un apport démographique de l'extérieur de Chicoutimi explique en grande partie cette situation. On assiste, au tournant du siècle, à l'émergence d'une véritable urbanisation dans la région du SaguenayLac-Saint-Jean. Selon une étude réalisée sur les origines de la population ouvrière du Bassin de Chicoutimi [11], la majorité de ceux qui s'installent au Bassin [88] proviennent de différents secteurs de Chicoutimi, 43% de ceux qui sont inscrits au prône dans la paroisse du Sacré-Coeur du Bassin proviennent de l'extérieur de Chicoutimi. De ce pourcentage, les deux tiers proviennent du Saguenay, du Lac-Saint-Jean ou des régions environnantes de Charlevoix et de la Côte-Nord. On peut donc tirer la conclusion que la plupart proviennent de secteurs ruraux de ces régions, ajoutant ainsi au mouvement d'exode vers la ville. Une bonne partie de ces immigrants sont des hommes, sans doute venus à Chicoutimi pour y trouver du travail à la Compagnie de pulpe. Quant aux femmes, elles sont, pour la plupart, arrivées dans le sillage du reste de la famille.
Fig. p. 88. Le presbytère de l'église du Sacré-Coeur construit en 1919.
Source : La Pulperie de Chicoutimi.
Tableau II
Croissance démographique du quartier ouest de Chicoutimi (1899-1929)
|
Années
|
Familles
|
Nombre d'habitants
|
1899
|
|
708
|
1902
|
|
1 225
|
1905
|
334
|
1 757
|
1907
|
|
1 765
|
1910
|
403
|
1 977
|
1912
|
|
2 215
|
1913
|
526
|
2 584
|
1917
|
|
2 695
|
1922
|
|
3 075
|
1927
|
|
3 990
|
1929
|
782
|
4 255
|
Sources : Écho paroissial du Sacré-Coeur, Protée, 1976, p. 33 ; Évocations et témoignages, Centenaire du diocèse de Chicoutimi, 1878-1978, p. 322, cité dans Gaston Gagnon, La Pulperie de Chicoutimi, histoire et aménagement d'un site industriel, 1988, Ville de Chicoutimi et MAC., page 126.
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La prospérité de Chicoutimi, due à son activité industrielle, est connue partout. Il n'est donc pas surprenant que de forts contingents en provenance de la vallée du Saint-Laurent, d'autres provinces du Canada, des États-Unis et même de la France et de la Belgique [89] soient attirés par les possibilités qu'offrent Chicoutimi et ses usines. En ce sens, la pulperie semble offrir une solution au problème de l'exode des Canadiens français vers les usines de la Nouvelle-Angleterre, puisque la majorité des immigrants arrivant des États-Unis sont d'anciens exilés du Québec.
Ainsi, la population du quartier ouvrier se compose pratiquement à parts égales de Chicoutimiens d'origine et d'immigrants reliés de près ou de loin à l'activité des manufactures de pulpe. La prospérité et les bonnes affaires que l'on mène à Chicoutimi font boule de neige. Chicoutimi représente un espoir d'avenir non seulement pour la ville et la région mais aussi pour ceux de l'extérieur. Plus d'une génération viendront parfois y trouver de l'ouvrage :
« [Mon père] était cultivateur dans le comté de Portneuf. Ma mère est morte jeune et il s'était remarié avec une veuve qui avait neuf enfants. Chez-nous, on était déjà treize, imaginez la famille que ça faisait. Un peu plus tard, il est venu travailler à la Pulperie mais il n'a jamais résidé d'une façon permanente à Chicoutimi. Un de mes frères a repris la terre dans Portneuf. Mon père allait vivre chez l'un et l'autre de ses treize enfants. Quand je suis arrivé à Chicoutimi en 1917-1918, j'avais à peu près 18 ans. Mon futur beau-père, Adélard Bilodeau, était « foreman » au moulin d'en haut... » [12]
Fig. p. 89. L'intérieur de l'église du Sacré-Coeur du Bassin.
Source : La Pulperie de Chicoutimi.
- Essor de l'urbanisation :
la construction du quartier ouest de Chicoutimi
Ce sont les principaux investisseurs de la C.P.C., Joseph-Dominique Guay en tête, qui prendront l'initiative de s'assurer que les ouvriers s'installent le plus près possible des usines de pulpe, comme pour Val-Jalbert et d'autres villes de compagnie. Les industriels s'impliquent activement dans le développement de l'environnement social de la population ouvrière. Ainsi, à compter de 1898, de nombreux lopins sont achetés dans le secteur du Bassin. Ces terrains, appartenant à des cultivateurs ou vendus aux enchères par le shérif, sont minutieusement cadastrés et chaînés et sont mis en vente à toute la population chicoutimienne. On incite fortement les ouvriers à les acquérir. Le journal le Progrès du Saguenay ne manque pas de rappeler à la population tout l'intérêt qu'ils peuvent en retirer :
- « Il y a dans notre ville une foule d'ouvriers qui ne sont pas encore propriétaires. Arrivés depuis quelques années à Chicoutimi, ils ont voulu attendre le moment favorable avant de devenir propriétaire.
