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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Jean LECA, “Paradoxes de la démocratisation. L’Algérie au chevet de la science politique.” in revue Pouvoirs, revue française d’études constitutionnelles et politiques, no 86. “L’Algérie”, 1998, pp. 7-28. [M. Jean Leca nous a accordé le 3 avril 2018 son autorisation de diffuser la presque totalité de ses publications, y compris ce Traité de science politique.]

[7]

Jean LECA

politologue français [1935-]

Paradoxes de la démocratisation.
L’Algérie au chevet de la science politique.”
 *

in revue Pouvoirs, revue française d’études constitutionnelles et politiques, no 86. “L’Algérie”, 1998, pp. 7-28.

La Vulgate des politologues [7]

Retour à l'Histoire. Homologies et ressemblances [9]

L'Algérie n'est pas un problème de démocratisation [15]

La recherche d'un langage politique [20]

Démocratisation ou consensus pluraliste ? [26]

Résumé [28]

La Vulgate des Politologues

Une vulgate est une combinaison de problématique, de schéma d'analyse, de récit et de conjecture plus ou moins engagée dans l'action. Celle-ci existe en science politique appliquée à l'Algérie où le problème, incontestablement, est celui de l'ordre politique « ordinaire », mesuré par son contraire, un niveau de violence et de contrainte sur les droits, pratiques et projets individuels, niveau peu connu et difficile à mesurer [1] mais d'une évidence si forte que, précisément, elle aveugle et brouille les perceptions.

[8]

Le résumé relativement fidèle de cette vulgate [2] pourrait être le suivant. La crise actuelle ne vient pas d'abord de l'insatisfaction économique mais de l'absence d'ouverture sociale disponible aux classes moyennes en termes de participation politique et d'ascension professionnelle, et aux jeunes des classes populaires urbanisées en termes de chances de vie et de liberté de choix. Les élites au pouvoir, militaires et bureaucratiques, attribuent, à raison (au moins partiellement), le mécontentement à l'insuffisance de ressources disponibles dans une économie administrée inefficace et à une absence de contrôle culturel que l'État avec son école et sa religion laisse échapper. L'islamisme algérien des années 1980 est vu unanimement à la fois comme une idéologie radicale, un nationalisme plus politique que religieux dirigé par des « modérés » flanqués de quelques « fanatiques » et comme une culture polymorphe fournissant amitiés, soutien et encadrement moral à des jeunes insatisfaits par les familles et les institutions de la société civile moderne, écoles, associations sportives, syndicats et partis.

Les autorités répondent à partir des années 1980 en infléchissant le discours développementaliste et la politique clientéliste vers la levée des restrictions des biens de consommation sur le marché intérieur (Chadli I), la libéralisation très relative de l'économie ou, du moins, l'effort de mise en ordre des entreprises publiques (Chadli II, gouvernement Brahimi), la restauration appuyée des valeurs islamiques (Chadli de toutes saisons), avant d'abandonner brutalement, après les émeutes de 1988, le parti unique au bénéfice du multipartisme, d'un équilibre des pouvoirs donnant une place importante à l'Assemblée (Constitution de 1989). Un effort de constitutionnalisme économique et de pluralisme politique (Chadli III, gouvernement Hamrouche : reconnaissance du Front islamique du salut triomphant aux élections locales, découplage croissant du gouvernement et de l'ancien parti unique) est bloqué par l'armée à l'occasion de la grève générale du FIS en 1991, visant sans succès à obtenir le changement du découpage électoral (départ du gouvernement Hamrouche remplacé par Sid [9] Ahmed Ghozali), puis définitivement arrêté (interruption des élections législatives de 1991, suivie du renvoi du président Chadli, de l'appel à un président non militaire, vieille gloire du nationalisme de 1954, en exil depuis près de trente ans, et de l'interdiction du FIS). Après un intermède marqué par une tentative éphémère d'épuration des administrations et de création d'un parti du président Boudiaf, assassiné en juin 1992, le régime essaie un retour à la politique économique étatiste (gouvernement Abdesselam), fait élire en novembre 1995 par des élections à la régularité peu contestée un nouveau président, militaire, élections suivies de l'adoption en 1996 d'une constitution accentuant la parlementarisation mais flanquant l'assemblée élue d'une seconde chambre partiellement nommée et réservant des enclaves présidentielles inexpugnables. Il ne reste plus au nouveau parti du président, le Rassemblement national démocratique (superbe label !), cette fois constitué avec succès, qu'à emporter 33 % des voix et 40 % des sièges de l'Assemblée, où le FLN et les islamistes « autorisés » constituent des minorités respectables, et à tenir en novembre 1997 de nouvelles élections locales où la fraude est massivement dénoncée par pratiquement tous les partis autres que le RND. Cependant, après l'échec des négociations au sommet avec le FIS, se succèdent et se combinent les opérations classiques de débauchage, changements provisoires d'allégeance, règlements de compte où peuvent se brouiller, dans les contextes locaux, les frontières établissant l'identité des parties.

La problématique de la vulgate est celle des dynamiques de la démocratisation d'un régime autoritaire et fermé. Le schéma d'analyse porte sur les conditions du pluralisme et du type de jeu permettant une transition pacifique (la référence au caractère précipité et au management médiocre de celle-ci est constante). Le récit décrit les « impasses » nées de la corruption du régime militaire pris dans ses intrigues de palais, il situe immanquablement l'événement créateur de la guerre dans l'interruption du processus électoral régulier en 1991 et déroule inlassablement les volutes de la spirale islamiste, armée ou non, ainsi que les péripéties de négociation, cooptation et répression reliant et opposant les « tenants » aux « challengers ». Les conjectures se répartissent entre le « mat » (l'une des parties contraint l'autre à l'abandon, par exemple une partie des militaires passe du côté islamiste, « modèle soudanais »), le « pat » (chaque partie est immobilisée par l'autre, ce qui conduit dans une version optimiste à un « modèle turc » 1960-1980 ou, dans une version féerique, au « modèle chilien » [10] post-Pinochet) et l'implosion (un processus politique indéfiniment dépendant de rapports de violence et d'armistice entre groupes militaires au détriment de rapports de coopération institués entre groupes civils dans un climat social d'accoutumance à la violence et d'indifférence aux victimes non proches, signalée parfois chez les jeunes, « modèle afghan » qui peut prendre aussi l'apparence d'un « régime » de violence partagée). Bien sûr, chaque conjecture se termine pieusement par un appel à l'institutionnalisation de vrais partis, à la civilisation du jeu politique et, par-dessus tout, à la négociation d'un nouveau pacte social excluant le recours à la violence et reconnaissant le pluralisme du processus politique (San Egidio est parfois évoqué [3]), etc. L'ennui est qu'on ne voit pas comment passer du réalisme politique à ce qu'attendent et espèrent certains témoins de la réalité sociale, et les considérations symétriques sur les dangers d'une « démocratie illibérale » et la vanité de chercher à « terroriser les terroristes » sont d'un faible secours.

