“« MON PAYS D’ORIGINE EST UN APPEL AU SECOURS. »
Adresse aux Haïtiens
d’aujourd’hui.”
In Le Monde diplomatique, Paris, avril 2004, pp. 6-7.
L’ex-président Jean-Bertrand Aristide porte une lourde responsabilité dans la crise qui a secoué Haïti. Mais l’alliance implicite entre l’opposition la Plate-forme démocratique et les forces paramilitaires liées à la dictature de M. Raoul Cédras (1991-1994) laisse mal augurer de l’avenir. D’autant que les conditions dans lesquelles a été évincé, le 29 février, le président élu apparentent l’opération menée par les États-Unis, avec la collaboration de la France, à un coup d’État.
Mots-clés : ▪ Caraïbes ▪ Haïti
« Ni rire, ni pleurer, comprendre » (Spinoza)
Je m’appelle René Depestre. Je suis un écrivain franco-haïtien peu connu dans son pays natal. Une fois seulement il m’a été donné de prendre une part directe à ses affaires civiques. Cette année-là, en 1946, le journal La Ruche fit briller un espoir de renouveau démocratique aux horizons déjà comateux des droits de l’homme et du citoyen. Après l’échec de ce combat de ma génération, pour tenir la route en de multiples ailleurs d’Haïti, j’ai dû m’ajouter d’autres racines avant de trouver, à l’âge de vieil homme, un terreau d’enracinement en France.
Sur fond de cruelle inhumanité, mon pays d’origine est un appel au secours. Je n’ai pas pour autant de leçons à lui donner. Retiré dans le Sud-Ouest français, je ne prétends pas dicter de si loin leur conduite à des femmes et à des hommes démunis, aux Caraïbes. L’humilité, le respect, la compréhension d’autrui inspirent mon regard responsable sur le calvaire haïtien.
Le SOS qui m’obsède n’est pas celui que les États aux abois adressent d’habitude au Fonds monétaire international (FMI) ou à la Banque mondiale. Ce n’est pas non plus le tocsin que la Maison blanche ou les Nations unies entendent à leurs portes. Un tiers d’île des Amériques, en proie à toute la désolation du monde, répercute sa détresse dans la conscience même des humanités sœurs de la planète.
Dans l’année du bicentenaire de leur victoire sur l’esclavage et la colonisation, les Haïtiens ne peuvent éluder les questions d’un drame qui fait terriblement mal. Deux siècles après l’indépendance des esclaves de Saint-Domingue un fait majeur de l’histoire politique et culturelle des civilisations , Haïti est figée au-dessous du seuil de la misère absolue. Ses jours et ses travaux sont englués dans la violence civile, l’instabilité politique, la délinquance de toutes sortes de mafias, l’entassement des ordures dans les rues, l’amoncellement des épreuves dans les foyers. Dans l’opinion mondiale, l’hapax haïtien est souvent décrit comme une « parenthèse vide » ou comme « une tragédie sans fin de la décolonisation » : plusieurs millions d’êtres humains sont coincés à vie dans leur impossibilité d’être un jour eux-mêmes.
Dans cette situation catastrophique, il ne faut pas demander au FMI ou à la Banque mondiale, à l’ONU ou aux puissants membres du G8 de réagir en lieu et place des citoyens d’Haïti. Il incombe d’abord aux Haïtiens, dans un sursaut vital jamais vu, d’inventer la stratégie collective susceptible de retenir durablement la solidarité des centres influents de l’aide internationale. Les premières mesures d’entraide et d’assistance à personne en danger doivent surgir au préalable « des grandes réserves de foi, ces grands silos de force où les peuples, dans les moments critiques, puisent le courage de s’assumer eux-mêmes et de forcer l’avenir » (Aimé Césaire).
Une percée dans la voie du progrès n’a de chances de succès que si elle s’appuie préalablement sur la mobilisation du peuple haïtien. Haïti est placée devant l’exigence de la refonte radicale de sa symbolique de résistance au malheur. Le pays s’est présenté sur la scène historique sous le masque monumental d’une forteresse inexpugnable. Incarné dans les pierres de la citadelle Laferrière [1], un mythe d’une extrême violence, fondé sur l’idée de « race », devait symboliser aux yeux du monde l’espoir de rédemption des ci-devant esclaves des plantations américaines. Il était justifié de 1791 à 1804, dans la période de rupture violente avec la terreur « raciale » du régime esclavagiste. Contemporain du modèle jacobin de la Révolution française, il devait remplir efficacement son rôle révolutionnaire d’émancipation. Structuré ensuite en jacobinisme-noir-à-l’haïtienne, notre mythe de fondation allait deux siècles durant conditionner la conduite historique d’un État-nation resté inachevé.
