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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Pierre PAQUETTE, “Histoire et caractéristiques de l’impérialisme canadien.” In revue Interventions critiques en économie politique, no 2, automne 1978, pp. 47-75. Numéro intitulé : “L’impérialisme et le développement économique.” [Madame Diane-Gabrielle Tremblay, économiste, et professeure à l'École des sciences de l'administration de la TÉLUQ (UQÀM) nous a autorisé, le 25 septem-bre 2021, la diffusions en libre accès à tous des numéros 1 à 27 inclusivement le 25 septembre 2021 dans Les Classiques des sciences sociales.]

[47]

Interventions critiques
en économie politique
No 2
DOSSIER

“HISTOIRE
ET CARACTÉRISTIQUES DE
L’IMPÉRIALISME CANADIEN.”

Pierre PAQUETTE

Quiconque attend une révolution sociale “pure” ne vivra jamais assez longtemps pour la voir. Il n’est qu’un révolutionnaire en paroles qui ne comprend rien à ce qu’est une véritable révolution”.
Lénine, Le mouvement de libération nationale
des peuples d’Orient, Ed. Moscou, p. 252.

Que représente l’impérialisme canadien ? Peut-on parler d’impérialisme dans le cas d’un État aussi dépendant que le Canada ? La bourgeoisie canadienne est-elle une bourgeoisie nationale autonome au même titre que les bourgeoisies des autres pays avancés ? Ce sont là des questions importantes non seulement pour les militant(e)s engagées dans la lutte contre l’État bourgeois canadien, mais aussi pour tous ceux et celles qui luttent contre l’impérialisme. Malheureusement, il s’agit d’un domaine où la réflexion et les informations sont pauvres et où souvent on s’en remet aux idées toutes faites. Beaucoup d’études ont été faites sur la présence de l’impérialisme américain au Canada, mais très peu sur la présence de l’impérialisme canadien dans le monde. À terme, notre projet est de répondre à cette lacune.

La lutte contre l’impérialisme canadien doit constituer une priorité pour les militant(e)s au Québec, précisément parce que l’oppression nationale est un des mécanismes de sur-exploitation utilisés par la bourgeoisie canadienne.

Il est difficile de situer la place exacte de l’impérialisme canadien, à la fois dominant et dominé, expression d’un État bourgeois complexe et contradictoire, avec des branches et des régions très modernes ; d’autres engagées depuis longtemps dans un déclin inéluctable.

[48]

Cette difficulté est tellement réelle que, depuis 10 ans, le débat n’a pas cessé ; chacun à son tour tordant le bâton dans un sens ou dans un autre. Il y a eu, par exemple, au début des années ’70, le débat autour des nationalistes canadiens de gauche (Waffle,...) qui véhiculaient le mythe du Canada “semi-colonie des U.S.A.”. Il y a actuellement les positions de certains groupes politiques affiliés à la Chine ou à l’Albanie qui, sous prétexte d’une analyse prétendument globale de la situation mondiale (par ex : Théorie des trois mondes...), finissent par ne voir qu’un ennemi principal : dans certains cas, l’impérialisme canadien ; dans d’autres, le soi-disant “social-impérialisme” russe.

Pour nous, ce type d’analyse n’a aucune chance de donner lieu à une analyse scientifique, ou en tout cas utile, de la réalité canadienne. D’autre part, il s’agit d’une façon élégante de noyer la responsabilité qu’ils devraient prendre dans la lutte contre l’impérialisme canadien. Car, si cet impérialisme est dépendant, il n’en demeure pas moins “un ennemi des peuples qu’il opprime” et l’État canadien, l’instrument privilégié de la bourgeoisie canadienne pour maintenir son pouvoir.

À terme, notre projet se voudrait une réflexion globale sur l’impérialisme canadien dans son ensemble, sur ses grandes orientations et sur ses principales caractéristiques. Dans un deuxième temps, nous voudrions arriver à mettre en évidence les principaux mécanismes qui permettent à l’impérialisme canadien de fonctionner. L’article que nous présentons aujourd’hui se situe au premier niveau de notre projet. Pour pouvoir comprendre les caractéristiques et la place de l’impérialisme canadien, aujourd’hui dans la chaîne impérialiste mondiale, il faut remonter à la fondation même de l’État canadien. En effet, la structuration du capitalisme canadien trouve son origine dans la constitution de l’État canadien avec la Confédération qui trace, depuis 1867, le cadre de son développement. D’autre part, il est évident que pour comprendre la place de l’impérialisme canadien, il faut replacer l’analyse dans une réflexion sur l’ensemble de l’impérialisme mondial. Ainsi, il apparaît clairement que le développement de cet impérialisme, de ses formes particulières de domination et de ses formes d’intervention ne sont que le résultat du développement inégal et combiné du mode de production capitaliste aussi bien au niveau mondial qu’à l’intérieur du Canada.

