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Collection « Méthodologie en sciences sociales »

TEXTES DE METHODOLOGIE EN SCIENCES SOCIALES
choisis et présentés par Bernard Dantier
Docteur de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales
Maître de conférences à Sciences-Po Paris.
Chargé de cours et de gestion de formations à l'Institut Supérieur de Pédagogie - Faculté d'Éducation de Paris.

Cette rubrique, évolutive, qui s’enrichira au cours du temps, propose au lecteur des textes de méthodologie
en sciences sociales, cela afin de l’aider dans une démarche de compréhension et de participation à ces sciences.

Outils de l'enquête sociologique et enquête sur les outils méthodologiques:
Georges Granai, Techniques de l'enquête sociologique
”.
Extrait de: Georges Granai, Techniques de l'enquête sociologique.
in ouvrage sous la direction de Georges Gurvitch, Traité de sociologie, tome premier,
chapitre VII, pp. 135-151. Paris: Les Presses universitaires de France, 3e édition, 1967.
Collection: Bibliothèque de sociologie contemporaine.

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“Georges Granai, Techniques de l'enquête sociologique”.

En distinguant les techniques d’enquête de la méthode globale que constitue une recherche sociologique, on fait la part de la démarche conceptuelle et stratégique (qui va du choix et de la délimitation d’un cadre de recherche, de la formulation d’une problématique, de la théorisation d’une ou de plusieurs hypothèses, de la définition d’un objet d’étude, etc.) et la part des procédés utilisés pour recueillir et analyser les données empiriques servant plus ou moins à tester, compléter et corriger les hypothèses. Ces procédés, tels que l’observation directe, l’observation participante, l’interview, le questionnaire, etc. avec leurs diverses sous-espèces, réclament en effet une réflexion particulière autant qu’un travail spécifique qui ne se confondent nullement avec les préoccupations que l’on doit à la méthodologie générale, ou, plus précisément, qui ne dispensent nullement de ces préoccupations. Il s’agit de comprendre qu’en opérant cette distinction le chercheur se préserve d’un danger souvent fatal : le danger d’appréhender et d’utiliser les techniques comme étant en elles-mêmes des incarnations de la méthode sociologique, comme étant des modèles tout faits et tout accomplis qu’il suffirait de « faire fonctionner » quasi automatiquement. Autrement dit, il faut reconnaître ces techniques non comme devant produire la méthode sociologique, mais comme devant en être les produits toujours relatifs et toujours évolutifs. 

Le texte suivant, qui offre une présentation assez synthétique, non forcément exhaustive, des techniques de l’enquête sociologique, propose aussi une critique de ces techniques, ainsi qu’il semble que tout prudent sociologue se doit de le faire avant de choisir, adapter et utiliser celles-ci. 

On rappelle ici que c’est la réalité sociale globale, « le fait social total » (comme disait Marcel Mauss) qui doit toujours, indirectement si ce n’est directement, être l’objet d’étude, même au travers d’un choix particulier démarqué dans telles institutions, telles pratiques, telles représentations, que les techniques, justement parce qu’elles sont opératoires, spécifiques et toujours circonstancielles, risquent encore plus de séparer et d’isoler, en faisant prendre la partie pour le tout. Ainsi, par exemple, une observation directe, un entretien, un questionnaire, en mettant nécessairement le chercheur en relation personnelle et partielle avec un certain individu ou un certain groupe d’individus, l’exposent à une erronée appréhension du social ayant la forme du subjectivisme psychologique et de l’individualisme. 

De même le choix de telles caractéristiques (d’âge, de sexe, de profession, de résidence, etc.) qui permet de sélectionner les répondants ou les réponses à des entretiens ou questionnaires, opère des homogénéisations artificielles entre les membres sociaux dont les identités sur ces critères communs paraissent être des identités absolues (étant donné que les autres caractéristiques non pas été retenues ni même pensées). Par ailleurs les questions dont les formes sont toujours imposées à quelque degré et toujours uniformément répétées d’un questionné à l’autre, produisent soit une homogénéité des réponses qui risque de paraître celle des individus, soit chez eux une apparente hétérogénéité qui en fait peut être attribuable à leur façon différente de comprendre ou d’accepter ces questions. 

Ce qui est rappelé ici réside donc dans la nécessité d’étudier des « unités collectives réelles ». A cette fin, les techniques d’enquête, outre qu’elles doivent être sans cesse construites et reconstruites en fonction de l’objet d’étude et de la méthode de recherche, ne sont valables qu’en étant aussi multiples et diversifiées que possible, l’utilisation d’une seule technique, et même d’une seule modalité parmi d’autres possibles modalités de chacune de ces techniques, exposant à réduire et déformer la réalité selon les formes et les dimensions de l’outil adopté. Toute autre approche, notamment celle accomplie par des observations directes en « laboratoire » sur des petits groupes construits pour les besoins de la cause, ne peut avoir de valeur qu’en étant éventuellement un moyen d’inspirer et d’élaborer des théories et des hypothèses guidant une étude ultérieure dans le monde social tel qu’il est, étude qui seule sera apte à vérifier les autres.

Bernard Dantier, sociologue
9 mars 2008.


Extrait de: Georges Granai, Technique de l'enquête sociologique. in ouvrage sous la direction de Georges Gurvitch, Traité de sociologie, tome premier, chapitre VII, pp. 135-151. Paris: Les Presses universitaires de France, 3e édition, 1967. Collection: Bibliothèque de sociologie contemporaine.
 
Introduction
 
I. - LES TECHNIQUES D'OBSERVATION
 
a) L'observation directe libre.
b) L'observation directe méthodique.
c) Les procédés d'enregistrement.
d) L'observation clinique. Étude des cas particuliers.
e) L'observation indirecte méthodique
f) L'observation participante.
g) L'observation par l'intermédiaire d'un informateur
 
II. — TECHNIQUES DE L'INTERVIEW
 
a) L'interview libre
b) L'interview par questions fermées
c) L'interview répétée (panel interview)
d) L'interview approfondie (focused interview).
e) Les questionnaires.
 
III. - LES TECHNIQUES D'EXPÉRIMENTATION
 
a) Techniques de laboratoire.
b) Rapports de l'expérimentation de laboratoire avec l'enquête sociologique.
c) Les techniques sociométriques.
 
IV. — TECHNIQUES STATISTIQUES
 
Les techniques du sondage (sampling).
Sondages empiriques.

 

Introduction

 

Une confusion qui semble aujourd'hui tacitement admise avec une inquiétante fréquence dans la littérature sociologique (ou prétendue telle) concerne les deux concepts de méthode et de technique. Ainsi, on parlera de façon indifférente de méthode ou de technique statistique, de méthode ou de technique graphique, de méthode ou de technique du questionnaire... 

Cette confusion — qui témoigne inévitablement d'une dangereuse indigence conceptuelle — est quelquefois l'indice d'un formalisme opératoire et d'un divorce regrettable entre la théorie et la pratique sociologiques. 

