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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Numéro 2 de la revue Culture technique, 1980.
Thierry Gaudin,
“Le retour de la recherche collective.”


Une édition électronique réalisée à partir du Numéro 2 de la revue Culture technique, 1980, 76 pp. [Autorisation accordée par le directeur général, Jocelyn De Noblet, de diffuser cette revue en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales. M. à Thierry Gaudin pour toutes ses démarches auprès du directeur général de la revue afin que nous puissions reprendre la diffusion de tous les numéros de cette revue.]

[6]

Thierry Gaudin

Le retour de la recherche collective.”

Un article publié dans la revue CULTURE TECHNIQUE, no 2, 1980, pp. 6-9. Neuilly-sur-Seine : Centre de recherche sur la culture technique.


Qu'est-ce que la recherche collective ?

Le colloque de Londres du Programme des 6 nations avait pour titre : la recherche collective. Cette dénomination, d'abord ambiguë, (car, comme l'a remarqué à ce colloque Monsieur Duncan Davis (GB), la plupart des recherches présentent aujourd'hui, d'une manière ou d'une autre un caractère collectif) acquiert progressivement une signification internationale. Elle recouvre des activités variées visant à la promotion du progrès technique dans l'industrie, parmi lesquelles on trouve : de l'assistance technique, de la documentation, des essais et travaux préparatoires aux normalisations, de la recherche technique et des formations. Dans les pays anglo-saxons ces actions sont menées par des associations "Research associations" ; en France par les centres techniques industriels (mécanique, textile, cuir, papier ...) des associations ou d'autres organismes (écoles, universités ...). L'Angleterre et les Etats Unis ont, comme la France, mais avec une ampleur moindre, un financement par taxes parafiscales (Levies). Partout, on observe une combinaison de plusieurs financements (parafiscalité, cotisations volontaires, subventions ou contrats d'Etat ou d'agences publiques, contrats privés ...) dans des proportions variables selon les pays et les spécialités.

En quelque sorte, il s'agit d'une activité technique qui n'est ni une recherche d'Etat (type CNRS ou CEA) ni une recherche d'entreprise (comme celle des grands groupes industriels (CGE, Thomson, Creusot Loire ...). D'où l'adjectif "collectif".

Le colloque de Londres a clairement montré un regain d'activité de ce type de recherche ; les Research associations anglaises se développent et s'internationalisent ; les Etats Unis décident, au titre de leur programme d'innovation (annoncé le 31 Octobre 1979 par le Président Carter) de créer de nouveaux centres : la Belgique, l'Allemagne, la France renforcent leurs réseaux d'assistance technique. Le Japon dispose déjà d'un réseau de centres et laboratoires régionaux sans commune mesure avec les moyens occidentaux (18 000 personnes). En fait, tous les pays considèrent que la position intermédiaire de la recherche collective la désigne comme promoteur du transfert technologique et de la fertilisation croisée, problème jusqu'à présent mal résolu.

Les questions qui ont été posées en France au sujet de la recherche collective sont les suivantes :

1- la recherche collective est-elle nécessaire, ne peut-on s'en passer ? Question posée par les fonctionnaires des finances et certains industriels.

2- la recherche collective est-elle vraiment de la recherche ? Question posée par les chercheurs et leurs représentants.

3- qui doit gérer la recherche collective ? Question posée à la fois par les syndicats professionnels et par les fonctionnaires.

Mais avant de trancher ces trois questions ne convient-il pas de revenir aux sources et de se demander : comment se propage le progrès technique ?

La technologie comme un tout

En 1978, Bertrand Gille a proposé dans sa monumentale "Histoire des techniques" la théorie des systèmes techniques. Selon lui, les différentes parties de la technique évoluent de manière interdépendante. Les progrès faits dans une spécialité contaminent progressivement l'ensemble jusqu'à provoquer une transformation complète du système technique.

Pour prendre un exemple, le moulin à eau, inventé par l'architecte romain Vitruve reste jusque vers l'an 1100 un instrument de menuiserie ; mais dès le début du XIIe siècle, il est utilisé à une dizaine d'autres usages : scier le bois, forger, fouler le drap, faire de la pâte à papier... provoquant ainsi par transfert une transformation du système technique de l'époque.