Il est tout aussi clair que ce texte ne répond pas à toutes les questions ; que certaines parties n’y sont pas assez [49] développées ; que d’autres, par contre, le sont trop. Mais l’intention de l’auteur n’était pas de mettre le point final à ce débat ; bien au contraire ! Le premier but du texte est de fournir des matériaux sur le problème de l’impérialisme à tous ceux et celles qui veulent les utiliser dans leur propre lutte militante. En ce sens, loin de s’arrêter là, nous invitons tous ceux et celles qui auraient soit des informations, soit des contributions à faire sur le sujet, à nous les faire parvenir.

Finalement, l’une des principales faiblesses du texte qui suit, est de ne pas assez insister sur le caractère spécifique de la question nationale québécoise. Pourtant, il n’en demeure pas moins un cadre d’information sur l’impérialisme canadien qui devra être complété.

I. L’ORIGINE DE L’ÉTAT CANADIEN

L’intégration entre 1840 et 1888, date de l’entrée de la Saskatchewan dans la Confédération, des possessions territoriales et des colonies de peuplement nord-américaines du colonialisme britannique dans un État bourgeois unique était, du point de vue économique, une opération totalement arbitraire et du point de vue politique, un acte profondément anti-démocratique.

Ce sont ces deux éléments que nous voulons mettre en évidence dans la présente section du texte.

a. Le contexte historique

Cette opération d’intégration et de consolidation territoriales était axée autour de deux constitutions, celle de 1841 qui réunissait le Bas et le Haut Canada et celle de 1867, prolongement de la précédente, qui créait la Confédération canadienne. Cette opération était le produit de la convergence d’intérêts économiques et politiques partagés conjoncturellement par le colonialisme britannique et la bourgeoisie anglo-canadienne naissante. En d’autres termes, on peut affirmer que dès sa naissance l’État canadien ne reposait sur aucun fondement économique durable. En effet, lorsqu’on regarde l’histoire, il apparaît clairement que la création de l’État canadien ne correspondait à aucun [50] mouvement historique interne d’alliance de classes entre la bourgeoisie, la paysannerie et la classe ouvrière contre le colonialisme britannique. D’autre part, il est tout aussi évident que le nouvel État n’était en rien le résultat du développement des forces productives qui aurait mener à la formation “spontanée” d’un marché “national” dans le style européen.

Loin d’être le résultat d’un mouvement historique “spontané”, la Confédération n’avait pour premier but que d’arrêter l’évolution “naturelle” de l’économie nord-américaine vers la formation d’un marché continental intégré sous l’hégémonie économique de la bourgeoisie américaine. Or, cette hégémonie économique pouvait amener potentiellement à une domination politique directe de la bourgeoisie américaine sur le continent nord-américain. Et cela, la bourgeoisie britannique n’avait pas la possibilité de la risquer.

Dès 1837, d’importantes difficultés économiques firent leur apparition en Grande-Bretagne. Le processus d’industrialisation était complété et avait fini de donner ses effets d’entraînement sur l’économie britannique. Depuis quelques temps, on assistait à une baisse importante du taux moyen de profit et à l’apparition d’une surabondance de capitaux dans les grandes institutions financières et bancaires de Londres. Les capitaux ne trouvaient plus en Grande-Bretagne d’occasions d’investissement assez rentables, vu la baisse du taux de profit. Pour faire face à cette situation, la bourgeoisie britannique relança le libre-échange et entreprit de transformer le rôle des colonies. Les colonies, jusqu’à ce jour n’avaient constitué qu’un réservoir de ressources naturelles (denrées alimentaires, matières premières) et partiellement un débouché pour les surplus de l’industrie britannique. Il fallait maintenant, d’un côté, élargir et consolider le marché des colonies pour en faire des débouchés rentables pour les produits manufacturés de la métropole et, de l’autre, développer aux colonies des occasions profitables d’investissement pour les capitaux en trop à Londres.