Retour à l'Histoire.
Homologies et ressemblances


Il y a de ce point de vue quelque homologie avec les vulgates de la vraie « guerre d'Algérie », celle de 1954-1962. Tout comme alors, les observateurs se focalisent sur deux niveaux de réalité : celui de la vie quotidienne des individus dans l'épaisseur du social où s'affrontent ceux que Germaine Tillon devait appeler « les ennemis complémentaires [4] » et celui des stratégies des acteurs politico-militaires [5] supposés [11] déterminer par leurs choix, toujours complexes, tortueux et soumis à un constant décodage, la seule issue qui compte : qui gagnera dans le conflit ? Dans cette « politique pure », c'est naturellement la politique militaire et diplomatique (une warlike politics) opposant des ennemis (celle de Clausewitz et de Cari Schmitt, domaine des spécialistes de l'« intelligence » politique) qui occulte la peace-like politics, une politique institutionnelle unissant par des règles du jeu communes des partenaires en compétition pour la direction du gouvernement et l'adoption des meilleures mesures gouvernementales (celle de Madison complétée par Schumpeter). Le niveau intermédiaire, celui de l'articulation des intérêts, des formes reconnues de leur représentation associative ou partisane et de la relation entre policy et politics, mesures substantielles et luttes de groupes, disparaît du champ de l'attention. Qui s'intéressait, en dehors des experts administratifs, et s'intéresse aujourd'hui, à la partie publique et substantielle du processus politique : les règles constitutionnelles, les élections et même la législation (sauf peut-être celle qui touche aux profondeurs de la communauté, jadis comme aujourd'hui le droit de la famille et le statut de la langue) ? La seule question importante est : « Comment en sortir ? », et au prix de quels gain et perte, et pour qui. Incidemment, cela donne un parfum d'irréalité aux recommandations de transparence nécessaire, qui seraient, paraît-il, l'une des leçons à tirer de l'expérience algérienne, car l'information libre et équitable nécessaire à la politique institutionnelle est impossible dans la politique diplomatique de guerre, où l'information est une ressource stratégique. En ce sens, cette recommandation ne peut avoir qu'une valeur rétrospective s'appliquant à la période 1963-1992 et encore oublie-t-elle qu'à un moment elle fut presque appliquée sans éviter la crise, on verra bientôt pourquoi. Elle n'est qu'un vœu pieux quand tout le jeu stratégique consiste à déterminer la solution diplomatico-militaire qui permettra ensuite (si l'on est optimiste...) à la politique institutionnelle de se déployer. En attendant, tout comme dans la vraie guerre d'Algérie, l'observateur est réduit à jouer abstraitement avec le trio « cessez-le-feu/élections/ négociations », séquence que la France n'arriva jamais à imposer au FLN qui réussit sa propre séquence « négociations/cessez-le-feu/élections », que les opposants islamistes voudraient peut-être reproduire [12] alors que les tenants en place, après incorporation de ministres islamistes cooptés (ceux du « modéré » Hamas, devenu « Mouvement pour la société et pour la paix », sorte d'opposition interne-externe issue de l'ancien parti unique FLN, qui semble s'être fait une spécialité du soutien au - et par le - trabendo, commerce à peine illégal) cherchent à imposer la séquence « élections/négociations/cessez-le-feu » (en inversant à l'occasion les deux derniers termes).

« Homologies » et non « ressemblances » : la première guerre fit de la France une puissance étrangère d'occupation et des Français, même algériens depuis plusieurs générations, des « étrangers » (à d'infimes exceptions près quoi qu'aient prévu les accords d'Évian [6]), ce dont le général de Gaulle s'avisa bien vite, gagnant ainsi le respect des nationalistes algériens et la haine bien compréhensible d'une vaste majorité de ceux des « pieds-noirs » qui ne s'estimaient pas étrangers en Algérie et ne voyaient pas d'autre issue que de nier toute existence politique à l'Algérie... Qui pourrait dire aujourd'hui que ceux qui peuplent le gouvernement et l'appareil de répression algériens sont des « étrangers » ? Des ennemis, peut-être, mais des non-citoyens ? De plus, si les islamistes se veulent les successeurs du Front de libération nationale, ils n'assurent pas l'unité politico-militaire ni l'élimination ou l'isolement des ralliés au gouvernement en place, pas plus qu'ils n'acquièrent la reconnaissance internationale, toutes choses réussies par la brutale détermination, l'habileté et, pourquoi ne pas le dire ? le charisme collectif de leurs prédécesseurs. Quant à l'assimilation des Algériens déclarés francophones, sécularistes, « démocrates » ou « éradicateurs » à de nouveaux « pieds-noirs » parce qu'ils demandent la protection des « forces de l'ordre » (qui la mesurent chichement, on le sait) et se réfugient parfois en France, etc., c'est plus la preuve de la persistance générale d'un langage qui fait de l'adversaire un membre illégitime de la communauté ou une menace pour celle-ci que d'une ressemblance historique entre la minorité réellement venue de l'extérieur (à l'exception des juifs) et protégée par l'État colonial et la « minorité » (vraiment ?) déclarée soumise aux influences de l'extérieur et attirée par lui.

[13]

Il convient ici de s'arrêter, car cette fausse ressemblance, vraie homologie, va peut-être plus loin qu'elle n'en a l'air et révèle un autre schéma d'analyse du problème algérien que les vulgates dominantes laissent de côté sans l'ignorer tout à fait. La première guerre d'Algérie n'a pas porté sur un régime qu'il aurait fallu démocratiser ou libéraliser, mais sur l'existence d'une communauté politique légitime. Le sens profond des « élections à la Naegelen », du nom du gouverneur général (socialiste-SFIO) qui organisa le contrôle musclé des élections à l'Assemblée algérienne de 1948 au sein du « second collège » (celui des Algériens musulmans), auxquelles on tente de comparer les élections législatives de 1997..., était que la puissance coloniale ne pouvait laisser à des élections pluralistes, elles-mêmes (peut-être) soumises à la pression violente des partis nationalistes, le soin de déterminer ce que seraient le sens et le destin des « trois départements français » : « Le choix n'était pas entre des élections libres et des élections préfabriquées. Il était entre des élections fabriquées par les messalistes et des élections fabriquées par le gouvernement général ; nous avons choisi les secondes [7]. » Phrase qui sonne étrangement dans le contexte actuel. De fait, le sens et la portée de la communauté ont commandé les aléas de la construction du régime : en un sens, pas de parti unique sans le « parti-nation », ce bizarre oxymoron identifiant la partie au tout, formulé par le juriste Mohamed Bedjaoui [8]. Personne apparemment ne s'avisa qu'un parti s'opposant internationalement à un autre parti (la France, plus tard « parti de la France »...) pour affirmer la souveraineté de l'Algérie ne pouvait pas logiquement représenter toute la communauté une fois que les membres de celle-ci, ayant éliminé le parti étranger, se divisaient sur les règles du régime, les types d'autorités appelées à la gouverner et les politiques à mener. C'est pourtant ce qui se produisit tout naturellement avec le passage de la triade parti-nation/Conseil de la révolution/Gouvernement [provisoire] de la République algérienne à la triade parti d'avant-garde/Comité central (bien vite remplacé de 1965 à 1975 par un Conseil de la révolution)/président [14] dans ce « régime constitutionnel de gouvernement par le parti », autre succulent oxymoron (qui assure le partage du pouvoir nécessaire à sa limitation constitutionnelle s'il n'y a qu'un parti ?).