Fin 1978, le ministère de l'Industrie Française a effectué une enquête auprès de 300 experts. Le résultat publié dans le fascicule "Premiers éléments pour un programme national d'innovation" laisse pressentir que nous vivons une quadruple transformation du système technique, sans compter les effets ultérieurs de la biotechnologie.

  • l’hyperchoix des matériaux (technopolymères, élastomères, adhésifs, composites ...). Mis au point pour des usages spécifiques, ils se comptent en milliers (5 000 sortes de colles). Ils diffusent dans toute l'industrie. Ainsi, les fibres de carbone sont passées de l'aérospatial aux cannes de golf, aux raquettes de tennis et aux lances de métier à tisser.

  • la prolifération des microprocesseurs. D'origine militaire, ils se répandent jusque dans l'automobile et les [7] machines à café, et irriguent aussi tout l'automatisme, la mesure .et la régulation industrielle donc transforment les rapports du producteur à son outil de production.

  • l'invasion de la télématique, transforme le travail de bureau (les machines à traitement de texte remplaceront les machines à écrire et le courrier pourra alors se transmettre par fil) mais sans doute aussi l'information, l'enseignement et le système financier (transfert informatique de fonds).

  • la pénétration de l'électricité et des utilisations fines de l'énergie : pompes à chaleur remplaçant des chauffages domestiques et industriels, utilisations variées des micro-ondes, moteurs électriques à vitesse variable ...

Dans ces "quatre modernisations", comme disent les chinois, ce n'est pas tant de recherche qu'il s'agit, mais de transfert.

Trois conclusions découlent de cette analyse :

1- toute séparation de la technique (en professions, en métiers, en disciplines ...) contient un risque de mutilation. Inversement toute action réussissant à surmonter les cloisonnements a de grandes chances d'être génératrice de progrès..

L'ampleur de la tâche ne saurait être sous-estimée : une langue comprend 40 000 mots dont la plupart des auteurs n'utilisent que le vingtième. Les rares expériences connues de catalogue technique, telle que celle de l'armée américaine, font apparaître plus de 4 millions de postes, cent fois plus : la technique vit dans une hyperlangue à l'intérieur de laquelle se constituent des isolats.

Une expérience a été menée récemment au ministère de l'Industrie : en obligeant des spécialistes de micro-ondes d'une part et de congélation de la viande d'autre part à Construire un langage fonctionnel leur permettant de se comprendre ; il en résulte, en une journée la production d'une vingtaine d'idées de brevets. Ainsi celui, qui rompt l'isolement et obtient que les hommes se parlent à travers la technique, suscite en même temps la créativité.

2 - l'importance de la culture technique dans l'industrie : Quelles sont les conditions pour que le microprocesseur (origine : électronique militaire) aille féconder l'industrie du jouet (destinataire) ? Ce n'est pas le perfectionnement ou la maîtrise de la technologie des microprocesseurs (qui pourrait résulter de" recherches),, mais bien plutôt de la culture technique du destinataire, l'industrie du jouet, (en matière de microprocesseurs). Dès lors que les transferts industrie-industrie constituent le phénomène dominant, il ne s'agit pas d'en savoir plus dans l'absolu, mais de l'acquisition du savoir et du savoir-faire existants par de nouveaux destinataires afin qu'ils deviennent capables de s'approprier une technologie déjà développée en dehors d'eux.

3 - le pilotage par l'aval et la culture technique du consommateur :

Or, en matière technique, deux zones sont l'objet d'une écoute attentive de la part des industriels :