Dès lors, toute la politique coloniale de la Grande-Bretagne sera dictée par un seul impératif : Mettre en place les conditions pour favoriser la consommation de ses produits et pour assurer une forte rentabilité à ses investissements. Cela marqua, d’ailleurs, le passage pour le capitalisme britannique de l’ancien colonialisme à l’impérialisme moderne.

[51]

En Amérique du Nord, cela signifiait regrouper le Bas et le Haut Canada pour étendre le marché intérieur et répondre aux exigences en matière de garantie des investisseurs londoniens. La manifestation la plus frappante de cette orientation fut sans aucun doute la répartition par l’Acte d’Union (1841) du déficit budgétaire du Haut-Canada, principalement dû aux travaux de canalisation, sur la population du Bas-Canada plus nombreuse, dont le déficit était négligeable. Le rôle déjà important de l’État constitue une autre illustration de cette volonté des investisseurs britanniques d’obtenir des garanties. En 1843-44, l’État du Canada-Uni entreprit de grands travaux de canalisation sur le fleuve St-Laurent par l’entremise de compagnies privées. L’État gardait la responsabilité de la majeure partie du financement à même les fonds publics. Ceci permit aux financiers londoniens d’investir sans risque au delà de 100 millions de dollars sous forme d’obligation.

Par ailleurs, la nouvelle politique coloniale nécessitait aussi le développement d’un réseau de transport important pour créer un marché “national” intégré et pour permettre au Haut-Canada d’expédier à peu de frais ses produits agricoles et son bois sur le marché de la métropole. Il ne faut pas oublier que le regroupement de toutes les colonies britanniques s’effectua, par la constitution de 1867, autour d’un projet de construction ferroviaire d’Est en Ouest d’où la fameuse devise “a mari usque ad mare” (traduction libre : “from coast to coast).

Nous avons vu précédemment que le niveau d’industrialisation atteint vers ces années en Grande-Bretagne lui imposait une orientation libre-échangiste, c’est-à-dire favorisant l’abolition des tarifs douaniers protectionnistes. Sans entrer dans les détails, on peut remarquer que la position concurrentielle sur le marché mondial du capitalisme britannique lui permettait de mettre de l’avant une telle politique. D’une part, cela pouvait lui ouvrir de nouveaux marchés (États-Unis, Europe,...), d’autre part, cela lui permettait de maintenir les salaires de sa classe ouvrière, déterminés à cette époque principalement par les produits alimentaires, surtout le blé, au niveau le plus bas possible.

Cette orientation eu de graves conséquences en Amérique du Nord. Ainsi, le Canada-Uni ne profita que pendant 4 ans des “Corn Laws” (lois sur le blé) promulguées en 1842 qui privilégiaient le blé canadien ; de même en 1851, on assiste à la suppression du régime préférentiel pour le bois canadien. Désormais les produits canadiens vont subir [52] la forte concurrence du blé russe et du bois Scandinave. À la même époque, la canalisation du St-Laurent, alors achevée, n’arrive pas à concurrencer les chemins de fer américains alors en pleine expansion. Bien plus, au début des années soixante, les chemins de fer canadiens, à peine nés, sont déjà au bord de la faillite. Quant aux territoires de l’Ouest, avant tout la Colombie britannique, ils sont en voie d’intégration économique avec les États-Unis. Le même processus est perceptible dans les colonies des maritimes. Déjà, quelques hommes d’affaires demandent l’annexion pure et simple avec les États-Unis et obtiennent, tout de même, le “Traité de Réciprocité” (1854), par lequel le Canada-Uni devenait fournisseur de matières premières pour les américains et acheteur de leurs produits manufacturés. Cette réalité est bien rendue dans cette déclaration de Francis Hincks, l’un des négociateurs du Traité :

Nous voulons pouvoir vous fournir des matières premières : du bois, du blé, de la farine, des céréales,... En retour, nous voudrions recevoir de vous des produits manufacturés...