Ainsi une arme, puissante dans une logique de guerre internationale (warlike politics) pour la conquête d'une souveraineté qui ne saurait se partager sans se détruire, devenait-elle contre-productive dans une logique de politique institutionnelle (peace-like politics) pour des choix impliquant des partages, autrement dit lors du passage de la politique de l'identité à la politique des intérêts, a moins que ne fût décrétée la continuité des deux logiques politiques. C'est bien ce qui se passa, qui fit de la lutte politique interne la suite de la lutte pour l'indépendance et soumit la politique institutionnelle à la politique de guerre où tout contestataire intérieur public est un ennemi extérieur camouflé. Rien d'étonnant alors à ce que l'armée restât en permanence le quatrième élément, et capital, du modèle « révolutionnaire » puisqu'elle représentait en droit l'unité dans la guerre : de fait, c'était et c'est toujours bien autre chose de plus... et de moins, mais l'armée ex- « de libération nationale » devenue « nationale populaire » se trouvait ainsi investie d'une légitimité découlant de sa place dans la structure, ce qui permettait à ses factions d'être incontournables, de s'assurer des bénéfices publics et privés sans pour autant trop s'investir dans le policy making ; il leur suffisait de veiller à ce que la politics ne nuise pas à leurs intérêts ni à leur idéologie. Quelles que soient leurs orientations, je ne pense pas que les officiers généraux algériens envient aujourd'hui le sort de leurs homologues ex-soviétiques et, d'ailleurs, personne ne songe apparemment à le leur réserver dans le court terme : le seul vrai message exprimé par l'élection relativement régulière du général Zeroual au suffrage universel est justement la reconnaissance de droit d'un pouvoir central effectifs, pourvu que celui-ci veuille bien établir la paix et crée les conditions d'un ordre et d'un État de droit permettant enfin à chaque individu ordinaire de vivre avec les autres et non seulement avec les siens, et donc à une société civile de se développer, où les intérêts, au lieu d'être omniprésents dans les zones sombres du palais, des marchés parallèles, des commissions et des réseaux, seraient visiblement représentés par des groupes publics agissant à découvert sans être pour autant perçus comme des membres de « la bande de l'État ». L'ennui est qu'il n'est pas plus facile de « faire que ce qui est fort soit juste » que de « faire que ce qui est juste soit fort », l'échec du réalisme de la première formule alimentant l'utopie [15] de la seconde. Ainsi l'utopie sans frais des élections municipales de 1990 et le rejet non équivoque du réalisme sans principes (par lequel la base ratifie les compromis du palais) aux élections législatives de 1991, qui virent la défaite parfois rude de vieilles gloires du FLN, furent-ils suivis par le retour au réalisme de l'élection présidentielle de 1995. Mais l'impasse apparente qui a suivi, déclarée un peu vite ouverture d'une nouvelle phase « post-islamiste », avec le désenchantement des élections législatives et communales, montre l'épuisement concurrent des deux formules.

L'Algérie n'est pas un problème
de démocratisation


Peu de gens contesteraient cette version, ils la trouveraient seulement peu porteuse de solutions, dans son abstraction. C'est qu'ils en voient d'abord la cause dans l'absence de démocratie due au jeu défensif de tenants aveugles d'un pouvoir corrompu. C'est prendre l'effet pour la cause car c'est dans la collectivité sociale historiquement constituée qu'il faut la situer. Le régime qui a gouverné l'Algérie jusqu'à aujourd'hui n'a pas été imposé à un peuple réticent par des oligarques, des caudillos ou une caste militaro-bureaucratique liée à P« impérialisme » au nom de la sécurité contre l'agression communiste, il a été accepté, voire souhaité, avec tous les malentendus, opacités, doubles langages et attentes contradictoires caractérisant les agrégats modernes, par une population concrète qui n'a pas grand-chose à voir ni avec la stratification sociale et politique décrite en Amérique latine, ni avec les collectivités super-ordonnées de tribus, de corporations urbaines, de docteurs et de familles saintes, ni enfin avec ces masses égalitaires et républicaines où chacun veut le bien de tous tout en poursuivant son projet individuel. L'Algérie réelle n'était pas celle de Peron, ou de Robert Montagne, ni même celle de Fanon et Guevara, bien qu'il y eût un peu des trois, en plus de celle de Nasser et de celle de Ferhat Abbas (la dernière injustement oubliée dès 1963 et peut-être la plus importante). Ce qui a été accepté, voire requis, ce n'est pas l'autoritarisme justifié par une idéologie hiérarchique (bien au contraire), c'est le rejet, au nom de la communauté et du « peuple », du pluralisme publiquement reconnu dans la politique à cause de (et non par ignorance de) la pluralité réelle de la société (en fait des sociétés) concrète(s), et c'est ce rejet du pluralisme qui a provoqué un régime de « démocratie délégative » ainsi nommé par Guillermo [16] O'Donnell [9] pour désigner un régime où les élites gravitant autour de la présidence légitimement élue tendent à échapper à tout contrepoids institutionnel parlementaire ou judiciaire et à se constituer en réseaux liés avant tout par les jeux concurrentiels de l'appropriation des positions de pouvoir. L'Algérie a donc toujours oscillé entre une monarchie plébiscitaire (appelée « pouvoir personnel », solennellement rejeté par le mouvement nationaliste depuis 1954) et une « polyarchie plébiscitaire » (appelée quelquefois « direction collégiale ») fondée sur un compromis communautaire fondamental consistant à refermer en la niant la parenthèse coloniale. Celle-ci avait par sa seule dynamique souligné l'importance « nationale » de divisions sociales anciennes ou modernes, opposant par exemple les lettrés en français (majoritaires) aux lettrés exclusivement en arabe (dominés), les populistes aux réformistes, l'islam des docteurs, égalitaire et uniformisateur, à l'islam des marabouts, hiérarchique et particulariste, sans jamais ouvrir l'accès à l'État aux nouveaux groupes sociaux en formation puisque l'État n'était lié de façon moderne qu'aux « Français d'Algérie », avec leurs syndicats, leurs partis, leurs élections, leurs chambres de commerce, leurs écoles obligatoires, leurs communes « de plein exercice », constituant ainsi une « société civile de premier collège » à peine ouverte aux infiltrations des Algériens musulmans pourtant de plus en plus présents dans la société, ce qui fit du conflit communautaire le seul conflit social saillant et frappa du même coup le pluralisme de la marque de la guerre entre ennemis, guerre sainte et légitime des deux côtés, quand elle opposait les prépondérants non musulmans aux dominés musulmans, guerre interdite et refoulée entre Algériens musulmans. Ainsi fut mis hors la loi après l'indépendance le pluralisme politique au profit du « parti-nation » officiellement destiné à rassembler « le peuple » (ce « seul héros » comme le proclamèrent les slogans de la « République algérienne démocratique et populaire ») contre la France puis contre « les bourgeois », « la grande propriété foncière », etc., mais aussi à traiter en la masquant la pluralité culturelle. De ce fait, les identités sociales, ne pouvant s'énoncer et se négocier politiquement dans l'espace public à partir de justifications en termes de valeurs universalisables, s'exposaient à la dénonciation (« vous êtes de faux Algériens, membres du parti de l'extérieur »).

