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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Révolutions et contre(-)pouvoirs: Réflexions sur l'agis politique en des temps incertains. (2017)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre sous la direction de Benoît Coutu, Révolutions et contre(-)pouvoirs: Réflexions sur l'agis politique en des temps incertains. Montréal: Les Éditions libres du Carré rouge, 2017, 363 pp. [M. Benoit Coutu nous a autorisé le 16 avril 2020 la diffusion en libre accès à tous dans les Classiques des sciences sociales de cette publication.]

[1]

Révolutions et contre(-)pouvoirs :
Réflexions sur l’agir politique en des temps incertains.

Préface

Bilan de campagne
suivi de
Révolution : borne, chemin et pli de la sociologie

Par Benoît Coutu *


Ce qui vient au monde pour ne rien troubler
ne mérite ni égards ni patience
René Char, Fureur et mystère – Feuillets d’Hypnos
(1943-1944)

Bilan de campagne

Ce livre est le septième et dernier ouvrage qui sera publié aux éditions libres du Carré rouge de Montréal. Il clôt une décennie d’activités, de colloques, de conférences, d’échanges et de discussions, que ce soit à l’UQAM, au mythique Archie[1] » et ailleurs, et ce, à l’intérieur d’une [2] période bornée par deux grèves étudiantes majeures pour l’histoire du mouvement étudiant québécois. Car, en effet, les éditions libres du Carré rouge sont nées d’une grève étudiante qui ébranla la société québécoise pendant les mois d’hiver et de printemps 2005, et, nous pourrions ainsi dire, elles prennent fin dans les années suivant la grève étudiante de 2012, le surnommé « printemps érable » québécois. Entre ces deux repères, un continuum : après avoir inauguré cette aventure avec la publication d’une première plaquette d’une centaine de pages sur La grève étudiante du printemps 2005 (2006), nous la concluons en 2016 avec un ouvrage ayant pour thème les révolutions.

Les ouvrages publiés au fil des années sont le fruit de rencontres entre enseignant.e.s et étudiant.e.s universitaires. La philosophie structurante de l’ensemble du projet s’inscrit dans la lignée des théories sociales critiques de la société contemporaine. À l’origine, notre volonté était de favoriser la publication de réflexions originales qui ne seraient diffusées par les canaux traditionnels, et par le fait même d’aider les étudiant.e.s des études avancées à faire connaître leurs travaux de mémoire et de thèse, en créant pour ce faire un [3] espace formel qui leur offrirait plus de liberté afin de faire entendre leur parole. D’un autre côté, face à une époque caractérisée par la tendance à la réduction des concepts à leur seule utilité opérationnelle, nous tenions à réaffirmer la place centrale qui revient de droit aux théories dites « générales », et qui plus est aux théories critiques (dans un sens large) au sein des sciences sociales. Sans nier l’importance de la pratique ou du « discours des gens » pour la compréhension du monde dans lequel nous vivons, hélas, comme l’a remarqué Jean-Marie Fecteau, « […] trop souvent, la perspective qui privilégie le point de vue de l’« acteur » sur le système glisse dans l’empirisme le plus étroit[2] ». Et dans ce sens, on nous a reproché plus d’une fois de faire « dans la théorie ». Nous assumons et faisons nôtre les mots qu’Adorno écrivait à ce sujet en 1969 : 

[…] dans cette querelle il ne s’agit pas de l’alternative : recherche empirique ou non, mais de son interprétation […] ; Il est néanmoins devenu évident que les enquêtes qui ne sont pas orientées par des idées n’apportent rien. […] là où il n’y a pas de théorèmes, là où ils manquent, il ne se produit rien du tout[3]

À l’exception du livre sur la grève de 2005, tous les ouvrages publiés s’insèrent dans le cadre d’un cycle de six colloques interuniversitaires qui ont eu lieu à l’UQAM entre 2007 et 2013. Cette série de colloques émane d’une première rencontre informelle au département de sociologie de l’Université Laval de Québec, après la tenue d’un séminaire semestriel sur la sociologie dialectique de Michel Freitag. Devant l’intérêt affiché d’aller plus loin et de poursuivre la discussion, avec mon collègue et ami François L’italien, de [4] l’université Laval, nous avons décidé, l’année suivante, de réunir les deux départements de sociologie à l’UQAM pour un colloque sur les thèses véhiculées dans l’œuvre de cet auteur, mais cette fois-ci en l’organisant selon les règles de l’art. Intitulé « Réflexions sur la sociologie de Michel      Freitag », il avait pour objectif d’explorer les méandres des divers thèmes, thèses, enjeux, auteurs et concepts présents dans la sociologie de cet éminent penseur, qui a fait carrière au département de sociologie de l’UQAM et, je le rappelle, fut un ardent défenseur de la « cause étudiante »[4] – d’où la correspondance avec le carré rouge[5]. Parallèlement, ce colloque visait à permettre à une nouvelle génération d’étudiants et d’étudiantes ayant une position et une attitude plus distanciées envers les écrits de Freitag que les premières cohortes d’étudiant.e.s de sa carrière d’enseignant, celles de nos professeur.e.s, de s’exprimer en confrontant ou actualisant certains de ses postulats. Avec toute la générosité qui le caractérisait, Michel nous avait fait l’honneur d’être avec nous tout au long de la journée, commentant les conférences et débattant des critiques qui lui furent adressées, encourageant de lui-même ce qu’il nommait la disputatio autour de ses ouvrages. Les personnes présentes se souviendront que cette merveilleuse journée donna lieu à des débats forts pertinents (c’est un euphémisme) entre les participant.e.s et les nombreux membres de l’assistance. C’est ainsi dans la volonté de témoigner de la chaleur qui s’y dégagea alors, et il faut le [5] dire – sous l’insistance insistante de Michel ![6], que nous avons puisé l’énergie et l’ardeur pour réaliser l’ouvrage de référence qu’est La pensée enracinée. Essais sur la sociologie de Michel Freitag (2008).

Cette journée fut aussi celle qui détermina le format des rencontres qui se succèderont au fil des ans, c’est-à-dire de continuer avec la trame narrative et l’espace discursif que nous offrait la sociologie critique, et de poursuivre la collaboration entre étudiant.e.s et enseignant.e.s. C’est ainsi qu’après avoir convié à une première critique étudiante de la théorie sociologique générale de Michel Freitag, dont la présence se fera sentir par la suite dans tous les ouvrages que nous avons publiés, nous avons appelé à revisiter les tenants et les aboutissants des théories critiques, initiales et contemporaines. Avec Actualité de la théorie critique (2010), nous avons proposé une exploration collective des sociologies critiques en général et de la théorie critique de l’École de Francfort en particulier. À cette occasion, nous avons eu droit en conférence d’ouverture à une leçon magistrale de Dario De Facendis sur les préoccupations des fondateurs et piliers de ladite École que sont Horkheimer, Adorno et Marcuse, alors qu’ils observaient le « nazi-fascisme » se déployer brusquement en Europe, et plus précisément sur la relation étroite qu’ils apercevaient entre Raison et Mythe, dont la dialectique est traitée par Emmanuel Chaput dans ce présent ouvrage. Toutefois, l’École de Francfort ne résumant pas à elle seule le vaste champ que constituent les théories critiques, les participant.e.s de la journée nous ont ouvert sur une pluralité de perspectives critiques, élargissant ainsi le spectre de notre imaginaire en nous entretenant d’auteur.e.s [6] classiques et d’autres plus récents – de K. Marx à A. Honneth et J. Rancière, en passant par M. Mauss, R. Gérard, J.-P. Dupuis et S. Zizek, sans oublier Fernand Dumont, pour ne nommer que ceux-ci. Ensemble, nous avons alors parcouru, à l’image d’une école dont la philosophie sociale préconisait la pluridisciplinarité, les champs de l’esthétique, de la culture, de l’épistémologie, de l’économique, de la psychanalyse, du politique, jusqu’à inclure en annexe de l’ouvrage le résultat d’un travail d’enquête sur l’auditoire de la Radio-X de la région de la ville de Québec[7].