- les exigences de leurs clients
- les initiatives de leurs concurrents

Les relations client-fournisseur et l'imitation de la concurrence sont les véhicules usuels du progrès technique. Leur absence peut, à contrario le ralentir ; ainsi la diffusion des microprocesseurs ou des matériaux se fait difficilement dans les professions qui n'ont pas été ensemencées par une initiative, fut-elle modeste, ou par un client. En mécanique on voit les centres techniques des industries clientes (le textile et le papier) faire des essais comparatifs (de machines textiles à Lille), ou des conceptions de machines nouvelles (textile à Mulhouse, papier à Grenoble). C'est là une expression collective des relations client fournisseur qui peut s'énoncer : les centres techniques innovent vers l'amont de leur profession. D'où la notion de "pilotage par l'aval" du progrès technique, dont toutes les conséquences n'ont pas encore été tirées. N'est-il pas en effet évident qu'un organisme où domine la représentation d'une profession prend difficilement parti entre deux ressortissants concurrents ; qu'il lui est par contre naturel de faire connaître aux fournisseurs, qui n'ont pas de pouvoir sur lui, les exigences de ses professionnels, de leur susciter des initiatives concurrentes s'ils ne progressent pas assez vite, ou de procéder à des essais comparatifs de leurs matériels, avec rigueur et précision. D'autre part, en prolongeant l'idée de pilotage par l'aval à l'ensemble de l'industrie, on découvre dans l'information et la formation du consommateur final un levier (peut-être le plus puissant) du progrès technique ; l'étiquetage informatif, les normes, les essais, l'activité des associations de consommateurs, la formation qui pourrait être dispensée à ce sujet, sont autant de données auxquelles l'industrie réagit et s'adapte.

Les forces qui cloisonnent la technologie

Les mécanismes sociétaux tentent donc d'imposer à ceux qui travaillent au progrès technique des séparations et cloisonnement qui freinent l'évolution. Ils propagent des messages suggérant (en les regrettant au besoin) des répulsions mutuelles de la recherche et de l'industrie ou des différences si essentielles entre le secteur public et le secteur, privé qu'elles rendent le dialogue quasi impossible. La recherche collective, qui se trouve précisément à cheval entre recherche et industrie d'une part, public et privé d'autre part, souffre de ces tentatives répétées de sectionnement ; mais son existence même les réfute et constitue un scandale permanent pour les classifications de toutes origines.

Plus grave est la constitution de territoires professionnels dans la recherche collective. À cet égard, la France (où les "professions" sont explicitement introduites par la loi du 22 juillet 1948 créant les centres techniques industriels) apparaît plus touchée que les pays anglo-saxons ou les "Associations" procèdent d'un "membership" volontaire, dans lequel les "unions" jouent un certain rôle mais à côté d'autres "clubs" et "fraternities" sans exercer un pouvoir à tendance corporatiste source d'interdits (de sortir de sa spécialité, de contribuer au progrès d'autres professions, de travailler avec l'étranger ...) s'opposant aux transferts et même parfois à la qualité des recherches, qui ne peut se passer d'ouverture.

Trois niveaux / circuits de financement

[8]

Le philosophe Michel Foucault, reprenant le modèle du "panopticon" de Jeremy Bentham a montré combien les formes modernes du pouvoir s'exprimaient non plus par une majesté mais par un processus furtif de cloisonnement, enfermant progressivement les hommes dans leurs qualifications, leur rôle social, leurs attributions ... Il explique qu'il faut voir dans cette microphysique du pouvoir, constituée en une architecture de petites cases séparées, l'essentiel des obstacles aux changements et la surprenante faculté de reproduction des sociétés modernes. Cette pensée a été reprise sous la forme du schéma centre/périphérie.

Le jeu du centre est d'entraver la communication entre les éléments périphériques, source de créativité, (voir l'exemple des micro ondes pour décongeler les viandes) et d'exiger une communication radiale appauvrie (feu vert...). Le jeu de la périphérie, quand elle échappe à la fascination du centre, est de se coaliser avec d'autres éléments périphériques.

Cette digression théorique vise seulement à montrer l'enracinement profond des séparations que la société inflige à la technique et par la suite l'ampleur, la solidité et la variété des moyens nécessaires pour les surmonter.

Comment restaurer/accroître la communication ?

Le comportement des agents est évidemment guidé par la configuration du financement. Dans le domaine de la recherche collective, où opèrent une variété d'organismes pour une variété de services, penser les structures avant le financement c'est mettre la charrue avant les bœufs et retomber dans le piège de la définition de cloisonnements néfastes.

Or, il suffit de s'interroger sur les méthodes de financement propres à décloisonner la recherche, l'industrie, et promouvoir la culture technique pour voir apparaître quelques solutions évidentes.

1 - Constitution d'un quasi-marché :

Le principe d'une dépense obligatoire est inévitable : les recherches de l'industrie pour ses besoins directs sont déjà insuffisantes (d'environ 2,7 GF sur 20 en France pour 1977).