- « Nous avons un bon avis à donner à tout le monde : ceux qui ont fait, pendant l'année un peu difficile que nous avons traversée, l'acquisition de propriétés s'en réjouissent aujourd'hui. La propriété foncière, par suite des travaux considérables qui sont faits dans notre ville, prend de la valeur, se vend plus cher aujourd'hui que le printemps dernier, que les mois derniers même. On peut dire qu'il y a une augmentation de 25 à 30 pour cent. Cela ne fait que commencer.
- « ...Il est encore temps d'acheter, de devenir propriétaire à un bas prix relatif. Que l'on en profite. Que ceux qui ne peuvent pas bâtir maintenant achètent également ; d'ici à un an, ils paieront une partie ou la totalité de leur emplacement ; l'an prochain, s'ils n'ont pas d'argent ils en trouveront facilement. » [13]
L'offre est attrayante. Les ouvriers peuvent se procurer un terrain d'environ 50' x 100' pour une somme qui varie, selon le cours de la propriété foncière et la localisation, de 200$ à 400$. Il est même offert aux ouvriers d'acheter des emplacements possédant déjà le carré de maison. Le montant peut alors varier de 500$ à 600$. Les preneurs sont nombreux, d'autant plus que la Compagnie de pulpe offre toutes les facilités pour financer les investissements de ses employés. La compagnie met sur pied un système de paiement à terme qui contribue à développer très rapidement la construction immobilière dans le quartier ouest de Chicoutimi. Encore une fois, le tout se fait à grand coup de publicité. Le Progrès du Saguenay offre à ses lecteurs l'évolution complète des ventes de terrains et des maisons que l'on construit. Ainsi, dans son édition du 23 mars 1905, on estime que d'ici le printemps de 1906,100 nouvelles maisons seront érigées. Il s'agit d'un autre secteur de l'économie qui connaît une progression importante. [14]
Les maisons qu'habitent les ouvriers sont généralement [90] bâties sur un étage et demi. Évaluées entre 2 800$ et 3 300$, elles empruntent pour la plupart un style québécois avec une toiture à double versant. Bien que fort modestes, ces maisons sont confortables et peuvent posséder toutes les commodités disponibles à Chicoutimi à cette époque. [15] On chauffait généralement les demeures avec le bois qui pouvait être acheté à même les stocks de la compagnie.
- « On payait un voyage double, $1,00... Un voyage à deux chevaux ; une grande boîte [tirée par deux chevaux]... Ça c'était du bois « colle » [16] on le faisait sécher, on le faisait débiter comme il faut et ça nous faisait du bon bois. C'était pas du bouleau... Tout le monde qui travaillait au moulin de pulpe faisait ça. » [17]
Comme dans toute bonne ville de compagnie, il y a une distinction très prononcée entre les maisons des ouvriers et celles des employés supérieurs. Ainsi, en février 1904, on annonce la construction d'une dizaine de maisons pour les cadres et les contremaîtres de la Compagnie de pulpe. De style vernaculaire américain, donc plus luxueuses, elles sont l'oeuvre de l'entrepreneur Ludger Cimon. [18]
Fig. p. 90. Le Père Dréan, curé de la paroisse du Sacré-Coeur.
Source : La Pulperie de Chicoutimi.
Un tel développement domiciliaire requiert également de nombreux travaux publics afin d'accommoder la population sans cesse grandissante du quartier. De nouvelles voies publiques sont aménagées aux alentours de la Pulperie. Le début du siècle voit donc apparaître la rue Dréan, la Côte des Saints-Anges et la Côte Fortin. L'établissement s'intensifie sur les hauteurs du Chemin de la Réserve, tandis que des rues déjà existantes, Lomé, Bossé et Taché, sont prolongées jusqu'aux usines de pulpe. [19] La ville entreprend également, à partir de 1900, la construction de trottoirs sur certaines rues du quartier ouest. Toutes ces innovations visent à affermir la vocation du secteur et à améliorer une partie de la municipalité trop longtemps considérée comme la zone malfamée de la ville. Bien entendu le quartier reste inquiétant. C'est à cet endroit que surviennent les entorses les plus criantes aux bonnes moeurs. C'est d'ailleurs près de l'emplacement de la future église du Sacré-Coeur que se situe le Cran Chaud, réputé depuis de nombreuses années pour ses femmes aux moeurs légères. Il s'agit, en effet, du lieu de résidence de Marie Langlois dite « la Gourgane ». Elle et sa consoeur « Maringouin » étaient réputées être les prostituées de la ville. Un témoin de l'époque, Thomas Dassylva, nous donne une description de ce lieu peu recommandable :
- « Il y avait dans le temps deux ou trois familles de mauvaise réputation ; et dans ce temps-là, vous savez que quand il y avait une mauvaise femme c'était quelque chose d'abominable. On regardait ça comme bien terrible. Ces familles vivaient isolées sur le rocher, et les gens appelaient cela « Le Cran des Femmes Chaudes ». Parmi celles-là, il y avait celle dont on parlait le plus : « La gourgane », qui avait sa maison juste où est aujourd'hui l'église du Bassin. » [20]
La population du Bassin a un besoin urgent de plus d'encadrement social et spirituel. Le clergé local, de concert avec l'industrie, saura assainir de façon notoire ce quartier.