Contrairement à l’idéologie de la Révolution française, que les droits de l’homme et du citoyen, le code civil, la civilité démocratique, la souveraineté populaire, la laïcité, l’autonomie de l’individu dans la liberté, permutèrent en valeurs républicaines, notre négritude jacobine s’empêtra dans les pires excès de la violence politique pour rien. En Haïti, le Grand Mécanisme denté de l’histoire accommoda de façon récurrente les structures coloniales de la terreur aux institutions et aux mentalités de la société « nationale » haïtienne. Deux siècles après, nous n’arrivons pas à nous déprendre d’une idéologie régressive et déréalisante dont la fonction religieuse (« intégriste » avant la lettre ?) tient notre destin enfermé dans la seule logique délétère de la violence !
Un retournement de la tragédie
Avec les Duvalier (père et fils, 1957-1986), on assista à un retour pur et simple à la terreur de la plantation esclavagiste. Les représentations symboliques du tonton-macoutisme d’État achevèrent de truquer et de dénaturer jusqu’à la nausée les vérités intérieures et les fondements plus « raciaux » que nationalistes du peuple haïtien. Les rituels meurtriers de la papadocratie reproduisirent le nihilisme bossale [2] et créole appelé trente ans durant à verrouiller l’accès des Haïtiens à la société de droit et à la modernité démocratique.
Au début des années 1980, après trois décennies de ce « fascisme de sous-développement », le bruit a couru partout que ce tiers d’île le plus déshérité de la planète (et du coup le plus discrédité ?) avait touché le fond de l’opprobre et du dénuement. On prédisait alors à l’« après-duvaliérisme » un naufrage dans un court délai. On ne pouvait imaginer Haïti en état de se relever de ses ruines, après l’impitoyable logique d’autodestruction à laquelle la tribu Papa Doc l’avait soumise.
C’eût été ne pas compter avec la face éclairée de l’histoire identitaire des Haïtiens. Après l’avoir évaluée sur place, un observateur français rappela un jour que l’Haïtien, noir ou mulâtre, pauvre ou riche, manœuvre ou intellectuel, mystique ou athée, quand son être n’est pas un cactus vénéneux au jardin de Baron-Samedi [3], parvient avec grâce à abriter, dans ses convictions et sa conduite, « un trésor plus grand que les mines de diamant de Kimberley ou que tous les puits de pétrole du Moyen-Orient ».
La métaphore du voyageur ami évoquait ainsi la « spiritualité unique » qui peut encore recycler la vie d’Haïti dans le droit chemin de l’idéal de justice et de liberté qui est à l’origine de son équipée nationale. Après la débâcle de Duvalier fils en 1986, n’a-t-on pas vu un homme de grand charisme faire un usage populaire fécond de ce silo spirituel ? Le mouvement Lavalas de M. Jean-Bertrand Aristide réussit, en effet, à s’entourer du premier personnel politique démocrate de l’histoire haïtienne. De multiples preuves de maturité civique devaient alors l’emporter sur des dérapages populistes. Des élections libres eurent lieu dans les décombres de trente ans de barbarie. Les conditions paraissaient réunies pour une vraie « démacoutisation » des institutions et des mentalités. Le processus démocratique était si fortement enclenché que les militaires putschistes de 1991, après l’avoir sauvagement interrompu par un coup d’État, échouèrent à éviter le retour au pouvoir du président démocratiquement élu. Trois ans après un exil forcé aux États-Unis, M. Jean-Bertrand Aristide était restitué à ses fonctions présidentielles.