Nous pouvons vous fournir nos produits en quantités illimitées et tout ce commerce apportera du travail à vos entreprises de transport ainsi qu’à vos diverses catégories d’ouvriers”. [1]

Le danger d’éclatement des colonies britanniques était donc bien présent et menaçait l’influence locale de la bourgeoisie anglo-canadienne du Haut-Canada. D’autre part, il était dans l’intérêt de cette bourgeoisie anglo-canadienne, qui n’était elle-même qu’un effet historique de l’expansion des industries d’extraction (mines, bois,...) d’aller dans le sens du projet politique de l’impérialisme britannique. La dépendance de la bourgeoisie anglo-canadienne face au marché mondial, entre autre face aux marchés américain et britannique, met en évidence (hier comme aujourd’hui) la fragilité de la réalité de l’économie canadienne. On comprend, aussi, l’effet désastreux de l’orientation libre-échangiste de la Grande-Bretagne qui remettait en cause l’existence même de la grande bourgeoisie anglo-canadienne, liée au commerce international.

[53]

b. Le projet politique et économique

Pour elle aussi, la réorganisation des colonies nord-américaines et la formation d’un marché commun aux colonies devenaient des nécessités vitales. En d’autres termes, la Confédération était la seule possibilité d’éviter l’éclatement. La bourgeoisie s’exprime clairement par la bouche de A.T. Galt, ministre des finances en 1865 lorsqu’il déclare : “Une porte nous est fermée, il faut en ouvrir une autre ; nous devons répondre dans une autre direction, et, en rétablissant la liberté de commerce avec nos co-sujets, former des relations dont la stabilité ne sera pas à la merci de tout pays étranger” [2]. D’ailleurs, il ne fait aucun doute que l’éventualité éminente de l’abrogation du “Traité de Réciprocité” avec les États-Unis, qui eut lieu en 1866, n’a fait qu’accélérer le processus ouvert par l’Acte d’Union et aboutissant à la création de la Confédération par l’Acte d’Amérique du Nord Britannique (AANB) en 1867. Comme le proclamait G. Brown en 1865 :

Je suis en faveur de la Confédération parce qu'elle nous mettrait à même de voir sans alarme l’abrogation du Traité de Réciprocité... “ [3]

Pour la bourgeoisie anglo-canadienne du centre, l’expansion vers l’Ouest représentait deux choses ; d’une part, étendre les zones d’extraction de matières premières et de culture agricole, d’autre part contrebalancer l’axe Nord-Sud prédominant dans de nombreuses régions en consolidant l’axe Est-Ouest autour du chemin de fer. Finalement, il fallait, pour supporter cette expansion d’Est en Ouest, peupler les Prairies, c’est-à-dire se doter d’une politique conséquente et soutenue d’immigration. L’ensemble des préoccupations se trouve à la base des objectifs de la “National Policy”.

Bien que la “National Policy”, énoncée en 1879 avait pour but de préserver le nouveau marché canadien de la concurrence étrangère en imposant d’importants tarifs douaniers principalement sur les produits américains, celle-ci mena à terme à l’inverse de cet objectif. Paradoxalement, cette stratégie de développement à l’aube de l’ère impérialiste a conduit l’économie canadienne à passer du statut de “satellite privilégié de l’Empire britannique” à celui “d’associé junior de l’impérialisme américain” [4]. Actuellement, le commerce avec les États-Unis représente [54] environ 60% des exportations et des importations canadiennes. Du reste, le capital américain est présent dans tous les secteurs de l’économie. La bourgeoisie américaine contrôle environ 45% des investissements industriels, 69% des investissements pétroliers et 60% des investissements miniers. Nous y reviendrons.

Finalement, pendant toute cette période, l’État joue un rôle fondamental, comme nous l’avons vu à propos du financement des travaux de canalisation du St-Laurent. Il en fut de même pour dans le cas des chemins de fer. À titre indicatif, signalons le fait que plus de 7 ministres du gouvernement conservateur, grand promoteur du projet de Confédération, siégeaient sur des Conseils d’Administration de sociétés ferroviaires.




c. Que peut-on en conclure ?

On comprend maintenant pourquoi la Confédération, projet des grandes bourgeoisies britannique et anglo-canadienne, imposé de façon anti-démocratique aux populations des colonies et basé sur l’oppression des nations québécoise et acadienne, et des peuples amérindiens et Inuit, a toujours eu besoin de la violence pour se maintenir.