[17]

Tout observateur de l'Algérie pendant vingt-cinq ans, de la fin 1963 (quand l'Assemblée constituante eut terminé ses travaux) à 1988, a été frappé par une évidence si aveuglante qu'elle en passa presque inaperçue : la liberté de ton et de jugement marquant les discussions privées sur toutes sortes de sujets, sans que jamais ne se structure un espace où des responsables s'adresseraient à un public indifférencié pour articuler des arguments substantiellement contradictoires. Tout discours public, qu'il fût tenu en français, en arabe ou (si rarement !) en dialecte populaire, la derja, était marqué par le sceau de l'unité déjà acquise ou reconquise, tout discours publiquement différent était illégal et déclaré (voire conçu comme) dissident et son auteur exclu ou assigné à résidence à l'extérieur, donc chez l'ennemi. Curieusement mais logiquement, seul le leader suprême (que personne n'appela pour autant zaïm) échappait à cette contrainte et intégrait la contradiction dans son discours, tel le président Boumediene qui, disait-on, « répond à Radio-Trottoir » et apportait des réponses à des questions qu'il posait lui-même à partir de ce qu'il savait que les gens ordinaires disaient. On comprend que l'abandon de fait par Chadli Bendjedid d'un rôle qu'il n'avait ni l'envie ni la capacité de tenir ait laissé un grand vide. Ainsi se développa ce que Jean-Claude Vatin et moi-même appelâmes un « État administratif populiste » et un « sultanisme populaire » dont nous prétendîmes établir lourdement la théorie académique complaisante [10]. L'État algérien avait bien un espace public concrétisé par une presse nationale, mais c'était un public sous le regard de l'ennemi, lequel avait toujours des alliés à l'intérieur. D'où une pesante langue de bois unanimitaire devenue caricaturale quand elle investit la télévision pendant que d'autres langages, éclatés, dialectaux, esthétiques ou ironiques s'insinuaient ailleurs, dans des lieux semi-publics [11], que le langage scientifique survivait dans des productions réservées aux spécialistes universitaires, la plupart du temps présentées dans des universités étrangères [12], et que le peuple ordinaire se réfugiait dans le [18] silence [13], dans les mosquées non officielles et leur production de communauté chaleureuse et ordonnée [14] et dans l'énergie effervescente et massive du match de football, des manifestations (parfois les plus officielles et autorisées : par exemple lors de la mort du président Boumediene ou de la guerre du Golfe), des émeutes urbaines avec leur double aspect de fête et de violence, toutes deux « jouissance du désordre [15] ».

L'erreur serait de faire de ces tabous portant sur la langue, l'ethnicité, les femmes, la religion, la réforme agraire, voire, dans une moindre mesure, le fonctionnement concret des écoles et des entreprises, le seul effet de l'autoritarisme politique d'une caste politico-militaire méfiante envers le peuple et de bureaucrates publics soucieux de faire leurs affaires avec les monopoles étrangers au détriment de l'intérêt national. Cette critique de la langue de bois fait elle-même partie de la langue de bois intériorisée par les sujets eux-mêmes, ce qui les rend si sensibles au chantage à l'unanimité. L'autoritarisme et le rapport de forces non médiatisé sont certes devenus le réflexe conditionné des élites politiques dans un système de politique diplomatique et non institutionnelle, et l'Algérie n'en a pratiquement jamais connu d'autre jusqu'à présent : s'il dit « ce qui est » en public, le politicien commet un crime politique contre la sécurité extérieure de l'État (en fait contre la sécurité intérieure des groupes de « tenants »), l'ancien Premier ministre Kasdi Merbah et, probablement, Mohamed Boudiaf s'en virent administrer la preuve définitive. Mais si l'homme non membre du cercle et peu au courant des secrets du palais prétend aussi dire publiquement, de son point de vue, « ce qui est » (ainsi firent Tahar Djaout, Djilali Benkencheich et quelques autres intellectuels assassinés), il s'expose à dire quelque chose d'insupportable pour la communauté [19] et pour lui-même dès qu'il va au-delà de la condamnation générale et routinière de bureaucrates, de corrompus et d'incompétents, aussitôt reliée à des exemples précis d'expériences personnelles fortes de frustration et d'occultation. Plusieurs fois, des expressions publiques partielles ont couvert l'espace national, le « printemps berbère » de 1980, les débats sur la discussion parlementaire du Code de la famille de 1984, la période 1988-1991 surtout, où l'apparition du Front islamique du salut sur la scène légale, par une décision elle-même publiquement critiquée, fut l'occasion de nouveaux débats publics cependant que la presse écrite voyait fleurir nouveaux titres, reportages, éditoriaux et prises de position variées.

Mais ces débats s'inscrivaient dans un champ politique englobant, dans cet ordre hiérarchique, d'abord la compétition pour rester en place, ensuite des choix de politiques publiques soucieux de faisabilité et de conséquences. Ghazi Hidouci, ancien ministre et membre de l'équipe des « réformateurs » dans le gouvernement de Mouloud Hamrouche, mentionne un point incontestable par ceux-là mêmes qui furent des adversaires : « la gestion par le secret et la rumeur [16] ». Cela est dû au surinvestissement des élites dirigeantes dans « la gestion stratégique du contrôle du champ politique » au détriment du traitement des « problèmes sociaux consécutifs à la guerre - déracinement des populations, dégradation des circuits économiques, faible qualité de l'enseignement », laissés aux « cadres exclus de la gestion politique officielle ». En d'autres termes, la politics fut toujours plus importante que le policy making, ou plutôt celui-ci ne fut jamais jugé qu'en fonction des critères de celle-là. Des « technocrates » sans puissance (ces « cadres exclus ») et toujours à la recherche d'un patron qui les soutienne bricolaient des mesures jugées d'abord par les dirigeants sur leur effet dans la logique de pouvoir à l'intérieur des appareils, et ce d'autant plus aisément que les ressources à la disposition de ces appareils furent abondantes jusqu'à paraître inépuisables et « données » (puisque provenant de l'héritage colonial puis de la rente pétrolière), et non extraites de la société, ce qui aurait obligé à rendre compte de leur usage judicieux. L'originalité algérienne, s'il en est une, est l'extrême tension de ce double jeu entre politics et policy making, entre [20] la politique, qu'elle soit de palais, de bureau, de réseaux ou d'opinion, et le gouvernement, qui caractérise tous les régimes politiques réels et non imaginaires, comme s'il n'y avait pas de fenêtre d'intelligibilité reliant les enjeux de l'une et de l'autre, une fois disparue la défunte « bourgeoisie d'État » ou l'« État-FMI » (qui ne fut jamais dominant en Algérie...). Ne restent que les liens par les intérêts de positions politiques, confondus avec des intérêts patrimoniaux privés concrétisés en général par des alliances familiales. Pas plus que les entreprises privées ou publiques n'accumulent de ressources financières, l'État n'accumule de ressources d'autorité et de légitimité. Seuls les patrimoines privés prospèrent. Faute d'une communauté politique faisant l'objet d'un consensus culturel qui permettrait des divisions signifiantes, les conflits entre élites sont perçus d'abord comme des luttes de pouvoir où des autorités manipulent les valeurs communautaires en en faisant des armes tactiques. Les « technocrates » vus par Ghazi Hidouci, plus experts en « administration des choses » qu'en gestion des « réseaux d'intérêts et des hommes », se trouvaient cependant pris dans le cercle de ceux-ci, ce qui produisit à l'extérieur une impression d'« incompétence » (terme que l'un d'eux, Mohamed Liassine, emploie volontiers) et éveilla constamment des espoirs déçus de rationalisation et de simplification par émancipation de leurs encombrants supérieurs politiques [17].