- Les services de la religion au Bassin :
l'arrivée des Eudistes et l'ouverture
de la paroisse du Sacré-Coeur
Le salut des âmes de la fruste population ouvrière du Bassin est une préoccupation constante depuis la fin du XIXe siècle. À son arrivée à Chicoutimi, à l'automne 1892, le nouvel évêque du diocèse, Mgr Michel-Thomas Labrecque, constate le dénuement presque complet de ses ouailles du Bassin en ce qui concerne les services de la religion. Il est assez malaisé pour les habitants du quartier ouest de se rendre aux services religieux, étant donné l'éloignement de la seule église, la cathédrale. La décision est alors prise de construire une chapelle sur le site même où furent érigés les deux temples qui servirent jadis à évangéliser les Amérindiens et à abriter la ferveur chrétienne des premiers blancs établis au Saguenay. C'est un modeste bâtiment de 102 pieds par 48 pieds, fait essentiellement de brique. Les plans sont l'oeuvre de l'industrieux secrétaire de l'évêché, l'abbé Thomas Roberge. La maçonnerie est réalisée par Xavier Morin et la charpente par Adolphe Beaulieu.
Le 11 mai 1893, l'évêque bénit en personne et avec grand déploiement la première pierre de la nouvelle chapelle du Sacré-Coeur de Chicoutimi. Cette chapelle, dont les travaux se termineront au mois [91] d'août 1893, rendra de précieux services à la population du Bassin.
La chapelle du Bassin, qui est en fait une desserte de la cathédrale, assure les services religieux pendant dix ans dans ce coin isolé de la ville de Chicoutimi. Ce sont les prêtres de l'Évêché, de la cure de la cathédrale et l'évêque lui-même qui voient à la régularité des offices religieux. Le samedi et les veilles de fêtes, les confessions sont entendues et chaque dimanche la parole sainte est livrée à ce peuple qui, selon les dires de l'évêque de l'époque, est des plus disposés à la grâce de la religion.
- « Je le constatai avec chagrin [le manque de structures religieuses au Bassin] et, sans retard, une humble église s'éleva au milieu de vous, au prix de sacrifices que l'état financier de l'Évêché à cette époque reculée rendait assez lourds. Jamais, je n'oublierai la joie que manifesta votre population, quand un bon matin, sans avis préalable, elle vit surgir de la terre une chapelle, où elle pourrait désormais servir Dieu avec une ferveur, jusque-là un peu assoupie dans son coeur pourtant si croyant. » [21]
Fig. p. 91. Les fêtes religieuses marquent la vie des ouvriers du Bassin. Photographie prise vers 1916. Source : Collection des Eudistes, fonds du Père Courtois.
À peine dix années plus tard, le quartier étant devenu plus populeux, l'on procède à la construction d'une véritable église. À compter de 1904, la chapelle ne sert plus pour les fins du culte. Elle est à la disposition de plusieurs organismes religieux et communautaires qui l'utilisent comme lieu de rassemblement et de réunion. Dans ses murs, entre autres, vont se dérouler plusieurs des houleuses assemblées du syndicat catholique. La chapelle connaît son chant du cygne en 1928 lorsqu'elle reprend du service pour accueillir les fidèles de la paroisse qui perdent temporairement leur église en raison d'importants travaux effectués à sa structure. En 1930, lors de sa démolition, la chapelle du Bassin s'inscrit définitivement dans les livres d'histoire. [22]
Il n'y a pas qu'un lieu de culte plus spacieux qui puisse combler les besoins spirituels de la population du Bassin. De par sa situation géographique et l'importance de son peuplement, le quartier reste au centre des préoccupations de l'évêque de Chicoutimi. Une solution d'envergure s'impose et l'ouverture d'une seconde paroisse à Chicoutimi semble se présenter comme la solution tout indiquée. Des démarches sont entreprises et, en 1902, Mgr Labrecque entre en contact avec des représentants de l'Ordre des Pères Eudistes.