Les deux premières rencontres ayant eu une vocation nettement plus théorique, il allait de soi que nous devions continuer notre chemin en conviant les étudiant.e.s à un colloque sur les idéologies politiques, lequel dura deux jours et aboutit à un ouvrage dont nombre de textes, grâce aux médias sociaux, ont été diffusés, cités et discutés sur la place publique : Les deux faces de Janus. Réflexions sur le libéralisme et le socialisme (2011). La décision de se réunir pour une réflexion sur des enjeux aussi considérables que mobilisateurs était influencée par l’atmosphère sociopolitique du moment – il se tenu le lendemain de la fin de la grève des professeur.e.s de l’UQAM de 2009. Surtout, il fut fortement animé par les diverses interrogations et discussions qui accompagnèrent la parution d’ouvrages signés par le philosophe français Jean-Claude Michéa, aux propos cinglants, sinon incendiaires, envers la gauche socialiste (Française, avant tout) dans son articulation historique avec le libéralisme et son incapacité contemporaine à fournir une solution réelle, globale et viable au capitalisme avancé, preuve en est l’abysse politique de la France contemporaine. Cette journée fut ponctuée d’échanges de haute voltige, dont un débat, qui dura une bonne heure, sur le totalitarisme dans les anciennes républiques soviétiques de l’Europe de l’Est, entre la salle, un [7] ancien militant trotskiste et une brillante professeure bulgare invitée à notre département. Et quoi de mieux qu’une conférence de clôture sur le « nouvel esprit du socialisme », répliquant à une conférence d’ouverture sur « le nouvel esprit du capitalisme », pour conclure cet « ostie de bon colloque » (selon l’exclamation enthousiaste d’un conférencier enjoué) avec un autre débat pimenté, confirmant ainsi une fois de plus la raison sociale de cet espace de rencontre et de discussion que nous avons soutenu avec un effort obstiné pendant une décennie.

L’année suivante, nos collègues Caroline Joly et Philippe Lepage nous ont fait le plaisir d’organiser un colloque sur les enjeux entourant les technosciences, et dont une publication en fut tirée : La technoscience et ses enjeux. Les transformations théoriques et empiriques de la science et du risque (2012). Toujours dans une perspective critique, les différentes conférences nous ont donné l’occasion de réfléchir sur les multiples interactions entre sciences et technologies, entre autres sur les implications théoriques, épistémologiques et empiriques de la cybernétique, de la théorie des risques et du catastrophisme pour les sciences sociales, ainsi que sur les répercussions du progrès et de la modernisation sur nos relations sociales, la dimension symbolique du social, nos rapports avec le monde naturel (avec des présentations sur l’écologie et la biomasse forestière) et l’avenir des sociétés telles que nous les connaissons, ainsi que sur la nature de notre humanité – devenue post-humaine, trop post-humaine, pour paraphraser Nietzsche.

D’une façon complémentaire, cette perspective critique des technosciences se retrouva au cœur du colloque qui suivit, lequel porta sur la dualité fondamentale, sinon primordiale, qu’est La dualité entre la nature et la culture en sciences sociales (2014). Dans l’appel de communication, nous avions présenté cette dualité comme l’une des premières interrogations depuis que les individus réfléchissent aux forces qui meuvent le monde qui les entoure, à leur place et celle de leur société dans celui-ci, et se questionnent sur la condition humaine et les rapports sociaux qui leur sont inhérents. En effet, présente bien avant l’institutionnalisation des sciences [8] sociales et humaines, cette interrogation s’est déclinée à travers les siècles sous de multiples formes, questions, thèmes, thèses et enjeux, et est aujourd’hui réactualisée en raison de la crise écologique, des nanotechnologies, du post-humanisme, de la différenciation interne de la discipline sociologique, de la critique féministe des dualismes constitutifs de la pensée moderne, mais aussi en raison de la forte influence des théories économiques néoclassiques, de la sociobiologie ou de la psychologie comportementale sur nos représentations du monde et des évènements de notre vie quotidienne.

C’est ainsi que nous arrivons à ce présent ouvrage portant sur la révolution et le pouvoir. Fédérant la vaste majorité des sujets abordés auparavant, ces deux thèmes intrinsèquement liés s’imposèrent d’eux-mêmes, autant comme le fil d’arrivée au bout d’un sentier parcouru de longue haleine, comme tombée de rideau à la fin d’une représentation scénique, mais encore comme un « avertissement d’incendie » (W. Benjamin) placardé sur le mur fissuré et décrépit de cette nouvelle ère tumultueuse qu’entame notre commune humanité. Bien que les articles constituant le livre apparaîtront avant tout articulés autour de la confrontation entre révolution et contre-révolution, nous avions initialement la volonté d’organiser un colloque sur le pouvoir et ses avatars, tel que nous pouvons les comprendre, les appréhender, les interroger, les manipuler, voire les vivre en sciences sociales. Souvent délaissé ou simplement traité comme un lieu commun qui ne nécessite de s’y pencher outre mesure puisque tombé dans l’oubli de l’évidence ou dans le mépris de l’évitement, nous tenions à souligner que le pouvoir est et reste un concept fondamental en sociologie, et ce, sous de nombreuses déclinaisons possibles, que nous parlions d’autorité, de structure, d’« agentivité » (quel barbarisme !), de puissance, de domination, de contrôle, d’hégémonie, d’intervention, de force, de violence, de légitimation, de socialisation, de genre, de liberté, d’aliénation, de réification, de crise, de révolution, de contre-révolution, de lutte de classe, d’institution, d’organisation, d’éducation… Sans réduire ceux-ci à celui-là, il est un des fondements de la constitution de la société et du lien social, et donc un des [9] éléments les plus importants sur lequel se pencher, surtout en ces temps incertains de l’immunopolitique[8] où il semble disparaître derrière les oripeaux de systèmes technobureaucratiques de gouvernance managériale aux centres de décision opaques et aux frontières bien gardées, tel que Caroline Joly le présente dans ce livre. Par une ruse dont seule l’Histoire connaît les rouages, c’est alors que la réalité est venue nous rattraper avec le surgissement surprenant[9] d’évènements qui bouleversèrent l’histoire récente, dont les mouvements Occupy et des Indignados, les Révolutions arabes de 2011 et le mouvement social de 2012, notre « printemps érable » que nous avons tous et toutes vécu intensément, chacun à notre façon, toute tendance politique confondue, mais dont nous avons peine à nommer, voire à identifier, les conséquences pour la suite des choses. Et puisque leur présence dans l’actualité, sur le plan macrosociologique et global des relations nationales et internationales, correspond de très près à de profondes transformations de toutes les dimensions de nos vies, cette discussion sur la révolution et le pouvoir est donc une chute pertinente afin de conclure ce cycle de colloques et de publications.