Il y a lieu de s’interroger avec rigueur sur les circonstances exceptionnelles qui ont marqué la restauration de 1994. J’y vois une occasion historique que l’ensemble de la classe politique, au-delà des clivages idéologiques, n’aurait jamais dû laisser partir en fumée. Cette année-là, Haïti est passée tout près d’un retournement décisif de sa tragédie. Pour la première fois de son histoire, le pays sortait de son isolement diplomatique, la sorte de mise en quarantaine de sécurité que le concert des nations civilisées imposa à la « révolution nègre » de Saint-Domingue. Le tête-à-tête dramatique d’un petit État pauvre et « noir » avec le super-État impérial et « blanc » cédait de manière inespérée la place à une approche multinationale du drame haïtien. Notre chaos cessait d’être présenté comme une triviale affaire d’arrière-cour coloniale entre « une étroite république nègre de la Caraïbe » et le géant empire nord-américain.
Un débat au grand jour soumettait le cas d’Haïti à l’examen des États membres des Nations unies. Dans ce forum démocratique, notre malheur était étalé dans tous les sens. Il était également montré sous toutes les coutures dans les principaux journaux et sur les écrans de télévision de la planète. Haïti bénéficiait soudain de la compréhension, voire de la sympathie, de l’opinion publique mondiale. Une panoplie d’atouts politiques, culturels, moraux, matériels apparaissaient à son horizon. Elle allait pouvoir compter sur une aide financière évaluée à plusieurs centaines de millions de dollars.
Pour rétablir M. Aristide dans ses droits de président élu, il fallait déloger par la force la junte délinquante du général Raoul Cédras. Les Nations unies confièrent aux États-Unis du président William Clinton le mandat d’intervenir militairement en Haïti. Etait-ce le spectre des années d’occupation yankee (1915-1934) qui rappliquait ? A l’inverse d’une nouvelle expédition coloniale, l’intervention américaine de 1994 était l’une des premières applications bénéfiques du droit d’ingérence humanitaire encore balbutiant dans les relations internationales. Une décision du Conseil de sécurité apportait à un peuple en danger l’assistance des Nations unies. Dans un cadre de légalité onusienne (que renforçait le système juridique régional de l’Organisation des États américains OEA), l’administration Clinton était investie de la mission d’aider M. Aristide, le président légitime d’Haïti, à gérer démocratiquement l’« après-Cédras ». M. Aristide promit de tout mettre en œuvre pour rassembler avec le parti Lavalas les forces vives de la nation au service de l’État de droit et de démocratie dont elle est en quête depuis ses premiers pas glorieux et incertains de 1804.
Cela se passait dans l’après-guerre froide, juste au moment où l’on commençait partout à sentir la nécessité d’inventer un nouveau contrat social, mondial cette fois, pour corriger et redresser les multiples formes de dérèglement de la globalisation. Dans l’après-communisme, la mise en route d’une société civile planétaire permettrait à la communauté des États-nations de relever les défis mondialisés de l’économie de marché. L’abc de la civilité démocratique, propulsée intelligemment à l’échelle du monde, offrirait un horizon d’espoir, en tout premier lieu aux sociétés en crise décoloniale gravissime, comme c’est l’état chronique d’Haïti depuis deux cents ans.
La double autorité juridico-militaire des États-Unis et de l’ONU en étroite coopération avec un réveil démocratique haïtien créerait les conditions d’une administration pluraliste capable de résoudre les dramatiques problèmes de droit, de civisme et de développement. En remplacement de la forme paternaliste de tutelle prévue depuis 1945 dans la Charte des Nations unies, un nouveau régime onusien d’intergouvernance construirait avec Haïti un projet-pilote conforme à l’abandon substantiel des souverainetés nationales que la mondialisation porte irrésistiblement à l’ordre du jour de l’évolution des sociétés et des civilisations du XXIe siècle.
Au lieu de bondir comme un seul patriote sur l’occasion inespérée offerte par les Nations unies, avec l’aval militaire et politique de la Maison Blanche, les Haïtiens, selon une tradition vieille de deux siècles, se sont émiettés en millions d’interprétations différentes de leur tragédie. Tout à nos haines fratricides, à nos haïtiâneries de proie, nous aurons manqué le rendez-vous historique de 1994, en livrant les chances d’émancipation du pays aux ornières de l’incompréhension suicidaire de soi.