[55]

Depuis l’échec de la rébellion de 1837-38 et l’écrasement des insurrections métis de 1870 et de 1885 ; jusqu’à la crise d’octobre 1970, en passant par les massacres qui ont suivi la grève générale de Winnipeg en 1919, la marche des chômeurs en 1935 ; sans oublier les deux crises qu’amenèrent les conscriptions de 1917 et 1942, l’ordre bourgeois au Canada n’a jamais hésité quand il se sentait menacé à recourir à l’armée, aux polices fédérales, provinciales et municipales et aux milices privées (Pinkerton,...). [5]

Ce n’est donc pas un hasard si, dans ce pays, comme le fait remarquer Ryerson dans un article récent [6], l’ordre bourgeois a adopté au Canada comme symbole “national”, l’homme de la Gendarmerie Royale, la “fameuse” police montée ; le flic chargé du maintien à tout prix de l’“unité nationale”. Au Canada, il n’y a jamais eu de régime de démocratie bourgeoise libérale qu’en apparence. Nous avons toujours vécu au sein d’une démocratie bourgeoise conservatrice. Ce conservatisme de la bourgeoisie canadienne aussi bien à l’égard des droits démocratiques qu’au niveau des stratégies de développement économique se trouve enraciné dans l’histoire de l’État canadien. Il ne faut pas oublier que la bourgeoisie anglo-canadienne était pro-sudiste pendant la guerre civile entre le Nord et le Sud des États-Unis (1861-1865). Elle espérait qu’une victoire du Sud augmentait l’importance de la voie maritime du St-Laurent pour le Nord privé du Mississipi.

Le processus d’unification “nationale”, particulièrement laborieux, puisque formellement il ne s’acheva qu’en 1949 avec l’entrée de Terre-Neuve, se présente simultanément comme mise en place d’une économie capitaliste dépendante et comme développement des rapports sociaux capitalistes. Ces rapports sociaux ont tendance à dissoudre langues, cultures et modes de vie qui vont à l’encontre des intérêts du développement capitaliste. C’est pourquoi on doit mettre en évidence le fait que l’histoire du Canada, c’est avant tout l’histoire de l’oppression des peuples amérindiens et Inuit, et des nations québécoise et acadienne. Il faut aussi être conscient que l’histoire de la résistance à cette oppression est parti intégrante de la lutte des classes contre le processus de consolidation “nationale” sous la domination bourgeoise. Le Canada est bien ce qu’on appelle une “prison des peuples”.

[56]

II. L’ÉTAT CANADIEN
ET L’IMPÉRIALISME


En 1867, la création de la Confédération canadienne représentait, donc, une union forcée des colonies et possessions britanniques en Amérique du Nord. Cette union, imposée par Londres à travers l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique (AANB), servait les intérêts économiques et politiques conjoncturellement partagés par l’impérialisme britannique et la grande bourgeoisie anglo-canadienne. Nous avons essayé de montrer que, dès son origine, le développement de l’économie canadienne était biaisé par le conservatisme politique et économique de la bourgeoisie anglo-canadienne, ainsi que par sa dépendance acceptée face à l’impérialisme. Nous allons maintenant tenter de vérifier cette hypothèse dans les périodes historiques qui suivirent.

a. Le système étatique canadien

La Confédération fut d’abord et avant tout création d’un État canadien, d’un État centralisé [7]. En fait, le niveau d’autonomie des provinces fut dans le cadre du processus qui mena de l’Acte d’Union (1841) à l’AANB (1867), fortement réduit.

Par la Confédération, le gouvernement central, l’État fédéral, allait effectivement détenir, dans le partage des pouvoirs, des domaines importants :

  • le contrôle de la monnaie et du crédit.
  • la plupart des sources de taxation, en particulier les douanes..
  • les transports, le capital fixe et les ressources de l’Ouest.
  • l’armée et le droit criminel.
  • le monopole des relations extérieures et des communications inter-provinciales (canaux, chemins de fer, télégraphie).
  • l’agriculture et l’immigration furent déclarées responsabilité partagée.

Finalement, le pouvoir central possède aussi ce qu’on appelle la compétence résiduelle, c’est-à-dire toutes les juridictions qui ne sont pas délimitées dans l’AANB.

[57]

Les provinces quant à elles, se voit confier :

  • des champs de taxations mineurs.
  • des responsabilités de type social, peu importantes à l’époque : éducation, santé, travail.
  • l’administration de la justice et des ressources naturelles.

Fondamentalement, donc l’unification “nationale” avec la Confédération n’était que la consolidation du fractionnement des colonies britanniques sur la base d’une nouvelle division fédéral/provincial, c’est-à-dire, somme toute, d’un nouveau fractionnement. Un certain nombre d’auteurs ont, d’ailleurs soutenus que les États provinciaux pouvaient être les assises de bourgeoisies locales. Sans remettre en question l’existence de bourgeoisies locales, il demeure que l’hypothèse de l’utilisation par ces bourgeoisies de l’État provincial n’est pas encore, du moins pour nous, démontrée pour toutes les époques [8].

