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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

La dépression d’Ovide (1976)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Philippe Carrer, La dépression d’Ovide. Primart R.C., Paris, 1976, 95 pp.. [Autorisation accordée par Mme Ghislaine Carrer, ayant droit de l'oeuvre de son défun époux, le Dr Philippe Carrer, accordée le 21 novembre 2023 de diffuser l'ensemble de ses publications dans Les Classiques des sciences sociales.]

[9]

La dépression d’Ovide

Introduction

À l'époque de la naissance d'Ovide, voici déjà un siècle et demi que la République romaine s’est assurée l’hégémonie en Méditerranée, mais sa politique impérialiste de grandes conquêtes a provoqué une rupture de l’équilibre social en Italie même. Les institutions traditionnelles de la cité ne sont plus en mesure de faire face aux problèmes posés, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, par la possession de territoires aussi considérables. De 133 à 121 avant J.-C., les frères Tibérius et Caïus Gracchus s'opposent à l’oligarchie au pouvoir et paient finalement de leur vie leur tentative de réformes profondes. Dès lors, s’instaure le désordre économique et social qui entraîne le pays vers les guerres civiles. Parmi celles-ci, la terrible « guerre sociale » permet à tous les Italiens de recevoir le titre et les droits de citoyens romains. Puis, c’est en 82 avant J.-C. la dictature de Sylla qui abdique trois ans plus tard. L’armée, désormais armée de métier, où les soldats ne connaissent que les ordres de leurs généraux, est devenue une puissance politique redoutable. Les années qui suivent voient la lente agonie du régime républicain, émaillées qu’elles sont de guerres à l'extérieur et de révoltes à l'intérieur, avec la célèbre guerre contre Spartacus et ses esclaves révoltés en 73 avant J.-C. C’est aussi l'époque des scandales financiers qui illustrent la corruption des mœurs politiques. Tandis que Cicéron, le grand orateur, l’intellectuel exceptionnellement doué, le moraliste politique, incarne les contradictions de la République, et, en homme d’Etat courageux, tente de sauver les meubles, César, homme de guerre et chef du parti populaire, prépare la prise du pouvoir et, les Gaules conquises (52 avant J.-C.), franchit le Rubicon (50 avant J.-C.).

Après quatre ans de guerre civile, César est victorieux, à Pharsale, de Pompée, le général républicain, et devient, les années suivantes, le maître sans partage de Rome et de son empire. Son œuvre aboutit à la transformation de la vieille cité romaine en un Etat à vocation mondiale. Il veut la couronner par le rétablissement d’un pouvoir monarchique, ce qui provoque un sursaut républicain. À

[10]



L’EMPIRE ROMAIN SOUS AUGUSTE

« Et maintenant aussi on dit qu’une ville, Rome,
fondée par les descendants de Dardanus, s’élève, et,
dans le proche voisinage des eaux du Tibre,
descendu de l’Apennin,
jette les fondements d’un empire reposant
sur d’indestructibles bases. »
Ovide : « Les Métamorphoses »

Un impérialisme antique qui nous concerne encore.


[11]

la suite d'une conjuration. César est assassiné en mars 44 avant J.-C.

Mais la République est moribonde. Le meurtre de César réveillera la guerre civile, qui durera encore treize ans, jusqu’à ce qu'Octave, petit-neveu et fils adoptif de César, qui se partage d’abord le monde romain avec Antoine, principal lieutenant de César, et amant fastueux de Cléopâtre, reine d’Egypte — à Antoine l’Orient, à Octave l’Occident — écrase finalement son rival à Actium (31 avant J.-C.). Désormais, plus rien ne s’oppose au pouvoir absolu d’Octave qui devient Imperator Augustus, en 27 avant J.-C. Ainsi s’installe le nouveau maître.

Ovide est un adolescent et sa vie presque entière se déroulera sous le règne exceptionnellement long d’Auguste, qui ne prendra fin qu’en 14 après J.-C., l’empereur ayant atteint l'âge de soixante-seize ans.

L’œuvre d'Auguste fut considérable. Ce prince fut incontestablement un grand homme d'Etat. Cet homme complexe, enclin à la débauche, acquit une exceptionnelle maîtrise de soi, et s’astreignit à une sévère discipline physique et intellectuelle, sinon morale. Il prit conscience qu’il représentait, aux yeux du peuple romain, le courage viril, la clémence, la justice, la piété et, dès lors, il s'efforça, non sans succès mais aussi non sans propagande, de se présenter à l’Empire comme l’incarnation de ces vertus, sans être dupe du rôle, écrasant parfois, qu’il jouait.