Haut niveau de résistance culturelle
Les années-Aristide de l’après-Papa Doc auront ainsi réussi à faire des « tuteurs multinationaux onusiens » débarqués en amis ou en alliés de bonne volonté des témoins effarés et très vite découragés par nos gesticulations autodestructrices. La preuve la plus flagrante du catastrophique autobousillage de nos atouts est là : une décennie après l’internationalisation du drame d’Haïti, l’aide financière considérable décidée en faveur de sa solution à défaut d’interlocuteurs unis, résolus, compétents et fiables est restée gelée dans les coffres de puissantes institutions bancaires [4].
La proclamation d’indépendance de 1804 est aujourd’hui immobilisée dans un désert de sens et de valeur : le peuple des Amériques qui est le premier parmi les Noirs du continent à s’être soulevé victorieusement contre les abominations esclavagistes, pour ses deux cents ans de vie absurdement pseudo-nationale, offre le spectacle désolant d’un mini-État-zombie à l’abandon : le peuple haïtien barbote dans les décharges publiques de l’histoire, aux prises avec tous les malheurs du monde [5].
Haïti a donc le devoir sacré d’inverser la symbolique de sa résistance à l’oppression que la problématique « raciale » de la plantation a truquée. L’indépendance est vécue comme une victoire militaire et politique plus « raciale » que nationale. Un peuple caribéen, de souche africaine et française, aura fantastiquement métissé sa charte constitutionnelle, ses idées du droit et de la civilité, à partir de concepts « sociaux » et religieux amalgamés, sur des fondements anthropologiques et ontologiques qui devaient se révéler absolument faux, mensongers, fantasmagoriques. L’omniprésence dans les mentalités haïtiennes des options de la prétendue « race », et de l’improbable religion, devait occuper dans la société les rôles qui reviennent à l’État, au droit, à la laïcisation du savoir et des comportements, comme aux libres initiatives de l’économie marchande. Tout l’héritage politique de libération d’Haïti s’est ainsi congelé jusqu’à 2004 dans une figure tragiquement légendaire : première république noire des Temps modernes, berceau historique de la négritude, qui a continué, jusqu’au « prophétisme » défaillant du président Aristide, à conditionner négativement l’idée que les Haïtiens se font d’eux-mêmes.
Le double naufrage des opérations « Restore Democracy » et « Aristide-Lavalas » (1994, 2004) met les Haïtiens en demeure « de vouloir et de réussir quelque chose d’impossible contre le Sort, contre l’Histoire, contre la Nature ! ». L’injonction qui nous a été faite un jour dans le théâtre élisabéthain d’Aimé Césaire est plus que jamais d’actualité à nos portes. Elle exige une responsabilité haïtienne de ce qui nous est arrivé, en vue de la refondation civique de l’ensemble de nos ressorts psychologiques et sociaux. Il est temps de s’arc-bouter stoïquement à la mobilisation des silos d’intelligence, de savoir-faire, de sagesse, de foi consensuelle en un peuple dont la force de création a fait ses preuves à travers les données vitales de sa tragédie même. En effet, peu de terroirs de la planète, confrontés deux siècles durant à des erreurs tragiques, à des vicissitudes spectaculaires, sont parvenus, comme ceux de l’île d’Haïti, à maintenir un haut niveau de résistance culturelle au lourd héritage de l’esclavage et de la colonisation, dans le même temps où ils échouaient totalement à organiser les institutions de la modernité républicaine et démocratique.
Institutionnellement parlant, « la nation haïtienne n’a pas pris » (Claude Moïse [6]) ; « Haïti n’existe pas » (Christophe Wargny [7]), tandis que la juridiction onirique qui conditionne ses structures imaginaires devait, au XXe siècle, déboucher sur une culture d’une éclatante viabilité. La culture haïtienne n’a pas connu la panne, l’arrêt pathologique de fonctionnement, qui aura été le sort de l’État, du droit et de la justice. Du point de vue culturel, Haïti serait plutôt l’inverse du pays le plus démuni de l’hémisphère occidental.
Malgré le chaos politique et social, toujours prédominant sur les aspirations démocratiques, on a affaire, dans les arts et la littérature, à une heureuse transmutation esthétique des échelles du malheur quotidien. Les divers courants de ce « réel merveilleux haïtien » ont marqué, aux yeux du monde entier, l’éblouissante révolution plastique des années 1950, de même que les productions musicales et littéraires de plusieurs générations d’artistes. Des talents de peintres, de musiciens, de poètes et d’écrivains de premier ordre permettent aux créations de supporter la comparaison avec les triomphes les plus indiscutables de l’art mondial.