Nous avons dit précédemment que la Confédération avait pour but d’éviter l’éclatement du pouvoir économique et politique de la bourgeoisie anglo-canadienne. Cela l’union confédérative l’a réalisé en partie au niveau politique mais n’a rien empêché au niveau économique. La Confédération est arrivée trop tard, la “National Policy” aussi. Au moment de la fondation de l’État canadien, les autres pays capitalistes occidentaux entraient déjà dans la phase impérialiste moderne. Ceci eut pour effet de conditionner dès sa naissance le développement interne canadien en fonction du marché mondial et des besoins des autres puissances impérialistes, sans possibilité de dynamique interne.

Ceci explique l’échec de la “National Policy”. Les tarifs douaniers très élevés qui avaient pour but de protéger le marché canadien de la concurrence des produits manufacturés américains, ont provoqué l’effet inverse à ce qui était attendu.

Cette politique aurait pu être efficace au stade précédent du capitalisme, au stade concurrentiel où effectivement les tarifs douaniers avaient une certaine portée. Mais au stade impérialiste où ce qui importe le plus, n’est pas tant l’exportation de marchandises que l’exportation de capitaux, on comprend que l’impérialisme américain, par le jeu des filiales, est même profité de ce marché “protégé”. Il est clair, en définitive, que la “National Policy” devait à [58] terme favoriser la mainmise étrangère, surtout américaine — en favorisant l’investissement direct — sur l’économie canadienne.

Evidemment, cela ne signifie pas que le Canada ne devait pas connaître de développement. Au contraire, c’est l’époque de l’industrialisation et de l’urbanisation du pays. Par contre, ce qu’il faut garder à l’esprit c’est que cette industrialisation n’était pas le résultat d’une économie autocentrée et que, dans certaines régions, l’urbanisation en était une de sous-emploi et de sous-développement régional. Par exemple, au Québec, l’exode rural était le contrecoup de la faillite totale de l’agriculture québécoise. Le même phénomène se retrouve dans les provinces maritimes avec la pêche.

N’empêche que cette industrialisation, accélérée par la première guerre mondiale et malgré ses faiblesses, est assez importante pour rattacher le Canada à l’ensemble des pays impérialistes. C’est vers ces années qu’on assiste aux premiers investissements canadiens à l’extérieur. En 1899, 1a Mexican Traction Light & Power et la Brazilian Traction Light & Power — devenue depuis la Brascan, première multinationale au Brésil — sont mises sur pied par des intérêts canadiens. Ces compagnies oeuvraient alors dans les services publics comme l’eau, l’électricité, les tramways et plus tard, le téléphone. En 1914, la Banque Royale — une des principales banques canadiennes — a déjà 33 succursales dans les Antilles. Autre exemple, en 1913, la Sun Life vend plus des 2/3 de ses contrats d’assurance dans 18 pays différents.

b. Le changement d’allégeance.

Malgré ce fait, le capital canadien demeure toujours très faible dans son propre marché et la cohésion artificielle créée avec la Confédération se disloque sous les coups de l’expansion impérialiste des États-Unis. D’autre part, le déclin relatif d’abord, puis après la première guerre, absolu de l’impérialisme britannique ne fit qu’accentuer le mouvement. La première guerre mondiale marque, d’ailleurs, la rupture des flux financiers et commerciaux liant prioritairement le Canada à la Grande-Bretagne. Désormais, l’influence américaine devient décisive comme on peut le constater l’influence américaine devient décisive comme on peut le constater à la lecture du tableau suivant :

[59]

TABLEAU I
Valeur comptable des capitaux américains et britanniques
(estimation) en % du total des investissements étrangers
au Canada (1900-1939)

source : Le rapport Gray [9].


Ce transfert de domination s’effectua pendant la période d’après-guerre et trouva sa consécration avec la proclamation du statut de Westminster (1932) qui accordait l’autonomie politique au Canada. Par ce statut, le Canada acquit la pleine juridiction dans ses relations diplomatiques, y comprit avec la Grande-Bretagne. En d’autres termes, le Canada pourra dès lors négocier directement avec les États-Unis.

