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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Renée HOUDE, “Le concept de générativité appliqué à la vie professionnelle et le rôle du mentor.” In Actes du colloque "La carrière au mitan de la vie", organisé par la Fédérations des Cegeps, 4-5 octobre 1990, p.125-140. [L’auteure nous a accordé, le 25 juin 2021, l’autorisation de diffuser en libre accès à tous ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

Renée HOUDE

Ph.D, professeure retraitée,
Département des communications sociale et publique, UQAM.

Le concept de générativité
appliqué à la vie professionnelle
et le rôle du mentor
.”

In Actes du colloque "La carrière au mitan de la vie", organisé par la Fédérations des Cegeps, 4-5 octobre 1990, p.125-140.

Résumé de la conférence

1. La générativité: un phénomène du mitan

1.1. La générativité selon Erikson
1.2. Les composantes de la générativité
1.3. Le profil des personnes qui réalisent leur générativité
1.4.

2. Le Mentorat, une tâche de générativité

2.1. Une transaction relationnelle qui fait le pont entre les générations
2.2. Une relation complexe
2.3. Une relation qui ne se définit pas par des rôles formels, mais par des fonctions : les sous-fonctions du mentorat
2.4. La fonction principale du mentorat: supporter le Rêve de vie
2.5. Une relation de transition
2.6. Sortes de mentorat
2.7. Les caractéristiques les plus importantes du mentor

3. Application à la vie professionnelle

3.1. Au niveau individuel
3.2. Au niveau organisationnel

En guise de conclusion
Bibliographie

Résumé de la conférence

Le mitan de la vie, comme toutes les périodes de la vie adulte, comporte ses "grandeurs et ses misères", pour reprendre l'expression de Pascal, ses devoirs et ses gratifications, ses exigences et ses plaisirs, pour le dire dans un langage plus contemporain. Comme toutes les phase de la vie adulte, le mitan comporte ses impératifs de croissance psychosociale et ses défis de développement.

La générativité est un enjeu important du mitan de la vie, et le mentorat un lieu important pour exercer sa maturité. Que faut-il comprendre sous ce mot "générativité" ? Qu'est-ce que le mentorat ? Et comment ceci s'applique-t-il à la vie professionnelle ? Voilà les trois principaux points de mon exposé. Mon but est de vous permettre de réfléchir tant à un niveau personnel qu'à un niveau organisationnel et, si le temps nous le permet, à un niveau sociétal, et de vous fournir des mots pour nommer des réalités dont vous faites déjà l'expérience.

Afin de mieux cerner ce qu'est la générativité, nous reprendrons brièvement la description qu'en donne Erik Erikson, présenterons les composantes de la générativité et un profil des personnes qui réalisent leur générativité, ceci en première partie.

En deuxième partie, nous analyserons le mentorat. D'abord nous tenterons de spécifier la complexité, le caractère, et les fonctions de cette relation et distinguerons deux sortes de mentorat; puis nous énumérerons les caractéristiques les plus importantes du mentor. Enfin nous considérerons deux niveaux d'application au plan professionnel: le niveau individuel et personnel, le niveau organisationnel.

Dans l'ensemble j'espère vous persuader que la générativité entrevue comme impératif de croissance nous offre de beaux défis de développement tant personnels qu'organisationnels et sociétaux. J'espère également vous faire partager ma conviction que le mentorat est un lieu privilégié de générativité, conviction qui s'appuie sur une certitude: toutes les personnes, sans exception, se construisent dans la mutualité.

………………………………………

Les Grecs avaient un mot pour désigner la période d'une vie humaine qui correspondait à son apogée: l'acmè. Au sens propre, acmè signifie la partie aigue d'un objet (par exemple, la lance du javelot). Au sens figuré, il signifie tantôt le plus haut point ...de force, de puissance (on retrouve ainsi l'expression acmè tou biou chez Xénophon, expression traduite par "la force de l'âge"), tantôt le moment où une chose est à point, le moment opportun, bref le moment où une chose (ou une vie...) est mûre. Les deux idées de sommet et de maturité se retrouvent donc dans cette notion d'acmè.

En comparant le milieu de la vie humaine au zénith, Jung nous plonge dans une métaphore où le soleil est à son plus haut niveau (image de sommet, d'apogée) et dans toute sa splendeur (image de plénitude, de réalisation, de maturité). Nous sommes loin des connotations sémantiques de remue-ménage et d'atermoiements existentiels véhiculées par une certaine psychologie populaire qui nous présente un homme ou une femme découvrant, un matin de préférence, ses premiers cheveux blancs devant son miroir et sombrant dans la crise du mitan.

J'affiche immédiatement mes couleurs : comme les autres temps de la vie, le mitan de la vie comporte ses impératifs de croissance et ses défis développementaux, impératifs et défis auxquels il faut faire face. La manière d'y faire face n'entraine pas nécessairement une expérience subjective de grand déséquilibre, d'intense anxiété, de perturbation émotionnelle extrême. Il s'agit là d'une manière personnelle de composer avec le fait de vivre. Il m'apparaît essentiel de comprendre que les enjeux développementaux de chacun des temps de la vie font partie de l'ordre des choses et qu'il n'y a rien de plus humain et de plus "normal" que de rencontrer et de résoudre ces impératifs et ces défis de croissance. La générativité est un enjeu important du mitan de la vie, et le mentorat un lieu important pour exercer sa maturité. Que faut-il comprendre sous ce mot "générativité" ? Qu'est-ce que le mentorat ? Et comment les appliquer à la vie professionnelle ? Voilà les trois principaux points de mon exposé. Mon but est de vous permettre de réfléchir tant à un niveau personnel qu'à un niveau organisationnel et de vous fournir des mots pour nommer des réalités dont vous faites déjà l'expérience.

Afin de mieux cerner ce qu'est la générativité, nous reprendrons brièvement la description qu'en donne Erik Erikson, présenterons les composantes de la générativité et un profil des personnes qui réalisent leur générativité, ceci en première partie.

En deuxième partie, nous analyserons le mentorat. D'abord nous tenterons de spécifier la complexité, le caractère , et les fonctions de cette relation et distinguerons deux sortes de mentorat; puis nous énumérerons les caractéristiques les plus importantes du mentor.

Enfin nous considérerons deux niveaux d'application au plan professionnel: le niveau individuel et le niveau organisationnel.

1. La générativité: un phénomène du mitan

La générativité est un bon descripteur de la maturité, comme le laissent penser les recherches sur ce qui caractérise l'adulte accompli. Ainsi Gail Sheehy relie la satisfaction de vivre optimale et la générativité: "Les gens les plus satisfaits se dédient à une cause ou à un but en dehors d'eux-mêmes". De son côté Maslow attribue à l'actualisation de soi le fait d'être impliqué dans quelque chose d'extérieur à soi-même. Par ailleurs Vaillant, dans son "Grant Study of Adult Life", considère que les personnes les moins accomplies sont celles qui n'atteignent pas le point où elles se soucient moins d'elles-mêmes et davantage des enfants, risquant la stagnation. La stagnation, on s'en souviendra, consiste en un repliement sur soi-même et en une absorption en soi-même où l'adulte est avant tout préoccupé, concerné par lui-même, par exemple, par son propre confort, ce qui laisse un sentiment de vide, de non-plénitude.

