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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Patrice IMBERT, “De l’exclusion aux dynamiques polyculturelles: Les écritures autochtones canadiennes.” In ouvrage sous la direction de Zilà Bernd, Bernard Andrès et Vinesh Y. Hookoomsing, D’Haïti aux trois Amériques. Hommage à Maximilien LAROCHE, pp. 185-204. In section “Études, Transculturalisme aux Amériques.” Québec: Groupe de recherche sur les littératures de la Caraïbe (GRELCA), 2021, 330 pp. Collection: “Essais”, no 22. [La direction du GRELCA nous a accordé le 12 janvier 2022 son autorisation de diffuser en libre accès à tous ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[185]

D’Haïti aux trois Amériques.
Hommage à Maximilien Laroche

ÉTUDES :
TRANSCULTURALISME AUX AMÉRIQUES

“De l’exclusion aux dynamiques
polyculturelles : les écritures
autochtones canadiennes.”

Patrick IMBERT

1. Le refus de l’hétéronormativité

The nomadic, polyglot writer despises mainstream communication ;
the traffic jam of meanings waiting for admission at the city gates
creates that form of pollution that goes by the name of common sense [1].

Rosi Braidotti, Nomadic Subjects, p. 16.

Dans Nomadic Subjects, Rosi Braidotti insiste sur le fait que les féministes sont polyglottes, car, même dans une seule langue, l’anglais, le français, l’espagnol, le portugais ou les langues autochtones, elles composent des textes qui ne correspondent pas aux stéréotypes créés par un canon dominé par les narrativités masculines, tendant à jouer de l’exclusion. C’est le cas d’une auteure québécoise comme Louky Bersianik qui, dans Le pique-nique sur l’Acropole [2], conteste les grands récits de légitimation qui s’imposent pendant des siècles et justifient l’exclusion des femmes à partir de Platon. Parmi ces grands récits de légitimation, il y a ceux qui permettent d’envoyer des « sorcières » au bûcher ou de justifier la clitoridectomie.

[186]

Dans les dernières pages de son livre fragmenté et intermédial, Louky Bersianik cite et déconstruit le grand récit platonicien qui affirme que les femmes sont inférieures aux hommes, car elles accouchent de corps tandis que les hommes accouchent des choses de l’esprit bien supérieures aux corps. Cependant, elle ne cherche pas à produire une contre-narrativité qui présenterait tous les hommes comme des coupables. Elle modifie l’approche de ce récit platonicien omniprésent et actif dans la tête et les actions des hommes et aussi, parfois, des femmes. On constate d’ailleurs cette présence, par exemple, lorsqu’un personnage traditionaliste comme David pense ce qui suit dans Los animales puros de Pedro Jorge Vera : « Lo que no puedo es confundir las voluptuosidades : para la carne, una mujer ; para mi pensamiento, yo [3]. »

Voilà l’action du récit platonicien et son dualisme par lequel les femmes sont le corps, et les hommes, l’esprit. Face à cette activité narrative intégrée et automatique, Louky Bersianik se consacre à sa déconstruction dans le fragmentaire de son propre texte et dans un jeu de double intertextuel avivant une ironie omniprésente. Déjà le titre Le pique-nique sur l’Acropole permet de lire en intertexte Le banquet de Platon. Malgré tout, les hommes ne sont pas représentés comme des coupables à exclure qui seraient tous responsables des malheurs des femmes. Tout en soulignant les responsables, Bersianik laisse l’argument ouvert afin d’instaurer un dialogue dans le fragment échappant aux enchaînements de la causalité. Elle vise une rencontre qui va passer par des échanges où les significations ne sont pas les mêmes dans les narrativités masculines platoniciennes et les narrativités féminines contemporaines.

Autrement dit, des capacités herméneutiques nouvelles vont se manifester. Elles visent à libérer les femmes d’une façon masculine de produire des significations qui ont longtemps paru les seules légitimes, car elles ont été répétées pendant des siècles et ont permis d’exclure les femmes des débats et des postes importants. On le constate en lisant, dans La route du lilas d’Éric Dupont, la manière dont Rosa Ost lit le conte lié à l’opéra Rusalka. Dans ce dernier, une sirène tombe [187] amoureuse d’un prince et doit devenir muette pour obtenir des jambes, donc pour se déplacer librement : « Tu me donnes ta voix, en échange je te donne des jambes qui te serviront à marcher sur terre. Il faudra que tu les ouvres de temps à autre pour le prince dont tu t’es si bêtement amourachée, ma chérie. Et tu te tairas. À jamais [4]. » Ainsi se manifeste un grand récit par l’intermédiaire de ce conte repris dans Rusalka : c’est celui de la soumission des femmes au prince, au principe régissant les rapports de pouvoir et les conduites. Ce conte laisse sa marque en fournissant des évidences qui ne permettent pas de faire que les mots se laissent pénétrer par la présence de l’Autre. Elles permettent seulement d’imposer des interprétations qui effacent les conséquences d’enjeux bien précis et négatifs pour l’Autre.

