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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Actes du colloque de l'ACSALF 1984,
LE CONTRÔLE SOCIAL EN PIÈCES DÉTACHÉES, (1985)
Présentation


Une édition électronique réalisée à partir des Actes du colloque de l'ACSALF 1984, LE CONTRÔLE SOCIAL EN PIÈCES DÉTACHÉES, tenu en mai 1984 à l'Université Laval dans le cadre du 52e congrès de l'ACFAS. Colloque de l'ACSALF sous la direction de Claude Bariteau, Michel de Sève, Danielle Laberge et André Turmel. Montréal: ACSALF, 1985, 263 pp. in Cahiers de l'ACFAS, 1985, no 30. Une édition numérique réalisée avec le concours de Réjeanne Toussaint, bénévole, Chomedey, Ville Laval, Québec. [Autorisation accordée par l'ACSALF le 20 août 2018 de diffuser tous les actes de colloque de l'ACSALF en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales.]

[1]

Le contrôle social en pièces détachées.

Actes du colloque annuel de l’ACSALF 1984.

Présentation

André TURMEL

pour le Comité de rédaction

[2]

[3]

La crise dans laquelle la société québécoise est plongée depuis déjà quelques années n'a sans doute pas fini d'ébranler certains des acquis des 25 dernières années. De précédents colloques de l'ACSALF ont été consacrés à cette remise en question et ont montré que ces acquis se sont réduits comme une peau de chagrin. Il y a eu fracture du social. Quelque chose s'est cassée au cours des dernières années. On saisit encore confusément parfois que le social a été irrémédiablement marqué. Les phénomènes sociaux commencent déjà à se manifester sous d'autres formes que celles que l'on avait connues ; leur rythme de développement est également affecté.

Osons une hypothèse, heuristique il va sans dire : ce qui s'est cassé au tournant des années '80, c'est l'idée que le social peut croître de façon continue, constante, linéaire. Avec cette cassure, l'économique a pris le dessus. Sont apparus alors -ou faut-il dire ont ressurgi- des impératifs et des contraintes sociales qu'on croyait disparus, des contextes sociaux qu'on pensait dépassés et ensevelis depuis un bon moment déjà. Dans cette perspective, la question du contrôle social émerge de l’ombre où l'avaient reléguée les développements, les tendances et les conjonctures des 25 dernières années dans les disciplines sociologiques et anthropologiques. Il n'est donc pas surprenant que le phénomène du contrôle social nouvellement étudié le soit de façon éclatée. Néanmoins, ce qui fait retour actuellement sous la catégorie du contrôle social constitue à juste titre un rappel du caractère fondamentalement historique du social : les mécanismes de contrôle ne disparaissent jamais tout à fait du social ; ils sont altérés, ils se modifient, ils se transforment puis ressurgissent sous d'autres formes, parfois inédites.

Au chapitre du traitement analytique de la question du contrôle social dans l'ensemble des textes qui sont présentés ici, deux aspects méritent d'être signalés. Dans un premier temps, l'attention se porte sur le cadre définitionnel à partir duquel le concept de contrôle social est saisi, puis opérationnalisé. Une première opposition apparaît alors qui départage assez nettement les textes entre une définition large du contrôle et une définition plus étroite. Dans le cadre d'une définition large (par exemple, impositions, contraintes, l'ensemble des interactions agents-société, sanctions), le contrôle, c'est le social. Par contre, dès lors qu'on passe à une définition plus étroite (par exemple, le contrôle est implicite, diffus, de l'ordre de la [4] manipulation), le contrôle marque le social mais n'est pas le social en tant que tel. Ce qui clive ces deux cadres de définition renvoie en fait à la différence entre une conception déterministe du contrôle -la première définition- et une conception du contrôle en terme de détermination. Dans le cadre du déterminisme, nous nous trouvons dans le domaine de la reproduction au sens strict. Dans le cadre de la détermination, c'est le domaine de la reproduction élargie qui prévaut : le contrôle est marqueur du social et freine en conséquence le processus de sa transformation.

Dans un deuxième temps, l'attention se déplace vers le cadre opératoire du concept de contrôle social. D'une façon générale, on peut dire qu'il s'agit là de la mise en espace-temps du contrôle. Là également, une opposition se fait jour entre une conception spatiale et une conception temporelle du contrôle. La conception spatiale du contrôle social s'allie à une méthodologie du regard. Elle cherche à visualiser le phénomène du contrôle, à disposer sur une surface plane son développement, en montrant quels espaces et quels lieux il occupe, comment le contrôle se déplace d'un point à l'autre dans l'espace social, comment enfin il participe d'une hiérarchisation de l'espace, le plus souvent selon l'image d'une l'échelle. La conception temporelle du contrôle social relève d'un modèle du social à temporalités différenciées, mais également pluridimensionnel, articulant une multiplicité de temporalités matérielles. Dans cette perspective, le contrôle est une action sur le social soumise à l'ordre du temps : mouvement, durée, rythme, vitesse... Les nouvelles formes de contrôle social sont donc relatives à des déplacements dans l'ordre de succession des temporalités sociales alors que, dans la conception spatiale, elles relèvent d'une logique de position. Tels sont les deux axes qui apparaissent départager les réflexions engagées dans ce colloque sur des facettes du contrôle social d'aujourd'hui.