Dans ce chapitre, consacré aux techniques de l'enquête sociologique, il a semblé opportun de préciser, d'abord, la distinction entre les concepts de méthode et de technique, ainsi que la liaison qu'ils admettent, avant de passer à la description des principales techniques ordinairement employées par le sociologue dans sa recherche empirique. Ainsi définies dans leur rapport avec la méthode qui les suscite, les techniques du sociologue ne risqueront pas de masquer, par leur diversité, l'unité et l'originalité de ce processus complexe en quoi consiste l'enquête sociologique. 

L'objet de l'enquête sociologique est aussi divers que la réalité sociale à laquelle elle s'applique : des sociétés globales aux liaisons entre les individus en passant par les diverses formes de groupements et le réseau de leurs relations ; des aspects le plus matériellement inscrits de l'existence sociale à ceux qui sont le plus évanescents ; des manifestations le plus « instituées » à celles qui sont le plus inattendues dans leur surgissement, la réalité sociale offre un relief tourmenté, aux plans innombrables qui en soulignent la profondeur. 

Mais quel que soit le plan d'attaque choisi dans la réalité sociale, le sociologue doit demeurer fidèle à une intention méthodologique qui ne cesse d'être identique à elle-même en dépit de l'apparente diversité de l'objet auquel elle s'applique. Car la diversité des aspects saisis dans la réalité sociale suppose en même temps que soit reconnue l'unité profonde qui commande leur jeu complexe. Ici se fait jour cette contradiction (qui n'est qu'apparente) du phénomène social, qui commande le principe fondamental de la méthode sociologique : d'une part, la réalité sociale se spécifie en cadres, échelles, aspects divers, irréductibles les uns aux autres et discontinus les uns par rapport aux autres ; mais, d'autre part, ces cadres sociaux, ces échelles, ces aspects ne prennent leur signification véritable (et ne sont susceptibles, dès lors, d'être expliqués par le sociologue) que dans la mesure où l'investigation permet de les replacer dans le « phénomène social total » dont ils sont solidaires et qu'ils expriment toujours imparfaitement. La nature objective de la réalité sociale conduit donc le sociologue à envisager des totalités, quel que soit le plan d'attaque particulier qu'il adopte dans sa recherche. L'enquête ne saurait être sociologique qu'à la condition de n'opérer aucune mise entre parenthèse mutilante d'un aspect quelconque de la réalité sociale. 

Cette nécessité de prendre en considération, comme l'indique ici-même Georges Gurvitch (ci-dessus, chap. I), « tous les paliers, toutes les échelles et aspects de la réalité sociale à la fois, d'emblée, en leur appliquant une vue d'ensemble » (cf. également, La vocation actuelle de la sociologie, 3e éd., vol. I, Paris, 1963, pp. 8 et s.), nous amène à souligner un caractère essentiel de l'enquête sociologique dont les implications théoriques et pratiques sont loin d'être négligeables. Il peut être formulé ainsi : quel que soit l'aspect envisagé par le sociologue dans sa recherche, toujours les phénomènes qu'il se propose d'étudier sont liés à des unités collectives réelles, à des cadres globaux ou partiels, bref à une réalité groupale. À aucun moment le sociologue ne peut isoler les phénomènes étudiés de la réalité groupale qui leur fait référence. Pour oublier cette nécessaire référence à la société réelle, il encourt un triple danger qui dénature sa recherche. 

Le premier danger consiste dans la séparation, qu'elle soit opératoire ou ontologique, entre société et culture. Une telle séparation (qui est fréquemment le fait de l'ethnologie) suppose, implicitement ou de façon explicite, que les manifestations tant matérielles (l'outillage, par exemple, et les techniques) que symboliques (l'ensemble des réglementations sociales, par exemple) d'un groupe ou d'une société globale puissent être étudiées indépendamment des unités collectives réelles qui les sous-tendent et des individus situés ou datés qui en dernier ressort sont les agents ou les récepteurs de ces manifestations. Or la nature symbolique des œuvres culturelles renvoie nécessairement aux consciences vivantes, collectives et individuelles à la fois, dont elles sont l'expression à quelque degré et dont en retour elles cimentent la cohésion. L'erreur des écoles « culturalistes » classiques fut d'envisager les «faits culturels» pour eux-mêmes, en les isolant, comme le naturaliste envisage des espèces naturelles et, en définitive, d'éliminer l'homme de la scène ethnographique pour ne plus conserver que ses œuvres, démunies, d'ailleurs, de signification. Mais l'anthropologie moderne commet une aussi grave erreur lorsqu'elle considère, non plus les faits culturels indûment isolés, mais le tout de la culture comme un système symbolique pouvant être décrit indépendamment de la société réelle qu'il exprime. Au naturalisme des premiers essais ethnologiques se substitue un formalisme « culturaliste » tout aussi dangereux. 

Le second danger encouru par l'enquête sociologique lorsqu'elle oublie de faire référence à la société réelle, est celui-là même qu'atteste amplement l'assimilation abusive du groupe restreint au « petit groupe » d'une part, au groupement particulier, au sens d'unité collective réelle, d'autre part. L'énorme développement donné, principalement par la psychologie sociale nord-américaine, aux recherches concernant les relations interpersonnelles et la «dynamique de groupe» ne laisse pas d'influencer la recherche sociologique elle-même et de promouvoir un « continuisme » psycho-sociologique qui permettrait d'extrapoler les résultats acquis sur les « petits groupes » (qu'il s'agisse de groupes de laboratoire constitués pour les besoins de l'expérience, ou de groupes restreints, tels que les groupes de travail indûment isolés de leur contexte réel) aux unités collectives réelles et aux sociétés globales. Influence d'autant plus pernicieuse qu'elle développe chez le chercheur un véritable fétichisme de la technique opératoire en le détournant irrémédiablement de l'objet essentiel de l'enquête, à savoir : l'explication. L'intérêt du développement d'une psychologie interpersonnelle ne saurait certes pas être mis en doute ; et des concepts tels que ceux de « statut », de « rôle », d' « attitude », pour nous borner à ces exemples, constituent des instruments essentiels aussi bien pour le psychologue que pour le sociologue dans l'étude de l'individu et du groupe. Mais les statuts, les rôles, les attitudes, en un mot les systèmes complets d'interactions à quoi on peut légitimement les réduire, sont liés à l'ensemble des structures globales ou partielles de la société dont ils ne peuvent, par eux-mêmes, rendre compte. Dans la mesure où la sociologie limite son objet aux relations entre individus (dont elle étudie les modalités, expérimentalement, en laboratoire) elle s'oblige à ne jamais aborder les problèmes fondamentaux de la société, à laisser hors de discussion le problème des forces globales ou partielles qui s'exercent sur la structure des groupes réels, les conditionnent et les modifient. 

