L’évolution de l’assistance au Québec

Introduction

Le Québec, comme toute autre partie du monde, a toujours connu des problèmes sociaux pour lesquels il se devait de trouver des solutions. Les formes de l’assistance, de même que l’attribution de sa responsabilité, ont suivi une évolution semblable à celle qu’on retrouve dans les autres pays : alors qu’à l’origine on tenait le pauvre comme l’unique responsable de sa condition, avec les années on est arrivé à constater que la société, de par sa structure et surtout par les changements rapides qui y survenaient, causait maints mésajustements qu’il n’était pas possible d’imputer à l’individu ; à mesure que cette prise de conscience se faisait, les pouvoirs publics assumaient une part plus grande de la charge de l’assistance, aux dépens de l’entreprise privée. À cause de circonstances particulières, cette évolution a été très lente au Québec, et l’Église catholique y a joué un rôle de premier plan.

L’objet du travail que nous présentons est vaste : tenter de discerner les facteurs explicatifs des diverses phases de l’évolution de trois siècles d’assistance dans la seule province francophone du Canada. À cause de cette situation bien spéciale, entourée de toutes parts d’éléments anglophones et voulant préserver son héritage français, “la belle province” présente un grand intérêt pour l’étude de la dynamique du changement, dans le domaine de l’assistance entre autres. C’est l’aspect que nous étudierons.

Ce travail voudrait montrer les liens qui existent entre les diverses phases de l’évolution de l’assistance au Québec, ces faits qui expliquent les formes d’aide trouvées à chaque période, les résistances aux modifications dans les structures de l’assistance. Comme le dit Edward B. Taylor, “one event is always the son of another, and we must never forger the parentage”. [10] Le Québec a toujours été fort logique avec lui-même et son passé, et dans le domaine de l’assistance en particulier, des attitudes s’expliquant difficilement de l’extérieur deviennent fort compréhensibles lorsque replacées dans leur contexte.

Nous avons divisé l’histoire de la province en six périodes de longueur inégale, mais toutes fertiles en événements significatifs pour le sujet qui nous concerne. Dans chacune de ces périodes, nous verrons le rôle de l’État, qu’il soit provincial ou fédéral, celui de l’Église et finalement celui des laïcs. Nous tenterons de discerner les facteurs qui amenaient des changements à la structure de l’assistance, et l’influence de ces modifications sur l’évolution de l’assistance. Pour ce faire, nous consulterons trois sortes de documents :

1) les textes officiels : discours, lois, rapports de commissions d’enquête. Ces écrits nous permettront surtout de cerner l’attitude des pouvoirs publics et de voir le résultat des pressions qui s'exercent sur eux. De tels textes ont ponctué toutes les phases importantes de l’évolution que nous étudions, car de par son rôle, l’État devait s’intéresser aux crises avec lesquelles la population était aux prises : selon les circonstances, l’État choisissait soit d’entreprendre des mesures d’urgence, soit de tenter de discerner les causes profondes du malaise en instituant une commission d’enquête.

2) les textes d’opinion : journalistes, travailleurs sociaux, religieux et autres, par la voix des revues et journaux, exprimaient leurs opinions à mesure que se déroulaient les événements. Ils parlaient soit en leur nom, tout en offrant une image assez fidèle de l’opinion qui prévalait alors, soit au nom d’un organisme dans lequel ils oeuvraient. Une réserve s’impose ici : les textes consultés, et souvent cités, ne donnent qu’une vue partielle, même fréquemment partiale, de la situation ; pour pouvoir procéder autrement que par un choix susceptible de subjectivité, il aurait fallu des analyses de contenu systématiques, impossibles à accomplir pour une si longue période de temps. Nous avons donc dû nous contenter de consigner ce qui nous semblait représenter la tendance, d’après l’ensemble des documents examinés et, pour les périodes plus récentes, après consultation avec quelques praticiens qui ont vécu les événements rapportés. C’est d’ailleurs grâce à ces personnes que [11] nous avons pu nous permettre certaines interprétations dont on ne peut retrouver la trace dans aucun document écrit.

Pour cette catégorie de textes, nous avons procédé à un dépouillement systématique de certaines revues professionnelles ou à préoccupations sociales : Service Social, Le Travailleur Social, Relations. Culture, Bien-être Social Canadien, Canadian Welfare.

3) les textes d'analyse : les rétrospectives sur l’évolution de l’assistance sont rares, mais les quelques-unes qui existent nous ont été d’un grand secours.

On ne peut compter faire justice à 300 ans d’histoire en quelques pages. Mais une systématisation comme celle que nous entreprenons n’existait pas encore, et elle pourra s’avérer utile à ceux qui voudront aller plus en profondeur. En somme, ce travail ne sera qu’une ossature à laquelle on pourra par la suite rattacher des analyses plus substantielles. C’est donc volontairement que nous nous sommes gardé de tenter d’analyser les événements que nous relations, pour ne nous limiter qu’à donner une vue d’ensemble des phénomènes.

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