Faisant admirablement fi des rhétoriques d’imitation académique des modèles importés, en riposte à l’expérience atrocement « raciale » de l’époque de la plantation, les créateurs haïtiens ont couru avec éclat l’aventure de la souffrance sans fin, ainsi que l’ivresse solaire de vivre qui tente de la sublimer sur un bout de terre illuminé au-dedans de sa solitude « d’État sans nation... et de société sans État » (Régis Debray).
Sans pétrole ni diamant, Haïti sera-t-elle capable de se réveiller à une nouvelle donne de son histoire ? Saisie à la gorge par l’illusion Aristide-Lavalas, partie en fumée, Haïti est-elle prête à engager son peuple martyr, sa seule richesse naturelle, son précieux matériau humain, dans une remontée jamais vue ?
Ayant manqué le train de l’État-nation, seul le TGV de la mondialisation citoyenne à la française a des chances de s’arrêter pour offrir aux Haïtiens la possibilité du premier voyage démocratique de leur histoire. La tentative d’universalisation des droits de l’homme, tentée en 1801 par Toussaint Louverture, et méprisée par Napoléon Bonaparte, est en mesure de rejoindre, en toute confiance, une France qui a cessé de mesurer le monde à la seule échelle de ses mythes hexagonaux. Au moment où elle a fait sienne la construction européenne, elle tient également la mondialisation pour sa nouvelle heure de vérité.
La haine semée jadis par le système colonial n’a contaminé ni la langue ni les conceptions et les pratiques françaises de la vie en société. Elles font partie des valeurs universalisantes, c’est-à-dire l’oxygène dont a besoin absolument la globalisation, pour éviter les dangers de mort d’un casino planétaire. L’espérance des Haïtiens du XXIe siècle peut trouver un nouveau souffle dans l’espérance de toute la francophonie. Cette bouffée d’optimisme m’est venue de la lecture du rapport que Régis Debray, à la tête d’un comité de réflexion, a adressé récemment au ministre français des affaires étrangères.
En effet, Haïti et la France [8] appelle le peuple haïtien à se dépasser dans tous les domaines, avec l’amitié de la France à ses côtés, pour renaître à lui-même et sortir enfin en triomphe de son surplace existentiel. L’envie m’a pris de placer mon espoir d’écrivain franco-haïtien dans la mise en œuvre des mesures opportunes que Debray a proposées aux autorités de ma patrie d’adoption pour le « salut » de ma terre d’origine.
L’ex-président Jean-Bertrand Aristide porte une lourde responsabilité dans la crise qui a secoué Haïti. Mais l’alliance implicite entre l’opposition la Plate-forme démocratique et les forces paramilitaires liées à la dictature de M. Raoul Cédras (1991-1994) laisse mal augurer de l’avenir. D’autant que les conditions dans lesquelles a été évincé, le 29 février, le président élu apparentent l’opération menée par les États-Unis, avec la collaboration de la France, à un coup d’État.
René Depestre
* Écrivain haïtien né en 1926, auteur, entre autres, de Comment appeler ma solitude, Stock, Paris, 1999.
[1] Forteresse construite par le roi Henri Christophe pour défendre le territoire du Nord contre un éventuel retour des Français dans l’île.
[2] Bossale : part de l’héritage africain qui aurait échappé au processus de créolité (métissage afro-français) propre à la culture d’Haïti.
[3] Baron-Samedi : dieu maléfique du vaudou symbolisé par une grande croix...
[4] Lire Paul Farmer, « Haïti, l’embargo et la typhoïde », Le Monde diplomatique, juillet 2003.
[5] Lire André Linard, « Triste bicentenaire en Haïti », Le Monde diplomatique, février 2004.
[6] Claude Moïse, La Croix et la Bannière : la difficile normalisation démocratique en Haïti, Cidhica, Montréal, 2002.
[7] Christophe Wargny, Haïti n’existe pas, Autrement, Paris, 2004.
[8] Haïti et la France, éditions La Table ronde, Paris, 2004.