La Recherche d'un langage politique

L'Algérie, en essayant de « se tirer par ses propres lacets », c'est-à-dire de créer une société nationale supposant une infrastructure de société civile préalable alors que celle-ci était absente ou, ce qui est pire, adaptée aux seuls besoins de la société coloniale, n'a pu produire de langage politique intelligible autre que le langage du nationalisme contre l'extérieur, une sorte de pacte social imparfait puisque le surdéveloppement de sa partie polémique (« Qui sont nos ennemis ? ») s'accompagnait du sous-développement de sa partie civile et commerciale : « Quelles sont nos règles de coexistence nationale ? En quoi consiste notre amitié civique ? C'est-à-dire qu'est-ce qui nous relie matériellement et symboliquement entre nous, en plus d'être une [21] nation avec un commun ennemi ou un commun "extérieur" [18] et au-delà de ce qui peut lier certains d'entre nous par des liens de descendance, alliance familiale, solidarité de quartier, amitié de jeunesse, statut commun, intérêt de classe, appartenance à un terroir ou une région ? » Cette dernière question implique le traitement du pluralisme : « Qu'est-ce qui nous oppose et nous divise sans pour autant faire de nous des ennemis irréconciliables ? » Ce traitement n'est jamais transparent et toute société a la dénégation à sa racine, l'accord sur une erreur commune sur son origine et son fondement, disait Gellner paraphrasant Renan ironiquement, mais, quand la dénégation porte sur tout ce qui est important et quand l'affirmation se borne aux généralités de la triple révolution « politique, économique, culturelle » et à la réalité pratique d'un compromis entre l'allocation étatique d'emplois et de ressources matérielles (versant hédoniste et welfariste du savoir « scientifique » du socialisme du même nom puis de l'économie de marché) et la proclamation d'un socialisme vertueux aux couleurs de l'islam (versant austère et moraliste de l'autre savoir « scientifique », celui des docteurs de l'islam et des gardiens des mœurs), alors le refoulement empêche la création de quelques interdits (interdits). La démocratie, signalent Mohamed Harbi et El Hadi Chalabi, « appelle la liberté de conscience, l'égalité de l'homme et de la femme, la primauté du citoyen. Disons-le franchement, l'Algérie n'en est pas encore là à cause du refus des élites nationalistes de se prononcer clairement sur ces questions [19] », façon euphémisée de dire qu'elles n'ont jamais été l'objet que d'un accord formel et abstrait par crainte de leur effet pratique dans une communauté divisée sur leur signification. « Le parti unique en Algérie, nous dit Fanny Colonna, n'a cessé de refouler sans interdire vraiment, puisqu'en fait tout était objet d'interdits, penser, écrire, voire vivre comme une personne singulière, une femme célibataire ou un homosexuel [...]. Interdit ou soumis à d'énormes contraintes, non pas (ou rarement) par une censure explicite [...] mais par une sorte de chantage à l'unanimité très fortement intériorisé par les sujets sociaux eux-mêmes. Si tout est interdit, vient un jour où tout est possible en même temps [20]. » Ainsi se boucle [22] le cercle : le langage révolutionnaire apocalyptique où tout sera possible moyennant un interdit total est signe d'un rejet de la combinaison précédente de langue unanimitaire et de politique de palais entre fractions « occultes » (mais que chacun prétend connaître à plus ou moins juste titre) en même temps qu'il produit de nouvelles pratiques d'« entrisme » couchées dans le langage du nettoyage des « tenants ». Tout se passe comme si l'on ne criait « sortez les sortants » que pour mieux partager avec ceux-ci. Mais ce qui se fait ne doit pas se dire et quelquefois ce qui ne peut se dire finit par ne pas se faire.

La libération brutale, et provisoire, des interdits, au moins sociaux, a deux effets contradictoires. Elle déstabilise une société divisée sur ses interdits, où la séparation « libérale » entre cultures privées diverses et conflictuelles et culture publique consensuelle est qualifiée (y compris par ceux-là mêmes qui la pratiquent, quand ils dénoncent les autres) de tartuferie permanente, où les « sécularisateurs clandestins », les « obscurantistes », les « saboteurs de l'arabisation », les « profiteurs du socialisme » sont voués aux gémonies alternativement ou ensemble. La « levée des tabous dans la presse algérienne » signalée plus haut a aussi eu pour effet de favoriser par contrecoup la recherche d'un code idéologique unificateur au lieu de l'affaiblir, non seulement parce que cet étalage des problèmes les plus individuels et personnels du racisme, du tribalisme, de la francophonie, de l'avortement, de l'infanticide, de la prostitution, de l'homosexualité indignait une partie de la population, qui y voyait la preuve de la corruption des valeurs et de l'agression occidentale (car l'islam aussi avait été occulté tout en étant partout proclamé [21]), mais également parce que la situation de vulnérabilité et de ressentiment, sans cadre commun de discours permettant d'en parler et se parler, prédispose à voir l'ennemi inexpiable partout où l'on se heurte aux murs de l'ennui et de la pénurie et où l'on cherche un sens à une situation qui paraît sans issue.

[23]