On ne peut espérer à fortiori qu'elle finance spontanément les travaux collectifs.

Cette cotisation obligatoire peut remonter plus ou moins haut, avant d'être affectée :

  • jusqu'à l'État si c'est un impôt

  • jusqu'à un centre technique si c'est une taxe parafiscale

  • ne pas remonter du tout si elle est affectée directement par l'entreprise à l'organisme de son choix, comme c'est le cas en France pour les dépenses de formation permanente. Pour financer le transfert et la fertilisation croisée on conçoit que l'entreprise puisse s'adresser directement à des spécialistes d'autres professions, sans remonter. D'où l'idée d'un quasi-marché alimenté par ces cotisations obligatoires ou indifféremment toutes les entreprises cotiseraient et dont tous les organismes de recherche collective pourraient être destinataires, au choix des cotisants. C'est le "1% technologie" formulé dans un document de travail ANRT-Ministère de l'Industrie (mars 1979)

Le chercheur, alors, se trouve dans un autre univers. Au lieu de plaire aux administrations (par la production de convenables simulacres) il lui faut démarcher les entreprises et leur vendre le progrès technique. Il est plongé dans un quasi-marché, soumis à un rapport offre/demande. Un tel dispositif autorise la fertilisation croisée entre professions différentes. Néanmoins il est dans sa nature de s'orienter vers les services ponctuels aux entreprises, tels que les essais, et modernisations évidentes, plutôt que vers les remises en question caractéristiques d'une activité vraiment culturelle. Aussi ne se conçoit-il que superposé à d'autres financements plus protégés (fonds publics ou parafiscalité). Dans ce cas la proportion financement stable/financement précaire don­nant le meilleur équilibre serait d'environ 70/30, dit-on souvent en se fondant sur l'expérience des universités américaines et de certains établissements européens telle que l'Ecole des Mines de Paris.

2- Séparer la collecte des taxes de la gestion des recherches. À cet égard, la loi de 1948 place les centres techniques français dans l'ambiguïté : "ils exécutent ou font exécuter les travaux ..." et gèrent le produit de la taxe parafiscale. On a, de ce fait, assisté à leur dérive : ils ont sauf exception cherché à grandir jusqu'à dépenser la ressource à l'intérieur de leurs murs et non à animer la recherche collective partout où elle peut être faite. N'est-il d'ailleurs pas naturel que celui qui a la responsabilité d'un personnel cherche d'abord à l'occuper et à lui assurer son avenir, et soit gestionnaire d'une collectivité avant d'être responsable de la qualité d'un service ? C'est pourquoi au moins pour les grands (supérieur à 100 MF) domaines de recherche collective, tels que la mécanique, il est nécessaire de séparer la gestion des centres de la gestion de la taxe. Cette dernière peut être confiée à une agence de programmes libre de s'adresser où elle veut pour l'exécution des différents services, mais ne possédant aucun moyen propre.

3- Utiliser la gestion des procédures pour animer les échanges, procédé expérimenté en Belgique.

L'étude en commun par des personnes d'origine variée d'un même dossier de financement est l'occasion de rencontres et d'échanges qui ne se seraient pas produits autrement ; en effet, il est difficile de faire venir à une table des spécialistes occupés par ailleurs ; il y faut donc un enjeu précis. Un travail en commun donne par ailleurs la possibilité de se connaître et de s'estimer. En matière de recherche, on se souvient que la plupart des initiatives nouvelles françaises (océanographie, métrologie, information scientifique et technique ...) sont nées de comités. Néanmoins, les conditions de la vitalité des comités sont au nombre de deux :

  • qu'ils n'aient pas trop de moyens à gérer (1 MF par membre est un maximum). Car l'excès de pouvoir est un poison mortel : les membres sont assaillis de solliciteurs, et n'ont plus le temps ni l'envie de travailler sérieusement ; ils se partagent la tâche, improvisent des avis non fondés et ne discutent plus, car ils en sont devenus incapables, du fond des dossiers. Plus d'échanges, plus d'élaboration d'une [9] conscience collective.

  • qu'ils se renouvellent obligatoirement (par exemple par tiers tous les ans). Ce mouvement est indispensable pour éviter que se crée une classe d'apparatchiks et mobiliser progressivement de larges couches d'industriels et de chercheurs.