Au début du siècle, la situation des Eudistes est peu reluisante. En France, les forces de la déconfessionnalisation sociale et de l'anticléricalisme conduisent le gouvernement de la république à prendre la décision de fermer les portes de nombreuses institutions à caractère religieux. Les Eudistes, cherchant une porte de sortie, entreprennent un voyage en Amérique du Nord pour y trouver un refuge propre à la reprise de leurs oeuvres. C'est ainsi qu'au mois d'août 1902, le Père Gustave Blanche, en visite à Chicoutimi, convient d'une entente avec l'évêque qui conduit à la prise en charge d'une nouvelle paroisse par les Eudistes, celle du quartier des ouvriers. La décision de fonder la paroisse du Sacré-Coeur est prise au mois de décembre et, dès le 6 janvier 1903, arrivent à Chicoutimi les Pères Le Doré, premier curé de la paroisse, et Edouard Travers, son vicaire. À leur arrivée à Chicoutimi, les Pères Eudistes, qui logent quelque temps à l'évêché puis dans une maison du quartier ouest, se consacrent immédiatement à leur tâche. [23] Il y a beaucoup à faire au Bassin. Les nouveaux arrivants déploient un esprit d'initiative étonnant, d'autant plus qu'ils bénéficient d'une liberté d'action qui, il faut l'admettre, leur permet d'agir à leur guise. Les Pères Eudistes sont en effet parvenus à conclure avec les autorités du diocèse une entente leur réservant l'administration presque exclusive de la paroisse tant sous les aspects spirituels que matériels. [24]
Le 16 septembre 1903, Mgr Labrecque érige officiellement le Bassin en paroisse consacrée au Sacré-Coeur de Jésus. Le décret officiel est lu à la cathédrale et à la chapelle du Bassin pendant deux dimanches. [25] À partir de ce geste officiel, les Eudistes rivaliseront d'audace et d'imagination pour diriger toutes les facettes de la vie sociale des ouvriers. Le premier projet [92] d'envergure auquel se consacrent les révérends Pères est de doter la paroisse d'un temple répondant aux besoins de la nouvelle entité religieuse.
- L'église du Sacré-Coeur
Le projet de construire une véritable église dans le quartier ouest de Chicoutimi ne préoccupe pas seulement les Eudistes. En effet, la C.P.C., toujours au premier rang pour venir en aide au pouvoir religieux, offre, en 1902, à titre gracieux, un terrain pour la construction de l'église et du presbytère. Malheureusement, ce terrain, de par sa constitution géologique, ne se prête guère à recevoir ce genre d'édifice. Les Eudistes se tournent vers d'autres possibilités. Le 13 novembre 1903, ils concluent un contrat d'échange avec la Compagnie Price qui cède à la paroisse une série de terrains bornés par la rue Bossé et les terrains de Louis Robin et de la Compagnie de Chemin de fer Québec Lac-Saint-Jean [26]. En contrepartie, la paroisse cède à Price les terrains sur lesquels est située la chapelle du Bassin. [27] Quelque temps auparavant, le 28 septembre 1903, les Eudistes avaient acquis, pour la somme de 3 000 $, les lots de Louis Robin situés en contiguïté avec ceux de la compagnie Price. [28] Ce sont sur ces terrains, qui dominent une partie du quartier et de la ville de Chicoutimi, que seront construits l'église et le presbytère.
Entre temps, les Eudistes ont donné à l'architecte René-P. Lemay, le même qui a signé les plans de quelques bâtiments de la C.P.C., le soin de dessiner les plans de l'église. Le 19 mars 1903, le Progrès du Saguenay publie fièrement un croquis de l'église. On affirme avec certitude que cette nouvelle construction constituera le centre d'une véritable ville. À la fin de l'année 1903, la direction des travaux est confiée à Joseph Gosselin de Lévis. Il s'engage à fournir la main-d’œuvre, les matériaux et les outils pour effectuer les ouvrages de maçonnerie, de taille de pierre, de charpenterie et de menuiserie. La somme allouée à monsieur Gosselin est assez considérable : 32 581 $. [29] Si on ajoute le coût des travaux intérieurs et les rénovations qui auront lieu par la suite, le temple coûtera à la communauté la rondelette somme de 62 000 $. La Compagnie de pulpe de Chicoutimi s'engage à défrayer une partie des coûts en retenant une modeste contribution sur le salaire des ouvriers et par des donations directes des directeurs de l'industrie. Les paroissiens, quant à eux, s'engagent directement dans le financement de ces importants travaux. Un bazar de charité est organisé au cours de l'été 1906 pour réunir des fonds destinés à payer l'église. [30]
Fig. p. 92. Des ballots de pulpe entreposés au Bassin, en attendant leur chargement sur un bateau. Source : La Pulperie de Chicoutimi.
Les travaux débutent avec le nivellement des terrains en octobre 1903. Ils se terminent avec la bénédiction du nouveau temple le 13 août 1905. Cet imposant édifice, de 170 pieds de longueur par 100 pieds de largeur, est construit à même le granit du cran qu'il domine, sauf pour la pierre blanche de la façade et du clocher qui provient de la Rivière-à-Pierre. À l'intérieur du clocher, qui s'élève à 204 pieds, sont installées quatre cloches dont le poids varie de 5 306 livres pour la plus grosse à 614 livres pour la plus petite. Elles sont baptisées lors d'une cérémonie qui a lieu le 20 août 1905. Ces cloches ont été acquises grâce à la générosité de plusieurs citoyens, des principaux promoteurs de l'industrie, de personnalités politiques et de commerçants, tous des gens bien en vue de la société chicoutimienne de l'époque. [31]
Le nouveau temple a fière allure. Il s'inspire de l'architecture purement gothique et s'harmonise à merveille avec la nature environnante. L'église du Sacré-Coeur s'avère un des joyaux du paysage urbain de Chicoutimi. Cependant, plusieurs travaux restent à faire. La communauté est pauvre et doit attendre 1928 pour compléter l'aménagement intérieur de l'église. Les travaux sont confiés à Alfred Lamontagne. Celui-ci remplace toutes les charpentes de bois par des poutres en acier et utilise des matériaux protégeant le bâtiment contre le feu. On procède à ce moment-là à la décoration intérieure de l'église. On la meuble de façon à lui donner le style gothique tant admiré à l'extérieur [32].