Révolution : borne, chemin et pli de la sociologie

« La sociologie est fille de la modernité » a-t-on souvent dit, entendu ou enseigné, pour illustrer que son émergence, tant pré-institutionnelle et qu’institutionnelle, s’est principalement effectuée au cœur de périodes de transitions [10] sociétales et de transformations civilisationnelles majeures en Europe, dans les Amériques et ailleurs (Ibn Khaldun). Dans sa pratique, elle a tenté, au travers des différents modes de compréhension qu’elle a d’elle-même, d’interpréter les incidences des multiples « révolutions modernes » (philosophique, scientifique, économique, politique, artistique, etc.), à l’aide de distinctions entre « l’ancien » et le « nouveau », l’archaïque, traditionnel, le moderne et le postmoderne, lesquelles apparaissent comme autant de bornes jalonnant le chemin parcouru de cette jeune science de nos jours solidement établit quoiqu’encore contestée. De plus, qu’elle se veuille critique ou engagée sur des voies plus conservatrices ou technocratiques[10], à titre de science elle vit elle-même des révolutions, pour reprendre les mots de l’épistémologie kuhnienne. C’est ainsi que les révolutions, dans un sens large, sont autant de contextes d’émergence, de cadres et de conditions de possibilité de la théorie sociale en général, et de la sociologie en particulier, qu’elles en sont un objet – Tocqueville sur les révolutions française et étatsunienne, Weber et Sorokin sur les révolutions russes de 1905 et de 1917, Durkheim sur les principes de 1789, pour ne nommer que quelques auteurs classiques. Au fil du temps, cet objet d’études sera fragmenté en plusieurs champs spécialisés : sociologies des révolutions, du pouvoir, de la domination, des mouvements sociaux, des conflits ou des changements sociaux. Plus particulièrement, la sociologie des révolutions, à l’instar d’une bonne partie de l’ensemble de la sociologie, a évolué d’une lecture fondée sur la réflexion critique d’une histoire linéaire, universelle, abstraite du progrès et de l’émancipation héritée des lectures monocausales marxistes (économico-politique) et structuro-fonctionnalistes (stato-centrées), pour ensuite être envisagée par le biais de perspectives subjectiviste, actionnaliste, stratégique ou interactionniste, plus proches des agirs, des discours et des [11] affects des acteurs en situation. Enfin, plus qu’un objet, elle se présente aussi comme un éthos de la sociologie, c’est-à-dire une posture parmi un vaste répertoire que nombre de sociologues ont adoptée à titre d’intellectuel.le.s. Elle est un pli ancré dans la demeure de son âme, la surdéterminant à l’occasion, et dont il est difficile parfois de s’en débarrasser puisqu’il est le résultat de l’imprégnation du chercheur à son objet, les sociétés.

Penser les révolutions…

Les révolutions arabes, les mouvements sociaux occidentaux et latino-américains et les autres mouvements d’émancipation collectifs à petite, moyenne ou grande échelle, qui apparurent un peu partout sur la planète au courant de la décennie, nous obligent à continuer une réflexion déjà bien entamée sur les rapports entre crises, actes et situations révolutionnaires, pouvoirs établis, formes et lieux de résistance. D’un point de vue théorique, la révolution ne peut s’envisager comme une simple rupture ou un éternel retour, ni être réduite aux jacqueries, révoltes, rébellions, émeutes, organisations microsociales alternatives ou changements de régime qui peuvent l’accompagner. Loin de se produire dans un vide sociopolitique, les révolutions renvoient nécessairement à l’idée d’une crise, quelle que soit la nature de celle-ci, ce qui demande alors de se pencher sur les conditions objectives qui servent de terrain fertile pour leur apparition. À leur tour, ces différents contextes sociopolitiques ou économiques impliquent, voire exigent, un retour critique sur les diverses conceptions du phénomène révolutionnaire, de ses conditions comme de ses manifestations, et ce, en mobilisant des imaginaires, des discours et des représentations relatant sous de nombreux angles les expériences anciennes, présentes ou futures. Enfin, il est impératif de tenir compte des conditions subjectives, de la réflexivité des acteurs et de la diversité des inscriptions sociohistoriques des agirs révolutionnaires dans des situations concrètes. C’est en cherchant à décortiquer les articulations et les contradictions qui émanent de ces différents éléments constitutifs du phénomène qui nous préoccupe qu’il devient possible de penser la révolution comme médiation entre théorie, idéal et [12] praxis, c’est-à-dire comme composante concrète, politique et historique, du monde social, tel qu’Emmanuel Chaput, Gilles Labelle, Pascale Devette et Olivier Lamoureux-Lafleur nous entretiennent chacun à leur manière dans leur texte respectif. Il s’agit pour nous, d’une certaine façon, de penser la révolution à l’aube du 21e siècle sans cependant produire un pamphlet politique à forte teneur spéculative sur l’« insurrection qui vient » (Le Comité invisible), la « révolution nécessaire » (Jacques Ellul) ou la « prochaine révolution » (Léon Dion). Surtout que même si tous les éléments de la poudrière sont réunis, personne ne peut prévoir l’étincelle qui lui mettra le feu : « L’imprévisibilité de l’ordre social », pour reprendre les mots de Pierre Favre cités par Chraïbi et Fillieule, fait la « misère de la sociologie des révolutions »[11].

« Pourquoi avons-nous tant de mal à être révolutionnaire aujourd’hui ? » se demandait Bernard Friot[12], en 2012, pourtant en plein moment d’espérance (dixit Ernst Bloch), le jeune 21e siècle s’éveillant aux cris de ralliement des Révolutions arabes, des mouvements de contestation des Indignados et des campements des Occupy. C’est que peu des conditions objectives – la hausse des inégalités socioéconomiques, l’espionnage massif des communications quotidiennes par des instances gouvernementales, le cambriolage financier légalisé, la crise écologique liée aux changements climatiques ou encore les récentes vagues migratoires issues des guerres et autres désastres causés par l’Occident en Afrique et au Moyen-Orient – semblent correspondre à des conditions subjectives qui pourraient se cristalliser en une unité sociale derrière une cause fédérative d’une multitude d’enjeux particuliers, et indiquer l’aube d’un mouvement général vers le « Grand soir », à moins que nous [13] nous soyons trompés sur ce fameux soir, sur ce qu’il est réellement, ce qui est tout à fait dans l’ordre des possibilités considérant la tendance contemporaine à idéaliser et romantiser l’idée de révolution, au point de vendre la figure christique du Che sur des t-shirts fabriqués dans des ateliers de la misère… Or, « […] pour qu’un véritable changement des institutions soit possible, il doit s’accompagner d’un changement correspondant des mœurs tout aussi profond[13] ». Pour reprendre une question que pose Léon Dion, dans son ouvrage La prochaine révolution (1973), nous pouvons nous demander si le diagnostic est le bon, ce qui est plus que pertinent à notre époque dite de la vérité post-factuelle. Car malgré la sourde colère face à la multiplication de scandales et d’outrages perpétrés sans relâche par des élites politiques et économiques de plus en plus détachées des peuples[14] (ce mot honni, car entaché de « populisme »), ce qui devrait être suffisant à embrayer le train de la révolution (quand on y pense…), en elle-même la pluralité de ces incidents ne signifie pas nécessairement qu’il y ait effondrement du « système » ni qu’il y ait une véritable volonté de faire rupture avec celui-ci, ce que beaucoup d’observateurs considèrent comme un critère indépassable pour juger d’une révolution. Le règlement de la crise de 2007-2008 (si crise il y eut ![15]) est de loin un cas exemplaire. Est-ce parce que le choc ne fut pas encore assez brutal pour atteindre les strates profondes de notre entendement et ainsi nous faire prendre conscience de la situation, ou est-ce parce que la crise en elle-même, et sa [14] réponse politique sous forme de socialisation des pertes, aurait tétanisé des populations qui, face à la visibilité soudaine de la distance entre elles et les « élites au pouvoir » (dixit C.W. Mills), dont la rupture semble vouloir venir se substituer à l’opposition entre une gauche progressiste et une droite conservatrice[16], se sont soit exilées dans la sphère privée, soit repliées dans la production esthético-culturelle, soit désincarnées dans le cyberespace (au sein duquel le sujet s’implose en une multitude d’altérités dans « l’œil de l’obscène »[17]), aboutissant dans tous les cas à l’impossibilité de se projeter dans un extérieur (utopique) au capitalisme, comme l’avance Marcuse lorsqu’il appelle à revisiter le concept de révolution ?[18]

