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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Actes du colloque de l'ACSALF 1983,
LA SOCIOLOGIE ET L'ANTHROPOLOGIE AU QUÉBEC.
Conjonctures, débats, savoirs et métiers.
(1985)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir Actes du colloque de l'ACSALF 1983, LA SOCIOLOGIE ET L'ANTHROPOLOGIE AU QUÉBEC. CONJONCTURES, DÉBATS, SAVOIRS ET MÉTIERS. Sous la direction de Johanne Boisjoly et Gilles Pronovost. Actes du colloque de l'ACSALF tenu à Trois-Rivières, dans le cadre du congrès de l'ACFAS, mai 1983, in Les cahiers de l'ACFAS, no 33. Montréal: ACFAS, 1985, 238 pp. Une édition numérique réalisée par Réjeanne Toussaint, bénévole, Chomedey, Ville Laval, Québec. [Autorisation accordée par la présidente de l'ACSALF le 20 août 2018 de diffuser tous les actes de colloque de l'ACSALF en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales.]

[1]

La sociologie et l’anthropologie au Québec.
Conjonctures, débats, savoirs et métiers.

Actes du colloque annuel de l’ACSALF, mai 1983.

Introduction

Par Gilles Pronovost

[2]

[3]

Les textes publiés dans ce recueil ont été retenus à la suite du colloque organisé par l'association canadienne des sociologues et des anthropologues de langue française (ACSALF), tenu à l'Université du Québec à Trois-Rivières dans le cadre du congrès de l'ACFAS de mai 1983.

Une édition des textes disponibles a été effectuée et l'arrangement thématique final s'est rapidement imposé autour de la question de la pratique de la sociologie et de l'anthropologie dans des difficultés et dans des débats.

S'il est relativement aisé de trouver d'excellents ouvrages d'introduction à la sociologie ou à l'anthropologie, il existe très peu d'ouvrages de langue française, et finalement, aucun ouvrage québécois, traitant du métier de sociologue et d'anthropologue. Recherches sociographiques (XXXIII, 1-2, 1982) a publié des témoignages de sociologues québécois, et Sociologie et Sociétés (XIV, 1, 1982, p. 113 et suivantes) quelques résultats d'une recherche sur l'emploi de sociologues. L'ouvrage que nous proposons se veut plus général, et offre une perspective d'ensemble de la question, touche de nombreux aspects qui n'ont pas été abordés dans ces numéros, et bénéficie de la contribution d'une grande diversité de collaborateurs, en divers milieux. Il porte sur la pratique de la sociologie et de l'anthropologie au Québec, sur le métier actuel de sociologue et d'anthropologue, sur la situation existante, sur les difficultés rencontrées, sur les développements internes à la discipline.

Pour ce faire, quatre axes majeurs d'analyse ont été dégagés, non pas qu'il s'agisse des seuls possibles ou existants mais, à titre de contribution d'un examen et d'une réflexion critiques d'ensemble qui s'imposent présentement à la sociologie et 3 l'anthropologie, chacun de ces axes de réflexion forme autant de parties de cette publication.

La première partie est consacrée à un bilan empirique de la situation actuelle sur le marché de l'emploi, ainsi qu'à une analyse critique des effets de la conjoncture sociale et économique actuelle sur la pratique de la sociologie et de l'anthropologie. Pour ce faire, nous bénéficions de deux études récentes, l'une sur les diplômés en anthropologie, l'autre, sur les diplômés en sociologie ; l'analyse et la synthèse de ces recherches procurent une connaissance empirique de la toile de fond actuelle dans laquelle est enracinée la pratique de ces disciplines (Simonis, Langlois). Il nous paraissait important d'offrir aux lecteurs de l'ouvrage, une telle description empirique de la situation. À ces deux textes, s'ajoutent des réflexions plus générales qui soulèvent la question des rapports conflictuels entre "sciences sociales et société" : dans quelle mesure les sciences sociales sont-elles réellement autonomes face à la conjoncture économique et sociale, comment évoluent-elles au gré des fluctuations de la "demande", peuvent-elles demeurer à la fois critiques et crédibles, le marché est-il saturé au point d'imposer une réorientation majeure de la formation, jusqu'où peut se maintenir la nécessaire distance critique ? (Caldwell).

[4]

Sans que nous ayons pu faire justice à tous les aspects, il nous est apparu qu'un ouvrage comme celui-ci devait au minimum offrir une entrée en matière à ces questions.

Après cette toile de fond, descriptive, et interrogative, la deuxième partie porte cette fois non pas sur une présentation des théories actuelles en sociologie (on imagine aisément qu'un ouvrage complet aurait pu porter sur cette seule question), mais sur les difficultés que rencontrent les sociologues à faire œuvre de théorie sociologique. D'abord, quelle est donc cette "société" dont nous parlent des sociologues ? Danielle Lafontaine souligne qu'il y a beaucoup d'anthropomorphismes dans la représentation de la société, en sociologie, en arbitraire logique à postériori à laquelle s'alimentent les théories et sont, au fond, elles ont besoin pour survivre, comme si les sociologues se faisaient une "société" à la mesure de leurs théories. Ce qui soulève la question de légitimité de la connaissance sociologique, en fonction de l'emprise effective sur le réel qu'offre la démarche classique de la recherche empirique, forcée en quelque sorte à réduire, trier, formaliser, à évacuer l'inattendu (Turmel).

Puis il y a encore cet oscillent, ce va-et-vient constant entre un vocabulaire sociologique formel, quantitatif, descriptif, ou monographique, et ce qu'il faut bien appeler : débordements, envolées à l'emporte-pièce, théories douteuses, inutiles jeux de l'esprit. Mais il n'y a pas de sociologie sans une dialectique de la sorte, entre le réel et le possible, entre les faits sociaux et la trame des changements. Paul Bernard souligne cet aspect : si le sociologue étudie ce que est, il en révèle en même temps l'arbitraire.