Afin de mieux saisir ce qu'est la générativité, nous réviserons d'abord ce qu'est la générativité selon Erikson, considérerons les composantes de la générativité et esquisserons un profil des personnes qui réalisent leur générativité.

1.1. La générativité selon Erikson

Dans les théories, il existe différentes descriptions du mitan de la vie: proposer que le mitan de la vie est une période où la personne est aux prises avec ses forces de générativité et ses forces de stagnation est déjà souscrire à un modèle, celui d'Erik Erikson. Si j'ai choisi la générativité comme descripteur du mitan, c'est à cause des liens et des connexions possibles avec le mentorat, mais non sans mettre quelques bémols sur la théorie.

 Tout au cours de sa vie, l'adulte rencontre différents conflits psychosociaux et invente une solution personnelle et une résolution unique pour chacun de ces conflits. La manière dont Erik Erikson a décrit ces différents enjeux de croissance psychosociale consiste à répertorier trois tensions psycho-socio-existentielles qui seraient davantage prépondérantes à une époque spécifique de la vie adulte: une tension entre une force d'intimité et une force d'isolement chez l'apprenti adulte, une tension entre une force de générativité et une force de stagnation chez l'adulte senior, et une tension entre une force d'intégrité et une force de désespoir chez la personne âgée. De ces trois tensions, Erikson a fait des stades de la vie adulte, stades que je persiste à ne pas comprendre d'une façon étroitement séquentielle, mais d'une façon dynamique et dialectique tout en étant séquentielle. Ceci signifie que la façon unique dont une personne donnée résoud la polarité intimité-isolement affecte la façon dont elle résoud les autres polarités et réciproquement.

Selon Erikson, la générativité passe par la génitalité mais la dépasse; elle suppose à la fois de faire des enfants, de produire de choses, de créer des idées. Bref la procréation, la productivité et la création en sont l'expression. La générativité est essentiellement l'intérêt pour la génération suivante et son éducation; elle canalise à la fois le souci des générations futures et le besoin de faire sa marque, comme si chacun et chacune voulait laisser sa trace dans la longue histoire de l'humanité. La générativité entraine une expansion des intérêts du Moi, le sentiment de contribuer au futur, de participer à la réalisation d'un monde meilleur, de faire sa part pour la suite du monde. Evidemment ces aspirations sont ressenties et actualisées à des degrés divers selon les personnes.

Trop souvent on associe la générativité à des fonctions éducatives (s'occuper des enfants, des jeunes, de la génération montante) au détriment des dimensions de créativité et de production, non moins essentielles à la générativité.

L'idée d'Erikson est claire: résoudre le dilemme entre mettre sa vie au service du mieux-être de la planète (ce qui inclut le sien) et mettre sa vie au seul service de son bien-être (au détriment de celui des autres et de la planète) est une problématique psychosociale qui surgit avec plus de vigueur et de prégnance au mitan de la vie. Toutefois, la valeur de cette idée a été discutée par plusieurs.

Première mise en doute: la générativité appartient-elle au mitan à l'exclusion des autres enjeux ? Je l'ai dit: je ne le pense pas. Dans les faits, l'expérience du mitan est souvent vécue par les protagonistes comme exigeant une réorganisation du Self (un autre descripteur du mitan), ce qui déclenche un profond questionnement sur son identité. Comme le dit Sherman: "la recherche en gérontologie a trouvé qu'un sens accru de son self et une "intériorité de la personnalité" semblent faire partie du développement au mitan d'une façon générale ou quasi universelle. "Comme il le suggère, on ne peut en conclure que toutes ces personnes aux prises avec elles-mêmes sont en pleine stagnation. Au mitan, la quête d'identité semble se doubler d'une recherche de générativité: comme si la question "qui suis-je ?" se colorait de la question "Qu'est-ce que j'ai fait jusqu'ici de ma vie ? Que restera-t-il de moi après ma mort ?"

Deuxième mise en doute: la séquence identité/ intimité/ générativité suggérées par Erikson vaut-elle également pour les hommes et pour les femmes ? Erikson croit que la problématique intimité/isolement n'est pas la même pour les femmes et pour les hommes, compte tenu que pour la femme, la définition de son identité passe par la problématique de l'intimité, mais il ne change pas l'ordre de ses stades pour autant. Gilligan est formelle sur ce point: "Alors que chez les hommes l'identité précède l'intimité et la procréativité dans le cycle optimal de séparation et d'attachement, ces processus semblent liés chez les femmes. L'intimité va de pair avec l'identité, car la femme se perçoit et se connaît comme les autres la perçoivent, à travers ses rapports avec autrui." Une interprétation à la lettre de l'ordre de la séquence ne permet pas de rendre compte de ce qui se passe. Or, à mon avis, les modèles théoriques existent pour nous permettre de nous comprendre et non l'inverse. Ceci nous oblige donc à relativiser le modèle théorique et à questionner son caractère universel. La même mise en doute est nourrie par ce constat: il arrive souvent que les femmes, entre 20 et 35 ans, consacrent une grande part de leur énergie à "élever leurs enfants", faut-il en conclure que la générativité est plus précoce chez les femmes que chez les hommes ? Ici il me semble qu'on réduit la générativité à la composante de la procréation, maintenant dans l'ombre les composantes production et création, qui sont aussi l'apanage des femmes. Est-il nécessaire de dire que les trois composantes de la générativité sont également l'apanage des hommes ? Il y aurait lieu d'approfondir les différences liées au sexe dans la manière d'exercer sa générativité plutôt que d'assigner des territoires plus ou moins faux aux hommes et aux femmes.

Ces bémols à la théorie permettent de mieux saisir à quel point la générativité est un processus à long terme et non un point d'arrivée, ou une fin. Comme impératif de croissance, tout adulte doit y faire face. (Ne pas y faire face est encore une manière d'y faire face : "Moi, ça ne me dit rien toutes ces affaires de générativité !") . Voyons maintenant quelles sont les composantes de la générativité.

1.2. Les composantes de la générativité

Paula Harding (1985), dans Generativity in the Middle Adulthood, discerne quatre composantes d'une générativité qui se concrétise :

1) La première composante concerne la vision du monde qui soutient les expériences de vie de l'adulte, i.e. le système de croyances dans lequel l'adulte encode son expérience. Dans cette vision du monde, il y a place pour une adhésion profonde aux aspects spirituels de la vie et une foi et une confiance dans l'espèce humaine.