Ainsi le code islamiste a-t-il un moment prétendu succéder au code du FLN avec lequel il a plus d'un trait commun. L'une des premières déclarations islamistes signées entre autres par le futur chef déclaré « modéré » du Front islamique du salut attaquait « la mixité imposée dans nos établissements éducatifs, administratifs et économiques, ce qui favorise la corruption et les actes immoraux » produits par « l'existence au sein des rouages de l'État d'éléments hostiles à notre religion, qui ne sont que des agents d'exécution de plans tramés par le colonialisme » et non réprimés par la force publique, car il y a eu « désignation de femmes et d'éléments suspects dans les corps de la magistrature et de la police ». Ajoutons à ce florilège la dénonciation du « cartel formé par le communisme international, la franc-maçonnerie, la juiverie et l'impérialisme américain, et avec la collaboration de ses agents, propagateurs du communisme, du racisme et du bâthisme » et de « la politique de la France, visant à la dégénérescence de la cellule familiale et au relâchement de ses mœurs » et qui « se perpétue toujours » par « la mise en exergue d'un code de la famille » qui n'est pas autre chose qu'« une entreprise tendant à éloigner la famille de la chari'a islamique » [22]. La structure idéologique du texte est bien celle que nous avons esquissée tout à l'heure si le contenu et la désignation des ennemis sont partiellement différents [23] : dénonciation de l'ennemi intérieur qui est aussi ennemi extérieur, appel à l'épuration par le sommet en attendant l'épuration du sommet lui-même, que les dirigeants du FIS se donneront pour but en mai 1991 en déclarant leur intention « de suspendre la Constitution, d'interdire les partis laïques et socialistes, de prononcer l'expulsion immédiate du président de la République [24] ». Dans un contexte de victoire électorale possible, la [24] pureté du but final est affirmée haut et fort ; dans un contexte d'échec militaire possible, le but est réévalué à la baisse et l'adhésion au pluralisme politique, au multipartisme, à la création d'un « État civil dans le cadre de l'islam » passe au premier plan. L'intérêt n'est pas ici de sonder ce que veulent dire aujourd'hui les porte-parole du FIS, ni de savoir s'ils ont « vraiment » changé : cela est bien possible après tout, et surtout la politique réelle consiste parfois à sacrifier la thèse à l'hypothèse (surtout quand la thèse peut être interprétée de diverses façons) jusqu'à ce que, dans le long terme, l'hypothèse devienne la thèse et qu'un simple modus vivendi de court terme devienne un consensus durable. Il est plus intéressant de souligner qu'à : l'origine l'opposition du FIS au FLN ne porte nullement sur la démocratisation d'un régime autoritaire mais sur la substance de la communauté que ce régime est supposé représenter. C'est se tromper d'objet que croire que le modus vivendi devait porter sur le régime alors qu'il visait la composition de la communauté et la domination dans la répartition des postes, où la légitimation des représentants de la « vraie » communauté et l'illégitimation corrélative de leurs concurrents étaient des ressources stratégiques de première importance, ce qui explique la curieuse combinaison, signalée plus haut, de rhétorique utopique et exclusionnaire et de pratiques d'entrisme.

La similarité des projets formels est encore soulignée par le débat suscité, sur le moment et après coup, par « le coup d'État constitutionnel » (aux yeux de certains bien plus important que l'interruption des élections de 1991) réalisé par le gouvernement de Mouloud Hamrouche le 16 septembre 1989, une semaine après le limogeage contesté du Premier ministre Kasdi Merbah (qui avait étudié mais non ratifié la mesure), en accordant existence légale au FIS fondé en février précédent, alors que la loi de février 1989 interdisait en principe les partis basés « exclusivement sur la religion, la culture ou la langue ». Ce faisant, Mouloud Hamrouche, dans une perspective pluraliste, entendait faire une place au FIS dans l'opposition afin de briser les résistances à sa politique économique... et assurer sa carrière au sein du FLN et dans les cercles du pouvoir, mais c'était au prix du risque [25] de résurrection du système antérieur : logiquement, en effet, si l'islam est la religion de l'État, aucun(e) parti(e) ne peut prétendre monopoliser l'idéologie du Tout, ce serait utiliser un principe d'union comme instrument de division afin d'imposer une forme de gouvernement en verrouillant les trois figures de l'islam : comme mode d'appartenance (la croyance comme marqueur social), idéologie positive (la croyance comme programme et loi) et soumission individuelle aux « droits de Dieu » (la croyance comme conviction et devoir). Mais c'est exactement ce que le FLN en tant que parti unique avait fait avec les trois figures correspondantes de la nation, et les adversaires de la légalisation du FIS redoutaient, probablement avec raison, qu'elle ne le fît de même s'instaurer en nouveau parti unique ou, en tout cas, dominant sans partage pour imposer un gauchissement « religieux » de l'unité nationale. Le nouveau pluralisme politique algérien dans un contexte de forte division au sommet sur la meilleure manière de conserver ou de conquérir des postes, mais aussi, à la base, de pluralité des visions sur ce que devrait être la bonne communauté, risquait ainsi de donner naissance à un nouveau parti excluant les autres. L'ironie veut que ceux qui tenaient ce risque pour un danger pour le pluralisme ne voyaient de solution que dans la restriction du pluralisme en excluant le FIS. De ce point de vue, le coup de décembre 1991 interrompant les élections apparaît comme la version violente et inconstitutionnelle de la position légaliste des adversaires de la reconnaissance du FIS en 1989.

Un spécialiste de la transition démocratique verrait dans ces péripéties la preuve de l'inexistence d'un pacte politique et s'interrogerait sur les conditions qui peuvent permettre d'en établir un. Mais si nous ne sommes pas en présence d'un problème de transition démocratique mais de redéfinition de la communauté politique, le pacte ne doit pas porter sur les garanties accordées aux « tenants » pour prix de leur départ en douceur mais sur celles à donner aussi à différents groupes culturels pour qu'ils ne se sentent pas étrangers dans leur pays. Le seul point où les deux problèmes se rejoignent est qu'en principe le problème de la démocratie comme régime suppose résolu le problème de la communauté, qu'il y ait soit unité ou compromis culturel soit séparation à l'amiable par des voies démocratiques pacifiques. La partition de la Tchécoslovaquie donne ainsi l'illusion que la démocratie a résolu le problème, alors que c'est parce que le problème communautaire national était déjà résolu parmi les élites que la démocratie [26] (au moins représentative) a pu fonctionner. Mais les deux problèmes sont en réalité profondément distincts.

Démocratisation
ou consensus pluraliste ?


C'est pourquoi cet article n'a pas parlé des deux paradoxes habituels de la démocratisation, le paradoxe de la simultanéité des réformes économiques et politiques où les premières peuvent être rendues plus difficiles par les secondes puisque celles-ci libèrent des forces de résistance à celles-là, ce qui requiert l'institutionnalisation des conflits portant sur la distribution des gains et des pertes (ou « comment la démocratisation et la libéralisation peuvent retarder l'institutionnalisation des conflits alors que celle-ci est une condition pour que la démocratie favorise la libéralisation en la contrôlant ») [25] ; le paradoxe de la constitution d'un régime alors que les valeurs sociales présumées le soutenir sont adaptées au régime précédent (ou « comment faire du neuf avec du vieux ») [26]. Il leur a substitué quelques autres paradoxes : comment démocratiser une « démocratie délégative » si cela signifie une pluralisation faisant éclater les contradictions non pas « au sein du peuple » mais « sur le peuple » lui-même (ou « que doit être le "déléguant" pour que le "délégué" devienne "responsable" devant lui ») ? Comment découpler la démocratisation comme communauté imposée de la démocratisation comme respect de la pluralité (ou « comment l'appel démocratique peut-il n'être pas autocontradictoire ») ? Comment mettre fin au « frontisme » refoulant l'expression et menant à la violence « nue » sans prolonger la blessure qui fait sa nécessité, l'absence de société civile indi[endo]gène ? Les problèmes de la construction de l'État, de la société civile et de la société politique [27] [27] sont préalables à la construction de la démocratie, et celle-ci n'est pas un moyen pour les résoudre mais en serait plutôt le produit émergent.