En ce qui concerne le presbytère, les Pères Eudistes, par souci d'économie, achètent une maison au coin des rues Bossé et Taché qui les logera jusqu'au 24 avril 1919. Sur l'initiative du vicaire, le Père Joseph-Marie Courtois [33], les travaux de construction du presbytère seront enclenchés en 1918. Le bâtiment de trois étages est la réplique presque parfaite d'un château d'Auvergne datant de la Renaissance. Le presbytère offre toutes les commodités aux Eudistes de Chicoutimi. En plus des chambres et des bureaux personnels, les révérends Pères bénéficient d'une grande [93] bibliothèque et de salles de repos spacieuses. En annexe au corps principal du bâtiment, se trouve le logement des Soeurs Antoniennes de Marie chargées de la tenue du presbytère. L'intérieur de l'édifice, décoré de structures de chêne et d'épais murs recouverts de plâtre, offre à l'oeil une impression de solennité et de tranquille recueillement.
Comme nous l'avons vu précédemment, la C.P.C. s'implique à fond dans l'installation des Eudistes dans le quartier de leurs ouvriers. Un autre exemple en est donné lorsque, le 31 mai 1905, le Progrès du Saguenay annonce en grande pompe que la paroisse du Sacré-Coeur possède maintenant un vaste cimetière et que le terrain est offert, encore une fois, par l'industrie nourricière de la paroisse [34]. Le journal se plaît d'ailleurs à préciser que la paroisse et tous les développements qui s'y font sont dus à la seule activité de la pulperie. [35]
- L'oeuvre des Eudistes au Bassin
Les Pères Eudistes déploient un zèle formidable pour la mise en oeuvre de leur mission d'encadrement moral et spirituel de la population ouvrière. Peu de temps après leur arrivée, ils s'attaquent à la lourde tâche qui leur incombe. Ils chercheront par tous les moyens à impliquer les habitants dans de nombreuses activités à caractère tant spirituel que temporel. Selon une étude réalisée sur le sujet [36], on assiste, ni plus ni moins, à une prise en charge totale, et sur tous les aspects, de la vie quotidienne de la population du Bassin. Les Eudistes, tout en visant des buts tout à fait en accord avec leurs convictions, offrent une aide précieuse aux capitalistes désireux de garder sous leur contrôle les ouvriers et leurs familles. Une certaine collusion entre capitalistes et religieux aurait déterminé, à partir de 1903, les rapports sociaux dans ce milieu et aurait sans nul doute contribué à garder une définition marquée des classes sociales. Une kyrielle d'organismes, de ligues, de groupes, de confréries et de rassemblements à caractère religieux de tout genre visent à orienter les aspirations des ouvriers vers des avenues dévotes et à réprimer tout désir de manifestations revendicatrices. Ainsi, se succèdent les fondations : Congrégation des Dames de Sainte-Anne, Enfants de Marie, Conférence Saint-Vincent-de-Paul. La chorale, la Ligue du Sacré-Coeur s'ajoutent aux mouvements de tempérance et aux très nombreuses dévotions et manifestations périodiques. Les Eudistes s'impliquent à fond à partir de 1907 dans les oeuvres syndicales de Mgr Eugène Lapointe et, suivant ses principes, ils prêchent fortement les vertus de la petite épargne. Il n'est donc pas surprenant qu'à partir de 1911, on instaure, dans les bureaux de la Compagnie de pulpe, une Caisse populaire du mouvement inspiré par Alphonse Desjardins. [37]
Les Eudistes ont grandement marqué la vie communautaire du Bassin. On peut dire qu'ils en ont même été l'âme et la conscience jusqu'à tout récemment. En pédagogues avertis ils se sont acquittés avec brio de leurs mandats. Leur initiative ne se borne pas à l'éducation spirituelle. À cela s'ajoute un rôle important dans le développement d'un réseau scolaire sur leur territoire.