2) La deuxième composante concerne les récompenses qui découlent des comportements de "générativité". La générativité implique souffrance et joie; la joie peut procurer un sens de sa valeur personnelle, la souffrance peut entraîner une recherche de sens. Les personnes qui réalisent leur générativité prennent plaisir à relever les défis qu'elles choisissent ; elles prennent également plaisir à se reconnaître entre elles et à faire partie d'un même réseau où elles s'apportent du soutien mutuel.

3) La troisième composante porte sur la compréhension de soi des adultes, une compréhension de soi qui intègre contradictions et limites. Au fur et à mesure qu'ils progressent dans la générativité, ces adultes intègrent les contradictions et les polarités de leur enfance et de leur vie d'adulte. Au fur et à mesure qu'ils deviennent conscients de leurs limites personnelles, ces adultes apprennent à se valoriser et à se respecter de l'intérieur de ces limites: ceci est vital pour la générativité.

"De fait les personnes qui actualisent de plus en plus leur générativité comprennent qu'elles peuvent aimer sainement une autre personne seulement si elles se respectent et s'aiment de façon saine. Ce ne sont jamais des martyrs ou des zélés du bien. Dans la compréhension de soi, il y a un processus incessant de changement de valeurs. Ceci peut vouloir dire simplifier le côté matériel de la vie, respecter la nature et s'y plaire de plus en plus, désirer avoir du temps de solitude pour penser, être tranquille et méditer (p.132)." (ma traduction)

4) Enfin la quatrième composante touche les espoirs et les rêves: Les personnes qui ont de la générativité ont beaucoup de rêves: des rêves amusants, des rêves sérieux, des rêves pour elles-mêmes, pour leurs enfants, pour les êtres aimés et pour la planète.


1.3. Le profil des personnes qui réalisent leur générativité

Ailleurs dans cette même recherche, Paula Harding a esquissé comme suit le profil des personnes qui réalisent leur générativité:

1) elles ont tendance à faire tourner au positif les événements de vie qui surviennent (l'expérience, comme le disait Huxley, ce n'est pas ce qui arrive à une personne mais ce qu'une personne fait avec ce qui lui arrive);

2) elles font confiance aux processus de la vie;

3) elles apprennent à composer avec les forces variées qui coexistent à l'intérieur d'elles-mêmes;

4) elles ont faim d'apprendre sans cesse se situant dans un processus d'éducation continue (Comment ne pas penser aux adultes-exceptions qui se retrouvent dans les différentes tranches de vie découpées par Riverin-Simard lorsqu'elle analyse Les étapes de vie au travail ?)

1.4.  Maintenant que nous savons un peu mieux en quoi consiste la générativité, voyons ce qu'il en est du mentorat. Je crois que le mentorat est une topique particulièrement intéressante pour comprendre la générativité. Je crois également que c'est un sujet qui nous concerne toutes et tous, certain-e-s d'entre nous jouant le rôle de mentor "par oreille", d'autres souhaitant mieux jouer ce rôle, d'autres encore souhaitant simplement savoir de quoi il s'agit. C'est pourquoi j'ai choisi de vous parler du mentorat.

2. Le Mentorat, une tâche de générativité.

Pour comprendre le mentorat, il importe de saisir à quel point c'est un phénomène qui permet de faire le pont entre les générations. J'insisterai ensuite sur la complexité de cette relation, décrirai les fonctions qu'elle remplit puis illustrerai son caractère transitionnel. Enfin en distinguant deux sortes de mentorat et en prenant connaissance des principales qualités du mentor, nous compléterons notre tableau.

2.1. Une transaction relationnelle
qui fait le pont entre les générations


Le mentorat est un phénomène intergénérationnel qui se produit habituellement entre un adulte junior et un adulte senior, soit entre un adulte apprenti et adulte reconnu. Théoriquement le mentorat fait le pont entre deux phases de la vie adulte: la phase d'entrée dans le monde adulte et la phase du mitan. La phase d'entrée dans le monde adulte porte différents noms selon les différents auteurs: Intimité versus isolement chez Erikson et chez Vaillant, Entrée dans le monde adulte chez Levinson, "Quitter le monde de ses parents" et "Je ne suis plus l'enfant de personne" chez Roger Gould; tandis que la phase du mitan s'appelle "générativité" chez Erikson, "Milieu de la vie ou mitan" chez Levinson, "la décennie du milieu de la vie" chez Gould.

Le mentorat est donc un phénomène qui s'arc-boute sur différentes générations. Ceci au sens propre.

Toutefois, on n'est jamais adulte une fois pour toutes. On l'est plus ou moins dans les différentes zones de la vie adulte [vie familiale, vie professionnelles, vie interpersonnelle ( amitiés, amours), vie sociale, vie personnelle]. Bref chacun se développe à son rythme dans les différentes zones de la vie adulte.

Ceci nous autorise à faire une application plus large du concept de mentorat. En effet, l'âge chronologique n'est pas un critère en soi; le besoin d'un mentor peut apparaître chez un-e adulte qui commence....à travailler, à jouer un nouveau rôle (directrice de compagnie, etc.), qui change de carrière, quasi indépendamment de l'âge, ceci d'autant plus que la société devient plus souple par rapport à des normes de comportements liées à l'âge. Je fais l'hypothèse qu'une relation avec un mentor peut aider à intégrer son troisième âge, ou son quatrième! Après tout il s'en passe des choses dans la psychè avant qu'on en vienne à avoir une identité de personne âgée! Dans un sens large, il est donc possible d'attribuer des caractéristiques du mentorat à quelqu'un qui expérimente tardivement une entrée à l'Université, sur le marché du travail, qui affronte une nouvelle tâche développementale, etc.

Le mentorat comporte une bonne dose d'altruisme (l'un des mécanismes de défense mature, selon Vaillant). Il se peut qu'on soit mentor par sens du devoir, par sentiment que c'est dans l'ordre des choses, par simple plaisir de transmettre son expérience. Pourtant le mentor y trouve son compte dans la mesure où il a l'impression de se réaliser à travers cette relation, utilisant de façon créatrice et productive, ses connaissances et compétences. C'est une relation qui permet à l'adulte du mitan qui se sent à la fois vieux et jeune, jeune et vieux (polarité longuement décrite par Jung, reprise par Levinson) de maintenir la connexion avec les "forces de l'énergie de jeunesse" dans le monde et en lui-même. Levinson va plus loin: c'est une relation qui permet à l'adulte senior d'apprendre par une voie unique.

Accepter que la jeunesse évolue dans une culture autre que la nôtre, culture qui a ses forces et ses faiblesses, accepter les enjeux propres à l'entrée dans le monde adulte: enthousiasme, insouciance, inquiétude, sentiment que tout est possible, sens subjectif du temps indéfini, accepter aussi que la centrale d'autonomie pour le mentee se situe à l'intérieur de lui, sont des attitudes que les mentors ont à acquérir et à intégrer pour être des mentors féconds. Ceci implique un travail de deuil et de décentration de soi.