Aurions-nous perdu le sens de la révolution ? Dans une entrevue publiée quelques années avant sa mort, Cornelius Castoriadis se révélait plutôt sceptique face à la possibilité qu’advienne une révolution dans un avenir proche, ou du moins une révolution dite socialiste[19], qui viendrait en quelque sorte parachever deux cent ans de révolutions. En effet, en 1994, alors qu’une ère « nouvelle » s’annonçait au monde, celle de la globalisation, il avançait que le

mot "révolutionnaire" – comme les mots création ou imagination - est devenu un slogan publicitaire, c’est ce qu’on appelait il y a quelques années la récupération. La marginalité devient quelque chose de revendiqué et de central, la subversion est une curiosité intéressante qui complète l’harmonie du système. Il y a une capacité terrible de la société contemporaine à étouffer toute véritable divergence, soit en la taisant, soit en en faisant un phénomène parmi d’autres, commercialisé comme les [15] autres[20]

Une source de la « perte de sens » autour du concept ou de l’idée de révolution tiendrait donc en partie de l’ambiguïté liée à l’usage polysémique, voire polémique, du terme, mais aussi des présupposés idéologiques qui lui sont rattachés : une révolution est nécessairement de gauche, progressiste, promeut une émancipation tous azimuts, portée par un groupe particulier ayant un objet de lutte spécifique qui se généralise par la suite, etc., etc. Peut-être devrions-nous accepter, comme l’affirme Eugen Weber[21], et Jacques Mascotto dans son texte, qu’il peut exister des révolutions qui ne sont pas progressistes et ainsi nous questionner sur les contrepouvoirs qui se lèvent face à tout mouvement de contestation. Depuis qu’un « capitaliste a décidé de faire une révolution » (publicité 1984 de Macintosh), c’est plutôt ce qui s’affirme au travers les réalités que nous appréhendons sous les expressions de révolution néolibérale ou néoconservatrice, de révolution technobiologique, de révolution transhumaniste, qui sont autant de formes d’adaptation forcées face à des situations limites qui auraient autrement mené à ce que l’on comprend comme une « révolution » dans le sens commun, c’est-à-dire à une transformation radicale de structures vampiriques et mortifères qui broient l’émancipation collective. Galvaudé, utilisé à toutes les sauces pour décrier une nouveauté quelconque ou un simple changement de régime politique, le terme de révolution semble avoir perdu de sa force socio-symbolique, politique et critique, devant un l’appareillage sémantique technoscientifique, financier et consumériste en pleine puissance à notre époque.

Plusieurs auteur.e.s soutiennent que la difficulté contemporaine de penser la révolution provient de l’application abstraite et universelle du concept de révolution, [16] et pour laquelle la Révolution française fait office de modèle[22]. En effet, pour Neil Davidson, toutes les luttes nationales du 21e siècle se sont d’elles-mêmes donné le titre de révolution, bien qu’il semble y avoir absence de transformations historiques fondamentales et qu’elles sont rarement le fruit des actions conjuguées d’une gauche socialiste[23]. Il suggère donc de commencer par un effort de clarification de ce qu’est et n’est pas une révolution, en partant d’une opposition conceptuelle entre révolution politique et révolution sociale. Selon la perspective adoptée, les révolutions dites sociales, structurelles ou systémiques, sont plus proches de l’idée de la révolution « totale » telle qu’elle nous apparaît dans l’expérience du sens commun, alors que la notion de révolutions politiques réfèrerait davantage à des guerres civiles, des renversements de régimes et autres coups d’État. Ce qui ferait défaut à cette deuxième catégorie de révolutions, et qui nous empêcherait de reconnaître nombre d’évènements comme des moments révolutionnaires à juste titre, est qu’une révolution sociale, en plus d’être une transformation des orientations socioéconomiques et des structures politiques, intègre la dimension subjective de la conscience de soi[24]. Dès lors, si on se centre sur l’État comme le propose la perspective wébériano-marxiste, une véritable révolution est sociale en ce qu’elle modifie l’organisation de classe et les structures sociales de pouvoir, alors qu’une révolution dite politique ne viserait que l’État. C’est dans ce sens que Theda Skocpol identifie les révolutions française, russe et chinoise comme de véritables révolutions, repoussant alors la révolution anglaise, n’ayant pas de conflit de classe, dans la catégorie des guerres civiles[25]. De son côté, Zigmunt Bauman présente les révolutions politiques comme des étapes [17] qui composent des révolutions dites systémiques. À notre époque postmoderne dit-il, les « révolutions » chamboulent plus le mode de vie, surtout sur le plan de la culture, qu’elles sont des transformations en profondeur dudit « système ». Le problème est que la transformation des modes de vie ne mène pas nécessairement à une amélioration généralisée des conditions de vie, comme l’avaient remarqué plusieurs auteurs de l’École de Francfort à leur époque[26]. Sur cette base, Bauman perçoit les révolutions de l’Est européen comme le simple remplacement d’un système de patronage par un autre.[27] Quoi qu’il en soit, la distinction la plus clairement établie entre révolution politique et révolution sociale est que la première ne concerne que les changements de direction et de formes gouvernementales alors que la seconde réfère à un transfert de pouvoir politique d’une classe dominante à une autre (comme si cela faisait une révolution…), ce qui implique une transformation fondamentale du mode de production[28]. C’est dire alors que si une révolution politique est une lutte à l’intérieur de la société pour le contrôle de l’État, laissant intacte les structures sociales ou économiques existantes, la révolution sociale en est une pour transformer l’État et changer le mode de production[29], et l’on doit alors parler d’un procès épochal, c’est-à-dire d’une transition dont le passage de l’esclavagisme au féodalisme, les révolutions bourgeoises ou socialistes, si ce n’est auparavant de tout cela la révolution néolithique, sont exemplaires. C’est à partir de cette distinction que Davidson affirme à son tour que les « révolutions de couleur » en Europe de l’Est ne sont pas à proprement parler des révolutions puisqu’elles reconduisent le mode de production [18] capitaliste[30], et qu’en général il y a une absence de révolution sociale depuis 1991, voire même depuis les années 1970[31]. Devant l’échec presque généralisé des Printemps arabes, la récupération des mouvements de contestation par les pouvoirs en place (ou qui se placent), la fin des utopies et le recul des démocraties, il conclut avec Lénine qu’il n’y « a pas de révolution en période de crise ». Et nous alors d’ajouter : que faire dans la période de crise permanente qui caractérise le début de ce siècle ![32] En effet, comment faire la révolution dans la société du « changement permanent » ? Malgré ce constat pessimiste, il en appelle à garder espoir, surtout face à l’émergence de projets « socialistes » plus localisés, de nouvelles formes d’organisation par le bas, comme les Piqueteros et les Asambleas, les mouvements en Argentine au tournant des années 2000, l’élection en Bolivie, et ajoutons les expériences sociales réalisées en Italie et en Espagne que Pierre Dardot et Christian Laval énumèrent dans leur ouvrage sur la révolution au 21e siècle[33].

N’affichant pas le pessimisme de Davidson, Michael Drake soutient que cette distinction typiquement « structuraliste » entre révolution sociale et révolution politique reconduit l’ambiguïté du terme. À ses yeux, la catégorisation qu’elle propose, bien qu’utile pour réaliser la comparaison entre différents évènements, a le défaut d’enfermer les cas particuliers dans une conception normative de l’ordre social, cloîtrant ainsi toute pensée sur la révolution [19] dans l’enceinte étroite du pouvoir unitaire souverain. Il prône alors de concevoir la révolution moderne, non pas comme une prise de pouvoir, mais ouverture de nouveaux espaces de lutte à partir desquels émergeraient de nouvelles conditions sociales d’existence[34]. En effet, en se référant à Charles Tilly, Drake conçoit les révolutions comme des enjeux de luttes entre des compréhensions rivales et partagées concernant la constitution formelle des relations entre fins et moyens impliqués dans une situation révolutionnaire[35]. Toutefois, sans la rejeter, il nuance la conception culturelle (pour ne pas dire néo-gramscienne) de Tilly, car bien que la culture agit ici, en tant que lieux de conflits politiques, comme médiation entre structures et action, pour Drake la conception culturelle de ce dernier, et incidemment le concept de révolution qui l’accompagne, reste conditionnée par son rapport au pouvoir de l’État[36]. Le problème est donc que malgré les différentes tentatives théoriques, le postulat de l’existence d’une souveraineté singulière demeure la condition préalable de l’analyse des révolutions.