Il vivait de façon bourgeoise plutôt que princière, mais la quasi divinisation dont il fut l’objet l’isolait non seulement du peuple, mais aussi de sa famille et de ses amis. Il souffrait de sa solitude sans pouvoir y porter remède, et des drames familiaux vinrent assombrir sa vieillesse. Maître absolu de l’Empire, il respecta les formes légales, et sans agir comme un tyran qui s’empare du pouvoir pour assouvir sa seule volonté de puissance, il mit son intelligence et son énergie au service d'une cause qui le dépassait. La jeunesse, tentée pendant les guerres civiles par l’individualisme anarchique, retrouva avec le peuple romain tout entier les chemins de la discipline et du travail, et mit son élan au service de l’idéal civique que lui proposait le vainqueur.

Ce fut une ère de réformes administratives, financières, judiciaires, religieuses, sociales, morales. Après des années de guerre civile, le redressement fut général. L’empire connut la paix intérieure et à un moindre degré, du fait de difficultés en Germanie, la paix extérieure. La vie intellectuelle et artistique connut une efflorescence remarquable (encore faut-il noter le déclin de l’esprit scientifique). Pourtant, les campagnes furent sacrifiées au profit du développement urbain, souvent somptuaire, et malgré le niveau technique élevé de la civilisation romaine, la production agricole et de matières premières resta médiocre.

[12]

Mais à quel prix fut obtenu ce rétablissement de l’ordre et de la paix ? « Toutes les libertés ensemble avaient succombé sous la main de fer gantée de velours d’un totalitarisme hypocrite. Non seulement la liberté politique incompatible avec la conjonction chez un seul homme de l’Impérium des proconsuls et de la potestas des Tribuns, mais la liberté individuelle atteinte dans l’existence de chacun et jusqu’au fond des âmes [1]. »

Loi somptuaire, loi sur l’adultère, loi sur les mariages, frappant surtout, il est vrai, les classes dirigeantes, l’atmosphère s’alourdit à la fin du règne. « Personne à Rome ne pouvait plus vivre à sa guise et ce qui est plus grave, n’avait plus le droit d’exprimer sa pensée et ouvertement de penser autrement que l'Empereur... [2] » Les livres qui dévient de la ligne officielle sont exclus des bibliothèques publiques et parfois condamnés au bûcher. « Pis encore, dirigés de force vers la pratique de la religion traditionnelle, les esprits indépendants, dans une atmosphère qui ressemble à celle qui étouffait le Versailles de la Maintenon, se sentaient asphyxiés par le conformisme de bigoterie auquel il fallait se soumettre si on ne voulait être démis.[3] »

Les critiques venaient surtout de l’aristocratie, pourtant favorisée et qui se détourna du prince au cours du règne. La nouvelle bourgeoisie, en plein essor, apporta un soutien sans réserve au régime. Quant au peuple, le pain, les jeux et les anciennes croyances religieuses suffisaient apparemment à son bonheur. L’opposition démocratique, c’est avec le christianisme qu'elle naîtra.

En fin de compte, quel que soit le bilan qu’on veuille dresser du règne, un fait reste acquis : Auguste marqua son époque du sceau de son génie politique et on dit le siècle d’Auguste comme on dit le siècle de Périclès ou le siècle de Louis XIV [4].

Après l’histoire, voyons la géographie.

Quelles sont les limites de l’Empire romain au siècle d’Auguste et d’Ovide ?

II faudra encore un siècle pour que sous Trajan, l’Empire atteigne sa plus grande extension territoriale, mais déjà sous Auguste, la conquête est presque achevée, l’Empire s’étend sur tout le pourtour de la Méditerranée. Au nord et au nord-ouest, l’empire est bordé par le littoral atlantique, depuis le détroit de Gibraltar (les Colonnes d'Hercule) jusqu'à l’embouchure de l’Escaut et du Rhin. Au nord, ce sont les cours du Rhin et du Danube qui ferment la frontière jusqu’à la mer Noire, contrôlée par les Romains qui occupent les anciens comptoirs grecs, parmi lesquels le port de Tomis où sera relégué Ovide.