2.2. Une relation complexe

 

J'utilise le terme de mentorat pour désigner une relation complexe où il y a investissement (cathexis) mutuel entre deux personnes, où des liens multiplexes surviennent entre un adulte, le mentee, qui se considère comme junior par rapport à l'une ou l'autre - ou plusieurs - des zones de la vie adulte et un autre adulte, le mentor, qui se considère senior par rapport à l'une ou l'autre - ou à plusieurs - des zones de la vie adulte, cette séniorité étant reconnue par le mentee.

Pour qu'il y ait mentorat, la relation doit en être une de réalité et de réciprocité. D'une part, il faut qu'il y ait des transactions réelles entre les deux personnes; ainsi le terme de "modèle" convient pour identifier les relations à sens unique, ou les relations plus ou moins imaginaires (par exemple, un-e jeune écrivain pourrait investir Marguerite Yourcenar, un jeune politicien, Napoléon: en aucun temps, ni Marguerite Yourcenar, ni Napoléen n'a investi, ni même connu personnellement ce ou cette jeune adulte). D'autre part la réciprocité est nécessaire. Enfin il ne faut pas oublier que le mentor négatif influence et affecte le développement du mentee, parfois même de façon positive. Ainsi on peut imaginer qu'un mentee en train de faire sa résidence dans un hôpital se dise en regardant son patron faire ses visites aux malades: "Moi je ne voudrais pas avoir si peu de contact avec mes patients !" et qu'il développe, par contre-modélisation si l'on peut dire, ses habiletés de communication et de contact.

Selon Levinson, la relation mentor/mentee est une des relations les plus complexes et les plus importantes qui se développe au cours de l'insertion du jeune dans le monde adulte du côté du mentee et pendant la phase du mitan du côté du mentor .

Le mentorat est un processus par lequel un jeune adulte, en investissant affectivement un adulte senior et en s'identifiant partiellement à cet adulte, poursuit un travail de formation de son identité personnelle et professionnelle. Le fait d'internaliser une figure significative, bref le fait d'avoir un mentor est une des tâches majeures du jeune adulte. Réciproquement "'être mentor auprès des jeunes adultes est l'une des relations les plus significatives au mitan de la vie (...) le mentorat utilise l'impulsion parentale, mais il est plus complexe et exige un certain degré de l'individuation spécifique au mitan.". Retenons ceci avec les sourdines déjà apportées.

Colarusso et Nemiroff (1981) spécifieront ceci: la relation au mentor est en partie basée sur des identifications de l'enfance. Toutefois, tandis que la relation parentale contribue à la construction de la structure psychique de l'individu, la relation au mentor ajoute à la spécificité de la personnalité adulte favorisant son évolution.

Pourtant le mentor n'est pas un parent, mais un mélange de parent et de pair. en effet, si le mentor est l'égal du mentee, il y a risque que le mentee n'admire pas suffisamment son mentor. Si le mentor est trop supérieur au mentee, il n'y aura pas de rapprochement. Levinson compare le mentor au "bon parent" dont parle Winnicott.

On sait peu de choses sur la chimie qui préside à la formation de ces relations, sinon ce qu'on connaît déjà sur l'attraction, les affinités et les relations d'attachement.

2.3. Une relation qui ne se définit pas par des rôles formels,
mais par des fonctions : les sous-fonctions du mentorat


Selon Levinson, cette relation ne se définit pas en termes de rôles formels mais par son caractère et par ses fonctions. Dire que cette relation ne se définit pas en terme de rôles formels signifie par exemple qu'il ne suffit pas de jouer un rôle qui se prête au mentorat, disons le rôle de superviseur, pour être mentor. Il est essentiel de saisir ceci. On ne décide pas d'être mentor . Il nous arrive d'être mentor, un peu comme il nous arrive d'être amoureux ou amoureuse. En effet, toujours selon Levinson, le mentorat est une sorte de relation d'amour aussi forte et aussi importante que la relation parent/enfant ou que la relation entre conjoints où le mentor a comme sous-fonctions: 1) d'enseigner au mentee ( lui apprendre à acquérir savoir et habiletés); 2) de répondre du mentee: le mentor est pour ainsi le répondant du mentee, favorisant son avancement ; 3) d'accueillir et de guider le mentee: le mentor est un guide et un hôte qui introduit le mentee dans un milieu; 4) d'être le modèle du mentee: celui-ci admire le mentor et le mentor stimule le mentee; 5) de conseiller et de supporter moralement le mentee particulièrement en temps de stress.

Ces sous-fonctions me permettent de faire des distinctions. Le parrain (ou la marraine) est une personne qui sert de répondant et qui accueille et guide un-e protégé-e [fonctions 2 et 3]. Le guide pourra se satisfaire de guider un-e protégé-e. L'instructeur ( le coach ) est quelqu'un qui enseigne des habiletés précises ( comment patiner, comment faire une piqûre, comment rédiger un éditorial] et qui conseille et supporte moralement un-e protégé-é [fonctions 1 et 5]. Le ou la répondant-e peut se contenter de remplir la fonction 2, soit répondre du ou de la protégée. Le professeur enseigne [fonction1]: il n'est pas nécessairement un mentor. L'hôte ou l' hôtesse accueille une personne et la présente aux autres sans être mentor pour autant. Le modèle est une personne que l'on admire, l'idole une personne que l'on idolâtre, sans qu'il y ait une relation de réalité réciproque, comme on l'a dit plus haut. Comme on le voit, ces sous-fonctions nous permettent de nuancer les divers rapports humains.

Ces sous-fonctions sont subordonnées à la fonction principale du mentor, à savoir supporter et favoriser la réalisation du Rêve du mentee. À mon avis il y aurait avantage à réserver le mot de mentor à la seule personne qui cumule l'ensemble ou la majorité de ces sous-fonctions en remplissant la fonction essentielle: être branché sur le Rêve de vie du mentee.

2.4. La fonction principale du mentorat:
supporter le Rêve de vie


L'une des tâches majeures de la Phase "jeune adulte", au dire de Levinson, est de façonner son Rêve de vie et de lui faire une place dans une structure de vie donnée. Le Rêve de vie est le mythe personnel de chacun saisissable à travers un scénario imaginaire dont l'individu est le personnage central, le héros ou l'héroïne, pour ainsi dire. Le Rêve de vie n'est pas nécessairement conscient et agit comme une force vitale motrice : "C'est un sens vague du self dans le monde ". Quand la structure de vie est en concordance avec le Rêve de vie, des sentiments de satisfaction et de vitalité s'ensuivent. Quand la structure ne fait pas de place au Rêve de vie, pensons à un col bleu qui aurait désiré passer sa vie dans les sports, l'individu peut avoir le sentiment de ne pas être en vie, de passer à côté des choses, d'être un éternel insatisfait.