Il ne faut cependant pas jeter le bébé de la culture avec l’eau du bain structuraliste. À l’instar de Drake, pour Jack A. Goldstone, ces distinctions tirées du marxisme anglo-saxon évacuent des questions centrales à la sociologie des révolutions : qu’est-ce qui fait une révolution, quelles sont ses conditions d’émergence ? La prise de conscience individuelle et collective ou une vulnérabilité de l’État ? Face à ce dilemme, Goldstone[37] nous enjoint à délaisser les analyses structurelles au profit d’analyses portant sur le rôle de la [20] culture et de l’ordre du discours sur les mentalités.[38] Sous cet angle, la Révolution française est le résultat d’une évolution des mentalités des Grecs aux Modernes, résumée ici dans le passage d’un conservatisme cyclique à une pensée du progrès, caractérisée par le refus d’un passé obsolète. Il nous invite de comprendre que le modèle occidental, à partir de la Révolution française et ses mythes de liberté, d’égalité et de démocratie immédiatement réalisable par l’action des hommes, sera à son tour dépassé par la révolution iranienne, qui effectue un retour au religieux comme fondement[39]. Encore une fois, il s’agit donc de tenir compte de l’importance du cadre culturel, c’est-à-dire de la détermination des évènements par différentes représentations et dénominations des évènements produites par les intellectuel.le.s et les « gens ordinaires » : autrement dit, une révolution apparaît alors comme ce qui est nommé ainsi, ce qui permet d’élargir le concept de révolution à un plus grand nombre d’évènements. Toutefois, le problème de cette approche est qu’elle ne pose pas la question du pouvoir symbolique, c’est-à-dire de la capacité de détermination du réel à partir de la position sociale de laquelle elle est énoncée.

Ultimement, Drake avance que ce mode de réflexion enchâsse la sociologie des révolutions dans le discours normatif de la modernité, et empêche incidemment de saisir la nouveauté dans les « révolutions » du 21e siècle. Si on adopte une perspective sociologique fondée sur le sens (meaning) de la révolution, comme perspective tierce entre [21] structure et action, il est alors possible de distinguer deux phénomènes différents sans dire si l’un est plus révolutionnaire que l’autre : il existe des révolutions qui s’inscrivent dans une histoire générale, comme un patrimoine s’inscrivant dans les suites de 1789 et de 1917 ; il y a des révolutions politiques qui sont plus des révolutions dites de « récupération » ou de « restauration », comme les révolutions anglaise et américaine[40]. Cette perspective permet alors de reconnaître comme révolutionnaires les modernisations liées à l’inadaptation de certaines sociétés au mode de production postindustriel ou au capitalisme avancé, entre autres dans les cas de l’Europe de l’Est dans les années 1990. Il devient ainsi possible de faire évoluer la sociologie des révolutions vers des modèles empiriques ou herméneutiques qui impliquent le décentrement envers les lectures orientées par l’apriori du pouvoir souverain et de voir, par exemple, les révolutions sandiniste et zapatiste, surtout cette dernière, comme les manifestations d’une nouvelle forme de révolution propre au 21e siècle. C’est selon Drake à l’aide d’une analyse compréhensive des rapports entre structure et action, médiatisés par la culture et l’idéologie, qu’il serait alors possible d’appréhender globalement le phénomène révolutionnaire autrement que comme saisie du pouvoir souverain typique selon lui de l’analyse stato-centrée, nuançant ainsi la représentation universelle ou abstraite de la révolution tout en s’interdisant de pécher par excès de subjectivisme.

Dans l’objectif de dépasser les limites des théories structuralistes, fonctionnalistes ou culturelles, dans toutes leurs variantes possibles, Mounia Bennani-Chraïbi et Olivier Fillieule nous convient à penser les révolutions à partir des situations révolutionnaires proprement dites, ce qui implique de se rapprocher des interactions et des dynamiques internes à ces situations. La question centrale est alors celle de l’« agency ». Cette sociologie des révolutions qu’ils nous proposent cherche à comprendre les articulations et les [22] médiations entre structures et agentivité au sein de situations précises et circonscrites, celle-ci comprise comme capacité des subjectivités à modeler les structures par leurs actions au sein même de ces structures. Nous retrouvons une réflexion critique de cette tentative dans les textes portant sur les rapports internes aux communautés, voire à l’idée de communauté en tant que telle, qui sont présentés dans ce livre sous la plume de Hubert Gendron-Blais et de David Champagne. Cependant, si cette perspective octroie la capacité de saisir positivement l’agir, les discours et les affects des individus en « situation révolutionnaire », à nos yeux ce concept d’agentivité reste toutefois problématique, en pratique, puisqu’en cernant les situations révolutionnaires qu’à partir des actions des individus dans les structures, il devient impossible de penser le dépassement ou la rupture d’avec ces structures, ou encore les contradictions qui en émanent. En effet, comme le souligne Alex Callinicos, bien que cette approche soit une tentative louable de joindre actions, affects et structures, il reste que nous devons nous interroger sur les multiples articulations entre les contradictions structurelles et l’action consciente des individus comme moteur de la révolution, bref, de nous questionner sur l’objectivation des contradictions internes du « système » par les actions révolutionnaires [41].

Entre retour et rupture…

La leçon que nous tirons de ce que nous venons de présenter est que, finalement, il manque une fine dialectique aux analyses contemporaines sur les révolutions, dialectique axée sur les conditions de possibilité de la révolution, et qui intègrerait en elle-même une réflexion sur les conditions d’« impossibilité » de la révolution. Pour ce faire, nous devrions alors peut-être commencer par prendre un peu de recul et retourner aux sources. Rémi de Villeneuve et Emmanuel Chaput dans leur texte respectif, soulignent que [23] d’un point de vue tant sémantique qu’historique, si la révolution est conçue comme une remise en cause radicale d’un pouvoir, d’un ordre de domination, d’un état de fait issu d’une crise ou d’un conflit interne ou externe au système social et politique en place, elle sous-entend également un retour au commencement et fut l’objet d’âpres critiques pour cette raison (déjà chez Tocqueville). L’étymologie du mot révolution, lequel vient du bas latin revolutus « qui se dit de ce dont le cours est achevé, le cycle terminé[42] », la ramène à l’idée d’un retour, d’un mouvement circulaire, d’une conception cyclique de la temporalité, et ce n’est que récemment dans l’histoire moderne que la notion de révolution fut associée à une rupture, une naissance ou une évolution inéluctable. Anciennement, dit Raymond Williams, la représentation qu’on se faisait d’une révolution était indistincte de celle de rébellion ou de révolte, lesquelles étaient toutes initialement associées à un retour à un quelconque « Âge d’or ». Williams donne en exemple Machiavel, pour lequel la révolution est le retour à une autorité « naturelle » et juste qui fut corrompue par le pouvoir des tyrans, mais aussi Hobbes, entre autres en ce que celui-ci représente dans le Léviathan la révolution par l’image de la roue de la Fortune, comme un renversement entre le haut et le bas, insinuant ainsi, comme le fera plus tard Theda Skocpol, que la Glorieuse révolution anglaise était avant tout vouée à une restauration[43]. Si rébellion et révolution peuvent être différenciées à cette époque, c’est que la première est synonyme de révolte contre l’iniquité de Loi, alors que la seconde sert à qualifier toute révolte contre le Tyran. Toutefois, nous dit Williams, cette conception classique de la révolution va se nourrir d’un élément, l’élévation, insinuant que ce retour n’est pas un simple retour en arrière, à un passé révolu, mais qu’il doit contenir du nouveau, une amélioration [24] quelconque. Ce n’est qu’à partir de la Révolution française que la révolution sera associée aux idées de l’innovation et du progrès, toujours dans la perspective de l’établissement d’un nouvel ordre humain, ce qui fait que nombre d’auteur.e.s contemporains associent la conception moderne de la révolution à la philosophie des Lumières. La révolution sera progressivement décrite comme émergence de nouvelles institutions et moment de transition vers de nouvelles conditions économiques ou politiques, ainsi que le suppose l’idée de révolution agraire ou industrielle[44]. Mais loin d’être en rupture avec la « tradition », la modernité libérale se pose en dialogue avec elle. Il n’y a qu’avec l’exposition et la reconnaissance d’un passé qu’on peut faire une révolution, diraient en chœur Walter Benjamin et Hannah Arendt. Si la révolution est toujours soutenue par la volonté de restauration d’une communauté politique « corrompue » par les pouvoirs[45], c’est que l’enjeu de la révolution moderne n’est pas tant de faire rupture avec la société traditionnelle que « […] d’instaurer un autre rapport à la tradition[46] ».