En troisième lieu, une autre assimilation abusive, qui procède d'une conception statistique du social, risque encore de dénaturer l'enquête sociologique. Il s'agit, cette fois, de l'assimilation, courante dans les enquêtes dites d'opinion publique, de la réalité sociologique à une «population» statistique, c'est-à-dire un ensemble d'individus définis par une même caractéristique. Le praticien de l'opinion publique, en effet, opère généralement non pas sur des groupes réels mais sur des ensembles abstraits, plus ou moins homogènes, construits à partir d'une ou plusieurs caractéristiques (démographiques, professionnelles, économiques, religieuses, etc.), elles-mêmes choisies en fonction de l'objet de l'enquête. Il est évident que la «population» ainsi obtenue n'a plus rien de commun avec la réalité sociale effective dont elle est abstraite : l'ensemble des individus ayant tel revenu annuel, ou assistant le dimanche à l'office catholique ne constitue pas une unité collective réelle et l'enquête portant sur une telle population ne saurait prétendre à une signification sociologique. Les enquêtes qui procèdent par «sondage» en opérant sur un « échantillon » de population (la population d'une agglomération urbaine, par exemple, trop vaste pour être envisagée dans son ensemble) manifestent la même carence sociologique si l'échantillon n'est pas construit en fonction d'une connaissance approfondie de la population totale, c'est-à-dire des unités collectives réelles qui la composent et du réseau complexe de leurs relations. À ce prix seulement les résultats acquis sur l'échantillon peuvent être extrapolés au tout. Comme le note très justement un praticien de l'enquête sociologique, « le bon sens indique qu'il n'y a pas de solution réelle au problème du sondage sans une certaine connaissance de la population totale. Si l'on ne sait absolument rien sur l'ensemble de la population à étudier, il est vain de prétendre quoi que ce soit sur la partie non examinée » (L.-J. Lebret, Guide pratique de l'enquête sociale, t. I, Paris, 1952, p. 43). 

Nous avons mis en lumière la double exigence méthodologique qui commande, nous semble-t-il, toute démarche empirique du sociologue : la soumission aux phénomènes sociaux totaux dont les aspects divers de la réalité sociale sont solidaires ; la référence nécessaire aux unités collectives réelles partielles ou globales comme « terrain » de l'enquête sociologique, aucun subterfuge théorique ou opératoire ne permettant au sociologue d'éluder le contact avec la société réelle. 

Le rapport de la méthode sociologique avec les techniques d'investigation de la réalité sociale ne saurait admettre d'ambiguïté : dans la mesure où elle demeure fidèle à la double exigence méthodologique ci-dessus signalée, l'enquête sociologique est une opération stratégique complexe qui toujours investit et explore des domaines très divers de la réalité sociale et qui ne saurait être asservie à aucune technique exclusive d'investigation. Les techniques de l'enquête sociologique ne sont que les procédés opératoires qui permettent l'application de la méthode sociologique à l'objet choisi pour l'étude. 

Au reste, il convient encore de remarquer que le fétichisme des outils et des procédés opératoires est d'autant moins admissible en sociologie que le sociologue ne contrôle jamais totalement son objet d'étude en dépit du soin qu'il peut apporter à délimiter son champ d'investigation. Or, une telle impossibilité de contrôle absolu ne tient pas, comme on pourrait le penser, à une imperfection de la méthode ou des techniques ; elle tient fondamentalement à l'objet même de la sociologie : les sociétés, à quelque niveau ou échelle qu'on les envisage ne sont jamais des objets totalement déterminés auxquels on puisse appliquer des procédés de détermination absolus. En référence à ce caractère majeur du phénomène social, la recherche empirique ne consiste pas dans l'application pure et simple d'une théorie générale à la réalité sociale (l'expérience même du sociologue ne modifie-t-elle pas sans cesse la réalité saisie ?). Mais pas davantage la recherche empirique ne saurait se borner à l'application aveugle de recettes opératoires en quoi consisteraient les techniques : toute technique, si éprouvée soit-elle, doit s'adapter à la recherche qui implique toujours une part d'imprévu ; elle s'affine dans l'emploi, se transforme, donne naissance à de nouveaux procédés opératoires, se combine, enfin, avec d'autres techniques. «Le caractère différentiel de la sociologie contemporaine, note à ce propos Georges Gurvitch, se manifeste également dans la différenciation des techniques de recherche selon les domaines, les échelles, les types, les structures, les conjonctures, les cas. Il paraît indiscutable que toutes les techniques de recherches sociologiques doivent être dialectisées, non seulement afin de se contrôler réciproquement partout où leur multiplicité s'impose, mais encore pour servir effectivement leur but : la saisie des phénomènes sociaux totaux en marche, par l'intermédiaire de l'établissement de types qui n'arrêtent pas le mouvement des totalités sociales de différents genres » (La vocation..., t. I, p. 14). 

Cette flexibilité des techniques et leur multiplicité soulignent assez leur nécessaire subordination à la méthode qui inspire l'enquête sociologique. Au demeurant, aucun des procédés opératoires employés dans l'enquête ne se révèle être l'apanage exclusif de la sociologie : ni les techniques d'observation, par exemple, ni celles de l'interview, ni, surtout, les procédés statistiques n'appartiennent en propre au sociologue. Une soumission aveugle, de sa part, à l'un quelconque des procédés techniques, témoigne de son incapacité à formuler sociologiquement et à résoudre les problèmes que la réalité sociale lui pose. Il est temps, maintenant, que nous passions en revue les principaux types des techniques qu'utilisé le sociologue dans sa recherche empirique. 

Les techniques utilisées par l'enquête sociologique correspondent à quatre types principaux. On distinguera dans cette revue : 1) Les techniques d'observation ; 2) Les techniques fondées sur la communication verbale avec les sujets enquêtes, dont l'interview représente le procédé le plus habituellement employé ; 3) Les techniques d'expérimentation ; 4) Les techniques de mesure et de contrôle statistiques. Types généraux qui se subdivisent à leur tour en procédés particuliers adaptés aux niveaux, aux échelles, aux cadres sociaux, aux conjonctures enfin, auxquels ils s'appliquent, de sorte qu'il ne saurait y avoir de liste close des procédés opératoires de la sociologie. 

D'autre part, ces quatre types généraux de procédés techniques ne s'excluent pas : ils apparaissent de façon concomitante ou successive au cours de l'enquête. Leur importance respective est toujours fonction de l'objet de l'enquête elle-même, du cadre social ou des manifestations collectives qui retiennent l'intérêt de l'enquêteur. Ainsi, les enquêtes d'écologie et de morphologie sociales accorderont la prééminence aux techniques d'observation et aux procédés de mesure statistiques, tandis que les études portant sur les attitudes collectives et les symboles sociaux utiliseront au premier chef les techniques de l'interview conjointement avec les procédés de contrôle statistiques ; ou encore, si l'enquête envisage l'échelle micro-sociologique des phénomènes sociaux, des techniques d'expérimentation de type sociométrique pourront être employées en premier lieu.

 

I. - LES TECHNIQUES D'OBSERVATION

 

Dans la mesure où l'enquête sociologique ne peut éluder le contact avec la société réelle, les procédés simples d'observation gardent inévitablement une importance essentielle, quel que puisse être le raffinement apporté aux techniques de représentation, de mesure et de contrôle.

 

a) L'observation directe libre.

 

Au départ de toute enquête sociologique (que son objet consiste en l'étude des aspects morphologiques et écologiques apparemment le mieux observables, ou, au contraire, qu'elle veuille atteindre les niveaux « profonds » de la réalité sociale -— les attitudes, par exemple, ou les valeurs collectives) l'observation directe est libre : elle correspond à l'inévitable phase « phénoménolo­gique » de l'enquête et fait largement place à l'intuition de l'enquêteur qui saisit les phénomènes auxquels ils s'intéresse dans leur double liaison avec l'ensemble social encore confusément perçu, d'une part, avec son expérience propre, d'autre part ; elle permet une organisation progressive des hypothèses de recherche et une première et provisoire délimitation du champ d'étude qui rend ainsi possible l'observation méthodique.