Comme l'amoureux est branché sur le Rêve de vie de l'amoureuse, - et réciproquement - le mentor est branché sur le rêve de vie du Mentee et aide à la réalisation du Rêve. La fonction principale du mentor est donc de favoriser l'individuation du mentee. Pour ce, il faut que le mentor RECONNAISSE le mentee, qu'il LE voit (virtuellement) à travers ce qu'il est présentement. Le mentor ratifie, encourage, nourrit le projet plus ou moins diffus que le mentee entretient sur lui-même. Ainsi le mentorat réussi est une qualité du rapport du moi à un toi, qualité qui a été décrite par des philosophes comme Mounier, Nédoncelle, et qui présuppose une qualité du regard interpersonnel. En effet, le regard humain peut tantôt être nourrissant, tantôt être toxique : le regard qui a le pouvoir de reconnaître l'autre préside à la véritable expérience de la rencontre tandis que le regard qui a le pouvoir d'aliéner l'autre (plutôt que de le reconnaître), regard qui me vole mon être comme l'a si bien dit Sartre et qui culmine dans "L'enfer c'est les autres", ce regard-là peut être toxique. L'on sait que, avec les meilleures intentions du monde, il nous arrive d'aliéner ceux que nous prétendons aimer: il suffit parfois de les envelopper et de les cadenasser avec nos aspirations recyclées. Tous ces "C'est pour ton bien"... et ces "C'est parce que je t'aime" ne sont-ils pas un peu, beaucoup empoisonnés ?

Pour parodier Sartre, il faudrait dire que le Mentorat réussi, c'est le paradis. Blague à part, vous qui avez fait l'expérience d'être reconnu-e et aimé-e pour ce que vous êtes et pouvez être, n'avez-vous pas l'impression en effet que ces expériences sont des coins de ciel bleu ?

2.5. Une relation de transition

Une autre façon de décrire la relation de mentorat consiste à considérer le mentor comme une figure de transition et à en faire une relation de transition, c'est-à-dire une relation qui a un commencement, un déroulement et une fin.

Je m'inspire de Colarusso et Nemiroff, de Levinson et de ma propre expérience, pour décrire les trois principales étapes du déroulement de cette relation :

Phase 1: le commencement

Pendant cette phase, le mentee se voit comme un-e apprenti-e, comme un-e novice et considère le mentor comme une personne expérimentée, une autorité, un expert. Chez les mentee, les attentes de rôles sont très grandes en début de relation - elles diminueront avec le temps; les mentors soulignent pour leur part les demandes excessives de temps en début de relation mais disent qu'au total les avantages compensent les désavantages. (cf. Irvine, Jacqueline J., 1985, "The Master Teacher as Mentor: Role Perceptions of beginning and Masters Teachers" où l'échantillonnage est composé de dix paires de mentor-mentee toutes femmes). Au début de la relation, la fonction de modèle du mentor est prépondérante. Le mentee a tendance à imiter le mentor. D'ailleurs un des défi d'une relation de mentorat réussie est d'éviter le "cloning", i.e. la reproduction de "copie conforme " du mentor. A courte vue, on a l'impression que le mentee reçoit et que le mentor donne. Le mentor est idéalisé dans la mesure où la représentation interne du mentor par le mentee est investie du narcissisme importé du self. Le mentor est mis sur un piédestal: il est admiré, imité. Les qualités, attitudes, comportements que le mentee voudrait faire siennes sont perçues chez le mentor et mise en relief par le mentee. D'où excitement et enthousiasme; d'où également doute de soi: serai-je un jour aussi compétent-e que mon mentor ? Il y a une fusion initiale avec le mentor avec ce que ceci implique de de-selfing.

Phase 2: le déroulement proprement dit

Ce sentiment de fusion peut causer beaucoup de plaisir. Cependant le self du mentee se trouve dans un état de grande vulnérabilité dans la mesure où l'approbation du mentor est nécessaire à son sentiment de bien-être. Au fur et à mesure que le mentee découvre ses capacités réelles, exerçant ses propres compétences, les différenciant de celles du mentor, au fur et à mesure qu'il les intègre dans son image de soi, le mentee augmente son sentiment de compétence, son sentiment de sécurité et acquiert progressivement de l'autonomie. Le self du mentee change de façon dramatique au fur et à mesure que les attributs convoités et désirés chez le mentor sont intégrés, habituellement avec un intense plaisir. Par ailleurs, le mentee perd certaines illusions sur son mentor; ce travail de désillusionnement est essentiel et pré-requis pour que la relation se transforme. Évidemment ceci peut créer certains remous chez le mentor: s'il est plus à l'aise dans des relations où il est mis sur un piédestal, cela pourra le bouleverser. On dirait qu'un équilibre entre donner et recevoir s'installe, qu'une certaine mutualité s'instaure. Tout ceci ne se fait pas sans complexité et sans paradoxe: il n'y a qu'à songer à cette situation où le mentee ayant besoin de s'émanciper du mentor demande au mentor de l'approuver dans ses tentatives d'éloignement, de différenciation, d'émancipation. Bref la fusion est brisée et il y a un travail de re-selfing.

Phase 3: le dénouement

Après la période d'assimilation-rejet, le self du jeune adulte en ressort plus fort, plus individué, plus affermi. Un processus de séparation s'instaure. Comme pour toutes les relations d'amour, que ce soit les relations parents/enfants ou les relations entre conjoints, la séparation ou la transformation de la relation est difficile.

On peut imaginer trois scénario: selon le premier, il y a une fin naturelle et le processus de séparation mentor-mentee donne lieu à une nouvelle relation : de camaraderie, de collègue de travail, d'amitié ou même d'amour. Bref il y a transformation qualitative de la relation.

Selon le deuxième scénario, il y a perte graduelle d'implication de part et d'autre, ce qui conduit à la fin de la relation. Le mentor et le mentee ne se revoient plus. Tout simplement. Ils ont fait ce qu'ils avaient à faire ensemble, reconnaissent ce qu'ils se sont apportés mutuellement, et sont rendus ailleurs.

Selon le troisième scénario, le processus de séparation suscite de gros conflits de part et d'autre ou bien chez l'un des partenaires. Le mentee pourra éprouver les sentiments suivants: colère, amertume, rancœur, deuil, impression d'être abandonné, sentiment de libération également ("Ouf je suis un peu plus adulte, je peux voler de mes propres ailes!") et de renouvellement. Le mentor tant admiré pourra devenir quelqu'un de trop exigeant, dont les critiques ne sont pas constructives, quelqu'un qui profite de lui ou d'elle, etc. Le mentor, de son côté, pourra trouver que le jeune adulte n'est plus réceptif, qu'il n'est pas suffisamment reconnaissant, etc. Tous les processus de séparation sont susceptibles de générer de la peine, de la colère, du ressentiment et la relation mentor-mentee ne fait pas exception. Il faudra donc beaucoup de maturité au mentor pour jouer adéquatement son rôle de "rampe de lancement" vis-à-vis de ses mentee.