- Les écoles
Dans le domaine scolaire comme ailleurs, c'est encore une fois l'implication de la Compagnie de pulpe de Chicoutimi qui contribue le plus au développement des infrastructures. En 1896, le quartier ouest de Chicoutimi est relativement démuni en ce qui concerne l'enseignement dispensé aux enfants de la population ouvrière. Il n'existe qu'une seule maison d'école. De facture très modeste, celle-ci ne peut évidemment pas combler parfaitement les besoins des familles du quartier. Cette maison d'école, désignée par la commission scolaire locale comme étant l'école no 2, n'a pour personnel que deux ou trois enseignantes. [38]
Au début du siècle présent, un effort notable est effectué pour remédier à la situation déficiente de l'enseignement. En 1906, une école est construite au « Village Jobin » afin de répondre aux besoins des gens de la Côte-de-la-Réserve. L'année suivante, la commission scolaire achète de la Compagnie Price un terrain situé près de l'église du Sacré-Coeur, de l'autre côté de la rue Bossé, pour y construire une école d'envergure. À ses débuts, l'école du Bassin, appelée plus tard Couvent du Bassin, regroupe dans ses classes les élèves d'âge primaire, garçons et filles. Plus tard va s'ajouter dans le quartier l'école des garçons. L'école du Bassin subit de nombreuses transformations au fil des ans. L'augmentation de la clientèle scolaire oblige à de nombreuses reprises l'agrandissement du bâtiment et l'ajout de nouvelles classes. Le personnel enseignant, quant à lui, augmente considérablement. De sept institutrices en 1910, il en compte près d'une trentaine en 1927, dont sept religieuses du Bon-Pasteur. [39] La vie d'enseignante à cette époque est des plus ardues. Pour ce qui est des laïques, il s'agit de jeunes filles qui exercent cette profession dans le plus strict dénuement matériel et pour des salaires très bas. Ces dernières renoncent généralement à leur emploi lorsque vient le temps de se marier.
Dans la paroisse du Sacré-Coeur de Chicoutimi, les écoles sont surpeuplées. Entre 1913 et 1920, il y a en moyenne 620 jeunes inscrits dans les écoles du Bassin. Ce chiffre n'inclut pas ceux pouvant être inscrits dans les autres écoles de Chicoutimi, le Séminaire ou l'Académie commerciale par exemple. En ce qui concerne la fréquentation des écoles et l'assiduité aux cours, il semble que ce sont les filles qui se distinguent le plus. Il est tentant à cette époque pour un garçon de prendre le chemin de la forêt en hiver et de travailler dans les moulins de pâte à papier pendant l'été. Il n'est d'ailleurs pas rare qu'à l'âge de 12 ans les garçons entrent « à la pulpe ». Ce ne sont pas les conditions de vie dans les écoles qui aident le plus à un bon apprentissage. Le manque d'hygiène, de chauffage et de sécurité est souvent le lot de ces bâtiments. Il en est fait état à plusieurs reprises dans les rapports que produit l'Inspecteur d'écoles.
Les programmes d'étude [94] sont très étendus. La lecture et l'écriture sont à la base de l'enseignement, mais on y apprend également le dessin, l'histoire du Canada, l'Histoire Sainte, le catéchisme et la comptabilité domestique et agricole. Ces programmes sont établis par le Département de l'Instruction publique du Québec et par la Commission scolaire. Il semble, par ailleurs, qu'à l'école du Bassin les Eudistes ont leur mot à dire sur le contenu religieux. D'autre part, l'enseignement qui est dispensé peut dans certains cas être adapté aux besoins du milieu. Ainsi, parmi les filles, certaines étaient destinées à travailler comme secrétaires dans les bureaux de la pulperie. Elles avaient reçu leur formation à l'école du Bassin :
- « Je travaillais [comme secrétaire] au petit bureau avec Stanislas Duchesne, on s'occupait de l'expédition des ballots de pulpe.
- « [J'ai étudié] au couvent du Sacré-Coeur. J'ai été jusqu'en septième année. C'était la plus haute année dans le temps. J'avais appris la sténographie et à écrire à la machine. J'aurais pu aller à l'École normale après, mais c'était trop coûteux. » [40]
Fig. p. 94. La partie du Bassin entourant l'église du Sacré-Coeur.
Source : ANQQ, collection Magella-Bureau.
- La petite entreprise au Bassin
La présence de l'industrie a des effets bénéfiques sur l'activité économique de toute la ville de Chicoutimi. Le quartier du Bassin profite également de cette manne industrielle. Au fil des trente années de fonctionnement de la pulperie, le quartier se voit favoriser par l'implantation de quelques services et l'ouverture de commerces et boutiques d'artisans. En 1905, un médecin s'installe dans la paroisse du Sacré-Coeur. Celui-ci, semble-t-il, a su gagner assez rapidement la confiance des gens. Il se consacrera sans relâche à prodiguer les soins aux malades de la communauté. [41] Plus tard, en 1927, on dénombre la présence de deux médecins chirurgiens, Rodolphe Madore, installé sur la rue Montcalm, et Thomas Duperré. [42] Quant à l'artisanat et au commerce, le relatif isolement du quartier favorise la prolifération de ces entreprises. D'ailleurs, la publicité dans les journaux et surtout dans la revue des Eudistes, L'Écho paroissial du Sacré-Coeur, en témoigne. Des épiceries et des magasins généraux, mais aussi quelques boutiques spécialisées font des affaires à Chicoutimi-Ouest. Les gens du secteur peuvent compter sur une cordonnerie, un salon de barbier, une forge, une manufacture de brique et même une librairie [43]. Il y a une boulangerie, propriété de Ludger Cimon, distributeur du pain de la F.O.M.N., accrédité par le syndicat des ouvriers. Ce pain, semble-t-il, a contribué à faire baisser les prix dans toutes les boulangeries de Chicoutimi. Une boucherie des plus modernes, celle de Thomas Lavoie, située sur la rue Lomé, et le Magasin populaire d'Emile Boivin où l'on trouve de tout sont également du nombre des établissements commerciaux du Bassin.