Tout ce contexte structuré par une narrativité masculine mène Rosi Braidotti à souligner le fait que les femmes sont particulièrement aptes à reconnaître les variations linguistiques. En effet, vu leur combat pour l’égalité dans la différence, elles savent que des variations par rapport à une norme dominante peuvent rendre fragile. Elles s’intéressent donc aux textes qui manifestent des variations dans l’utilisation d’un français qui n’est pas normé par les clichés issus des grands récits de légitimation. Elles savent reconnaître la créativité des textes qui permettent de communiquer des contenus culturels différents à l’instar de Louky Bersianik ou d’une écrivaine d’origine haïtienne comme Emmelie Prophète [5]. Rosi Braidotti sait échapper au dualisme et vivre dans le multiple. La notion de bilinguisme est ainsi modifiée pour affirmer que des structures grammaticales et sémantiques se transforment pour communiquer des changements culturels importants, comme celui apporté par le féminisme. Ce féminisme permet de passer d’une situation de not-quite au sens de Bhabha [6] demandant aux femmes de se soumettre à l’ordre symbolique dominant, à une situation où les femmes capitalisent les savoirs sur les diverses narrativités. Ainsi, il est possible d’échapper au pouvoir de la narrativité qui était dominante et qui devient une narrativité parmi plusieurs autres.

On constate cette capacité de vivre dans le « à la fois… à la fois », [188] de devenir plusieurs et à s’insérer dans de multiples contextes narratifs, non seulement chez Rosi Braidotti mais aussi chez des écrivains qui explorent les personnages jouant sur de multiples orientations sexuelles, comme Jeffrey Eugenides dans Middlesex. La limite imposée par une vie genrée selon les normes de productivité bourgeoise est remise en cause : « I was born twice : first, as baby girl, on a remarkably smokeless Detroit day in January of 1960 ; and then again, as a teenage boy, in an emergency room near Petoskey, Michigan, in August of 1974 [7]. » En quelque sorte, le déterminisme biologique débouche sur le libre arbitre du personnage, sur sa capacité de s’affirmer comme un individu, car il sait choisir ses orientations et se choisir. On brouille la trajectoire programmatique en y incorporant le hasard des choses grâce à une réflexivité sur le symbolique. Ainsi le narrateur est né fille (la première fois), donnant raison à la science (et à ses parents). Toutefois le gène latent saura subvertir lui-même toute la stratégie. Calliope (la fille que voulaient les parents) deviendra Cal. Ce dernier contrevient à la fois à ses parents et à la science. Alors, qui est la vraie personne, quel groupe doit prédominer ? Aucun, diraient Louky Bersianik et Jeffrey Eugenides tendant vers le queer. En effet, ces auteurs vont au-delà d’un dualisme qui repose sur l’opposition indifférence/paranoïa à la base de tout traditionalisme refusant le changement. D’une part, s’affiche une indifférence aux autres et au changement, car on prétend savoir comment vivre dans le stable de la stéréotypie et, d’autre part, la paranoïa s’affirme à l’égard des autres, car ils représentent une menace. La perspective de Bersianik et d’Eugenides peut évidemment s’appliquer à toute altérité ethnique ou culturelle, car elle aboutit à choisir une attention intéressée aux différences. On le constatait dans les livres à succès de Carlos Castaneda [8] dans les années 1970. Dans tous ces cas, le changement représente un facteur d’hybridation accompagnée par la surprise, par la non-prévisibilité, donc comme créolisation ainsi que le propose Édouard Glissant [9].

[189]

Les écrivaines autochtones qui sont passées d’un constat des violences qui leur sont faites à une capacité d’ajouter à ce constat une réflexivité sur les discours et les épistémès demandant à être transformées explorent les déterminismes sociaux et narratifs exclusifs [10]. Elles aboutissent à rejeter le dualisme et à s’orienter vers une vision queer des personnalités et des rapports culturels.

2. Oralité et écrit

Historiquement, les récits autochtones comme nombre de récits des Caraïbes reposent sur l’oralité mais ils passent de nos jours aussi par le support de l’écrit [11] et la réflexivité théorique [12]. Comme le souligne Tomson Highway dans Comparing Mythologies, la rencontre a été violente. C’est le cas quand une culture orale est confrontée à une culture écrite. Dans le cas des Européens, la narrativité repose sur l’écrit appuyé sur des archives historiques, une cartographie scientifique, des documents juridiques, une littérature imprimée et institutionnalisée et des pratiques économiques fondées sur des comptabilités mathématiques, le tout enserrant les Amériques dans un réseau serré symbolique et économique et nourrissant l’Europe comme le souligne Raphaël Confiant : « Pomme de terre, maïs, cacao, tabac, canne à sucre : les plantes du Nouveau Monde supplantaient peu à peu celles de l’Ancien [13]. » À cela s’ajouteront les constructions symboliques qui modifieront la manière de penser d’une partie des Européens, de Montaigne au Siècle des lumières, comme le rappelle Oswald de Andrade au Brésil en 1928 : « We want the Carib Revolution. Greater than the French Revolution. The unification of all productive revolts for the progress of humanity. Without us, Europe [190] wouldn’t even have its meager declaration of the rights of man ? [14] » Pour de Andrade, les Amériques ont contribué à transformer, chez une partie des Européens, leur vision d’eux-mêmes et du monde. Toutefois, le paradigme barbarie/civilisation diffusé par les savants européens au 19e siècle comme Buffon ou Schultz [15], et repris par Sarmiento dans Facundo [16], continuera longtemps à être le fondement des rapports à l’altérité. Il mène au racisme systémique et à l’exclusion des Noirs et des Autochtones.