Le dénouement de la relation, dans les meilleurs cas, donne lieu à l'émergence de deux Self séparés et plus forts.

2.6. Sortes de mentorat

Audrey Collins (l990), distingue deux sortes de mentorat: le mentorat de type essentiel et le mentorat de type instrumental. D'une part, le mentorat de type essentiel implique l'engagement du mentor et du mentee à la fois dans l'univers objectif et subjectif de l'autre; par exemple, le mentor pourra donner un commentaire sur telle intervention du mentee dans une situation de stage (univers objectif) tout en le nourrissant au niveau de son self-concept ou en le renforçant dans ses valeurs ou dans ses choix (univers subjectif)... le mentee pouvant alimenter le mentor dans ses rôles de générativité. D'autre part le mentorat de type instrumental est celui qui est initié ( par exemple dans des programmes formels de mentorat) en vue d'atteindre des buts et des résultats similaires au mentorat de type essentiel; il est mis en place dans l'espoir d'atteindre ce qui se produit naturellement via la chance et la chimie interpersonnelle. Tel est le point de vue de Audrey Collins qui se demande jusqu'où la relation instrumentale peut reproduire la relation essentielle. A la limite, ceci conduit à questionner la valeur des programmes formalisés de mentorat, qui se répandent graduelllement.

2.7. Les caractéristiques les plus importantes du mentor

Partager le Rêve du mentee et en quelque sorte lui donner sa bénédiction ou à tout le moins son approbation, croire en lui, aider l'émergence du nouveau self chez le mentee, créer un espace où le jeune adulte pourra élaborer une structure de vie qui contient le Rêve, voilà autant de comportements d'un bon mentor.

Quelles sont les principales qualités du mentor ? D'après une recherche faite en 1988 par Pamela L. Knox et Thomas V. Mc Govern intitulée "Mentorat Women in Academia", recherche faite auprès de 48 étudiantes qui avaient à décrire 50 caractéristiques des mentors, en l'occurence 23 membres féminins de la faculté, voici les six caractéristiques les plus importantes attribuées aux mentors: 1- la volonté de partager leurs savoir, 2- l'honnêteté, 3- la compétence, 4- la volonté de permettre la croissance ou le développement du mentee, 5- la volonté de donner du feedback positif et critique et 6- le fait d'être direct dans ses transactions. Une comparaison rapide entre les caractéristiques du mentor et le profil des personnes qui réalisent leur générativité montre des points de convergence: attitude d'apprentissage continu et capacité de partager son savoir; confiance dans la vie et capacité de reconnaître les processus de la vie en soi et chez les autres et d'aller dans le sens des forces vitales. Un participant à la Conférence sur le Mitan de la vie et le Mitan de carrière faisait remarquer que ce sont là également les caractéristiques d'un bon gestionnaire. Possiblement. Mais ceci ne fait pas qu'un bon gestionnaire est automatiquement un bon mentor, puisque, comme on le sait, le mentorat ne réside pas dans les attributs d'une personne mais est un phénomène relationnel qui présuppose un investissement affectif entre deux personnes, investissement affectif qui n'est pas toujours conscient.

Comprenant maintenant ce qu'il y a de spécifique au mentorat, ceci nous autorise à étudier quelques questions pratiques.

3. Application à la vie professionnelle

"Plusieurs adultes donnent et reçoivent peu de mentorat. En dépit de l'accent fréquent que l'on met sur le travail en équipe et sur la loyauté dans les organisations d'affaires, les relations de mentorat sont plutôt l'exception que la règle à la fois pour le travailleur et pour l'administrateur. Notre système d'éducation supérieure, même s'il est officiellement engagé à encourager le développement intellectuel et personnel des étudiants, fournit un mentorat qui est généralement limité en quantité et pauvre en qualité. Les institutions d'éducation et les organisations du travail peuvent faire beaucoup plus pour aider le développement des étudiants et des jeunes travailleurs. Pour ce faire, elles auront à supporter le développement des enseignants, des administrateurs et des autres travailleurs appartenant à des générations de plus de 30 ans. Tant et aussi longtemps que le mitan de la vie ne sera pas un temps de la vie meilleur", (je comprends mieux apprécié et mieux vécu), "la plupart de ceux qui y sont, seront incapables de contribuer au mentorat dont les jeunes générations éprouvent un besoin urgent. Plusieurs hommes du mitan" - on se souvient que la recherche de Levinson concernait seulement des hommes - "ne connaîtront jamais les satisfactions et les tribulations reliées au fait d'être mentor. Ceci constitue une perte de talent, une perte pour les individus concernés, et un obstacle au changement social constructif." (Levinson, ma traduction). C'est Levinson qui parle ainsi dans son volume de 1978. Le ton peut paraître pessimiste, voir alarmiste. Peut-être ne l'est-il pas. Par-delà l'opinion de Levinson, je crois que les récentes découvertes sur les enjeux des temps de la vie, et plus particulièrement sur la générativité et le mentorat, recèlent des richesses que nous avons à exploiter tant au niveau personnel qu'organisationnel. Par ailleurs, au cours des récentes années, il y a eu une résurgence d'intérêt au sujet du mentorat (cf. Frey, B.R. et Noller, R.B.) comme l'indiquent les recherches de plus en plus nombreuses et la Première Conférence internationale sur le Mentorat qui a eu lieu à Vancouver en 1986.

3.1. Au niveau individuel

Pour chaque adulte du mitan exercer son mentorat est une occasion de développement personnel. Or je m'étonne que tant d'adultes du mitan ne soupçonnent même pas l'existence de ce phénomène. Je pense aux patrons dans les hôpitaux qui forment les jeunes résident-e-s. Je pense aux superviseurs de stages, aux enseignant-e-s de nos Cegeps, de nos Universités, de nos écoles professionnelles. On se doute bien que les jeunes ont besoin de modèles.....On se doute bien que parfois l'un ou l'autre d'entre eux nous admire ou nous imite. Ce phénomène existe bel et bien. La preuve ? Je parie que, pendant que je vous parle, plusieurs visages de jeunes déambulent sur votre écran intérieur.

