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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Thierry Feral, Médecine et nazisme. (1997)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Thierry Feral, Médecine et nazisme. Paris: Les Éditions L'Harmattan, 1997, 141 pp. Collection “Allemagne d'hier et d'aujourd'hui.” Une édition numérique réalisée avec le concours de Pierre Patenaude, bénévole, professeur de français à la retraite et écrivain, Chambord, Lac—St-Jean, Québec. [Autorisation accordée par l'auteur le 23 septembre 2019 de diffuser ce livre en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales. Et un grand merci à Michel Bergès, historien des idées politiques pour toutes ses démarches auprès de l'auteur pour que nous puissions diffuser cette oeuvre.]

[9]

Médecine et nazisme

Préface

D'emblée, on est frappé par l'esprit de synthèse et la culture des auteurs de ce Médecine et nazisme : les faits, orientations bibliographiques, élaborations et documents présentés ne peuvent laisser indifférents. À la lecture, on est immédiatement submergé par les souvenirs trop facilement refoulés, mais qui ne demandent qu'à réémerger pour peu qu'ils se trouvent sollicités. Ainsi :

Psychiatre d'origine bourgeoise et d'éducation chrétienne, j'ai grandi dans une ville de province après la Deuxième Guerre mondiale. Tandis que mon grand-père vivait dans le souvenir de ce « grand homme » qu'avait été le maréchal Pétain, il était fréquent que ma mère évoquât les juifs comme des êtres différents, essentiellement par leur anatomie. Mon père, résistant dans le Vercors, avait finalement intégré l'active alors qu'il s'était initialement destiné à la médecine. Une zone d'incompréhension persiste quant au choix de mon prénom, Anne, et de celui de mon frère jumeau, Franck. Ce n'est qu'à l'adolescence, à la lecture du célèbre Journal, que nous en entrevîmes la possible origine, sans toutefois jamais pouvoir la déterminer avec précision. Il n'est pas rare que cet héritage me plonge dans une infinie tristesse, tout comme le souvenir de cette amitié refusée : une petite fille de mon âge, elle était juive...

J'ai toujours eu plutôt tendance à fuir les images qui font cortège à l'évocation de la Shoah, mais je dois au film de C. Lanzmann d'en être venue à m'interroger sur les conduites criminelles des médecins sous le règne de Hitler. Il faut le dire : Médecine et nazisme dérange. Oui, ce travail dérange par l'intelligence de la narration, par la lucidité du propos, par sa rage à vouloir révéler ce qui a trop longtemps été objet [10] de dissimulation, par sa détermination à vouloir accéder aux profondeurs du psychisme humain, là où il n'y a plus rien à dire, plus rien à voir, là où en chacun de nous la barbarie prend racine.

Les auteurs de Médecine et nazisme affirment la nécessité de s'interdire le meurtre de l'autre dans la réalité, ce meurtre qui pourtant fonde notre origine. En nous confrontant délibérément à cette contradiction primordiale et en militant pour le primat de la morale comme substrat de la pratique médicale et plus généralement des rapports sociaux, Médecine et nazisme suscite une réflexion des plus bénéfiques.

Anne VIARD

Docteur en médecine
DEA d'histoire des sciences et techniques
Psychiatre hospitalier à Nantes



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 23 décembre 2019 12:03
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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