Ainsi, même en tenant compte des transformations idéologiques progressistes européennes, la lutte est très inégale. Elle aboutit à ignorer les récits oraux, à ne pas comprendre les modes de vie et de pensée des Autochtones, à détruire des mondes et à valoriser l’assimilation forcée au moins jusqu’en 1996, date de la fermeture du dernier collège de réforme en Saskatchewan, où les enfants autochtones devaient apprendre la « bonne » culture et la « bonne » narrativité. Il ne faut pas oublier les enfants autochtones adoptés en familles d’accueil, comme l’écrivain canadien Richard Wagamese [17], à qui, alors qu’il avait 9 ans, en 1964, on a interdit de maintenir des liens avec sa famille et sa communauté et qui a souffert de toutes sortes d’abus.

[191]

Au Canada comme dans toutes les Amériques, les récits occidentaux et les récits autochtones ne coïncident pas. C’est ce que souligne Maximilien Laroche dans Dialectique de l’américanisation. Il rappelle que les Autochtones ont été inventés par les autres : « Mais les Espagnols usent aussi du terme Invención, l’invention de l’Amérique, s’étant rendu compte que la prétendue découverte, en réalité conquête, n’était finalement qu’une invention [18]. » De plus, contrairement à Haïti où ils sont traités positivement dans l’oralité et la littérature, les Autochtones ont été inventés négativement en Amérique du Nord, c’est-à-dire comme des parias. On peut noter trois figures d’Autochtones : le guerrier, le roi et le paria. Maximilien Laroche ajoute : « La figure de l’anthropophage culturel que les modernistes brésiliens ont privilégiée me paraissant se ramener à celle du guerrier, il semblerait par contre que, dans des littératures comme celles des États-Unis, donc au nord de l’Amérique, on insiste plutôt sur celle du paria. Enfin en Haïti, il est fort surprenant de constater que ce serait au contraire l’image de l’Indien-roi que l’on veuille garder [19]. »

Les récits occidentaux et autochtones coïncident d’autant moins quand on considère la grande épopée d’unification du Canada qui est présentée comme issue de la construction du chemin de fer, tel qu’on le voit dans nombre de musées (Revelstoke Railway Museum, Revelstoke, Colombie-Britannique, par exemple) et aussi dans l’ouvrage de Pierre Berton intitulé The Last Spike [20]. Quand les privilégiés pouvaient jouir du confort des wagons du Canadian Pacific Railway qui les emmenaient dans des hôtels de luxe, comme à Banff Springs Hôtel dès 1888, les Autochtones et les Métis, dans des lieux proches, étaient considérés comme des « barbares » à civiliser pour leur bien. Les narrativités orales et écrites ne se rencontrent pas.

[192]

3. Les textes des écrivaines autochtones
et le constat des violences subies


Cependant, les témoignages écrits se sont accumulés, car, pour être écouté, il est nécessaire de passer par le système symbolique et médiatique du dominant. Malgré tout, la population – ce qui inclut les politiciens, les professeurs et autres chercheurs – a été majoritairement maintenue dans l’ignorance de la situation ou a voulu la masquer et la minimiser, à l’instar de l’ensemble des médias. Cette invisibilisation de la situation des Autochtones s’est perpétuée jusqu’à récemment (le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada a été présenté en 2015), même si quelques informations ont circulé dans des magazines à grande diffusion, comme dans le magazine MacLeans en février 1967. Ce magazine a publié l’histoire de Chanie Wenjack qui avait 12 ans quand il a fui la violence de l’école résidentielle, à Kenora dans le Nord de l’Ontario, et qu’il est décédé quelques jours plus tard [21]. L’article a été vite oublié. Une absence d’écoute s’est manifestée aussi pour le livre de Jane Willis intitulé Geniesh : An Indian Girlhood [22] et publié en 1973, où elle relate son expérience très négative dans un pensionnat au Québec. Linda Warley, qui a publié un article en 1998 au sujet de ce livre, souligne qu’il n’y a eu que deux comptes-rendus à l’époque, l’un dans Chatelaine magazine [23] en 1973 et l’autre dans Canadian Forum [24] en 1974. Dans ce dernier, Sherill Cheda souligne les conditions horribles infligées aux enfants autochtones. Elles sont similaires à celles des prisons. Par contre, les commentaires de Penny Petrone dans son livre sur la littérature des Autochtones au Canada rejoignent une tradition de la critique littéraire qui rejette les écrits autochtones comme ne faisant pas partie de la littérature et comme n’allant pas au-delà du ressentiment : « Willis’s account of her early life and education does not rise above autobiographical protest [193] because she has not moved beyond bitterness and the desire to condemn [25]. » Voilà qui manque de compréhension et qui n’aide guère à la diffusion du livre de Jane Willis. On pense aussi à Je suis une maudite sauvagesse d’An Antane Kapesh, publié en 1976 [26]. Dans la préface à la réédition bilingue [27] de 2019, Naomi Fontaine souligne que le livre n’existait plus et qu’on n’en a jamais informé l’auteure. Elle cherche les raisons de l’oubli d’un ouvrage essentiel et fondateur : « À l’époque ou Kapesh écrit son essai, le Québec est en pleine révolution… Le territoire devient le salut… Il n’y a rien pour freiner l’ardeur d’un peuple colonisé. Ni les Indiens. Ni leurs droits. Ni la dignité humaine… Le refus d’entendre. Voilà l’autre part de cette réponse. Entre elle et nous, il y a des dizaines d’années de silence [28]. »