Outre l’impossibilité de créer une économie capitaliste avec une dynamique propre, la faiblesse de la réalité du marché canadien aura une deuxième conséquence : le développement de tendances centrifuges au sein des économies régionales, celles-là même que la création de l’État canadien devait enrayer. De fait, depuis le début du siècle, on a assisté à l’intégration de chacune des régions du Canada au sein du marché nord américain, suivant une division continentale du travail, orientée par la bourgeoisie américaine. Ce phénomène se manifeste dans le développement inégal des régions qui a accompagné l’industrialisation du Canada, les amenant à se spécialiser au niveau de quelques productions. L’ensemble des régions se trouve lié au niveau continental par l’intervention massive des capitaux américains ce qui explique cette combinaison — ce que les économistes appellent les disparités régionales — de secteurs retardataires et d’industries de pointe. Ainsi, les provinces des Prairies se trouvent spécialisées dans l’agriculture pour l’exportation et depuis quelques temps dans la production pétrolière (Alberta). En Ontario, on a vu se développer l’essentiel de l’industrie lourde canadienne (automobile, métallurgie,...) et les industries à forte productivité. [60] Au Québec, par contre, c’est l’industrie légère (textile, meuble,...) qui prédomine. Il s’agit d’industrie à faible productivité nécessitant avant tout une main-d’oeuvre à bon marché. Cela est particulièrement évident lorsqu’on regarde le tableau 2. Aussi bien la répartition de l’emploi que des investissements cumulés montrent le développement inégal entre ces deux provinces au profit de l’Ontario.

D’autre part, lorsqu’on regarde l’augmentation de l’emploi entre 1956 et 1966, il apparaît évident que la tendance au déséquilibre dans la structure productive s’accroît : l’Ontario concentrant toujours davantage les industries à forte intensité capitalistique ; le Québec étant laissé pour contre. Deux raisons principales expliquent ces tendances centrifuges des régions économiques canadiennes :

1) La volonté, dès le début de la Confédération, du gouvernement britannique d’éviter le développement d’une trop grande autonomie de l’État canadien. Surtout à une époque où l’impérialisme britannique se voit concurrencer par d’autres pays impérialistes (États-Unis, Allemagne, France...) et où il doit faire face aux premières luttes d’indépendance de libération nationale, en Afrique principalement (guerre des Boers).

2) La deuxième raison, plus fondamentale fut l’extension des juridictions provinciales sous la poussée du développement des forces productives. Par exemple, sous l’effet des nouvelles méthodes technologiques, l’importance des ressources naturelles, principalement celle qui sont sources d’énergie, s’accrut très fortement, augmentant par le fait même le rôle des États provinciaux. De même, le rôle important que joue depuis la deuxième guerre la prise en charge par l’État de certains coûts sociaux comme l’éducation, le système hospitalier et routier,... pour l’expansion du mode de production capitaliste interdit de considérer les États provinciaux au Canada comme des institutions de second ordre.

Il est bien évident que l’existence même de l’État canadien, du contrôle de la bourgeoisie anglo-canadienne sur le système bancaire, sur le transport interprovincial empêche l’intégration complète de l’économie capitaliste nord-américaine. Mais rien n’empêchera ces tendances de se développer. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre le débat qui “agite” présentement la bourgeoisie canadienne sur l’association de libre-échange avec les États-Unis [10]. Certaines bourgeoisies locales, par exemple celle qui s’appuie [61] sur l’État provincial de l’Alberta et qui est liée à la production pétrolière, aimeraient bien négocier directement avec l’impérialisme américain les termes de leurs échanges.

Voilà pourquoi nous avons intitulé la première partie de cette section : Le système étatique canadien. Cette expression nous semble mieux caractériser la réalité de l’appareil politique bourgeois au Canada. Cela nous semble mieux décrire la structuration complexe du capital dans l’État canadien entre les trois composantes en présence : la bourgeoisie impérialiste canadienne, le capital américain et les bourgeoisies locales auxquelles nous avons fait référence. Sur l’analyse de cette dernière composante nous ne pouvons dans le cadre de cet article aller beaucoup plus loin par manque de donnés. Mais nous comptons continuer une recherche dans ce sens pour une bourgeoisie locale particulière : celle qui se développerait au Québec.

TABLEAU II

Relation ressource-production, emploi et productivité - secteur manufacturier
(Canada, Ontario, Québec)



Source : Diane Lamoureux. Question nationale et mode de radicalisation [11].