On se bornera donc à quelques conclusions simples que l'Algérie nous semble fournir à la science politique : 1) Un « pacte politique [28] » sans pacte culturel est une coquille vide. 2) Ce dernier relève plus du consensus de composition, où des acteurs passent dans le moyen terme de la « thèse » à l'« hypothèse », transformée à son tour en nouvelle thèse. 3) Le consensus de composition ne peut se construire si la communauté religieuse, ethnique, culturelle est à chaque instant l'aspect saillant des conflits publics ou le grand refoulé du discours reliant le privé au public (ce qui revient au même car, si la communauté est la ressource légitimant les parties, celles-ci ne disent que ce qu'il faut dire). 4) Il est de l'intérêt des acteurs politiques professionnels de se désarmer culturellement pour éviter que leur défaite ne signifie leur exclusion de la communauté légitime. 5) Les difficultés supplémentaires de la démocratisation dans les « sociétés divisées » ne doivent pas être étudiées seulement dans les sociétés à divisions territoriales, ethniques, religieuses ou linguistiques où des territoires réels ou fonctionnels séparent des groupes [29], mais aussi dans des sociétés comme l'Algérie où les cultures cohabitent, parfois au sein d'individus pour qui la marge passe pour ainsi dire au centre du texte. Mais, pour cela, il faut rompre au préalable avec le langage qui a dominé jusqu'à présent en Algérie : ici s'esquisse un rapprochement avec le second paradoxe de la démocratisation. Comment rendre le neuf indispensable quand le vieux a été et est encore si performant ? La peur du « modèle indonésien » (non évoqué par la vulgate initiale) sera peut-être le commencement de la sagesse.

[28]

RÉSUMÉ

La vision qui fait de l'Algérie un cas de démocratisation manquée d'un régime autoritaire est critiquée par cet article. En remontant dans l'histoire et en signalant les homologies avec la guerre de libération nationale, on se propose de montrer que le problème est plutôt celui de la difficile construction sociale d'une communauté politique pluraliste conférant un sens généralement admis à la réelle pluralité sociale algérienne et l'extrême tension entre les politics et le policy making. Dès lors, les oppositions portent moins sur la démocratisation d'un régime autoritaire que sur la substance de la communauté que ce régime est supposé représenter. A cet égard, un pacte culturel est plus important qu'un simple pacte politique et ses règles de constitution ne sont pas les mêmes.



* J'ai préféré ce sous-titre à l'attendu « La science politique au chevet de l'Algérie » pour conjurer l'image thérapeutique selon laquelle la connaissance scientifique des causes passées conduit à une bonne conjecture des conséquences futures et, par suite, à des actions présentes correctes. Je ne suis pas du tout certain de la valeur théorique de ce schéma du « jugement politique » et préfère considérer l'Algérie, non comme un malade encombrant (car ce n'est pas une terre pestiférée, il y existe aussi des dynamiques positives), mais simplement comme un défi à la connaissance et une incitation à l'action prudente. Comme disait Marcel Mauss, « l'art n'a pas à attendre la science, celle-ci n'a pas pareil primat ».

[1] Le Premier ministre Ahmed Ouyahia a donné en février 1998 le chiffre de 26 563 (pas un de plus) depuis 1992. A l'autre extrémité, le chiffre de 120 000 est avancé par des sources plus ou moins fiables (Martin Stone, The Agony of Algeria, New York, Columbia University Press, 1997). Le chiffre le plus courant va de 65 000 à 80 000 (voir par exemple Luis Martinez, « Les enjeux des négociations entre l'AIS [Armée islamique du salut] et l'armée », Politique étrangère, 4, 1997, p. 500). De plus, la vitalité algérienne est telle que les autoanalyses de cas de déréliction et de désespoir finissent par prendre l'allure de manifestations de dynamisme se projetant résolument dans l'avenir. Il reste que la faiblesse de la société civile (les groupes associatifs permettant la relation avec l'État et assurant l'intégration dans la cité) a été une cause de la crise violente qui, à son tour, a accéléré la dégradation des universités, des hôpitaux, des institutions médico-sociales, de la presse. (Seules les sociétés commerciales semblent prospérer, ainsi que, dit-on, les écoles privées.) Cela dit, les deux phénomènes coexistent sans que le second autorise à nier le premier.

[2] Pour éviter des sources trop proches mais pas fondamentalement différentes, on signalera ici Abdellah Hammoudi et Smart Schaar, éd., Algeria's Impasse, Princeton (N.J.), Center of International Studies, « Monograph Séries » n° 8, 1995 ; Andrew Pierre et William Quandt, The Algerian Crisis : Policy Options for the West, Carnegie Endowment for International Peace, 1996 ; Michael Willis, The Islamist Challenge in Algeria : A Political History, New York, New York University Press, 1997. Bien que plus bref et plus ancien, le premier ouvrage est celui qui a le langage le moins convenu et le plus informatif.

[3] En janvier 1995, le FLN, le FIS, le Front des forces socialistes et plusieurs petits partis ont signé à Rome une « plate-forme pour une solution politique et pacifique de la crise algérienne » proclamant le respect des principes de la révolution algérienne, de la Déclaration universelle des droits de l'homme, des élections compétitives, du pluralisme partisan, de la légitimité populaire et de la Constitution de 1989. La plate-forme affirme aussi le rejet de la violence et la reconnaissance de la pluralité de la personnalité algérienne (islam, arabisme, berbérité) et demande la levée de l'interdiction du FIS ainsi que la libération de ses leaders, la liberté de la presse et la fin de la torture et des attentats. Cet exercice évoque un mélange du programme de Tripoli de 1962 (moins le parti unique) et des accords d'Évian, où ont été dessinés les traits du « bon État libéral wilsonien-européen », salué non sans quelque ironie par un politologue sceptique (Georges Lavau, « Le visage politique de l'Algérie de demain », in François Perroux, dir., L'Algérie de demain, Paris, PUF, 1962). C'est la qualité des signataires qui fait toute la différence entre 1962 et 1995.

[4] Germaine Tillon, Les Ennemis complémentaires, Paris, Éditions de Minuit, 1959.

[5] Une utile mise au point sur les acteurs islamistes après leur expulsion du jeu institutionnel a été présentée dès 1995 par François Burgat : « Algérie : PAIS et le GIA, itinéraires de constitution et relations », Maghreb-Machrek, n° 149, juillet-septembre 1995, p. 105. À l'époque, certains conjecturaient une fusion possible entre les deux organisations, ce qui ne fut pas confirmé et conduisit à la trêve unilatérale décidée par la seule AIS.

[6] Que cela se soit accompagné d'une immigration croissante d'Algériens en France, dont une bonne part y devinrent ainsi des concitoyens de ceux qui étaient devenus pour l'Algérie des « étrangers » (tout en ayant conservé avec ce pays en tant que terroir et collectivité humaine des liens quasi charnels), ne change rien à l'affaire : cela montre seulement que des hommes agissant logiquement en répondant rationnellement à des contraintes produisent des sociétés qui ne sont pas (Dieu merci !) des systèmes logiques.

[7] Cité par Charles-Robert Ageron, Histoire de l'Algérie contemporaine, vol. II, « 1871-1954 », Paris, PUF, 1979, p. 611.