L’oubli touche aussi le très contemporain, comme le précise Alicia Elliott dans un article inquiétant de Chatelaine en 2020 et intitulé « Canada Asked For a Report On Murdered and Missing Indigenous Women And Girls. Now It’s Ignoring It [29] ». On y retient que la plupart des médias ont ignoré les recommandations de ce rapport pour se consacrer à une critique du terme génocide. Malgré le fait qu’au moins 1181 femmes et jeunes filles autochtones ont disparu depuis 1980, les médias ont suggéré que les auteurs du rapport réagissent de manière excessive, ce qui rejoint le commentaire de Penny Petrone en 1990. Alicia Elliott rejette l’optimisme : « Best to not look. Best to pretend everything was fine, like the rest of Canada has done for centuries [30]. »

[194]

C’est cette volonté d’effacer et de ne pas entendre qu’explore aussi Zishad Lak [31] dans les littératures canadiennes-anglaises et québécoise au sujet du colonialisme settler. Elle montre que dans les romans ruraux, la temporalité concernant les settlers et qui se veut longue, domine sur l’espace, car elle occulte la durée très longue des Autochtones dont on oublie sous des patronymes occidentaux qu’ils étaient là avant et qu’ils sont toujours là, proches et invisibilisés. Une narrativité dominante tend à désinformer et à marginaliser à tel point les Autochtones que les publications qui expriment les horreurs qu’ils subissent ne sont guère diffusées, lues ou prises en compte. Il reste à attendre l’accumulation de témoignages, une prise de parole constante qui mène, petit à petit, à des réflexions théoriques et à des créativités nouvelles, redémarrant des potentialités symboliques et menant à un déplacement des rapports de pouvoir narratifs et symboliques.

4. Les textes autochtones queers :
Leanne Betasamosake Simpson


Dans ce contexte, le livre publié en 2017 et intitulé As we have always done de la Canadienne autochtone Leanne Betasamosake Simpson [32] est particulièrement intéressant. Il ouvre sur les paradigmes sur lesquels reposent la plupart des langues autochtones et sur une narrativité contemporaine et militante qui raconte l’histoire de ce qu’ont vécu les peuples autochtones. Leanne Betasamosake Simpson insiste surtout sur ce que les Autochtones peuvent accomplir s’ils retrouvent les fondements de leur « grounded normativity », si éloignée des narrativités coloniales qui leur ont été imposées. Celles-ci, comme le souligne An Yountae, représentent « an all-pervading ontological groundlessness that involves a loss of material and political ground [33] ». Alors, les Autochtones dans le processus de décolonisation [195] pourront se reconstruire dans des espaces maîtrisés et dans des temporalités qui ne sont plus informées par l’inconnu, mais par des potentialités qui ouvrent sur l’avenir.

Dans ce contexte, souvenons-nous de l’hypothèse de Sapir [34] et Whorf [35]. On retient que les langues autochtones échappent au processus d’attribution essentialisant (sujet et attribut conjugués pseudo objectivement par la copule qu’est le verbe « être »). Ce processus fige les relations et les identités dans un système binaire statique ancré dans la structure grammaticale des langues indo-européennes sujet-verbe-attribut. Ainsi, dans les langues indo-européennes, si l’on dit « Jean est intelligent », il est implicitement intelligent toute sa vie, dans toutes les circonstances et dans tous les espaces qu’il occupe. Dans les langues autochtones, il y a des moyens faciles de relativiser cette définition par des qualités en ajoutant des préfixes ou des suffixes ou en utilisant certains verbes qui contextualisent cette attribution. Dans les langues autochtones, il est plus facile de préciser des déterminants contextuels qui font échapper les identités au déterminisme des attributions essentialistes et qui apportent une fluidité. Dans les langues indo-européennes, ainsi que l’a voulu le 19e siècle bourgeois, colonial et positiviste, on est homme ou femme, donc actif ou passif, à l’extérieur ou au foyer. On mesure l’action de cette classification dans un roman ultramontain et nationaliste comme Pour la patrie de Jules-Paul Tardivel [36], où l’épouse du politicien séparatiste est soumise. Elle rend le foyer joyeux les rares fois où son époux s’y réfugie en s’éclipsant des tâches politiques qui lui incombent. Elle meurt pour l’aider à réaliser ses ambitions.