 

b) L'observation directe méthodique.

 

— L'observation directe méthodique est un procédé d'observation contrôlé : il suppose que des hypothèses de recherche aient été formulées, à partir desquelles un plan raisonné d'observation pourra être élaboré : le questionnaire d'enquête, sorte de mémento méthodique à l'usage de l'enquêteur. Mais il faut noter ici que si le questionnaire d'enquête a pour objet essentiel d'ordonner et de contrôler les observations, il ne saurait constituer le cadre ne-varietur des démarches de l'enquêteur. Ici réside, en effet, le danger du questionnaire d'enquête : de son expérience passée et des résultats acquis par sa propre discipline, le sociologue est tenté d'inférer les cadres de son observation actuelle. Le système de concepts qu'il applique à la réalité sociale risque de lui en fournir une image faussée, en quelque sorte préfabriquée. L'ethnographe Marcel Griaule a bien perçu cette difficulté qui obère tant de recherches de «terrain» : « Le seul questionnaire valable est celui que l'usager créera et perfectionnera lui-même, d'abord selon des données plus ou moins nettes, selon des chances ou des intuitions, ensuite selon une technique de plus en plus serrée. De simple guide-âne, il devient instrument précis ; il joue un rôle de plus en plus intime dans l'enquête, à laquelle il s'incorpore très étroitement. De ce fait, il lui laisse moins de liberté — ou même, de fantaisie, de cette fantaisie si féconde parfois — il l'oriente, il tend à en administrer les hasards » (Méthode de l'ethnographie, Paris, 1957).

 

c) Les procédés d'enregistrement.

 

— L'objet de l'observation méthodique est de mettre en évidence les données sur lesquelles portera l'interprétation et l'essai d'explication du processus, du cadre ou de l'aspect de la réalité sociale envisagée. Aussi bien l'observation fait-elle appel aux divers procédés d'enregistrement et de conservation des données recueillies, depuis la simple relation discursive, jusqu'à la fiche codée, des procédés graphiques ou cartographiques divers, jusqu'à la photographie, au film ou à l'enregistrement sonore, des procédés simples de comptage aux techniques plus délicates de répartition... L'importance des procédés d'enregistrement ne saurait être sous-estimée : de la bonne conservation des données dépend la possibilité de l'interprétation et de l'explication qui ne peuvent intervenir qu'après coup. Dans bien des cas l'observation directe du phénomène est elle-même impossible à cause de son échelle, de la multiplicité d'aspects solidaires qu'il présente, ou encore, à cause de son caractère fluent. Seul son enregistrement minutieux permettra une observation méthodique différée. Ainsi, en morphologie sociale, l'emploi de procédés d'enregistrement tels que la photographie aérienne du «tissu urbain» et le choix des types de représentation graphique des données rendent seuls possible une «lecture» correcte de la réalité étudiée (cf. Chombart de Lauwe, P. H., Paris et l'agglomération parisienne, 2 vol., Paris, 1952, surtout le t. II : Méthodes de recherche pour l'étude d'une grande cité). 

S'il s'agit de l'étude de groupements temporaires et mouvants de large envergure, tels que les marchés, par exemple, l'enregistrement minutieux des observations est indispensable pour qu'apparaissent, à l'analyse, la structure et l'organisation du groupe. Enfin, l'ethnographie a montré l'importance des techniques d'enregistrement pour l'étude des niveaux profonds de la vie sociale : la conservation et la restitution cinématographiques des comportements gestuels et techniques, des manifestations ludiques ou religieuses, facilitent la recherche des significations en restituant par artifice et à loisir le temps propre du déroulement des phénomènes. Sans doute n'est-il pas excessif de considérer que la fonction des techniques d'observation directe est, en premier lieu, de permettre la constitution de documents scientifiquement exploitables.

 

d) L'observation clinique. Étude des cas particuliers.

 

— Procédé complexe qui vise à l'analyse systématique d'une situation concrète, l'observation clinique est la variante approfondie de l'observation méthodique directe. Technique fondamentale de la médecine et de la psychologie, elle exige un contact immédiat et poursuivi dans le temps de l'observateur et de son objet. Elle est, de ce fait, difficilement applicable à l'étude de groupements de vaste envergure dont l'échelle ne permet que des saisies immédiates partielles. Elle trouve son application en sociologie au niveau des groupes de taille réduite (à cet égard l'observation ethnographique est, dans les meilleurs des cas, de type clinique, lorsqu'elle s'exerce sur des sociétés restreintes qui admettent, avec l'observateur, une relation immé­diate et «subjective») et des situations individuelles (étude des «meneurs», des personnalités exceptionnelles dans les collectivités). Soucieuse d'investir aussi complètement que possible son objet, l'observation clinique s'adjoint les procédés indirects d'information et s'appuie sur les diverses techniques de l'interview dont on parlera ci-dessous. 

C'est dans une perspective clinique qu'il convient d'envisager les études de « cas particuliers » — les case studies qui ont pris tant d'importance dans la psycho-sociologie américaine. Les procédés mis en œuvre dans les case studies visent à éclairer une situation concrète individuelle ou collective (mais, dans ce cas, généralement restreinte) par un ensemble d'informations obtenues indirectement par le recours aux documents personnels et par voie directe (observation et interviews). L'ouvrage monumental de Znaniecki et Thomas, The Polish Peasant in Europe and America, 2e éd., 1927, constitue une illustration remarquable de la technique des case studies appliquée à l'étude de la famille paysanne polonaise autochtone et émigrée. Les auteurs, pour qui, «l'autobiographie, aussi complète que possible, constitue le type parfait de matériel sociologique», accordent une valeur presque exclusive aux documents personnels (cf. Gottschalk L., Kluckhohn CL, Angell R., The use of Personal Documents in History, Anthropology and Sociology, New York, 1945).

 

e) L'observation indirecte méthodique est le complément indispensable de l'observation directe. Elle utilise les données documentaires concernant l'objet envisagé dans l'enquête. Dans toutes les sociétés à écriture, les données documentaires constituent le point de départ le plus sûr et le plus commode de l'enquête sociologique. Toute recherche portant sur des groupes de localité urbains ou ruraux et d'une façon générale sur tous les groupements organisés ne saurait négliger l'ensemble documentaire que constituent les recensements, les registres d'état civil, les registres paroissiaux, les documents juridiques et économiques, les cadastres, etc. Mais l'utilisation des données documentaires intervient également dans l'étude des réglementations sociales et, d'une façon plus générale, des paliers les plus profonds de la réalité sociale. 

L'analyse de contenu (content analysis) est un exemple d'exploitation systématique et codifiée permettant un traitement statistique, des données documentaires (livres, presse, radio, etc.), afin de mettre en évidence les stéréotypes, les modèles, les signes et les symboles, les valeurs, dont font usage tel public, telle classe sociale, tels groupes, telle société globale (cf. B. Berelson, The Library's Public, New York, 1949). 