Nous ne sommes pas suffisamment conscient-e-s de cette réalité du mentorat. C'est une réalité que nous pourrions approfondir davantage. Ainsi nous pourrions prendre le temps d'examiner la façon personnelle dont nous remplissons ce rôle, les conflits que nous pouvons vivre, notre manière de les résoudre. Nous pourrions créer des lieux pour partager notre expérience avec d'autres mentors. Nous pourrions aussi étudier, découvrir quels sont nos points forts et nos points faibles en début de relation, au milieu, en fin de relation, quelles sont les diverses fonctions du mentorat où nous sommes le plus à l'aise. Peut-être nous sommes nous déjà senti-e-s coincé-e-s dans une relation avec un mentee. Qu'avons-nous fait ? Autant de pistes qui me semblent non seulement légitimes mais bienvenues, sans être obligatoires pour autant. La personne qui se les pose peut largement en profiter !

En vue de favoriser une première intégration de ces connaissances, je vous propose un psycho-test qui n'a pas d'autre prétention que de déclencher votre réflexion tout en vous amusant:

Psycho-Test sur le mentorat.

(répondre par OUI ou NON)

1. J'ai déjà joué le rôle de mentor.

2. Je suis à l'aise en début de relation quand le mentee m'admire et attend beaucoup de moi.

3. Je suis à l'aise pour accompagner le mentee.

4. Je suis à l'aise dans le processus de séparation.

5.      Etre mentor m'apporte beaucoup de gratifications.

6. J'aime partager mon savoir et mes compétences.

7. Je me soucie du développement du mentee.

8. Je donne du feedback positif et critique et me préoccupe de la façon dont le mentee le reçoit.

9.  Je suis direct-e dans mes transactions avec le mentee.

10.  Je fais confiance aux processus de la vie.


Par ailleurs, il est possible que, tout en m'écoutant, vous ayiez pensé à Sœur Unetelle ou au Père Untel qui a influencé votre jeunesse, en vous disant: "Tiens, je n'avais jamais pensé qu'elle ou qu'il avait été mon mentor!" Une conférence comme celle-ci peut fournir l'occasion de se souvenir des personnes qui ont joué un rôle important dans votre développement professionnel.

Faut-il avoir un mentor pour devenir adulte ? La question se pose. Souvent, les adultes qui font leur récit de vie, me demandent s'il est nécessaire d'avoir un mentor...et s'il est possible d'en avoir plusieurs. Cette question m'est parfois adressée sous la forme suivante: "Je n'ai pas eu de mentor que je sache..." l'anxiété faisant vibrer la voix, laissant sous-entendre, suis-je malgré tout adulte ? Ma réponse est toujours la même :

1) les processus d'identification à l'œuvre dans le mentorat sont souvent inconscients, c'est dire qu'il est possible que vous ne soyiez pas conscient d'avoir eu un mentor;

2) le processus d'identification peut se faire en cathectant plus d'un objet, à différents temps de la vie; il est donc possible d' avoir plusieurs mentors;

3) les processus d'individuation empruntent des voies complexes dont nous ne faisons que commencer à percevoir la trame: lorsqu'il s'agit du développement des personnes, le dogmatisme me parait malvenu.

J'espère que cette réponse vous rassure.

Passons maintenant au niveau organisationnel.


3.2. Au niveau organisationnel

Il y a lieu de se demander quel est le rôle de l'organisation dans la gestion du mitan de la vie. Par exemple, une organisation comme les Cegeps, doit -elle offrir à ses membres de la formation et de l'information sur les différents aspects du mitan et plus spécifiquement sur le mentorat ?

Avec Harding, nous pouvons nous demander :

1) Comment augmenter la générativité des professionnels et des enseignants et des autres ?

2) Comment promouvoir les compétences adultes nécessaires pour façonner consciemment sa vie (et celle des autres) dans le sens d'une plus grande réalisation de son (leur) potentiel créateur ?

3) Comment enfin dépister des manières de promouvoir la générativité comme ressource pour faire face aux défis sociaux d'aujourd'hui ?

Il existe des Programmes de formation au Mentorat - comme le Mentor Connection Program analysé par Beck (1989). Faut-il mettre sur pieds des programmes formels de mentorat ? La discussion est ouverte. Zey (1988) voit là une manière de répondre aux problèmes spécifiques créés par les corporations modernes. Après une étude du mentorat auprès de 80 mentee (63 jeunes hommes et 17 jeunes filles), Burke (1984) de l'Université de York, suggère de faire une place spéciale au mentorat dans les organisations en fonction des buts de l'organisations. De son côté, Kram (1985) propose que le personnel professionnel responsable des ressources humaines, au lieu de mettre sur pieds des programmes formels de mentorat, établisse plutôt une suite de programmes et de changements organisationnels qui supportent le processus de mentorat plutôt que de le forcer. De mon point de vue, sa critique, loin de porter sur le caractère formel de ces programmes, insiste sur le caractère incitatif - plutôt que coercitif - de tels programmes. Elle suggère même une approche de développement organisationnel: implanter des programmes éducatifs et les évaluer. Par ailleurs Clawson (1985) conclue que le mentorat formalisé n'est pas nécessaire, la plupart des gens repérant naturellement les adultes desquels ils peuvent apprendre.

Loin de réduire la question à "Faut-il oui ou non mettre sur pieds des programmes formels de mentorat ?" à mes yeux, le problème qui se pose est le suivant: Comment, par divers moyens - conférences, changements organisationnels, programmes spécifiques de formation - favoriser l'éclosion de cette relation de mentorat, en sachant très bien qu'il y a une chimie qui préside à l'attirance entre mentor et mentee, chimie interpersonnelle sur laquelle nous n'avons pas de pouvoir.

Comment favoriser le recyclage de ressources humaines importantes qui semblent se gaspiller ? Il existe, dans nos institutions, des situations propices au mentorat: je pense à la supervision de stages, à la formation à exercer tel ou tel métier ou profession, à l'enseignement proprement dit, à l'accueil des jeunes professeur-e-s et professionnel-le-s. Par exemple, au lieu d'imposer unilatéralement un-e superviseur-e de stage aux étudiant-e-s , il est heureux de mettre en place des structures plus souples qui permettent à l'étudiant-e d'avoir une part active dans le choix de son superviseur, compte-tenu par ailleurs des contraintes de réalité. De plus, le mentorat apporte un nouvel éclairage à la question: quelle place nous faisons aux jeunes adultes qui entrent comme jeunes professionnel-les dans nos institutions ?

La plupart des adultes que nous sommes tirent du profit et de la satisfaction à comprendre ce qu'est le mentorat véritable. Formation et information sur les enjeux du mitan, sur le mentorat, me paraissent des moyens d'actions féconds. Sans doute avez-vous déjà des idées en tête. Et ce sont vos idées qu'il faudra implanter, non les miennes. Je suis persuadée pour ma part que le mentorat est un phénomène qui prendra de plus en plus de place.