Les paradigmes définissant des rôles et des dominations sont clairs. Ils sont contestés par Leanne Betasamosake Simpson. Elle s’affirme plus militante que Naomi Fontaine dans Kuessipan. Fontaine rappelle que, pendant un certain temps, elle a « créé un monde faux [37] », celui « où les mères font des enfants pour les aimer, où on fait survivre la langue [38] ». Depuis, elle raconte un monde d’exclusion, mais qui se [196] reconstruit économiquement et symboliquement. C’est ce que fait de façon plus radicale Leanne Betasamosake Simpson, qui repense les perspectives occidentales imposées aux Autochtones. Elle note que dans les cultures autochtones, les rôles sont plus fluides ; les femmes peuvent chasser, pêcher, tandis que les hommes peuvent s’occuper des enfants.

Il est clair que les narrativités sur soi et sur le groupe sont très différentes si elles s’enracinent dans des paradigmes dualistes ou si elles permettent une relativisation en fonction du fait que tout change et que le genre est fluctuant. Ce constat était déjà présent dans le roman de Robert Lalonde intitulé L’été des Indiens [39] où l’on découvre que le personnage autochtone mâle initie à la sexualité l’homme descendant des Européens. Cette fluctuation qui se manifeste dans les années 1980 est soulignée par Maximilien Laroche au sujet du roman de Robert Lalonde. Maximilien Laroche constate les variations des images sociales positives ou négatives et les « variantes des polarités féminine ou masculine, du point de vue de la symbolique affective [40] ».

Mais dans le développement par Leanne Betasamosake Simpson d’une argumentation théorique nourrie de pratique, tout va beaucoup plus loin : « Naming the gender binary as colonial is important because when I think about this binary from a Nishnaabeg conceptual thought or from within the reality of so-called hunting and gathering societies, it makes no sense in terms of the ethical systems grounded normativity sets up [41]. » De façon très importante, elle souligne que se contenter d’un seul genre ne permet pas de survivre. De plus, l’utilisation de termes comme matriarchie ne fait aucun sens, car il ne fait que renforcer le dualisme. Il impose une vision anthropologique à une communauté. Elle souligne simultanément un élément extrêmement important qui déplace la notion même de norme : « It led me to [197] consider what straightness looks like in societies where queerness is normalized, where difference isn’t difference but normal [42]. »

Voilà un élément fondamental du raisonnement de Betasamosake Simpson. À partir du moment où on est amené à parler de tolérance, de reconnaissance, de différence qui a sa place, d’altérité qu’il faut reconnaître, on est dans un système de normativité homogène mais qui fait des efforts démocratiques pour céder un peu de place à l’Autre dans l’encouragement à la tolérance. Dans cette dynamique, la norme se confère une aura éthique. Par contre, s’il est admis que l’on soit plusieurs, comme le fait Archie dans 4321 de Paul Auster [43], et que c’est la norme, il est simple d’être à la fois homme et femme. La signification n’a plus rien à voir avec ce que l’on entend dans un système binaire. En effet, s’il est normal d’être à la fois homme et femme, d’être capable de désirs multiples, il n’y a plus à essayer de reconnaître l’Autre. Tous sont normaux et savent physiquement, émotionnellement et culturellement exprimer des savoirs et des désirs multiples et complexes. Tout le monde est normalement queer. Cette vision du soi et de la communauté dans le cosmique apporte à Leanne Betasamosake Simpson une narrativité qui raconte ce qu’est le monde des Autochtones. Ses réflexions sociales, psychologiques et théoriques rejoignent son écriture de fiction : « […] in my fiction writing, I try to create story worlds where queerness is normalized [44]. » Sa réflexion théorique implique une narrativité comme ses fictions reposent sur des réflexions théoriques argumentées. Un mélange des genres scripturaires se trace dans ses écrits autour de la réflexion sur le [198] mélange « normal » des genres sexués.