L'utilisation des données documentaires dans l'enquête sociologique ne laisse pas de poser un problème quant à leur validité : en effet, aucun document n'a été élaboré à l'intention du sociologue ; au même titre qu'une manifestation quelconque de la réalité sociale, il constitue un objet sociologique justiciable d'analyse. L'observation méthodique indirecte vise, à son tour, à construire, à partir de documents bruts (qu'il s'agisse d'un registre paroissial ou d'une collection de journaux), des données utilisables pour l'analyse.

 

f) L'observation participante.

 

— Avec ce procédé nous nous acheminons vers les techniques fondées sur la communication de l'observateur avec les sujets observés. Par l'observation participante, l'observateur est en même temps acteur : il s'intègre au groupe étudié en participant à ses activités et manifestations diverses. L'enquête sociométrique qui selon Moreno implique «une révolution dans les relations entre l'enquêteur et les sujets étudiés» ressortit à ce type de technique : le praticien de la sociométrie participe, en effet, aux situations collectives des enquêtés. De surcroît, il s'efforce de créer, de mettre en scène les situations. En cela il adopte une attitude d'expérimentateur plus encore que d'observateur. Aussi bien envisagerons-nous ailleurs les techniques sociométriques. L'enquête ethnographique, sinon de façon systématique, procède souvent par observation participante : l'ethnographe, par le fait même de sa longue implantation dans un groupe fortement structuré et de taille généralement réduite, devient inévitablement un élément (sans doute toujours marginal, à quelque degré) du groupe étudié. Un bon exemple nous en est fourni par l'ouvrage de G. Condominas, Nous avons mangé la forêt, Paris, 1957.

 

g) L'observation par l'intermédiaire d'un informateur est un procédé technique d'enquête fréquent en ethnographie ou l'obstacle linguistique, le décalage des cultures, le caractère souvent ésotérique des manifestations, enfin l'absence de l'adjuvant que constitue le document écrit, rendent malaisée l'observation directe et l'appel aux sources «objectives» d'information. Mais, sans avoir le caractère systématique qu'il prend en ethnographie, ce procédé technique est employé également dans l'enquête sociologique : il vaut ce que valent et l'informateur choisi et l'expérience de l'enquêteur qui doit lui permettre le contrôle des informations reçues. «Au premier chef, écrit Marcel Griaule (ouvr. cit., pp. 54 et suiv.), l'informateur doit être identifié. Il faut s'assurer qu'il appartient bien au groupe considéré et déterminer l'emboîtement des différents sous-groupes dont il fait partie. Ceci posé, il sera opportun de le considérer comme représentant du groupe le plus restreint possible auquel il appartient et de le relier constamment à tous les autres. Agir autrement fausserait rapidement les vues (...). Le choix ayant été opéré, il reste à utiliser l'informateur. Ici entre en ligne la seule «humanité» du chercheur.» 

 

II. — TECHNIQUES DE L'INTERVIEW

 

Tous les procédés d'observation directe, lorsque l'homme est l'objet observé, impliquent inévitablement la communication verbale, soit à titre occasionnel, soit de façon systématique. Mais, l'interview, en tant que technique autonome de recherche, a été l'objet, en psychologie clinique, puis en psychologie sociale et en sociologie, d'un développement très considérable qui risque, par un emploi souvent exclusif de tout autre procédé, de dénaturer l'enquête sociologique. 

La nécessité de l'utilisation des divers procédés d'interview dans l'enquête sociologique tient à la nature même des phénomènes sociaux dont la saisie ne saurait être effective dans une perspective purement behavioriste ou objectiviste. Au reste, il est impossible au sociologue de dissocier le phénomène social du phénomène psychique qui en est une dimension. Aussi bien, les diverses techniques d'observation qui ont été envisagées ci-dessus doivent-elles être complétées par tous les procédés de communication verbale avec les sujets de l'enquête. En revanche, l'interview, à soi seule, si raffinée soit-elle dans ses procédés, ne saurait fonder l'enquête sociologique quel que soit le niveau d'étude envisagé. Le problème, en effet, se pose aussitôt de la détermination des individus interviewés et des critères de leur représentativité : la détermination du cadre réel de l'étude et des individus qui le représentent ne peut être effectuée que par des procédés opératoires différents de l'interview. Ce problème, d'ailleurs, est double (nous le retrouverons à propos des techniques d'échantillonnage) : il est proprement mathématique en ce qui concerne le nombre des individus à interroger afin que les résultats de l'interrogatoire soient significatifs ; il est proprement sociologique en ce qui concerne le choix des individus soumis à l'interview, afin que l'échantillon des individus choisis soit homogène par rapport à l'ensemble social dont ils sont tirés. 

D'autre part, l'emploi exclusif de l'interview limite nécessairement la signification sociologique de l'enquête pour autant que l'interview ne peut mettre en évidence qu'un système subjectif de rôles et d'attitudes des enquêtés, sans lien nécessaire avec les rôles et les fonctions réels assumés par ces mêmes enquêtés dans la situation réelle. A cet égard on peut dire que l'interview ne saisit jamais les phénomènes sociaux qu'après coup, qu'en dehors de la situation réelle dans laquelle ils apparaissent. 

Enfin, il faut encore noter que la relation entre enquêteur et enquêté, dans l'interview, n'est jamais une relation neutre ; elle constitue à son tour un phénomène social (rapport avec autrui pouvant prendre des significations diverses) qui entre en composition avec les phénomènes que l'interview a pour objet d'élucider. 

Les divers procédés d'interview visent à pallier les difficultés propres à ce type de technique en égard au genre de réponses escomptées dans le cadre de l'enquête.

 

a) L'interview libre laisse toute latitude de réponse à l'interrogé. Elle vise à recueillir des données riches en signification mais rend délicat le contrôle des réponses et difficile leur comparaison. Divers procédés d'interview libre sont à distinguer : l'interview organisée (standardized interview) procède selon un plan précis de questions posées toujours dans le même ordre et dans les mêmes termes tout en laissant à l'enquêté la possibilité d'exprimer largement sa pensée. Il arrive aussi que l'enquê­teur change les termes de la question pour faciliter l'interrogatoire : il doit prendre soin, alors, de délimiter précisément, pour l'enquêté, la portée de sa question (cf. Kinsey A. G., Le comportement sexuel de l'homme, trad. franc., Paris, 1948, Ire Partie, chap. II). 

L'interview inorganisée (unstandardized interview) procède selon un plan très souple qui varie avec les individus interrogés ; l'ordre des questions et les termes dans lesquels elles sont posées ne sont pas respectés, l'enquêteur s'efforçant de gêner le moins possible la spontanéité du sujet (cf. Roethlisberger F. J. et Dickson W. J-, Management and Worker, Cambridge, Mass., 1939). La technique de non-directive interview, dont l'objet est d'abord thérapeutique, accentue les caractéristiques de l'interview organisée : il s'agit non plus de poser des questions, mais, au contraire, de laisser parler le sujet : l'enquêteur intervient par sa seule présence compréhensive (cf. Rogers G. R., The non-directive method as a technique for social research, Amer. J. Social., 1945, 50).