Moyennant ces conditions, le fonctionnement des agences de programmes et de certaines aides publiques peut donc être utilisé comme outil d'animation.

4- Le principe de Rothschild (1971) qui a servi de base à la réforme des Research associations britanniques se trouve maintenant adopté, au moins au plan doctrinal, par l'Allemagne et les USA. Il s'énonce ainsi :

"Pas de recherche sans client"

et se traduit de manière impérative en ce que les aides de l'Etat aux organismes de recherche collective (gérées en Angleterre par une série de comités dits de "requirement boards" sont subordonnées à un cofinancement (en général à 50%) par un client industriel. Donc suppression des subventions de fonctionnement qui, après une période difficile, a provoqué un stress salutaire. Ainsi le principe de Rothschild pourrait inspirer la gestion de certains moyens parafiscaux.

La question se poserait aussi pour les aides si les pouvoirs publics avaient la gestion directe de montants correspondants, comme dans ces pays, à 15 à 25% des ressources des organismes (soient 120 à 200 MF), ce qui n'est pas le cas. Faute de moyens (bien que recommandés en 1968 par le rapport Giraud), ceux-ci ne peuvent pas mener de politique (les pouvoirs théoriques des commissaires du gouvernement, seulement dissuasifs, n'y suffisent pas). Et la recherche collective, malgré des lacunes évidentes, par exemple dans le domaine des polymères, n'évolue presque pas depuis dix ans.

5- La promotion de la culture technique par des méthodes d'animation spécifique :

  • un mouvement de renforcement des réseaux d'assistance technique se dessine dans différents pays (Allemagne, Belgique, France et mise à l'étude en Angleterre et Norvège). Les réseaux français se modèlent sur les quatre modernisations citées plus haut.

  • d'autre part la promotion d'une animation de type culturel : musées techniques (Villette et projets régionaux), loisirs techniques (concours micro), vulgarisation, clubs ... L'histoire montre combien le jeu a transformé la technique : la bicyclette, le dirigeable, les avions, l'automobile,, la photographie ont commencé par être des loisirs d'amateurs éclairés. Certains défendent que la recherche est la seule source de l'innovation ; maintenant que la recherche s'est institutionnalisée, il faut retourner à son sens originel, qui est en partie de l'ordre du jeu, et éviter d'en interdire l'exercice aux jeunes et aux passionnés.

Conclusion

La recherche est l'objet d'un certain désenchantement, aussi bien dans l'industrie que dans l'administration. D'une part on s'interroge sur sa productivité, d'autre part on constate que des résultats, même excellents, ne sont pas appliqués.

Ces considérations procèdent d'une vision erronée du progrès technique, selon laquelle les transferts de connaissance et de savoir-faire vont de soi. Or c'est à leur niveau, précisément, que se trouve l'essentiel des obstacles, dûs à des cloisonnements d'apparente innocence, mais en fait liés aux fonctionnements intimes des sociétés modernes. La mission de la recherche collective est de les surmonter. Pour cela elle s'adapte au terrain et prend de ce fait des formes complexes et parfois surprenantes. Elle présente une diversité de structures, de services et de financement. Cette complexité lui est nécessaire, et doit être réintroduite quand elle fait défaut ; car il faut admettre que, en matière de transfert, la grande erreur des dernières années a été de simplifier à l'excès, de préférer le spectacle de catégories claires et découpées à l'examen modeste et tâtonnant du réel. Ainsi, il est possible de construire des méthodes de financement propres à surmonter les cloisonnements et stimuler les transferts, à condition d'accepter qu'elles échappent aux catégories préétablies : des fonds ni publics ni privés, ni même affectés à un destinataire prédéfini, et se superposant au besoin à d'autres financements. Comme la crédibilité des recherches tant privées que publiques n'est pas telle que l'on puisse s'attendre, dans les prochaines années à une croissance importante de leurs moyens, la mise à niveau de la recherche industrielle française (que l'on peut évaluer à 2,7 GF d'après les statistiques de l'OCDE) devrait logiquement se faire par la recherche collective ; ce serait en même temps reconnaître l'ampleur et la complexité du travail culturel de transfert technologique qui, d'après la théorie des systèmes techniques, est la source principale du progrès.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 18 juillet 2024 7:16
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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