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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Le combat inévitable. (1973)
Discours inaugural du président, Louis Laberge.
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de la Fédération des travailleurs du Québec, Le combat inévitable. Montréal, 13e Congrès du 3 au 7 décembre 1973. Discours inaugural du président, Louis Laberge. Montréal: FTQ, 1973, 71 pp.

[3]

Le combat inévitable


Introduction


DERRIÈRE L’INDÉCISION,
L’ESPOIR


[4]

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[5]

Jamais autant que cette année je n 'ai eu de difficultés à préparer un discours inaugural. Ce ne sont pourtant pas les sujets qui manquent. Mais le mouvement syndical a été tellement perturbé au cours de ces deux dernières années et les moments que nous vivons me paraissent tellement graves à l'heure du Bill 89, des 102 députés libéraux et de la répression judiciaire accrue, que j'ai le sentiment que nos réflexions et les actions que nous déciderons au cours de ce congrès seront chargées d'une importance qu'elles n'ont jamais portée dans le passé.

Au dernier congrès, je me souviens d'avoir décrit les mois qui précédaient corme une "bousculade d'événements". Quelle expression inventer cette année pour parler des secousses successives qu'a connues le mouvement ?

Et ici, je parle du mouvement syndical dans son ensemble. Nous avons vu ce qui est arrivé à nos amis de la CSN, lorsque leur mouvement a été secoué corme jamais une centrale syndicale n'avait été secouée. Chez nous, à la FTQ, il y a eu bien sûr des heurts, il y a eu certaines divisions. Certains militants, qui n'écoutaient que leur enthousiasme, lors des événements de mai '72, sont peut-être allés trop loin, n 'usant pas de toute la diplomatie dont ils auraient dû faire preuve avec d'autres travailleurs syndiqués.

Certains en furent choqués et se sont exprimés là-dessus. D'autres ont même remis en question le bien-fondé des stratégies du front commun du secteur public. Tandis qu'à [6] l’opposé, des militants regrettaient que le mouvement n 'ait pas été assez catégorique dans son encouragement aux protestations. Heureusement, ces divergences de vues n'ont pas donné lieu, chez nous, à des scissions ou à des écartèlements douloureux comme ceux qu’a connus la CSN, lorsque la CSD s’est formée.

Beaucoup ont été étonnés de voir 1e mouvement se chercher au cours des deux dernières années. Nous semblions tous lancés, quelques mois auparavant, dans une action militante très dynamique ; nous semblions mus par des motivations claires et inébranlables. Notre congrès de 1971 nous avait en effet permis de clarifier nos positions sur une foule de sujets :

nous avions mieux défini le rôle de l'État, qui se met au service des employeurs pour nous maintenir dans la soumission ;

nous avions précisé la sorte de combat que nous voulions mener, sur tous les plans à la fois, dans un seul front, pour construire un socialisme démocratique ;

nous avions affirmé que nous voulions sortir de l'isolement où nous maintenait trop souvent un syndicalisme traditionnel ;

nous avions choisi de ne nous refuser aucune arme pour mener ce combat légitime, acceptant même, le cas échéant, de recourir à la grève générale.

[7]

Après avoir traversé autant de réflexions, il y a de quoi être surpris, sinon déçu, de voir autant d'indécision dans les actes, face aux lois d'exceptions, aux emprisonnements de syndicalistes (les trois présidents n'ont malheureusement pas été les seuls à toucher du doigt la mesquinerie gouvernementale), aux amendes multiples qui ont plu sur le dos des travailleurs et, finalement, face à la campagne électorale décidée, orchestrée et jouée par les libéraux.

Mais, passé le temps de la déception ou de l’étonnement, nous devons voir clair ensemble sur l'état de santé de notre mouvement. Nous devons, comme à chaque congrès nous interroger sur la justesse de nos orientations, l'efficacité de nos stratégies. Je veux affirmer tout de suite, quant à moi, que je ne crois pas que nous ayons fait fausse route, dans les batailles que nous avons menées.

Bien sur, lors des emprisonnements, par exemple, on aurait pu s’attendre à une action plus concertée. Ces lacunes tiennent souvent à peu de choses. Si nos gars de la construction avaient contrôlé tout leur secteur industriel à ce moment-là, ç'aurait été bien différent. Le fait est que les employés de la construction de Québec, alors affiliés à la CSN et, en partie, passés à la CSD depuis, furent les premiers à décider en assemblée de retourner au travail. La poursuite de la bataille par les nôtres aurait probablement provoqué un affrontement, qui aurait dégénéré en une lutte intersyndicale, que nous ne souhaitons pas.