 

b) L'interview par questions fermées procède selon un plan rigide dans lequel l'ordre des questions et les termes dans lesquelles elles sont posées sont scrupuleusement respectés. L'enquêté n'a plus la latitude de commenter ses réponses : il répond par oui ou par non ou bien en termes de préférences. Cette technique rend possible une codification immédiate des réponses et, par conséquent, leur « quantification » et leur traitement statistique. Mais au détriment du contenu dont la signification s'amenuise. On pallie cet inconvénient en alliant souvent, dans la même recherche, les procédés conjoints de l'interview fermée et de l'interview libre: dans ce cas, l'interview fermée permet de préciser l'extension des phénomènes étudiés (croyances, opinions, attitudes, etc.), dont l'interview libre pourra approfondir le contenu. A supposer, évidemment, que l'échantillon de sujets interrogés selon le premier procédé soit en tous points comparable à l'échantillon de ceux auxquels on appliquera le second procédé.

 

c) L'interview répétée (panel interview) de P. F. Lazarsfeld (The people choice, New York, 1948), est un procédé d'application de l'interview à l'analyse d'un changement social. On interroge à intervalles réguliers un échantillon dûment établi du groupe dont on veut suivre les modifications des opinions et des attitudes au cours d'une situation sociale mouvante et en fonction des déterminations extérieures que le groupe subit (en l'espèce l'étude citée a été effectuée au cours d'une campagne électorale). Afin d'éviter les « distorsions » qui pourraient surgir de la répétition des interrogatoires sur les mêmes individus, on teste, chaque fois, un échantillon témoin présentant les mêmes caractéristiques que l'échantillon expérimental.

 

d) L'interview approfondie (focused interview). — Ce procédé a été mis au point par R. K. Merton pour étudier l'incidence des moyens d'information sur les attitudes et les comportements du public. Il s'agit d'une interview de type libre dans laquelle l'enquêteur se donne pour objet l'exploration d'une réaction particulière de l'enquêté à un stimulus déterminé (un message transmis par la presse ou la radio, par exemple, dont le contenu, préalablement analysé, a servi à l'établissement des hypothèses d'enquête). Comme dans l'interview de type inorganisé, le rôle de l'enquêteur consiste moins à interroger le sujet qu'à l'aider à éclairer lui-même l'incidence du stimulus sur ses attitudes et son comportement (cf. Merton R. K., Kendall P. L., The focused interview, Amer. J. Social., 1946, 51 ; Merton R. K., Éléments de méthode sociologique, Paris, 1953, pp. 51 et suiv.).

 

e) Les questionnaires. — Les techniques d'interview nous conduisent à envisager le procédé du questionnaire fréquemment utilisé dans la recherche sociologique et vulgarisé par les enquêtes dites d'opinion publique. Le questionnaire n'est généralement autre chose qu'une interview de type fermé dont les inconvénients sont aggravés chaque fois que la garantie que peut apporter la présence de l'enquêteur professionnel vient à faire défaut, comme si souvent c'est le cas dans les enquêtes d'opinion lorsque le questionnaire est diffusé par voie de presse ou expédié par la poste. La technique du questionnaire offre l'avantage d'une codification et d'une exploitation rapides des réponses, mais son emploi exclusif ne saurait permettre une analyse en profondeur. Au reste, ce n'est point la technique qui est critiquable, mais plutôt le type de questions posées et le choix des individus soumis au questionnaire. Un questionnaire portant sur les caractéristiques du logement d'une population déterminée, ou sur la qualité et la quantité de la consommation alimentaire des familles, ou enfin, sur les ressources et les budgets, n'offre par les mêmes dangers qu'un questionnaire dont l'objet est de connaître des opinions. Dans le premier cas, les questions appellent des jugements de réalité ou la relation d'un fait précis ; dans le second cas, elles exigent, de la part des enquêtés, des jugements de valeur. A cet égard, sans même mettre en cause la sincérité des réponses, le danger réside en premier lieu dans le postulat implicite du caractère univoque des questions posées pour une population interrogée dont on admet l'homogénéité. Le caractère fermé des réponses accentue le risque d'équivoque et rend difficile le contrôle des significations ; les réponses, en effet, peuvent varier considérablement selon la façon dont les questions sont posées. A. Sauvy (L'opinion publique, Paris, 1956, p. 41), rappelle un exemple classique : «En 1940, avait été posée aux États-Unis la même question, sous deux formes différentes : Forme A : Pensez-vous que les États-Unis devraient faire plus qu'ils ne font actuellement pour aider l'Angleterre et la France ? — Forme B : Pensez-vous que les États-Unis devraient faire plus qu'ils ne font maintenant pour aider l'Angleterre et la France, dans leur lutte contre Hitler ? Sur le fond les deux questions étaient identiques, mais l'introduction du mot Hitler a entraîné 9 % de réponses dans le sens interventionniste.» Sans même qu'intervienne le choix de l'échantillon des sujets soumis aux questionnaires, on voit à quelles difficultés se heurtent les enquêtes d'opinion. 

 

III. - LES TECHNIQUES
D'EXPÉRIMENTATION

 

« Je suis convaincu, écrivait K. Lewin (Resolving social conflicts, New York, 1948), qu'il est possible d'effectuer en sociologie des expériences que l'on puisse aussi légitimement qualifier de scientifiques que des expérimentations de physique ou de chimie. » Le problème théorique de la possibilité de l'expérimentation en sociologie dépasse l'objet de ce chapitre, dans la mesure où il ne concerne pas seulement des procédés opératoires particuliers et met en cause la méthode même de la sociologie. Le grief que l'on pourrait formuler à l'égard de la tendance expérimentale est qu'elle prend le modèle expérimental hors de la sociologie et considère que seuls un appareil conceptuel et une mise en œuvre d'opérations en tous points comparables aux concepts et aux opérations propres à l'expérimentation physique puissent garantir le statut scientifique de la sociologie. Or, le problème est avant tout de savoir si la nature même et la dimension réelle des phénomènes sociologiques s'accommodent du traitement expérimental. Que si l'on considère les objets sur lesquels portent les essais expérimentaux, la déception du sociologue ne se fait pas attendre : l'expérimentation, en effet, porte ordinairement sur des groupes artificiels créés par les besoins de l'expérience (groupes de laboratoire) et ne peut avoir généralement qu'une signification psycho-sociologique et interpersonnelle.

 

a) Techniques de laboratoire. — L'intérêt escompté des techniques expérimentales réside essentiellement dans la possibilité d'un contrôle absolu de la réalité expérimentale, contrôle absolu auquel le sociologue ne saurait atteindre, nous l'avons vu, dans les situations réelles. Mais une telle possibilité de contrôle n'est obtenue qu'au prix d'une simplification des situations créées artificiellement en laboratoire. Le contrôle de l'expérience n'est possible que si les éléments de la situation retenus pour l'expérience (les variables expérimentales] sont peu nombreux et isolables et si l'effet des autres éléments entrant dans la situation (les variables non contrôlées) peut être annulé par des artifices de procédure. Si, donc, deux variables A et B d'une situation donnée sont retenues, la technique expérimentale consiste à modifier la situation en modifiant la variable A ou variable indépendante et à observer et à mesurer les effets de cette modification sur la variable B ou variable dépendante. Cette procédure suppose que l'expérimentateur dispose d'un groupe expérimental dont il modifiera la situation au cours de l'expérience et d'un groupe témoin, théoriquement identique au premier et dont la situation ne subira pas de changements. 