La prospérité du quartier du Bassin est l'affaire de quelques années. Tant et aussi longtemps que la pulperie se développe et [95] exporte ses produits à travers le monde, les principaux intéressés, les promoteurs et leurs commettants, ne peuvent qu'en profiter. Cette période cruciale de l'histoire de la ville de Chicoutimi prendra fin, au cours des années '20, avec la fermeture définitive des usines de pâte en 1930. Comme pour le reste du monde occidental qui ressent les effets de la Grande Dépression, les plus touchés de la population sont les classes laborieuses de l'édifice capitaliste. À Chicoutimi, c'est au Bassin que la crise connaît ses heures les plus sombres.
Fig. p. 95. Pont du chemin de fer surplombant la rivière Chicoutimi, dans le quartier du Bassin, vers 1920. Source : ANQC, fonds SHS.
Conclusion
Aux premières lignes de l'activité industrielle chicoutimienne, le Bassin se retrouve donc, à partir de 1930, cruellement dépourvu. Ceux qui avaient mis leur avenir entre les mains de l'industrie triomphante se voient maintenant acculés au dénuement et à la pauvreté la plus criante. Les problèmes sociaux prolifèrent. Tout d'abord le chômage. Chicoutimi a, à cette époque, un taux de sans-emploi sans commune mesure au Québec. On estime qu'en 1935, 8 172 habitants de la ville sont dépendants des mesures de secours offertes par les différentes instances gouvernementales. Les prix des denrées de première utilité et le coût des logements ont grimpé de façon dramatique. Les familles s'entassent insalubrement dans de trop petits appartements. Les conditions d'hygiène à Chicoutimi, et plus particulièrement au Bassin, obligent la municipalité à prendre des mesures d'urgence. Qu'à cela ne tienne, la maladie hypothèque la santé des habitants de la ville. Parmi ces maladies, la tuberculose règne en maître. Chicoutimi possède un taux peu enviable d'infection par cette maladie : 166,6 par 100 000 habitants, beaucoup plus que la moyenne nationale. C'est l'âge d'or du Dispensaire de Chicoutimi, situé dans les locaux de l'Hôtel de ville. Le Dispensaire est une initiative des autorités municipales et est dirigé par le Dr Duhaime. Cette oeuvre de santé et de salubrité publique vise à combattre par tous les moyens les maladies infectieuses. On y offre des conseils d'hygiène, des examens médicaux et on y propage l'oeuvre de la goutte de lait, destinée à la bonne alimentation des bébés. Cette oeuvre possède d'ailleurs une succursale au Bassin, où l'on distribue quotidiennement du lait pasteurisé et de bonne qualité.
La crise économique afflige toute la population. Elle a également pour conséquence d'accentuer le clivage social qui existe déjà entre les quartiers de Chicoutimi. [96] Bien entendu, on ressent la crise à l'est de la ville. C'est tout de même de ce milieu que proviennent les initiatives de charité, lesquelles sont destinées particulièrement aux habitants du quartier ouest. Cette différenciation entre les classes sociales de Chicoutimi, basée sur la situation géographique, existe depuis les débuts de la ville. Il n'est pas rare d'entendre des témoins de l'époque mentionner qu'ils préféraient ne pas se rendre dans l'est de la ville parce qu'ils se faisaient regarder de haut.
Fière et laborieuse, la population du quartier du Bassin peut, sans contredit, être créditée d'une bonne part des succès industriels de Chicoutimi dans le premier quart du XXe siècle. La ville de Chicoutimi doit, à partir de 1930, orienter sa vocation de façon différente : de ville industrielle elle deviendra une ville de commerce et de services. Le Bassin, quant à lui, devra composer tant bien que mal avec cette nouvelle donne.
[1] Louis-Marie Bouchard, Les villes du Saguenay, étude géographique, Chicoutimi, Leméac, 1973, pp. 117-118.
[2] Camille Lapointe, « Les vestiges du poste de traite de Chicoutimi : des bâtiments, des objets, des ossements... et des hommes » dans Saguenayensia, vol. 27, no 4 (octobre-décembre 1985), pp. 184-189.
[3] Pour une histoire détaillée de la période de la traite des fourrures et du poste de Chicoutimi, consulter : Lorenzo Angers, Chicoutimi ; poste de traite (1676-1856), Ottawa, Leméac, 1971, 125 p.
[5] Russel Bouchard, Gaston Gagnon, Chicoutimi, guide d'excursion et d'interprétation du patrimoine, Chicoutimi, 1992, Ville de Chicoutimi et MAC, p. 8.
[6] Patrice Fortin, Histoire de la paroisse Sacré-Coeur, 1938, page 7, notes dactylographiées, ANQC, Fonds Mgr Victor Tremblay, dossier 252 pièce 1.
[7] « Mémoires de Mgr Eugène Lapointe » dans Saguenayensia, vol. 30, no 1 (janvier-mars 1988), pp. 40-43.
[8] « Le Bassin de Chicoutimi » dans Le Progrès du Saguenay, 28 juillet 1898, 11 août 1898.
