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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Alfred Métraux, Les Peaux-Rouges de l'Amérique du Sud. (1954)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre d'Alfred Métraux, Les Peaux-Rouges de l'Amérique du Sud. Paris: Les Éditions Bourrelier, 1954, 2e édition, 125 pp. Collection: “La joie de connaître”. Une édition numérique réalisée avec le concours de Pierre Patenaude, bénévole, professeur de français à la retraite et écrivain, Chambord, Lac-St-Jean, Québec] [Autorisation accordée par la veuve de l'auteur, Madame Fernande Schulmann, de diffuser les publications de son défunt mari dans Les Classiques des sciences sociales. Madame Schulmann a confirmé cette autorisation à Jean Benoist en personne.]

[3]

Alfred Métraux, Les Peaux-Rouges de l'Amérique du Sud. (1954)

Introduction

L'Amérique du Sud est sans doute l'une des régions du globe les moins connues. Une telle affirmation peut paraître paradoxale à qui connaît le luxe et la richesse de ses grandes métropoles telles que Rio-de-Janeiro ou Buenos-Ayres. Cette brillante façade ne doit pas cependant faire illusion. Elle masque l'existence d'immenses territoires peu peuplés et inexplorés que traversent des fleuves dont le cours hypothétique est indiqué sur les cartes par un léger pointillé.

Le romancier anglais Conan Doyle s'est plu à imaginer que le massif du Roroima, au sud de la Guyane, recelait encore des monstres préhistoriques. Dans ces mêmes parages, on chercherait en vain des espèces animales éteintes, mais on n'aurait aucune peine, par contre, à y trouver des tribus qui mènent un genre de vie peu différent de celui de leurs ancêtres il y a quelque deux ou trois mille ans. Or cette vision du lointain passé américain que l'on peut encore saisir lorsqu'on pénètre dans la jungle amazonienne ou guyanaise, est sur le point de se dissiper. Il suffit d'un contact de quelques années avec notre civilisation pour que ces peuples archaïques soient arrachés à la préhistoire et jetés dans le tourbillon de notre époque. Il y a, au moment où j'écris ces lignes, quelque dix mois à peine que les Indiens [4] du Haut-Xingu, au centre du Brésil, étaient encore à l'âge de la pierre. Aujourd'hui, beaucoup d'entre eux comptent à leur actif plusieurs heures de vol en avion.

La rapidité avec laquelle l'homme dit primitif s'assimile certains aspects de notre civilisation nous crée un devoir impérieux et urgent : celui de recueillir, lorsqu'il en est encore temps, le plus d'informations possible sur les croyances, les mœurs et les sentiments de ces témoins des âges révolus. Cette tâche impose à ceux qui souhaitent s'en charger la nécessité d'établir entre eux et les sociétés qu'ils se proposent d'observer un contact très étroit. L'ethnographe est appelé à partager la vie des chasseurs et des pêcheurs de l'Amazonie s'il espère comprendre leur civilisation et en conserver le souvenir pour l'avenir. Peu d'hommes de science ont satisfait à ces conditions. Les missionnaires qui sont mieux placés que quiconque pour observer la vie primitive préfèrent trop souvent la détruire plutôt que de l'étudier avec sympathie. Peu nombreuses sont les œuvres qui nous permettent de connaître intimement les Indiens sud-américains. Et ceux-ci sont encore pour nous une énigme bien plus troublante que le cadre naturel dans lequel ils se meuvent.

Nulle part, en Amérique du Sud, le passé indien n'a disparu sans laisser son empreinte. Le type physique des anciens habitants du sol se maintient même dans les plus « blanches » des républiques latino-américaines. Des techniques ou des plantes utilisées par les Indiens sont encore employées par les colons européens qui leur ont succédé. Partout des objets, des mets, des formes d'art, des mots viennent rappeler aux citoyens des jeunes états sud-américains les civilisations indigènes dont ils sont, à des degrés variables, les héritiers.

En décrivant les mœurs des Indiens primitifs de l'Amérique du Sud, notre but a été, non pas d'énumérer des curiosités ethnographiques, mais de fournir les éléments nécessaires à la meilleure compréhension d'un continent appelé à jouer un rôle important dans l'avenir de l'humanité.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 2 septembre 2024 12:43
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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