La validité de l'expérimentation exige le respect des trois conditions majeures suivantes : 1) Groupes expérimentaux et groupes témoins doivent être homogènes ; les groupes sont constitués selon les techniques de l'échantillonnage statistique ; 2) Les variables expérimentales doivent être purifiées au maximum, ce qui entraîne l'expérimentateur à créer une situation artificiellement simplifiée ; 3) Les variables non contrôlées doivent être neutralisées soit en les éliminant (dans les schémas expérimentaux les plus simples), soit en égalisant leurs effets sur tous les groupes, soit en les rendant aléatoires (ce qui est le cas le plus fréquent) en les répartissant au hasard. L'interprétation des résultats expérimentaux est fondée sur la formulation d'une hypothèse nulle qui consiste à supposer que les résultats acquis ne sont dus qu'aux fluctuations du hasard. Si la probabilité d'obtenir de tels résultats uniquement par hasard est suffisamment petite, l'hypothèse nulle est rejetée et le test expérimental est jugé significatif (cf. Cochran W. G. et Cox G. M., Expérimental Designs, New York, 1950).

 

b) Rapports de l'expérimentation de laboratoire avec l'enquête sociologique. — Considérées dans leur rapport avec l'enquête sociologique, qu'elles ne sauraient remplacer, les expériences de laboratoires peuvent permettre la mise au point d'hypothèses de travail susceptibles d'être vérifiées sur le « terrain », et contribuer ainsi à l'élaboration de la théorie. Dans la perspective d'une « dialectique » entre le laboratoire et la société réelle, des travaux expérimentaux comme ceux de Bavelas sur les circuits de communication dans les groupes organisés (cf. Bavelas A. A., A mathematical model for group structure, Appl. Anlhrop., 1948, 7), de Festinger sur la cohésion des groupes (cf. Festinger L., Schachter S., et Back K., Social Pressures in Informal Groups, New York, 1950), ou de Bales sur les processus de décision dans les petits groupes (cf. Bales F., Interaction process analysis : A method for the study of small groups, Cambridge, Mass., 1950), offrent, dans l'esprit même de leurs auteurs, des modèles applicables aux situations réelles, l'expérimentation étant envisagée, alors, comme une méthodologie stratégique en vue d'atteindre une meilleure compréhension des situations réelles. Mais il est bien entendu que toute extrapolation théorique des groupes de laboratoire aux groupes réels est hasardeuse.

 

c) Les techniques sociométriques. — « La sociométrie, note Moreno qui en est l'initiateur, peut être désignée (...) comme une micro-sociologie, une sociologie des éléments microscopiques dynamiques, ceci indépendamment de l'envergure des groupes grands ou petits auxquels elle est appliquée » (Moreno J. L., Sociometry, Comtism and Marxism, Sociometry, 1945, vol. VIII). Et à cet égard, il écrit encore, à juste titre : « Nous considérons l'étude de ces manifestations atomiques élémentaires (ou micro-sociologiques) des relations humaines, comme le prélude et le fondement nécessaires pour des investigations macro-sociologiques » (La méthode sociométrique en sociologie, Cahiers int. de Soc., vol. II, 1947). Dans la mesure où la sociométrie ne réduit pas la réalité sociale au niveau microsociologique auquel elle l'appréhende, ses procédés opératoires ont une signification proprement sociologique. 

Les procédés sociométriques visent à décrire et mesurer les relations sociales spontanées qui sont les composantes élémentaires de tous les groupements. Mais pour observer avec exactitude la réalité microsociologique «les vieilles méthodes fondant l'objectivité sur le simple recollement des faits : observation extérieure, statistique, etc.», s'avèrent insuffisantes. De même, les techniques introspectives classiques ne saisissent jamais les situations sociales qu'au passé, indépendamment du rapport de ces situations avec le moment où elles apparaissent. « Les techniques de recherche ont à subir une crise de subjectivation pour acquérir une plus grande objectivité dans ce domaine.» Dans le langage volontiers emphatique de Moreno, les techniques sociométriques constituent «une révolution dans les relations entre l'enquêteur et les sujets étudiés » : les sujets ne sont plus traités comme des objets d'observation ; ils participent eux-mêmes pleinement à l'enquête et sont les agents actifs de leur propre comportement ; quant à l'enquêteur, il s'intègre au groupe étudié, participe à son action, étant à la fois observateur et acteur dans une expérience collective. En effet, plutôt que d'enquête ou d'observation participante, il convient de parler ici d'expérimentation puisque les observations portent sur les modifications du groupe induites par l'expérimentateur dans son rapport avec les sujets. D'autre part, l'échelle sociologique sur laquelle porte l'investigation sociométrique, permet à celle-ci d'utiliser ses procédés expérimentaux in situ, sur des groupes réels et non pas dans le cadre artificiel d'un laboratoire : les expériences sociométriques porteront ainsi sur les enfants d'une classe, les ouvriers d'un chantier, les détenus d'une prison, etc. 

Ces procédés techniques sont appliqués dans le test sociométrique qui vise à découvrir et à mesurer les sentiments qu'éprouvent les individus à l'égard les uns des autres en tant que membres du groupe auquel ils participent au moment de l'expérience : aux enfants d'une classe on demandera de choisir librement ceux de leurs camarades à côté de qui ils préféreraient s'asseoir en classe. On compte les sélections effectuées et on établit des coefficients distinguant les enfants préférés, ceux qui sont négligés et ceux qui sont dans une situation intermédiaire. Le contenu du test dépend du caractère du groupe dans lequel l'expérience est effectuée et du critère choisi pour la sélection. 

Le test de configuration sociale complète le précédent : il vise à établir le coefficient de cohésion du groupe en fonction des sélections effectuées par ses membres. Le procédé consiste à comparer la probabilité mathématique des sélections et les sélections réellement effectuées. L'écart entre les deux révèle la «configuration sociale» du groupe. Le groupe atteste une cohésion élevée si le coefficient des sélections positives réciproques effectuées réellement est supérieur au coefficient théorique. Dans le cas contraire, il tend vers la désagrégation. 

Les techniques dramatiques. — Les procédés de psychodrame et de sociodrame, dont l'origine est psychothérapique, sont utilisés en sociométrie avec valeur d' «expérimentation dans le domaine de la recherche de la spontanéité ». Le souci de saisir les situations interpersonnelles et collectives in situ et in statu nascendi est encore visible ici. Mais il s'agit ici d'expérimentations qui perdent en précision mathématique dans la mesure où elles gagnent en richesse d'expression. Le psychodrame substitue aux procédés classiques de la psychologie et de la psychanalyse, jugés artificiels et déformants, une action expérimentale où l'individu se retrouve dans une situation reproduisant aussi fidèlement que possible les conditions réelles de son existence. Le sujet ne raconte pas sa situation, il la joue et ressuscite, grâce aux auxiliaires qui l'assistent dans le jeu, les interrelations qui le lient à son entourage. 