Autrement dit, pour Tomson Highway comme pour Leanne Betasamosake Simpson, et cette dernière le souligne plusieurs fois dans son ouvrage As We Have Always Done, le langage académique ou scientifique choisi construit une certaine vision contrôlée de la narrativité. En effet, ce métalangage scientifique est lui-même dépendant des paradigmes de base essentialistes et binaires qui sous-tendent les fonctionnements des langues indo-européennes à partir desquelles il est construit. Sans les citer directement, quoiqu’elle s’y réfère par l’intermédiaire de sources qui ont subi l’influence de la thèse de Sapir et Whorf, Leanne Betasamosake Simpson propose une vision fluide des langues et des cultures autochtones détachées des fondements des langues indo-européennes. Cela la mène directement à lier son optique de la « grounded narrativity » et sa conception du continuum relationnel humains/animaux/plantes/cosmos à une critique de l’hétéronormativité qui est le fondement des narrativités occidentales, prônée par Braidotti. Dès lors, la théorie de Leanne Betasamosake Simpson (en lien avec l’hypothèse de Sapir et Whorf et non sans lien avec l’école de Palo Alto, notamment avec Gregory Bateson [45]), comme sa position de personne biculturelle autochtone et occidentalisée (rappelons son doctorat en sociologie à l’Université du Manitoba), lui permet de produire un essai – tel As We Have Always Done – qui redéfinit les structures scientifiques et académiques connues. Elle y parvient, car elle sait puiser ses critiques dans une [199] réflexion concernant les bases des narrativités autochtones et indo-européennes, qui demeurent en partie incommensurables.

Leanne Betasamosake Simpson souligne qu’elle rejette bien des perspectives de la Commission vérité et réconciliation du Canada [46], notamment celle qui défend une linéarité conciliation-réconciliation. Deux éléments ne fonctionnent pas. D’une part, il n’y a jamais eu de conciliation, mais une exclusion des Autochtones de la part des gens d’origine européenne. Donc le «  » de réconciliation représente une relecture du passé qui désinforme. D’autre part, la linéarité argumentative ou narrative pour les fictions a été en partie remplacée par une perspective culturelle liée à des connectivités multiples et à la fragmentation des narrativités qui ne peuvent proposer une perspective globale sur les relations de pouvoir ou sur les responsabilités.

Conclusion

« Ma place est partout, sauf ici. »
Emmelie Prophète, Un ailleurs à soi, p. 7.

Pour Emmelie Prophète, dans cette épigraphe, « sauf ici » signifie Haïti. Mais pour les femmes noires, métisses ou autochtones « sauf ici » peut représenter n’importe quel territoire où elles subissent exclusions et racisme systémique : « J’avais une tête du Sud, mélangée à un quartier pauvre et à une province bleue enfouie dans une géographie douteuse, comme une écriture qui s’efface, qu’il faut deviner [47]. » Simultanément, « Ma place est partout » ouvre sur une solidarité symbolique avec les personnes racisées de la planète qui ont plus en commun entre elles qu’avec les citoyens non racisés des pays où elles sont nées. Ainsi, le symbolique et le culturel importent beaucoup comme le montrent les auteures autochtones biculturelles formées aux réflexivités sur les codes. Elles sont capables de mettre au jour les différences entre les épistémologies autochtone et occidentale et d’ouvrir à des perspectives non excluantes. On le voit aussi chez Tomson Highway : « There is for one thing – and most importantly – [200] no concept of gender in the Cree language. In that language, we are all, in a sense, he/shes, trees are he/shes, ocelots are he/shes, budgiebirds in cages are he/shes, even rocks on the beaches of the rio are he/shes. And god-most essentially –is one big fat he/she[48] »

Il reste alors à trouver un terrain d’entente qui reconnaisse le racisme systémique et le corrige le plus rapidement possible. À plus long terme, le terrain d’entente ne peut passer que par des syncrétismes, une dynamique propre aux Amériques et une manière particulière de vivre les intensités des rapports culturels. Mais ce syncrétisme ne sera plus lié à une dynamique coloniale obligeant les exclus à se réformer. Il s’oriente, comme le soulignait déjà Maximilien Laroche, vers un intérêt fort pour les minorisés et en particulier pour les Autochtones qui, dans leurs perspectives philosophiques, savent construire des rapports avec le vivant, le cosmos et entre humains qui incluent une attention intéressée aux différences et aux altérités. La mondialisation repose sur une urgence écologique liée en partie à l’augmentation rapide de la population mondiale et à des façons de vivre reposant sur une démocratisation de la consommation dans des cultures historiquement colonisées ou non occidentales dont la présence et le pouvoir augmentent. Elle demande d’intégrer des discours en gestation où les reconfigurations épistémiques sont en train de modifier les normativités issues de l’Occident christianisé.

[201]

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[1] Braidotti, Rosi. Nomadic Subjects : Embodiment and Sexual Difference in Contemporary Feminist Theory, New York, Columbia University Press, 2018, p. 16. Nous traduisons : « L’écrivain nomade et polyglotte méprise la communication du juste-milieu ; l’embouteillage des significations qui attendent d’être admises aux portes de la ville crée cette forme de pollution qu’on appelle sens commun ».

[2] Bersianik, Louky. Le pique-nique sur l’Acropole, Montréal, VLB, 1979.

[3] Vera, Pedro Jorge. Los animales puros, Quito, Ministerio de la cultura, 1941, p. 156. Nous traduisons : « Ce que je ne peux pas, c’est confondre les voluptés : pour la chair, une femme ; pour ma pensée, moi ».

[4] Dupont, Éric. La route du lilas, Montréal, Marchand de feuilles, 2018, p. 515.

[5] Prophète, Emmelie. Le testament des solitudes, Montréal, Mémoire d’encrier, 2013.