De cette considération découle cette intuition fondamentale : si nous avons tant de difficulté à penser la révolution aujourd’hui, c’est peut-être que nous avons perdu de vue, dans les méandres de notre époque, cette dialectique entre retour et rupture, laquelle est pourtant bel et bien inscrite, via la différenciation entre révolte et révolution, au cœur des débats académiques contemporains sur le concept de révolution, mais paradoxalement sans qu’on la nomme et qu’on en tienne compte. Elle s’impose alors comme un impensé constituant le fil directeur de ce présent ouvrage, entre autres en ce que la majorité des textes posent l’enjeu de la révolution et de la contre-révolution. Cette dialectique entre retour et rupture hante les textes de ce livre sous les [25] distinctions entre modernité et postmodernité, théorie et pratique, stabilité de la fondation et création du nouveau, objectivisme et subjectivisme, révolte et action, construction et déconstruction, etc. Ainsi, dans un certain sens, la thèse structurante qui se dégage de la lecture de cet ouvrage collectif est que l’idée première de révolution, celle d’un « retour », n’a pas disparu avec l’avènement de la conception moderne de la révolution comme « rupture » et dès lors qu’il est impératif de penser l’une avec l’autre. Si tel est le constat, nous pouvons alors poser la question suivante : sur quelle base faire une révolution qui serait une rupture radicale (autant dramatique, drastique que fondamentale), dont la radicalité tient justement à un retour à la racine, mais dont le retour n’est pas cyclique, mais plutôt un dépassement qui serait un re-commencement, pour la suite du monde…

Je laisserai le dernier mot à Castoriadis, penseur de la révolution :

Vouloir l’autonomie suppose de vouloir certains types d’institution de la société et en rejeter d’autres. Mais cela implique aussi de vouloir un type d’existence historique, de rapport au passé et à l’avenir. L’un comme l’autre, le rapport au passé et le rapport à l’avenir, sont à recréer. […] Nous devons rejeter la pseudo-modernité et la pseudo-subversion – l’idéologie de la table rase –, ainsi que l’éclectisme (« le postmodernisme ») ou l’adoration servile du passé. [Dans] cet étrange « dialogue » avec le passé […] nous devons reconnaître […] une source inépuisable d’altérité proche […]. Il ne faudrait pas non plus grever notre rapport à l’avenir en lui accolant le terme fallacieux d’« utopie ». Au-delà de ce que l’on appelle les possibilités du présent, dont la fascination ne peut engendrer que la répétition, nous devons, sans renoncer au jugement, oser vouloir un avenir – pas n’importe quel avenir, pas un programme arrêté, mais ce déroulement toujours imprévisible et toujours créateur, au façonnement duquel nous devons prendre part, par le travail et la lutte, pour ou contre[47]

[26]

Finalement, la question est : avons-nous la volonté de faire le choix qui s’impose ?

Pour Rémi de Villeneuve, nous pouvons nous demander si le contexte de postmodernité est en soi contre-révolutionnaire, antirévolutionnaire ou une révolution permanente. En postulant qu’en postmodernité « la révolution sera historique ou ne sera pas », n’illustre-t-il pas cette dialectique entre retour et rupture qui se manifeste au sein des révolutions ? À son tour, Martin Nadeau pose la question de la fondation d’une république sur les cendres chaudes d’une révolution en s’interrogeant sur la création du nouveau dans l’entrechoc entre la stabilité républicaine et le mouvement de la réalité révolutionnaire. Emmanuel Chaput, fort de ses lectures des fondateurs de la Théorie critique de l’École de Francfort, présente la dialectique entre acte politique et Raison inhérente à la dynamique révolutionnaire, et ce, dans le sens que l’idéal révolutionnaire s’inscrit dans le travail de la Raison hérité de la condition sociohistorique dans laquelle elle se trouve. De son côté, Gilles Labelle revisite Merleau-Ponty pour soutenir que l’articulation entre objectivisme et subjectivisme mène à une ambivalence : une révolution peut être contre-révolutionnaire, invitant alors les lecteurs à ne pas prendre la révolution pour un absolu, puisque c’est lorsqu’elle veut se stabiliser dans la permanence qu’elle se décline dans la Terreur. Pascale Devette fait discuter Camus et Arendt à propos de leur conception de la révolte et de l’action et de leur articulation possible dans la violence révolutionnaire. Olivier Lamoureux-Lafleur, quant à lui, nous transporte dans le domaine de l’art, par un texte sur l’irruption de l’esthétique dans le processus révolutionnaire : être ou ne pas être libre ? Servir ou ne pas servir la cause ? Quel est le rôle de l’art face à la propagande ? Quelle est la place de l’artiste, et plus précisément du poète Vladimir Maïakovski, dans une révolution ? L’art : entre les théories de la stabilité et de l’effervescence, produit l’incandescence révolutionnaire. En partant d’une lecture sur la communauté comme espace et lieu d’information, de rencontres intersubjectives, d’expériences et d’élaborations d’initiatives politiques, Hubert Gendron-Blais nous appelle à nous [27] interroger sur les conditions de l’action collective et surtout ses continuités dans l’après-coup de l’action. La question qui en découle est alors : comment faire communauté ? Et plus spécifiquement : qu’est-ce qui est le commun dans cette communauté ? Est-il possible de faire communauté ? En effet, se demande David Champagne, le rouleau compresseur de l’austérité néolibérale empêche-t-il réellement toute fusion en communauté de lutte puisqu’il vient transformer les modes de citoyenneté moderne par la reclassification de catégories d’individus ? Marike Reid, forte de sa lecture libertaire de l’éducation fondée sur Illitch et Foucault, soutient que pour faire révolution, et transformer le monde, faut-il déjà avoir une présence positive, c’est-à-dire une inscription dans ce monde, d’où l’importance d’une éducation plus ouverte et libre qu’elle ne peut l’être d’un point de vue disciplinaire, et ce, surtout dans le régime de gouvernance tel que Caroline Joly le décrit, qui est le signe d’une dépolitisation généralisée par une politique transformée en gestion entrepreneuriale des sociétés. À partir de sa perspective de féministe matérialiste et de sa propre interprétation des écrits de Michel Freitag, Samie Pagé-Quirion interroge certaines lectures féministes dans leur prétention à promouvoir l’émancipation alors qu’elles semblent plutôt s’enfermer dans le discours identitaire qui soutient paradoxalement une conception asociale et sans sujet des rapports sociaux. Enfin, Maxime Ouellet propose une réflexion sur l’impossibilité contemporaine de la révolution, laquelle est résumée en onze thèses sur le devenir rentier de la bourgeoisie. Voilà les nombreuses interrogations qui composent ce dernier opus des éditions libres du Carré rouge.