Le sociodrame a pour objet «les relations entre les groupes et les mentalités ». Il met en cause non pas un individu, mais un public, devant lequel les acteurs recréent et jouent, de façon aussi impersonnelle que possible, des rôles sociaux tels que le patron, l'employé, le mari, la femme, etc. Le public se retrouve dans les rôles joués devant lui, dans leurs liaisons et leurs conflits et participe par ses réactions au drame social qui se joue. Pour Moreno, le sociodrame rend compte de toutes les tensions de la société humaine comme en miniature : «L'auditoire représente l'opinion publique ; les acteurs sur la scène représentent les protagonistes ; le directeur (qui orchestre le drame) symbolise l'action du groupe » (cf. Sociodrama. A Method of the Analysis of Social Conflicts, Psychodrama Monographs, I, 1944). L'intérêt du procédé sociodramatique (qui se situe au niveau macro-sociologique) est diminué par le caractère inévitablement artificiel de l'expérimentation qu'il met en œuvre (cf. Gurvitch G., La vocation, vol. I, 1963, pp. 269 et suiv.). 

 

IV. — TECHNIQUES STATISTIQUES

 

On a examiné au chapitre précédent le problème de la statistique, dans toute son envergure. Du point de vue des techniques de la recherche sociologique, qui est celui qui nous occupe, on remarquera que l'utilisation des procédés statistiques est d'abord limitée par le fait que la discipline statistique en dépit de ses origines et à cause de son long commerce avec les «sciences exactes» — n'a guère forgé d'outils parfaitement adaptés aux phénomènes qu'envisage le sociologue. Et un excellent utilisateur des procédés statistiques, L. Festinger, écrit à ce propos : «II est vraiment dommage pour celui qui pratique les sciences sociales, que les problèmes qui ont stimulé la croissance de la statistique dans le passé soient venus d'autres domaines et que par conséquent, les développements statistiques soient souvent mal applicables aux faits de la science sociale » (Research Methods in Social Relations, New York, 1951, p. 715. Cf. Isambert F.-A., La statistique bien tempérée, Cahiers int. de Social., XVIII, 1955). 

D'autre part, Georges Gurvitch (Déterminismes sociaux et liberté humaine, Paris, 1955, pp. 51 et suiv.), a bien montré les difficultés ren­contrées par l'application des modèles statistiques (calcul des probabilités, lois statistiques) aux phénomènes sociaux : «La validité du calcul des probabilités et des lois statistiques ne repose nullement ici sur les mathématiques — simple moyen d'expression, dans ce cas — mais sur la réussite de la recherche des cadres, ensembles et univers réels auxquels on adapte le calcul des moyennes et des proportions (p. 52).» Mais lorsque les «ensembles» ne sont pas définis au départ et que les objets de la recherche sont ambigus et exigent une interprétation difficilement contrôlable, quelle application peut-on faire, en toute rigueur, des procédés statistiques les plus raffinés ? Or, c'est bien là la situation la plus fréquente dans la recherche empirique. 

Il est significatif d'ailleurs que les procédés expérimentaux ci-dessus envisagés utilisent amplement les techniques statistiques : celles-ci interviennent comme techniques de contrôle (contrôle de l'homogénéité des échantillons, de la neutralisation des variables non contrôlées, etc.) et comme techniques de mesure permettant l'interprétation des résultats expérimentaux (épreuves de signification, coefficients de corrélation, etc.). Mais précisément parce que le cadre et les éléments de l'expérience sont donnés à l'expérimentateur : situation privilégiée rendue possible parce que l'expérience est inévitablement artificielle, au sens propre du mot. La précision est acquise au prix d'une simplification du réel qui, à la limite, le prive de sa dimension sociologique. Hors du cadre expérimental les procédés statistiques ne sauraient avoir de rendement que dans la mesure où les données auxquelles ils s'appliquent sont suffisamment purifiées, ce qui n'est généralement pas le cas dès que l'on dépasse les niveaux morphologiques et écologiques des sociétés pour atteindre des niveaux essentiellement qualitatifs comme le niveau des attitudes, des croyances et opinions, des symboles et des valeurs. Un exemple remarquable de cette impuissance des techniques statistiques à affiner des données grossières est fourni par les nombreux travaux portant sur la mesure des attitudes : la précision du traitement statistique contraste avec la trivialité fréquente des procédés de détermination des unités de mesure fondés sur l'opinion d'un groupe d'experts.

 

Les techniques du sondage (sampling). — Au début de ce chapitre nous signalions les dangers, pour l'enquête sociologique, d'une conception statistique du social qui assimilerait les unités collectives réelles partielles ou globales à une population statistique, c'est-à-dire à un ensemble d'individus définis par la ou les mêmes caractéristiques dont le choix serait déterminé par l'enquêteur. Un tel ensemble d'individus n'est pas représentatif de l'unité collective réelle dont il a été abstrait. Mais l'enquête sociologique, lorsqu'elle porte sur des groupes de large envergure et, à plus forte raison, sur des sociétés globales, est bien obligée de limiter l'investigation à une portion du tout. Les techniques du sondage visent précisément à résoudre ce problème en déterminant les échantillons représentatifs des ensembles d'où ils sont tirés. 

Le sondage aléatoire (random sampling) est fondé sur le calcul des probabilités. Il consiste à prélever l'échantillon par tirage au sort d'individus appartenant à la population totale, assez nombreux pour que puisse jouer la loi des grands nombres. En effet, lorsque le tirage est effectué au hasard, les moyennes des échantillons se groupent autour de la moyenne vraie de la population ; plus la taille de l'échantillon croît, moins les moyennes sont dispersées. En d'autres termes, il sera possible de choisir la taille de l'échantillon de telle sorte que la probabilité des écarts avec la population totale soit faible.

 

Sondages empiriques. — Le sondage aléatoire ne fait intervenir aucun critère dans le choix des unités de l'échantillon : chaque unité ne représente qu'elle-même, seul l'ensemble des unités offre un caractère représentatif. Les sondages empiriques, au contraire, opèrent la division préalable de la population en fonction d'un ou plusieurs critères qui supposent la connaissance de la population totale. La constitution de l'échantillon se fait par prélèvement des individus dans chaque sous-population (strate). On peut aussi diviser l'ensemble étudié en unités ou en groupes d'unités semblables (communes, cantons, etc.), l'échantillon étant constitué par des individus prélevés dans certaines de ces unités. Ce procédé évite la dispersion de l'échantillon sur une aire géographique trop vaste. 

Les procédés empiriques d'échantillonnage exigent de la part de l'enquêteur, une prudence extrême s'il veut éviter les risques de « distorsion ». En effet, si l'échantillon est choisi en fonction de tels caractères contrôlés par le sondage, il ne sera représentatif de la population totale qu'en ce qui concerne les caractères retenus. 

Au reste, tout sondage est sociologiquement approximatif, même s'il est statistiquement valable, comme le sondage aléatoire, car l'échantillon n'est jamais l'image réduite et absolument fidèle de la «population» dont il est tiré, dès lors que celle-ci n'est pas une collection d'individus, mais un «tout» social. Aussi bien sans une connaissance préalable, au moins partielle de la «population» totale, c'est-à-dire des unités collectives réelles et de leurs agencements, l'enquête par sondage est inopérante.

Fin de l'extrait.



Revenir à l'auteur: Jacques Brazeau, sociologue, Univeristé de Montréal Dernière mise à jour de cette page le mercredi 16 mars 2011 15:00
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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