[6] Bhabha, Homi. The Location of Culture, London, Routledge, 1993.

[7] Eugenides, Jeffrey. Middlesex, Vintage Canada, Toronto, 2003, p. 3. Nous traduisons : « Je suis né/e deux fois : d’abord, comme bébé fille, en un jour remarquablement sans fumée de Detroit en janvier 1960 ; et de nouveau en tant qu’adolescent, dans une urgence près de Petoskey, Michigan, en août 1974 ».

[8] Castaneda, Carlos. Les enseignements d’un sorcier Yaqui, Paris, Gallimard, 1976.

[9] Glissant, Édouard. Poétique de la relation, Paris, Gallimard, 1990.

[10] Imbert, Patrick. Les histoires qui nous sont racontées : des narrativités causales à l’instant transculturel dans les littératures contemporaines des Amériques, Québec, Presses de l’Université Laval, 2020.

[11] Les écrivains de la Caraïbe (Patrick Chamoiseau, L’esclave vieil homme et le molosse, Paris, Folio, 1997) comme nombre d’écrivains autochtones du Canada et des États-Unis (Gary Snyder, Turtle Island, New York, New directions, 1974) font passer l’oralité dans leurs publications.

[12] Laroche, Maximilien. La double scène de la représentation : Oraliture et littérature dans la Caraïbe, Québec, GRELCA, Université Laval, 1991.

[13] Confiant, Raphaël. Grand café Martinique, Paris, Mercure de France, 2020, p. 6.

[14] Andrade, Oswald de. Cannibalist Manifesto, Latin American Literary Review, vol. 19, no 38, July-December 1991, p. 39. Téléchargé de [www.jstor.org] Saturday 7 November 2015. Nous traduisons : « Nous voulons la révolution caribéenne. Plus grande que la révolution française. L’unification de toutes les révoltes productives pour le progrès de l’humanité. Sans nous, l’Europe n’aurait même pas eu sa maigre Déclaration des droits de l’homme ».

[15] Schultz, Alfred P. Race of Mongrel, Boston, L. C. Page CBT, 1908. Voici le résumé du contenu : “A brief history of the rise and fall of the ancient races of earth : a theory that the fall of nations is due to intermarriage with alien stocks : a demonstration that a nation’s strength is due to racial purity : a prophecy that America will sink to early decay unless immigration is rigorously restricted”. Nous traduisons : « Une brève histoire de l’ascension et de la chute des races anciennes sur terre : une théorie montrant que la décadence des nations provient des mariages avec des étrangers : une démonstration que la force des nations est due à la pureté raciale : une prévision affirmant que l’Amérique sombrera dans une décadence proche à moins que l’immigration ne soit rigoureusement contrôlée ».

[16] Sarmiento, Domingo Faustino. Facundo, Paris, Stock, 1934 (1ère edition 1845).

[17] CBC, « Richard Wagamese ». URL : [https://www.cbc.ca/books/richard-wagamese-1.4769869], consulté le 19 juin 2019.

[18] Laroche, Maximilien. Dialectique de l’américanisation. Québec, GRELCA, Université Laval, 1993, p. 69.

[19] Ibid., p. 93.

[20] Berton, Pierre. The last Spike : The great Railway : 1881-1885, Toronto, McClelland and Stewart, 1971.

[21] Adams, Ian. « The lonely death of Chanie Wenjack », MacLeans magazine, February 1, 1967, p. 37-45. Joseph Boyden a repris cette tragédie dans son récit intitulé Wenjack, Toronto, Hamish Hamilton/Penguin, 2016.

[22] Willis, Jane. Geniesh : An Indian Girlhood, Toronto, New Press, 1973. Ce n’est qu’en 1988 que Indian School Days de Basil H. Johnston reçoit une certaine reconnaissance (Ontario, Key Porter Books, 1988).

[23] Chatelaine, « Two Girlhoods ». Rev. of Dobryd by Ann Charney, and Geniesh : An Indian Girlhood, by Jane Willis, October 1973, p. 12.

[24] Cheda, Sherill. « Geniesh : An Indian Girlhood, Jane Willis, New Press », The Canadian Forum, August 1974, p. 41-42.

[25] Petrone, Penny. Native Literature in Canada : From the Oral Tradition to the Present, Toronto, Oxford University Press, 1990, p. 117. Nous traduisons : « Le compte-rendu de ses premières années et de son éducation par Jane Willis ne s’élève pas au-dessus d’une protestation autobiographique parce qu’elle n’a pas été au-delà de l’amertume et du désir de condamner ».

[26] Kapesh, An Antane. Je suis une maudite sauvagesse, Montréal, Leméac, 1976.

[27] Kapesh, An Antane. Eukuan Nin Matshi-Manitu Innushkueu. Je suis une maudite sauvagesse, Montréal, Mémoire d’encrier, 2019.

[28] Ibid., p. 7.