Cette deuxième partie s'achève sur un exemple concret de la manière dont la théorie sociologique s'est constituée au Québec, c'est-à-dire, comment la sociologie québécoise, dans ses fondements même, a été tributaire de la question nationale, puis des enjeux politiques et économiques de la révolution tranquille : la représentation des enjeux, les champs de recherche privilégiés, les thèmes des publications, ont été influencés par de telles conjonctures (Lacroix-Lévesque).

La troisième partie porte sur quelques exemples d'un phénomène central du développement de la sociologie, au Québec comme ailleurs : celui de la spécialisation de plus en plus poussée, ce que nous avons appelé le processus de la fragmentation du savoir en sciences sociales. Ainsi, l'article de François Béland aborde la professionnalisation de certains types de recherches sociologiques en milieu gouvernemental et dans les industries : autonomie limitée, dans un contexte de "rationalité limitée", attentes pour que le sociologue soit tout autant administrateur, planificateur et chercheur ; tout cela a pour conséquence qu'une sociologie particulière prend forme peu à peu, au statut souvent imprécis, quand elle n'est pas coincée entre un problème à résoudre à court terme et une vision particulière de son utilité sociale ou politique dans laquelle elle est très souvent mal à l’aise. Dans d'autres cas, le sociologue est confronté à des attentes contradictoires : celles de son milieu d'intégration, celle des milieux académiques ; il doit résister aux interprétations sociologiques naïves dont se satisfont certains milieux dans lesquels il œuvre, tout en [5] partageant leurs préoccupations concrètes, voire à court terme puisque c'est une condition souvent essentielle à la crédibilité qu'on lui portera ; et ce, tout en proposant des approches critiques, qu'il sait mitigées par rapport aux entières des sociologues académiciens (Pronovost). Ou encore, il arrive parfois que la spécialisation prenne la forme d'un choix plus ou moins explicite quant à une approche théorique particulière dans laquelle se replie le sociologue (Massot).

Bref la fragmentation du savoir a déjà pris de multiples visages.

La quatrième et dernière partie de l'ouvrage se porte sur le terrain de la pratique concrète. Il n'était certes pas possible de faire place à toutes les situations significatives du métier actuel de sociologue et d'anthropologue ; nous avons privilégié les milieux non académiques, et les non académiciens ! La préoccupation centrale à laquelle fait écho cette partie est celle d'une réflexion sociologique ou anthropologique, de la part des intéressés eux-mêmes, quant à leur effective pratique effective.

Rejoignant le texte de Paul Bernard, Gilles Valiquette souligne l'importance de ce qu'il appelle "l’imagination-problématisation", face à la "culture de l’évidence" de l'entreprise ; il soulève également la difficulté d'être à la fois au-dedans et à l'extérieur de l'institution, l'illusion d'une marginalisation factice, tout comme l'importance de réfléchir constamment sur le rôle, la pratique l'univers du praticien, tout en se pliant, bon gré mal gré, aux normes institutionnelles, "faire ce qu'il ne veut pas faire, être ce qu'il ne veut pas être".

Deux témoignages d'anthropologues poursuivent le même cheminement : celui de Diane Berthelette, basé sur son expérience à l'Institut de recherche sur la santé et la sécurité au travail, dans lequel il est visible que la définition de ce qui est "santé”, et "travail", ne s'appuie pas toujours sur les mêmes critères ou ne réfère pas nécessairement aux mêmes réalités ! Ou encore : toute action sociale place très rapidement l'anthropologue face à une série de dilemmes qui l'obligent à reconnaître la non-neutralité de son activité ; bon gré, mal gré, il lui faut faire des choix théoriques, méthodologiques et normatifs (Lise Saint-Jean).

Cette section se termine par un texte qui présente un point de vue qu'il, nous est pas souvent donné d'entendre. Celui des enseignants en milieu collégial (Angers) ; sans prétendre à quelque responsabilité, illustre à sa manière des traits plus que pertinents : l'enseignement de la sociologie en milieu collégial doit tenir compte d'un public hétérogène puisqu'il ne s'agit pas de futurs chercheurs, ou technocrates, mais de futurs policiers, infirmiers et psychologues. Comment donc enseigner la sociologie dans un tel contexte ?

À tous les textes, nous avons jugé bon d'ajouter le témoignage de deux étudiants du premier cycle en sociologie dans une région dite "périphérique". S'il n'est pas aisé de pratiquer le métier de sociologue ou d'anthropologue, la pratique du métier "d'étudiant" en sociologie soulève elle aussi de nombreux défis, dont les moindres ne sont pas le développement d'une pensée critique autonome, les [6] perspectives d'emploi peu réjouissantes, sinon la marginalisation (Collin-Dionne).

Ce que tentent d'étudier la sociologie et l'anthropologie ne leur échappe pas en partie uniquement en vertu de l'axiome bien connu selon lequel le chercheur, l'enseignant, l'étudiant font eux-mêmes partis de leur champ d'observation. Il y a aussi l'objectivité de la vie sociale elle-même dans des contrastes de déterminilisation, conjoncturelles, contradictions : la paille de la distance critique peut masquer la poutre de la vie quotidienne des sociologues et des anthropologues, voir les moeurs de l'académisme.

Sans prétendre toucher à tous les aspects de l'actuel métier, cet ouvrage peut servir d'aide-mémoire sur vos vie, sur vos réflexions en profondeur du devenir de la sociologie et de l'anthropologie au Québec au plan de la pratique et des conditions existantes.

Gilles Pronovost


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 20 mars 2020 8:06
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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