[8] Mohamed Bedjaoui, La Révolution algérienne et le Droit, Bruxelles, Association internationale des juristes démocrates, 1961. Peut-être ce « parti-nation » était-il la prolongation-transposition non voulue du « Parti de Dieu » (Hizbollah), seul parti, avec le « parti de Jésus-Christ » dans les épîtres de saint Paul, à avoir une légitimité communautaire « au-dessus des partis ».

[9] Guillermo O'Donnell, « Delegative Democracy », Journal of Democracy, printemps 1994, p. 55-69.

[10] Jean Leca et Jean-Claude Vatin, L'Algérie politique. Institutions et régimes, Paris, Presses de la FNSP, 1975 ; « Le système politique algérien », in Jean Leca et al, Développements politiques au Maghreb, Paris, CNRS, 1979.

[11] Fanny Colonna, « Radiographie d'une société en mouvement », in Fanny Colonna, dir., Algérie, la fin de l'unanimisme, Débats et combats des années 80 et 90, Maghreb-Machrek, n° 154, octobre-décembre 1996.

[12] Par exemple les premiers travaux de Mohamed Harbi sur les origines du FLN à l'École des hautes études en sciences sociales, et les thèses de Mohamed Teguia sur la wilaya 4 à l'université de Paris-VIII (1971) ; d'Ali el Kenz sur le complexe sidérurgique d'El Hajjar à la même université (1983) ; de Claudine Chaulet sur les stratégies familiales et la production agricole (« La terre, les frères et l'argent ») à l'université de Paris-V (1984) ; de Mustafa Haddab sur les intellectuels et le statut des langues à l'université de Paris-VII (1993), et de Khaoula Taleb Ibrahimi sur l'apprentissage de la langue arabe par les adultes à l'université de Grenoble-III (1991).

[13] Cf. le titre du livre de Marnia Lazreg sur les femmes, The Eloquence of Silence, Londres, Routledge, 1994.

[14] Meriem Vergés, « La Casbah d'Alger : chronique de la survie dans un quartier en sursis », in Gilles Kepel, dir., Exils et Royaumes. Études offertes à Rémy Leveau, Paris, Presses de Sciences-Po, 1994.

[15] Rapporté par Fanny Colonna, loc. cit., p. 6. Pour l'analyse de la prise en main de cette énergie, voir Smail Hadj Ali, « Ville et violence à travers la grève du FIS : l'occupation de la ville d'Alger (mai-juin 1991) », Revue du CERES, Tunis, novembre 1991.

[16] Ghazi Hidouci, Algérie, la libération inachevée, Paris, La Découverte, 1995, p. 32. Voir aussi, du même auteur, « L'Algérie peut-elle sortir de la crise ? », Maghreh-Machrek, n° 149, juillet-septembre 1995, p. 26-34.

[17] Hugh Roberts, « Doctrinaire Economics and Political Opportunism in the Strategy of Algerian Islamism », in Jack Ruedy, éd., Islamism and Secularism in North Africa, New York, Macmillan, 1994, p. 134.

[18] Si mes informateurs linguistiques sont fiables, la Constitution algérienne serait la seule des constitutions arabes à inverser la clause : « La patrie X fait partie de la nation arabe » en : « La nation algérienne fait partie de la patrie arabe. »

[19] Mohamed Harbi, « Algérie : l'interruption du processus électoral. Respect ou déni de la Constitution ? », Maghreb-Machrek, n° 135, janvier-mars 1992, p. 153.

[20] Fanny Colonna, loc. cit., p. 7. J'ai souligné « tout » pour signaler que l'interdit qui fait toujours partie de l'idéologie dominante décrétant le consensus (y compris sur ce pour quoi il est permis de ne pas en avoir) s'autodétruit s'il recouvre tout le champ discursif et porte sur tout. En ce cas, que la novlangue orwellienne soit le produit du « Grand Frère » ou d'une multitude de transactions entre frères (ce qui me semble avoir été le cas en Algérie) ne fait de différence sensible que sur un point, tout de même important : les pouvoirs publics algériens ont emprisonné beaucoup moins de gens que les régimes des « Grands Frères »...

[21] Mohamed Arkoun, « Algeria », in Shireen T. Hunter, éd., The Politics of Islamic Revivalism, Bloomington, Indiana University Press, 1988, p. 171-186.

[22] Texte signé par Ahmed Sahnoun, Abdellatif Soltani et Madani Abbassi (1982), reproduit dans Mohamed Harbi, dir., L'Islamisme dans tous ses états, Paris, L'Arcantère, 1991, p. 140.

[23] Différence qu'il convient de ne pas exagérer : le FLN, devenu un « parti comme les autres », réclama entre autres, lors de son congrès extraordinaire de novembre 1989, la suppression de la mixité et l'instauration de la chari'a, d'où le surnom rapidement populaire de « barbefélènes ».

[24] Déclaration d'El Hachemi Sahnouni du 8 mai 1991 citée par Arun Kapil, « Les partis islamiques en Algérie », Maghreb-Machrek, n° 133, juillet-septembre 1991, p. 104. Sa date et la personnalité de son auteur sont intéressantes : elle intervient après le triomphe des élections locales de 1990, au moment de la bataille sur la tenue d'élections législatives. A ce moment a triomphé au sein du FIS la participation pacifique aux élections législatives, sur la base de l'argument du « moindre mal » : certes, il n'est pas juste de se soumettre au verdict d'une élection organisée par des ennemis et des impurs et à une démocratie impie qui considère que l'homme construit son destin indépendamment de son créateur (selon les termes d'Ali Benhadj, autre personnalité du FIS, qualifié quant à lui, unanimement, de « non modéré »), mais toute autre attitude conduirait à jouer entre les mains des ennemis, donc à un résultat pire. Pour gagner sur la modération du moyen, on insiste sur l’absolutisation du but : les bulletins de vote sont, comme à un moment chez Marx, des « pierres de papier », l'urne remplace la barricade.

[25] Adam Przeworski, Democracy and the Market. Political and Economic Reforms in Eastern Europe and Latin America, Cambridge, Cambridge University Press, 1991, p. 136-187.

[26] Jon Elster, « The Necessity and Impossibility of Simultaneous Economic and Political Reforms », in D. Greenberg et al, éd., Constitutionalism and Democracy. Transitions in the Contemporary World, New York, Oxford University Press, 1993, p. 271 ; John Waterbury, « Démocratie sans démocrates ? », in Ghassan Salamé, dir., Démocraties sans démocrates ?, Paris, Fayard, 1994.

[27] Les seuls spécialistes de la démocratisation à avoir accordé une attention soutenue à ces problèmes sont Juan Linz et Alfred Stepan, Problems of Democratic Transition and Consolidation. Southern Europe, South America and Post Communist Europe, Londres, Johns Hopkins University Press, 1996.

[28] Remontant au chapitre de G. O'Donnell et Ph. Schmitter, in G. O'Donnell, Ph. Schmitter et L. Whitehead, éd., Transition from Authoritarianism. Prospects for Democracy, Londres, Johns Hopkins University Press, 1986.

[29] Donald Horowitz, « Democracy in Divided Societies », in Larry Diamond et Mark Plattner, éd., Nationalism, Ethnic Conflict and Democracy, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1994, p. 35-55.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 23 avril 2018 6:40
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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