[29] Chatelaine, en ligne : [https://www.chatelaine.com/opinion/mmiwg-anniversary/], consulté le 13 juin 2020. L’article a été mis à jour le 28 mai 2020 par Alicia Elliott, l’auteur d’un best-seller intitulé A Mind Spread Out on the Ground (Toronto, Penguin, 2019).

[30] Ibid., p. 7. Nous traduisons : « Mieux vaut ne pas regarder. Mieux vaut prétendre que tout est bien ainsi que l’a fait le reste du Canada pendant des siècles ».

[31] Lak, Zishad. Noms et déplacement dans les romans autochtones, canadiens et québécois du XXIème siècle, thèse de doctorat, Université d’Ottawa, 2020.

[32] Simpson, Leanne Betasamosake. As We Have Always Done: Indigenous Freedom through Radical Resistance, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2017.

[33] Yountae, An. The Decolonial Abyss : Mysticism and Cosmopolitics from the Ruins, New York, Fordham University Press, 2016, p. 92. Nous traduisons : « un omniprésent déracinement ontologique qui inclut une perte de fondement matériel et politique ».

[34] Sapir, Edward. Anthropologie, Paris, Seuil, 1967.

[35] Whorf, Benjamin Lee. Linguistique et anthropologie, Paris, Denoël, 1969.

[36] Tardivel, Jules-Paul. Pour la patrie : roman du XXe siècle, Montréal, Cadieux et Derome, 1895.

[37] Fontaine, Naomi. Kuessipan, Montréal, Mémoire d’encrier, 2017, p. 9.

[38] Ibid., p. 9.

[39] Lalonde, Robert. L’été des Indiens, Paris, Seuil, 1989.

[40] Laroche, Maximilien. Dialectique de l’américanisation, Québec, GRELCA, Université Laval, 1993, p. 69.

[41] Simpson, Leanne Betasamosake. As We Have Always Done: Indigenous Freedom through Radical Resistance, op. cit., p. 128. Nous traduisons : « Nommer le genre binaire comme étant colonial est important parce que lorsque je pense à cette binarité du point de vue de la conception Nishnaabeg ou de l’intérieur des dites sociétés de chasseurs et de rassembleurs, cela n’a pas de sens en termes d’éthique des systèmes normatifs ».

[42] Ibid., p. 129. Nous traduisons : « Cela m’a conduit à réfléchir à ce qu’est l’hétérosexualité dans des sociétés où être queer est normalisé, où la différence n’est pas perçue comme différence, mais comme norme ». Ajoutons qu’on peut constater une situation similaire pour les enfants qui, dès la naissance, ont des parents de langues différentes et qui leur parlent chacun leur langue. Ainsi, dès la naissance le bébé considère comme normal de parler le papa et le maman, c’est-à-dire par exemple le français et l’anglais. Il n’y a pas de norme linguistique homogénéisante mais des possibles construits à partir de figures parentales différentes.

[43] Auster, Paul. 4321, Toronto, McClelland and Stewart, 2017.

[44] Braidotti, Rosi. Nomadic Subjects : Embodiment and Sexual Difference in Contemporary Feminist Theory, New York, Columbia University Press, 2018, p. 129. Nous traduisons : « Dans mon écriture de fiction, j’essaie de créer des univers fictionnels où l’être queer est normalisé ».

[45] Bateson, Gregory. Steps to an Ecology of Mind, New York, Ballantine, 1972, p. 466. Bateson affirme ce qui suit : “all of the many current threats to man’s survival are traceable to three root causes : a) technological progress, b) population increase, c) certain errors in the thinking and attitudes of Occidental culture triggering negative reactions inside and outside of Occidental culture. Our ‘values’ are wrong”. Nous traduisons : « toutes les nombreuses menaces actuelles à la survie de l’homme peuvent être reliées à trois causes originelles : a) le progrès technologique, b) l’accroissement de la population, c) certaines erreurs dans la manière de penser et les attitudes de la culture occidentale causant des réactions négatives à l’intérieur et à l’extérieur de la culture occidentale. Nos valeurs sont fausses ». Voir les penseurs et les artistes réunis dans la publication contre-culture The Last Whole Earth Catalog, New York, Random House, 1972. Voir aussi : Watts, Alan, The Way of Zen, New York, Vintage, 1957 ; Watzlawick, Paul, The invented reality : How do we know what we believe we know ? Contributions to constructivism, New York, Norton, 1984.

[46] Commission de vérité et réconciliation du Canada, URL : Canada [URL], consulté le 12 mai 2019.

[47] Prophète, Emmelie. Le testament des solitudes, Montréal, Mémoire d’encrier, 2013, p. 65.

[48] Highway, Tomson. Comparing Mythologies, Ottawa, University of Ottawa Press, 2003, p. 40. Nous traduisons : « D’emblée – et le plus important – il n’y a pas de concept de genre dans la langue Cree. Dans cette langue, nous sommes tous et toutes, d’une certaine manière, il-elle, les arbres sont eux-elles, les puits sont eux-elles, les perruches dans des cages sont eux-elles, même les rochers sur les bords d’une rivière sont eux-elles ».



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 27 janvier 2022 17:59
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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