À l’est, l’Arménie est l’enjeu d'une âpre lutte entre les Parthes et les Romains.

[13]

Au sud-est, la frontière est marquée par le coude de l'Euphrate et plus bas, par le désert d’Arabie.

Au sud enfin, on trouve tout le littoral africain de l’Egypte, jusqu'au Maroc.

Au niveau du Danube, Rome trouve en face d'elle de multiples peuples parmi lesquels les Daces de Transylvanie, ou Gètes, auxquels viennent se joindre à l’aube de l'ère chrétienne de nouveaux peuples venus de l'est : les Sarmates, cavaliers et archers redoutables, peut-être d’origine iranienne, qui venant d’Ukraine, s'installent en Hongrie, sur les bords de la Theiss. Ces hordes en mouvement tiennent les Romains en alerte par des incursions brusques mais sans suite. C’est au contact de ces Daces et de ces Sarmates, peuples barbares aux yeux des Romains, qu’Ovide se trouvera lors de son exil, sur les bords de la mer Noire, près des bouches du Danube.

Pour mieux comprendre les sentiments d’Ovide en exil à Tomis, il paraît indispensable d’avoir une idée, même sommaire, du cadre habituel dans lequel il vivait précédemment. Ce cadre éblouissant, c’est Rome [5].

Les Romains l’appellent Urbs, c’est-à-dire la Ville, cité considérable en effet par l’étendue et la population, capitale d'Empire, vaste ensemble où se dresse une profusion de monuments superbes. C’est à Rome que se traitent les grandes affaires commerciales, que se plaident les grands procès, par les avocats les plus éloquents, que l'on trouve les meilleurs médecins, souvent grecs ou égyptiens, que les toilettes féminines, soumises à la tyrannie de la mode, sont les plus élégantes, que se déroulent les innombrables festivités populaires.

C’est à Rome qu’il est possible de s’initier aux doctrines philosophiques et aux religions orientales à mystères, de se tenir au courant de l’actualité politique, littéraire, théâtrale, artistique ; c’est à Rome enfin qu’affluent par voie maritime jusqu’à Ostie, puis par voie fluviale sur le Tibre, les richesses inépuisables, non seulement de l’Empire, mais de la terre entière : les marbres colorés d’Asie mineure, les bois précieux de l’Atlas, les laines d’Espagne, la toile fine d’Alexandrie, les soieries chinoises, les perles de la mer Rouge, les diamants de Bactriane, etc...

Rome, la ville aux sept collines, est en pleine expansion vers la fin du 1er siècle avant J.-C. Sa population, qui a presque doublé en cinquante ans, approche du million d’habitants. Les importants faubourgs sont annexés à la ville, de nouveaux quartiers sont édifiés, partout ce sont des chantiers de construction ; on bâtit des monuments, de belles demeures aristocratiques ou des immeubles de location à plusieurs étages. Les services municipaux sont réorganisés. Rudimentaires sous la République, les grands services publics : police, vivres, incendies, eaux, édifices publics, Tibre et [14] égouts, deviennent d’importants organismes bien étoffés en personnel qualifié. Le service des eaux est remarquable, la lutte contre les incendies est bien organisée.

Les limites de cette étude ne nous permettent pas de faire une promenade détaillée dans la Rome d’Auguste. Signalons d’abord le Palatin, cette petite colline boisée où se trouve la maison impériale, la Domus Augustana. Ce n’est pas un palais, loin de là, mais une maison assez modeste pour un Empereur romain, et qui révèle les goûts sobres et peu dispendieux de son propriétaire.

Non loin de là, on trouve le temple d’Apollon Palatin où le Sénat tient maintenant ses réunions. Les chefs-d’œuvre de la statuaire grecque qu’il contient en font un véritable musée.

Plus loin, se trouvent les temples de Jupiter Vainqueur, et celui de la Magna Mater, le plus richement décoré des monuments de Rome. Il y a aussi le Forum, qui depuis la fin de la République et des joutes politiques, a perdu de son animation. On peut y voir des dizaines de monuments parfaitement entretenus, parmi lesquels le Couvent des Vestales, de proportions immenses, les Temples de Castor, de César, de Saturne, la basilique Julia, qui est à la fois un palais de justice, une banque et une bourse de commerce.