[8]

Il y a des gens qui disent : dans d’autres pays, on ne vous aurait pas laissé pourrir en prison aussi longtemps. Bon, c’est peut-être vrai. Dans d’autres pays, ils ont peut-être des mœurs différentes ; dans d’autres pays, ils ont peut-être des problèmes différents. Mais ça s’adonne que nous vivons ici au Québec, avec des Québécois et je suis fier d’en être. Je pense que ces événements constituent tout de même une expérience formidable, qui a sensibilisé des dizaines de milliers de travailleurs québécois.

On a vu des gars de Sept-Îles s’emparer littéralement de la ville, couper les moyens de communication et, enfin, contrôler de façon quasi-parfaite la situation chez eux.

La même chose a été faite par les gars de Thetford-Mines. Dans combien d’autres villes n’a-t-on pas vu des employés s’emparer de postes de radio afin de diffuser, pour une fois, des nouvelles véridiques à la population ; on a vu, en plus, des débardeurs et des gars de la construction, des groupes de métallos, des groupes de machinistes, des travailleurs unis de l’automobile, des pâtes et papiers, des journalistes, des enseignants, se joindre aux militants du Syndicat canadien de la fonction publique, du local 298 des employés de service et à ceux du syndicat des employés professionnels et de bureau, pour protester publiquement.

Veuillez croire que, dans ces moments, malgré les erreurs qu’ont pu commettre certains d’entre eux dans leur enthousiasme, j’étais fier d’être président de la FTQ. C'est peut-être [9] à travers ces actions plus réconfortantes qu'il faut rechercher des signes d'espoir, plutôt qu'à travers nos gestes indécis ou à travers les périodes creuses de notre action.

C'est une réflexion que je me suis imposée dont je souhaite vous faire part maintenant. Pour ce faire, rappelons-nous un peu les faits saillants qui ont marqué les deux dernières années pour le mouvement syndical. Nous y réévaluerons mieux les conclusions que nous tirions au congrès de 1971 à la suite des luttes des mois précédents. Ma conviction à moi, c 'est que le combat de tout le mouvement soudé par la solidarité, contre le régime économique et politique, est inévitable. Certains croyaient qu'ils avaient le choix de se battre ou pas. Les événements se sont chargés de les ramener à la réalité. Le gouvernement dont nous faisions l'autopsie au dernier congrès s’est montré, dans les faits, encore plus répressif que nous ne le prévoyions, encore plus servile face aux magnats de la finance.

Ce rafraîchissement de mémoire, auquel je vous invite, va nous permettre de poursuivre plus lucidement la définition de ce que l'on veut comme organisation de la société, en remplacement de celle qui nous oppresse. Nous dissiperons ensemble, au cours de ce congrès, les ambiguïtés qu’ont pu engendrer nos prises de position de 1971 sur le socialisme démocratique. Nous préciserons aussi les moyens que nous jugeons essentiels pour atteindre nos objectifs. Finalement y nous discuterons ensemble la façon dont nous entendons mener ce combat inévitable, dans lequel nous entraînent les ennemis des travailleurs.

[10]

Mon sentiment le plus profond est que, derrière nos désaccords sur tel ou tel geste, il y a beaucoup de manque de communications. Mais les affrontements multiples, dans lesquels nous sommes plongés, ne nous laissent pas toujours le temps de combler les trous laissés dans nos dialogues trop espacés.

Si bien qu’on ne sait pas trop, lorsque sur viennent ces attaques contre le mouvement, sur qui on peut compter exactement pour mener la bataille. On ne sait pas non plus qui est d’accord pour mener le combat jusqu'au bout et quels sont les moyens que sont prêts à prendre nos affiliés pour les rendre efficaces.

Je suis assuré que les délégués à ce congrès auront le courage d'avoir des discussions franches là-dessus. Cela me paraît essentiel, si nous voulons que notre mouvement continue à être le lieu de rencontre de l'énergie et de la générosité de ces milliers de militants, qui ne demandent qu’à participer à la construction d’une société plus humaine et plus juste.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 7 avril 2024 19:25
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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