Remerciements

Avant de laisser place aux textes, nous tenons tout d’abord à remercier toutes les conférencières et tous les conférenciers de l’UQAM, de l’Université de Montréal, de l’Université Laval, de l’Université d’Ottawa et de l’Université Concordia, qui ont participé aux différents colloques ou ont agi à titre d’auteur.e.s dans les ouvrages que nous avons publiés. C’est grâce à ceux et celles qui ont donné de leur temps et de leur énergie en acceptant d’écrire pour nous sans [28] attendre d’autres contreparties que la participation à une réflexion collective, que nous avons pu exister durant les dernières années. Par le fait même, nous remercions les étudiant.e.s et les enseignant.e.s, et tous les autres participant.e.s, au colloque duquel émane ce livre. Nous rappelons que les articles publiés dans les ouvrages des éditions libres du Carré rouge ne sont pas des actes de colloque à proprement parler ; si une partie des textes provient bel et bien des conférences présentées lors des différents colloques, la majorité des articles sont des inédits réalisés pour les ouvrages. Nous en profitons également pour présenter nos excuses à ceux et celles qui auraient pu se sentir vexé.e.s par la durée « exponentiellement longue » de la production de cet ultime ouvrage. Beaucoup d’eau a passé sous les ponts, mais les évènements relatés par les auteur.e.s sont récents et leurs répercussions se font toujours sentir, ce qui actualise, voire renforce, la pertinence de leur réflexion sur notre époque façonnée par les crises, mouvements, échanges, conflits, coopérations qui sont se sont créés ou défaits dans les remous historiques ici évoqués.

Nous aimerions remercier les associations étudiantes du baccalauréat et des études avancées en sociologie, la direction (M. Joseph-Yvon Thériault) de la défunte Chaire de recherche du Canada sur la Mondialisation, la Citoyenneté et la Démocratie (Chaire MCD-UQAM), la Faculté des sciences humaines de l’UQAM, ainsi que le Syndicat des chargés et chargées de cours de l’UQAM (SCCUQ). Sans le soutien que nous ont apporté aux moments opportuns ces différents acteurs de notre communauté universitaire, ni les colloques ni les publications n’auraient eu lieu. Nous avons une pensée particulière pour les secrétaires du département de sociologie qui nous ont aidés à nous démêler lorsque nous étions pris dans la toile bureaucratique et administrative de l’UQAM. Surtout, nous tenons à remercier tous et toutes les bénévoles qui nous ont aidés lors des colloques : Hubert, Fred, Sarah, Philippe, Jean-Philippe, Kevin, Pierre-Olivier, Caroline, et bien d’autres…

Pour leur participation au comité professoral de lecture et d’évaluation des textes ici présentés, et pour [29] leur bienveillante collaboration, nous remercions : Luc Vigneault, professeur titulaire de philosophie au département des sciences humaines de l’Université de Moncton, campus d’Edmundston ; Denis Wolfshagen, professeur adjoint de philosophie au département des sciences humaines de l’Université de Moncton, campus  d’Edmundston ; Gilles Labelle, professeur en pensée politique à l’Université d’Ottawa ; Maxime Ouellet, professeur à l’école des médias de l’UQAM ; Gilles Gagné, professeur associé au département de sociologie de l’Université Laval ; Louis Jacob, professeur au département de sociologie, UQAM ; Marie-Pierre Boucher, professeure au département des relations industrielles de l’Université du Québec en Outaouais ; Benoît Coutu, chargé de cours au département de sociologie de l’UQAM et au département Sociétés, territoires et développement de l’UQAR ; Maxime Lefrançois, professeur en sociologie au cégep Édouard-Montpetit.

Enfin, je ne pourrais clore cet épisode de ma vie sans remercier, chapeau bas !, ma collaboratrice du tout premier instant, c’est-à-dire dès les balbutiements et croquis initiaux de notre premier ouvrage sur le grève de 2005, ma chère amie Pascale Bédard, dont l’imagination fertile, et juste !, n’a de cesse de m’éblouir par la contemporanéité des splendides couvertures qu’elle a produites et dont l’esthétique est devenue la facture même des éditions libres du carré rouge de Montréal. Merci à toi Pascale !

Sur ce, je vous souhaite bonne lecture !

Benoît Coutu
Sutton, 2016-2017

[30]


* Chargé de cours, département de sociologie, UQAM ; chargé de cours, département Sociétés, territoires, développement, UQAR ; professeur adjoint temporaire, UMCE. 

Nous tenons à remercier Olivier Régol, fidèle ami et premier lecteur de ce texte.

[1] L’expression est de Jacques Bertrand, animateur de l’émission culturelle Macadam tribus diffusée sur les ondes de Radio-Canada de 1997 à 2009. Tenant lieu à Montréal de 2005 à 2007, L’Archie est un « espace politico-culturel » autonomiste fondé et autogéré par une collaboration entre personnes aux origines et activités diverses. Cette Genossenschaft (dixit J. Mascotto) tire son nom de terme grec Archè, interprété ici comme « autorité du commencement », avait adopté pour emblème une citation de Castoriadis – « La liberté des uns commence où commence la liberté des autres » –, et eu la surprise d’avoir une demie-page dans La Presse avec un article sous la plume de Michèle Ouimet, « L’illégalité tranquille », laquelle relatait le métissage entre débats intellectuels (« de Hannah Arendt à Michel Freitag ») et conférences, soirées dansantes et spectacles de musiciens de la scène montréalaise (dont la Fanfare Pourpour, le groupe Labess…), évènements familiaux, soirées de poésie (grâce aux ami.e.s d’Archi-texture) et cabarets (dont les fameux « Cabarets des possibles »). Il a servi de lieu de rassemblements pour divers évènements, pendant et après la grève de 2005. L’aventure connue une fin abrupte avec une descente de l’escouade de la moralité du service de police de la ville de Montréal (SPVM), qui sonna le glas de cette expérience en distribuant aux responsables sur place lors d’une soirée de tempête hivernale de 2007 environ 21.000$ d’amendes en raison de la vente illégale d’alcool ainsi qu’une injonction de se conformer à certaines règlements municipaux. Heureux de ce que nous avions créé et vécu pendant ces deux années, nous avons collectivement décidé de fermer boutique à la place d’obtempérer. 

[2] Jean-Marie Fecteau, La liberté du pauvre, Montréal, VLB Éditeur, 2004, p. 30.

[3] Theodor W. Adorno, « Du rapport entre la théorie et l’empirie en sociologie », L’Homme et la société, no 13 - « Sociologie et philosophie », 1969, pp. 128-129. À l’instar de Max Weber ou de Pierre Bourdieu, il nous demande si la revendication de pure empirie ne serait pas aussi le reflet d’intérêts personnels cachés, et donc représentative de luttes de pouvoir au sein des départements universitaires…

[4] Certains d’entre nous se rappellerons quand, en 1999, il a demandé en personne, devant une foule de quelques centaines de personnes réunies afin d’interrompe un gala de remise de bourses de la fondation de l’UQAM à la salle Marie Gérin-Lajoie, la démission de la rectrice Paule Leduc, pour la raison qu’elle avait intimé l’ordre de fermer les portes de l’UQAM aux manifestant.e.s qui étaient à l’extérieur, répondant à une demande du SPVM afin de leur permettre de pratiquer la souricière et d’arrêter soixante-six d’entre eux. De cet épisode fut publié le livre L’essor de nos vies : parti pris pour la société et la justice, Outremont, Lanctôt éditeur, 2000. 

[5] Thomas Chiasson Lebel et Benoît Coutu, « La petite histoire du carré rouge », Relations, no 760, 2012, pp. 34-35.

[6] L’anecdote est que nous avons terminé la journée avec un conférencier (Simon Lavoie – « Les inconvénients de la sociologie spéculative ») qui s’avéra être un intelligent contradicteur des thèses de Freitag. La première fois que ce dernier nous demanda de faire un livre à partir des conférences de la journée, il nous introduit le sujet en insistant sur l’indispensabilité de la présence du texte de cet étudiant. Nous sommes à mille lieues du dogmatisme que certains lui présupposent à tort sur la base de la rumeur et de la médisance, fruits de leur cécité praxéologique.