La foule colorée, où se côtoient toutes les races, tous les types humains, où s'entendent toutes les langues, flâne en admirant les boutiques précieuses des parfumeurs, des orfèvres, des marchands de frivolités. On achète des fruits, ou des épices, chez les célèbres marchands de la Via Sacra.

Le Forum se trouve dans une plaine qui sépare les collines du Palatin et du Capitole, près duquel est située la résidence d’Ovide.

Le Capitole, où le promeneur est accueilli par le portique des douze dieux et leurs statues dorées, est une ancienne citadelle où se trouvent des sanctuaires parmi lesquels le temple le plus important de Rome, temple de la Triade capitoline voué à Jupiter, Junon et Minerve. Comme les grandes églises italiennes actuelles, c’est aussi un musée où l’on peut admirer des tableaux célèbres de maîtres grecs, une collection de pierres précieuses et le plus grand bloc de cristal du monde.

Il y a aussi les beaux quartiers, comme le Champ de Mars, qui a cessé d'être un champ d’exercices et de parades militaires, pour devenir un magnifique parc où la verdure et les ombrages s'étendent à profusion. D’une hauteur voisine, on domine l’ensemble, et c’est un enchantement : le décor est si attrayant avec ses grandes avenues, ses théâtres de plein air, ses monuments modernes, comme le Panthéon, ses gazons bien entretenus et ses terrains de sport où toute une jeunesse s’exerce, à la paume, au disque, à la palestre.

Les riches romains se ruinent à faire construire de somptueux palais ou des hôtels particuliers tant sont coûteux les terrains, les [15] architectes, les entrepreneurs, les matériaux rares. Le plus grand nombre habite des immeubles à plusieurs étages, immeubles bourgeois aux loyers chers et surtout immeubles populaires sans confort, toujours menacés d’écroulement ou d’incendie.

Il faut aussi parler des Thermes, ou bains publics, qui existaient par centaines à Rome, et où les Romains passaient une grande partie de leurs loisirs qui n’étaient pas minces, puisque l'année comptait cent quatre-vingt-deux jours fériés. Les plus beaux sont les Thermes d’Agrippa, situés sur le Champ de Mars, véritables palais. « Vous y avez le choix entre les piscines publiques où l’on peut nager et les baignoires particulières, entre l’étuve, le bain chaud, le bain tiède, le bain froid. Après les bains, les salles de massage et les salles de gymnastique seront mises à votre disposition, à moins que vous ne préfériez simplement aller flâner devant les boutiques installées sous les portiques ou consulter un livre nouveau à la bibliothèque, dépendant de l’établissement. [6] »

Evoquer la Rome antique, c'est penser aussi à sa vie économique intense et aux transactions commerciales qui rendent nécessaire l’existence de nombreux établissements bancaires où toutes sortes d’opérations peuvent être réalisées : dépôts de fonds, change, paiements de lettres de crédit, virements vers les villes de l’Empire les plus éloignées, prêts à intérêts. Les clients reçoivent régulièrement des relevés de compte et il est possible de payer ses dépenses par chèques.

Il existe aussi une poste impériale, réservée au courrier officiel. Ceux qui ne possèdent pas de messager personnel doivent confier leurs lettres soit à des commissionnaires, pour Rome et ses environs, soit à des compagnies privées. L’acheminement est sûr, mais lent.

Il faut mentionner les bibliothèques publiques, qui sont de fondation récente, et ne sont pas plus de trois à Rome. On y trouve la plupart des ouvrages grecs et latins. Il existe aussi d'importantes bibliothèques privées. Enfin, on peut également trouver des livres chez les bouquinistes.

Il est possible d’acheter des livres qui sont des rouleaux manuscrits, à des prix relativement abordables. En effet, il existe des maisons d’édition qui emploient des centaines de copistes écrivant sous la même dictée, d’où la possibilité de tirages rapides à plusieurs milliers d’exemplaires.

L’homme du peuple apprend les nouvelles par la rumeur publique. Les classes dirigeantes, pour plus de précision, sauf en ce qui concerne les informations politiques dûment censurées, se procurent les Acta Diurna, journal quotidien où l’on trouve les informations générales provenant de tout l’Empire, les nouvelles de la Cour impériale et ce qu’on appelle maintenant les faits divers et le carnet mondain.