Afin de mettre en valeur la spécificité des textes colligés dans ce recueil, le comité de rédaction les a regroupés en quatre sections : problématiques, études de cas, méthodologies, notes de recherche. Ce faisant, il n'a pas tenté de respecter à la lettre les thèmes du colloque et l'organisation de ses ateliers. Des contraintes de divers ordres l'ont conduits à adopter une logique de présentation dite d'approche, nettement préférable à une logique thématique.

[5]

C'est ainsi que des textes traitant du contrôle social en terme de problématique ont permis de constituer une première section. Josiane Ayoub y aborde la question du contrôle social par le biais de l'activité de représentation idéologique et de son efficace sur le réel social ; elle réfléchit en fait sur les déterminants idéologiques du discours sociologique sur les contrôles. Pierre Landreville, quant a lui, lie contrôle social et système pénal ; plus précisément, il analyse les transformations dans l'économie des peines et le recours au système pénal en vue d'une application du contrôle social. Ce sont les technologies informatiques que Céline Saint-Pierre entreprend de scruter mais sous l'angle particulier de la disciplinarisation du travail ; à cet égard, l'organisation du procès de travail n'échappe pas aux changements générés par la mise en place de l'informatique. C'est du côté du féminisme que la réflexion sur le contrôle social se poursuit avec Carolle Simard ; une double interrogation sur les rapports entre féminisme et social en amène une troisième - qu'en est-il du féminisme quand l'institutionnalisation se fait jour ? Marie-Blanche Tahon intervient finalement sur le féminisme et le patriarcat : le discours féministe sur le patriarcat construirait les féministes non pas comme femmes, mais comme filles.

Une deuxième série de textes porte sur des études de cas présentant des manifestations de contrôle social. Pierrette Deslandes y parle des rapports entre ivresse au volant et contrôle social : comment la conduite en état d'ivresse est-elle définie et gérée, notamment par les appareils de l'État ? Les deux communications suivantes traitent des Amérindiens. Richard Dominique soulève la question des territoires de chasse des Amérindiens et du contrôle plus général du territoire comme enjeu politique tandis que Jacques Frenette analyse la façon dont l'implantation de services sociaux chez les autochtones devient rapidement une nouvelle forme de contrôle social. Pierre Hamel, de son côté, nous entretient du contrôle fiscal, notamment des relais que l'État met en place qui le rendent à la fois plus efficace et moins visiblement inquisiteur : l'exemple de l'imposition des travailleurs à pourboire sert d'illustration. Enfin, Ruth Rochette parle des perceptions et des attentes des différents groupes d'employés dans une entreprise à structures participatives comme supports et rejets de la manifestation des contrôles nouveaux qui s'y implantent.

[6]

Un troisième groupe de textes concerne des questions de méthodologie. Au sujet des formes sociales de la pratique artistique, Léon Bernier et Isabelle Perrault ont cherché à construire leur compréhension de l'univers artistique à partir des catégories de pensée des artistes eux-mêmes, de "leur" contrôle de l'art. Paul Grell présente une démarche d'analyse des récits de vie de jeunes chômeurs par le recours notamment à une procédure de réécriture canonique des textes qui vient alimenter la réflexion de l'analyste. Denise Pérusse et André Turmel situent leur démarche méthodologique dans le cadre de l'analyse plurielle et indiquent en quoi la métaphore renvoie à des conceptions du social et possède de ce fait un caractère heuristique d'exploration qui s'attache à concrétiser le travail fabricateur du langage réflexif.

La quatrième et dernière série de textes regroupe des notes de recherche. André Billette et Jacques Piché reprennent la question de l'informatique et de l'organisation du travail. Nanouk Daudelin réfléchit sur le contexte historique et social des garderies. Gabriel Dussault, pour sa part, présente un état de la question sur le français, langue de travail en entreprise. Anne Hébert se penche sur la réinsertion sur le marché du travail des personnes ayant séjourné en milieu psychiatrique. Marie-Blanche Tahon traite de la prolétarisation féminine de la main-d'oeuvre immigrante tandis que Marie Taillon et Simon Tremblay analysent la déqualification des employés des grands magasins dans le cas de la chaîne Paquet-Le Syndicat.

En terminant, nous ne saurions passer sous silence l'exceptionnel travail de composition et de dactylographie du manuscrit réalisé par Mme Jacqueline Pouliot. Sa rapidité d'exécution a d'ailleurs permis la publication de ces actes aux dates prévues. Nous l'en remercions tous.

André Turmel
pour le Comité de rédaction


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 17 avril 2020 9:02
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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