Sabrina Doyon, Une révolution à sa mesure. Diversité des pratiques environnementales communautaires à Cuba. Forêts tropicales.


 

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Collection « Sciences du développement »
Une révolution à sa mesure. Diversité des pratiques environnementales communautaires à Cuba” (2005)
Introduction

Une édition électronique sera réalisée à partir du texte de Sabrina Doyon [Département d’anthropologie, Université Laval.], “Une révolution à sa mesure. Diversité des pratiques environnementales communautaires à Cuba”. Un article publié dans la revue Anthropologie et sociétés, vol. 29, no 1, 2005, pp. 121-143. Québec: Département d’anthropologie, Université Laval, 2005, 258 pp.

Introduction

Un visiteur qui se présente dans le village côtier de Las Canas est tout d’abord ébloui par le soleil se reflétant sur le sol ; le sable le rend presque blanc, cimenté par les années, et s’y allonge l’unique route du village, bordée par ses deux rangées de maisons. Une fois ses pupilles rétrécies, il peut alors constater que le village est coincé entre la mer et la forêt. Cette mer surprend : étale, sa couleur est café et son odeur, sulfureuse. Cet effluve est dû à la présence presque envahissante des mangroves et de leurs racines qui pourrissent dans l’eau, ainsi qu’aux rejets d’eaux usées. Au premier coup d’oeil sur les maisons qui bordent la route, et dont les charpentes de plusieurs sont inquiétantes, le visiteur ressent une impression d’abandon et de détérioration de l’environnement. Mais au second regard, il constate que le village est loin d’être fantôme : un groupe d’hommes répare des agrès de pêche, d’autres conversent au circulo social, deux femmes étendent leur linge à travers les arbres de mangroves, et un groupe de jeunes s’approche en proposant un repas cubain « típico » [1].

 

Cette « photographie » du village de Las Canas donne un aperçu de la dégradation environnementale croissante à Cuba. S’intensifiant au début des années 1900, quand le pays accéda à l’indépendance, et avec l’expansion de l’industrie sucrière, cette dégradation s’est accentuée radicalement avec la révolution en 1959. Celle-ci a transformé l’exploitation des ressources naturelles et la production industrielle, notamment grâce à l’aide technique et financière du bloc soviétique (Bethell 1993). Depuis la dernière décennie – la crise économique profonde qui l’accompagne faisant suite à la chute du bloc de l’Est –, la destruction de l’environnement affecte de plus en plus la population, surtout les communautés rurales et côtières qui dépendent fortement des ressources naturelles pour leur survie (Skidmore 1997). La déforestation, l’érosion des sols, la contamination des eaux et la perte de biodiversité mettent en danger l’équilibre socio-environnemental du pays et touchent particulièrement les régions côtières (Díaz-Briquets et Pérez-López 2000).

 

Ces populations ont malgré tout adapté leurs activités et diversifié leurs pratiques environnementales, comme nous le suggère la « photographie » de Las Canas. Ces initiatives stimulent les dynamiques sociales côtières et permettent à la population d’envisager le futur. Pourtant, les nombreuses études sur Cuba abordent peu ces dimensions. La majorité d’entre elles, effectuées par des chercheurs américains, traitent de questions liées à la situation économique et politique du pays à partir d’une perspective d’ordre structurel, qui demeure au niveau de débats théoriques et statistiques, sans se baser sur des données contextuelles recueillies sur le terrain (Baloyra et Morris 1993 ; Monreal 1999). Des travaux portant sur les questions environnementales dans une perspective anthropologique sont ainsi nécessaires.

 

S’inscrivant dans une approche d’anthropologie de l’environne­ment (Crumley 2001 ; Escobar 1999 ; Kottak 1999 ; Little 1999), cet article analyse la diversité des pratiques environnementales à Las Canas, laquelle s’appuie sur l’hétérogénéité de sa population et sur le contexte révolutionnaire du pays. Nous verrons comment, depuis le début de la révolution, les activités liées à la pêche, au tourisme et à la conservation des ressources naturelles voient naître de nouvelles pratiques et perceptions, offrant un espace de survie aux habitants. Conditionnée par des changements économiques et politiques structurels, cette diversité permet aux habitants de redéfinir leurs relations quotidiennes à l’environnement et de recréer, à petite échelle, leur révolution. Voyons dans un premier temps comment l’écologie politique anthropologique nous permettra d’analyser cette dynamique.


[1] Je tiens à remercier les évaluateurs pour leurs commentaires. Je remercie aussi Yvan Breton, Paul Charest et Marie-Andrée Couillard qui ont commenté les versions préliminaires de cet article. Cette étude n’aurait pu être réalisée sans le soutien financier du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, du Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture et du Centre de recherches pour le développement international.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 28 avril 2007 7:52
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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