[16]

Quant aux affiches, elles existent déjà, en grand nombre, placardées sur les colonnes et les socles des statues et annonçant les programmes des théâtres, les jeux du cirque et de l'amphithéâtre. Ces spectacles sont précisément ceux qui obtiennent le plus les faveurs du public. Les trois théâtres de Rome se trouvent sur le Champ de Mars : le théâtre de Pompée, avec ses vingt mille places, ceux de Cornélius Balbus et de Marcellus. Les places y sont gratuites et toutes les classes s’y rendent. L’atmosphère est bruyante. Les programmes manquent d’imagination, le répertoire des pièces n’est guère renouvelé. Celles-ci laissent souvent la place à des bouffonneries, des pantomimes plus ou moins obscènes. Les intellectuels, comme Ovide, n’y trouvent guère leur pâture, si le peuple par contre y applaudit fort. Quand le soleil est trop ardent, ou si la pluie menace, on dresse une immense toile au-dessus des gradins, car le spectacle est en plein air.

Le grand cirque, long de six cents mètres, large de cent vingt-quatre, situé entre le Palatin et l’Aventin, peut recevoir cent cinquante mille spectateurs. Des courses de chars attelés de deux à six chevaux s’y déroulent à un rythme rapide, parfois jusqu’à trente par jour. Des sommes considérables sont engagées par les parieurs. On vend le programme des courses.

Mais la plèbe s’intéresse autant, sinon davantage, aux sanglants combats de gladiateurs qui ont lieu à l’Amphithéâtre, également sur le Champ de Mars. La foule cruelle aime voir le sang couler et fait rarement grâce aux combattants vaincus. En effet, le président des jeux, imploré par le gladiateur blessé ou poltron, se tourne vers la foule dont les réactions guident sa décision. Malheur à celui qui a mal combattu, son adversaire reçoit vite le droit de l’achever. D’autres fois, ce sont des combats de fauves qui s’entretuent ou luttent contre des bestiaires. Rome est riche de superbes ménageries dont les bêtes ont été amenées d’Afrique du Nord ou d’Egypte. On sait le développement extraordinaire que prendront sous d’autres Empereurs les « jeux » de l’Amphithéâtre, qui se transformeront en véritables carnages et en atroces boucheries quand apparaîtront les exécutions en masse de condamnés livrés aux bêtes. Mais à l’époque d’Ovide, on n’en est pas encore là.

La jeunesse d'Ovide s’est déroulée pendant la période des guerres civiles qui ensanglantèrent Rome et son Empire, au début de la seconde moitié du premier siècle avant J.-C. Il avait treize ans au moment de la bataille d’Actium, qui marqua la fin de ces guerres et seize ans quand Octave, vainqueur, se fit décerner le pouvoir suprême et reçut le nom d’Auguste. Désormais, son existence s'écoula sous le long règne de cet empereur. Exilé, il ne lui restait plus que trois ans à vivre quand Tibère succéda à Auguste.

Ovide a donc vécu à une époque clef de l'Histoire de Rome, celle où la République exténuée laissa définitivement place à l’Empire.

[17]

[18]



PAYSAGE DES ABRUZZES
(Province d’Aquila)

« Me voici à Sulmone,
troisième partie du territoire pélignien,
pays modeste mais que rendent salubre
les eaux qui l’arrosent. »
Ovide : « Les Amours »

Le pays natal.




[1] Rencontres de l’histoire et de la littérature romaines par Jérôme Carcopino. p. 81.

[2] Ibid. p. 82.

[3] Ibid. p. 82.

[4] Cf. Auguste et Néron par Gilbert Charles Picard et le siècle d’Auguste par Pierre Grimai. P.U.F. Auguste ne créa pas la dignité d’empereur et ne porta jamais ce titre. Impérator signifiait à cette époque commandant en chef. On l’appelait aussi princeps, c’est-à-dire, à partir d’Auguste : le prince (auparavant : le premier). Plus prudent que César dont l’exemple l’avait instruit, il procéda de façon plus discrète, en cumulant les principales magistratures, ce qui lui permit de réunir progressivement entre ses mains tous les pouvoirs. Augustus signifiait saint.

[5] Cf. l’intéressant ouvrage de Michel Mourre auquel cette introduction doit l’essentiel : le Monde à la naissance du Christ. Hachette et la vie quotidienne à Rome par Jérôme Carcopino.

[6] Le Monde à la naissance du Christ par Michel Mourre. p. 199.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 16 décembre 2023 8:40
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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