[7] Jean-Michel Marcoux et Jean-François Tremblay, « La contingence de la mobilisation pour CHOI-FM radio X. Étude sociographique de l’auditoire mobilisé et analyse du discours », dans Benoît Coutu (dir.), Actualité de la théorie critique, Montréal, Éditions libres du carré rouge, 2010.

[8] Frédéric Neyrat, « The Birth of Immunopolitics », Parrhesia, no 10, 2010, pp. 31-38.

[9] Nous avons le souvenir des discussions lors de soirées aussi animées et enjouées qu’enfumées en l’excellente compagnie des philosophies de Nadia et Philippe. Attablés chez Marie-Pierre Boucher, ces deux ami.e.s nous confia toute la surprise de leur étonnement, c’est pas peu dire, face à la soudaineté et à la spontanéité de l’éclosion des mouvements des Indignés et des Occupy de 2011, en Espagne, à New York, et à Montréal. Effectivement, pour reprendre leurs mots, en tant que « vieux militants » issus de la « science syndicale » qui se pensaient dans le creux de la vague de la contestation sociale et politique, nous ne l’avions pas vu venir                « pantoute » celle-là !

[10] Entre autres : Robert A. Nisbet, La tradition sociologique, Paris, PUF, 1993 ; Pierre Bourdieu, Questions de sociologie, Paris, Les Éditions de Minuit, 2002 ; Marcel Rioux, « Remarque sur la sociologie critique et la sociologie aseptique », Sociologie et sociétés, vol. 1, no 1, 1969.

[11] Mounia Bennani-Chraïbi et Olivier Fillieule, « Pour une sociologie des situations révolutionnaires », Revue française de science politique, vol.62, no 5, 2012, pp. 767-796.


[12] Bernard Friot, « pourquoi avons-nous tant de mal à être révolutionnaire aujourd’hui ? », RdL La Revue des livres, 2012.

[13] Cornelius Castoriadis, « Héritage et révolution », dans Figures du pensable. Les carrefours du labyrinthe VI, Paris, Seuil, 1999, p. 165.

[14] Déclaration du 1 mai 2012 – fin de cycle, fin de règne et transition. Déclaration publiée pendant la grève étudiante de 2012, rédigée et signée par Benoît Coutu, Michel Ratté, François L’Italien, Éric Martin, Maxime Ouellet, Jean-Michel Marcoux, Daphnée Poirier, Éric Pineault, Jacques Mascotto.

[15] Nous référons ici à l’inattendu, et bienvenu, commentaire émis par Mathieu Perron-Dufour, professeur de sciences économiques à l’Université du Québec en Outaouais (UQO), dans le débat qui eu lieu lors de la conclusion du colloque Crise, mise en crise, et financiarisation du capitalisme avancé, organisé par le Collectif d’analyse de la financiarisation du capitalisme avancé (CAFCA), UQÀM, 5 avril 2013.

[16] Nous remercions Maxime Ouellet pour ce judicieux commentaire.

[17] Claudia Attimonelli et Vincenzo Susca, Pornoculture. Voyage au bout de la chair, Montréal, Liber, 2017.

[18] Herbert Marcuse, « Re-examination of the Concept of Revolution », Diogenes, vol.16, no 4, 1968.

[19] Il conçoit qu’une révolution peut être de « droite » ou captée par l’État, entre autres sous la forme d’un néo-conservatisme, et tel que l’illustre Jacques Mascotto dans son texte publié en épilogue.

[20] « Un monde à venir – entretien avec Cornelius Castoriadis », juin 1994, p. 3. http ://www.les-renseignements-genereux.org/var/fichiers/textes/Tex_Casto_entretien.pdf

[21] Eugen Weber, « Revolution ? Counterrevolution ? What Revolution ? », Journal of Contemporary History, vol.9, no 1, avril 1974.

[22] Neil Davidson « Is Social Revolution Still Possible in the Twenty-first Century ? », Journal of Contemporary Central and Eastern Europe, vol.23, nos 2-3, 2015, pp. 105-150.

[23] Ibid., p. 109.

[24] Steven Pinkus, cité par Davidson, Ibid., p. 112.

[25] Ibidem ; Theda Skocpol, États et révolutions sociales. La révolution en France, en Russie et en Chine, Paris, Fayard, 1985.

[26] Stuart Jeffries, Grand Hotel Abyss. The Lives of the Frankfurt School, Londres-New York, Verso, 2016.

[27] Zygmunt Bauman, « A Revolution in the Theory of Revolutions », International Political Science Review / Revue internationale de science politique, vol.15, no 1, 1994, pp. 15-24.

[28] Davidson, « Is Social Revolution Still Possible in the Twenty-first Century ? », op. cit, p. 113.

[29] Perry Anderson, cité par Davidson, Ibid., p. 114.

[30] Ce qui est évident puisqu’elles sont en partie financées, voire organisées, par le concours d’instances politiques et d’ONG étatsuniennes.

[31] « […] the central point is right : there were very few successful political revolutions and no succesful social revolution during the periode, at least in the West, and the most decisive overthrow of a gouvernment was not from the left but from the right, in the form of the chilean military coup of       1973. » Davidson, « Is Social Revolution Still Possible in the Twenty-first Century ? », op. cit., p. 138.

[32] Benoît Coutu, « Crise de l’hégémonie et hégémonie de crise : par-delà le jeu de mot », Raisons sociales.com, sept. 2015.

[33] Pierre Dardot et Christian Laval, Commun. Essai sur la révolution au XXIe siècle, Paris, La Découverte, 2016.

[34] Michael Drake, « Revolution », dans Alan Scott et Kate Nash, The Blackwell Companion to Political Sociology, Oxford, Blackwell, 2001, pp. 196-197. « […] the utlimate object of all moderns revolutionnaries [is] to open new domains of struggles by extending the frontiers of what is thinkable and what is possible » (p. 200).

[35] Ibid., p. 201.

[36] Ibid., p. 203.

[37] Jack A. Glodstone, « Révolutions dans l’histoire et histoire de la révolution », Revue française de sociologie, vol.30, nos 3-4, juillet-décembre1989, p. 406.

[38] Ibid., p. 407.

[39] Au 21e siècle dit-il, « les combats les plus essentiels […] ne porteront pas sur l’éventualité du modèle occidental mais sur le rythme du désengagement vis-à-vis de ce modèle, sur le degré admissible de traditionnalisme dans les institutions islamiques et sur le degré d’intégration dans les États islamiques de la démocratie et des institutions républicaines » (p. 425). Pour Goldstone, en tenant compte de l’échec des modèles laïques, les luttes politiques du monde islamique sont portées par des modèles culturels, des lois et des structures sociales qui prennent distance face à l’Occident tout en recherchant à faire rupture avec le modèle cyclique islamique classique.

[40] Drake, « Revolution », op. cit., p. 204.

[41] Alex Callinicos, « The Dynamics of Revolution », International Socialism, no 137, janvier 2013.

[42] « Révolution », dans Sylvain Auroux (dir.), Encyclopédie philosophique universelle, Paris, PUF, 1998, p. 2269.

[43] Theda Skocpol, « Explaining Revolutions : In Quest of a Social-structural Approach », dans Theda Skocpol, Social Revolutions in the Modern World, Cambridge University Press, 1994, pp. 99-119.

[44] Raymond William, Keywords, Londres, The Flamingo Edition, 1987, pp. 270-274.

[45] Fecteau, La liberté du pauvre, op. cit.

[46] Cornelius Castoriadis, « L'idée de révolution a-t-elle encore un sens ? », Le Débat, vol.5, no 57, 1989, p. 219.

[47] Castoriadis, « Héritage et révolution », op. cit., pp.172-173.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 1 juin 2020 14:20
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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