[9] D'une capacité de 11 000 chevaux-vapeur, la construction de cet ouvrage est destinée, en 1923, à fournir l'énergie nécessaire aux ambitieux travaux du barrage et de la centrale d'Isle-Maligne.
[10] Gaston Gagnon, La pulperie de Chicoutimi, histoire et aménagement d'un site industriel, 1988, Ville de Chicoutimi et MAC. pp. 119-122.
[11] Cette étude a été réalisée par Jean Martin du Département de géographie de l'Université Laval et publiée sous le titre « Les origines d'une population ouvrière : l'analyse des annonces de mariages dans le livre de prônes de la paroisse Sacré-Coeur de Chicoutimi, 1915-1928 » dans Saguenayensia, avril-juin 1992, pp. 27-30. L'étude porte sur la publication de 842 bans à l'église du Sacré-Coeur au cours de la période 1915 à 1928. Elle tend à déterminer la provenance des futurs mariés.
[12] Entrevue réalisée par Gaston Gagnon avec M. Joseph Chantal, Collection du centre de documentation de la Pulperie de Chicoutimi.
[13] « Un bon conseil » dans Le Progrès du Saguenay, 4 septembre 1902, p. 4.
[14] « La construction » dans Le Progrès du Saguenay, 23 mars 1905, p. 4.
[15] Gaston Gagnon, op. cit., p. 125.
[16] On parle sans doute de bois qui vient d'être coupé. La compagnie de pulpe exploitait exclusivement les forêts de conifères. On fait probablement allusion à la résine qui se dégage du bois d'épinette ou de sapin qui a une texture collante.
[17] Entrevue avec M. Joseph Chantal, op. cit.
[18] « La construction » dans Le Progrès du Saguenay, 25 février 1904 ; Gaston Gagnon, op. cit.
[19] Gaston Gagnon, ibid.
[20] Russel Bouchard, La vie quotidienne à Chicoutimi au temps des fondateurs (extrait des mémoires de la famille Petit, (1873-1882), Chicoutimi-Nord, L'Auteur, 1993, pp. 113-114.
[21] « Réponse de Monseigneur Michel-Thomas Labrecque à l'adresse que le curé du Sacré-Coeur lui présenta au nom des ouvriers, lors des fêtes jubilaires du 25e anniversaire de son épiscopat en 1927 » dans André Simard, Évocations et témoignages, centenaire du diocèse de Chicoutimi 1878-1978, Chicoutimi, Évêché de Chicoutimi, 1978, p. 316.
[23] André Samson et Jacques Custeau, eudistes, Les Eudistes en Amérique du Nord, 1890-1970.
[24] Gérard Bouchard, « Les prêtres, les capitalistes et les ouvriers à Chicoutimi, 1896-1930 » dans Protée, 1976.
[25] « 5e anniversaire de la fondation de la paroisse du Sacré-Coeur du Bassin » dans Écho paroissial, septembre 1929, vol. 19, no 9.
[26] Ce réseau de chemin de fer dessert Chicoutimi depuis 1893. Il marque de façon tangible le paysage du quartier ouvrier avec un pont de fer traversant la rivière Chicoutimi et une gare à proximité de la Compagnie de pulpe.
[27] ANQC, Acte notarié du greffe de T.-Z. Cloutier, no 13 495,13 novembre 1903.
[28] Ibid., no 13 366,28 septembre 1903.
[29] Ibid., no. 13 584, 29 décembre 1903.
[30] « Le bazar » dans Le Progrès du Saguenay, 12 juillet 1906.
[31] « Bénédiction des cloches... » dans Le Progrès du Saguenay, 24 août 1905.
[32] André Simard, op cit., p. 320.
[34] II semble que cette généreuse donation ne sera officialisée qu'à la fin de l'année 1911. En effet, c'est le 6 décembre 1911 que la Société de construction ouvrière de Chicoutimi, dirigée par le consortium de J.-É.-A. Dubuc, cède à la Corporation épiscopale de Chicoutimi le lot 1176 en vue d'établir un cimetière au Bassin ; Greffe du notaire Georges Saint-Pierre, acte 9 411, 6 décembre 1911.
[35] « La paroisse du Sacré-Coeur » dans Le Progrès du Saguenay, 31 mai 1905.
[36] Gérard Bouchard, op. cit.
[37] Patrice Fortin, op. cit., p. 8.
[38] Jean Martin et Ginette Bouchard, « Les conditions générales d'enseignement dans le quartier Ouest de Chicoutimi, 1896-1927 » dans Saguenayensia, vol. 31, no 3 (juillet-septembre 1989), pp. 30-34.
[39] Annuaire des comtés de Chicoutimi et du Lac Saint-Jean, 1927, Chicoutimi, Éditions du Progrès du Saguenay, 1927, p. 242.
[40] Entrevue réalisée par Gaston Gagnon avec Mme Alfred Duchesne, Collection du centre de documentation de la pulperie de Chicoutimi
[41] Patrice Fortin, op. cit.
[42] Annuaire de 1927, op. cit.
[43] Gaston Gagnon, La pulperie de Chicoutimi..., op. cit. p. 127.
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