En guise de conclusion

Le mitan de la vie, comme toutes les périodes de la vie adulte, comporte ses "grandeurs et ses misères", pour reprendre l'expression de Pascal, ses devoirs et ses gratifications, ses exigences et ses plaisirs, pour le dire dans un langage plus contemporain. Comme toutes les phase de la vie adulte, le mitan comporte ses impératifs de croissance psychosociale et ses défis de développement. La générativité, cette manière ériksonnienne de décrire le mitan, est un impératif de croissance, et le mentorat un beau défi développemental qui permet la connexion entre les générations.

Il y aurait lieu de réfléchir sur la générativité et le mentorat à un niveau sociétal et planétaire. C'est une limite délibérée de cet exposé. Permettez-moi toutefois d’évoquer une bande dessinée de Mafalda par Quino:

Dans la première plage Mafalda demande à sa mère: "Pourquoi sommes-nous sur cette terre ?". Dans la deuxième plage la mère répond: "Pour travailler, nous aimer, et faire en sorte que ce monde soit meilleur!" La réponse de la mère reprend les deux catégories (amour et travail) énoncées par Freud qui aurait décrit le véritable adulte comme celui qui est capable d'aimer et de travailler ; elle fait aussi appel à la catégorie de générativité ("Pour rendre le monde meilleur") avancée par Erikson. Dans la troisième plage, Mafalda ne dit rien: elle réfléchit. Pour ceux et celles qui ne connaissent pas Mafalda, il faut savoir que cette petite fille férue d'histoire et tourmentée de questions philosophiques, s'inquiète du sort de la planète: elle regarde souvent le globe terrestre en disant que la terre est malade. D'où sa réplique à sa mère dans la quatrième plage: "Cachottière, tu ne m'avais pas dit que tu avais le sens de l'humour ». Avec Mafalda, il y a lieu de se préoccuper du sort de la planète.

Dans l'ensemble j'espère vous avoir persuadé que la générativité entrevue comme impératif de croissance nous offre de beaux défis de développement tant personnels qu'organisationnels. J'espère également vous avoir donné l'occasion de partager ma conviction que le mentorat est un lieu privilégié de générativité, conviction qui s'appuie sur une certitude: toutes les personnes, sans exception, se construisent dans la mutualité, i.e. dans une trame de rapports interpersonnels. J'espère enfin que les quelques applications entrevues sauront attiser vos énergies de générativité... et ce pour des Cegeps meilleurs.

BIBLIOGRAPHIE

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COLLINS, Audrey, (1990), The Mentor and Mentoring Programs in Proceedings of the 1st International Conference on The Future of Adult Life, ed. by Mike Featherstone, Centre for the Study of Adult Life, Teesside Polytechnic, U.K., Volume II, p.213-224.

COLARUSSO et NEMIROFF, (1981), Adult Development: A New Dimension in Psychodynamic Theory and Practice, New-York, Plenum Press, 290 pages.

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FREY, Barbara, R., NOLLER, Ruth. B., (1986), Mentoring:A Promise for the Future, Journal of Creative Behavior, vol 20(1), p.49-51

GILLIGAN, Carol, (l986), Une si grande différence, Flammarion, 271 pages.

GREY, William A. et GREY, Marilynne M., (eds 1986a) , Mentoring: A Comprehensive Annotated Bibliography of Important References, Vancouver: International Association for Mentoring.

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HARDIN, Paula Payne, (1985), Generativity in the Middle Adulthood, thèse de Ph.D. en Education, Northern Illinois University, Ill.

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QUINO, (1981), Mafalda revient, éditions Jacques Glénat, 46 pages.

SHERMAN, Edmund, (1987), Meanings in Mid-Life, State University of New York Press, Albany, N.Y., 267 pages.

ZEY, Michael-G., (1988), A Mentor for all Reasons, in Personnel Journal, Janv.88, Vol. 67 (1), p.46-51.


Plan

Introduction

1. La générativité: un phénomène du mitan

la générativité est un bon descripteur de la maturité.

1.1. La générativité selon Erikson
- le conflit psychosocial entre la générativité et la stagnation
- la procréation, la productivité et la création
- l'intérêt pour la génération suivante
- le besoin de laisser sa trace

1.2. Les composantes de la générativité
- la vision du monde de l'adulte
- les comportement de "caring" et les joies et souffrances inhérentes à ces comportements
- la compréhension de soi
 - les espoirs et les rêves

1.3. Le profil des personnes qui réalisent leur générativité
1) elles ont tendance à faire tourner au positif les événements de vie qui surviennnent
2) elles font confiance aux processus de la vie;
3) elles apprennent à composer avec les forces variées qui coexistent à l'intérieur d'elles-mêmes;
4) elles ont faim d'apprendre sans cesse se situant dans un processus d'éducation continue

1.4. Générativité et mitan
générativité et génération

2. Le Mentoring, une tâche de générativité.

2.1. Une transaction relationnelle qui fait le pont entre les générations
2.2. Une relation complexe
2.3. Une relation qui ne se définit pas par des rôles formels, mais par des fonctions : les sous fonctions du mentoring

1) enseigner
2) répondre de
3) accueillir et guider
4) être le modèle du mentee
5) conseiller et supporter
2.4. La fonction principale du mentoring: supporter le Rêve de vie

2.5. Une relation de transition

- phase 1: le commencement
le mentor est un novice, le mentee un expert
le mentee a beaucoup d'attentes de rôle
le mentor est admiré, idéalisé, imité,
fusion initiale avec le mentor

- phase 2: le déroulement proprement dit
le mentee intègre ses nouvelles compétences à son image de soi
il perd certaines illusions sur son mentor
la fusion est brisée
 
- phase 3: le dénouement
le processus de séparation s'instaure
dans les meilleurs cas, il y a émergence de deux Self plus forts

2.6. Sortes de mentoring
- le mentoring de type essentiel
- le mentoring de type instrumental
2.7. Les caractéristiques les plus importantes du mentor
1- la volonté de partager leurs savoir
2- l'honnêteté
3- la compétence
4- la volonté de permettre la croissance ou le développement du mentee
5- la volonté de donner du feedback positif et critique
6- le fait d'être direct dans ses transactions.

3. Application à la vie professionnelle

3.1. Au niveau individuel
Quelle genre de mentor suis-je ?
"Je n'ai pas eu de mentor, que je sache..."

3.2. Au niveau organisationnel
Quel est le rôle de l'organisation ?
Programmes de formation au mentoring
Situations propices au mentoring

En guise de conclusion



Le concept de <générativité> appliqué à la vie professionnelle et le rôle de mentor.

La carrière au mitan de la vie

Fédération des CEGEPS

Renée Houde, Ph.D.,

professeure

département de communications

UQAM

Sherman, Meanings in Mid-Life, p.102.

Gilligan, Une si grande différence, p.28

Harding, Generativity in the Middle Adulthood, p.106 à 121.

Harding, op.c., p.128.

Levinson, The Seasons of a Man's Life, p.253.

Levinson, op.c., p. 334.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 9 décembre 2021 14:53
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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