[62]



III. L’APRÈS-GUERRE :
LE DÉVELOPPEMENT DE L’IMPÉRIALISME
CANADIEN


Nous avons vu que la fin du 19ième siècle et le début du 20ième furent marqués par le transfert de dépendance pour le Canada. Quittant l’emprise de l’impérialisme britannique déclinant, le capitalisme canadien se plaça dans le giron américain. Il est apparu clairement dans la section précédente qu’il ne pouvait en être autrement.

La Confédération canadienne, comme projet de développement d’une bourgeoisie autonome et d’une économie autocentrée, ne correspondait plus à la réalité du mode de [63] production capitaliste, atteignant son “stade suprême” : l’impérialisme. De cet état de fait on tire deux conclusions essentielles :

a) la première, c’est que rien ne pouvait réellement empêcher l’entrée massive de capitaux américains au Canada. Une brève étude de la stratégie de développement de la bourgeoisie canadienne, centrée sur la “National Policy” nous a indiqué le pourquoi de cette affirmation.

b) la deuxième, c’est que le développement de tendances centrifuges au niveau des différentes régions économiques du Canada, sans mener à l’éclatement total du pays, était inhérent au développement de l’économie canadienne, à cause du type même de projet que constituait la Confédération. Ce que nous voulons maintenant présenter ce qu’on pourrait appeler “la voie canadienne au capitalisme avancé” [12].



a. La voie canadienne au capitalisme avancé.

Les années ’30 représentent des années de crise et de contradiction aigues pour le capitalisme mondial et pour le capitalisme canadien, particulièrement sensible aux fluctuations des investissements étrangers. Délaissé par les investisseurs étrangers trop occupés à tenter de renflouer leurs propres économies nationales, ces années représentent la seule période relativement autonome de développement industriel du capitalisme canadien [13].

Immédiatement, la deuxième guerre mondiale viendra à nouveau accélérer l’intégration de l’économie canadienne à l’économie continentale, mais ce qui est nouveau, amènera le Canada a joué un rôle actif dans la stratégie extérieure de l’impérialisme américain, désormais dominant. Ce processus marquera l’adhésion du Canada à l’OTAN, au NORAD et l’envoi de troupes canadiennes en Corée. On peut remarquer au passage que du fait de l’intégration économique et politique du Canada au continent nord-américain, la question de l’“unité canadienne” est une importante question stratégique pour l’impérialisme américain. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la déclaration de George Bush, ancien directeur de la CIA selon laquelle la sécurité nationale au Canada n’est considérée par la CIA et le gouvernement américain qu’une dimension de la sécurité nationale des États-Unis [14]. Dans ce cadre, on constate donc l’erreur que font les nationalistes canadiens [64] lorsqu’ils pensent que les américains cherchent consciemment à détruire le Canada [15]. La déstructuration, qui est en même temps restructuration, que connait présentement l’économie canadienne est le résultat du fonctionnement anarchique du mode de production capitaliste qui accélère la dépendance de l’économie canadienne face à l’économie continentale et par le fait même accentue les inégalités régionales au Canada ; d’où la crise qu’on connaît actuellement.

Il est important de souligner que “l’interpénétration du capital américain et canadien à ce moment ne peut s’analyser en terme de fusion, ni de subordination totale du second au premier. Il s’agit en fait (encore une fois) d’une conjonction d’intérêt [16]. Cette conjonction d’intérêt et le renforcement des prérogatives de l’État fédéral, à la faveur de la deuxième guerre, explique pourquoi les relations États-Unis/Canada en sont de collaboration au travers de négociations entre partenaires inégaux. Il ne fait aucun doute que la bourgeoisie canadienne garde une relative autonomie dans son alliance avec l’impérialisme américain.

Après 1950, un nouveau mode d’organisation du capital fait son apparition dans les pays capitalistes avancées. Le Canada n’allait évidemment pas y échapper. Comment peut-on caractériser ce mode d’organisation ? A la fin de la guerre l’économie canadienne se trouve étroitement liée à l’industrie de guerre et connaît une certaine diversification. L’expérience de l’“économie de guerre” a permis de voir qu’il était possible et rentable d’orienter le processus d’accumulation du capital vers une croissance continue et un développement accéléré de l’économie canadienne.

Pour les dirigeants de cette époque, cette stratégie de développement apparaissait comme la seule qui pouvait éviter à l’économie canadienne de retomber dans le marasme d’avant-guerre. Il est évident que, profitant de l’absence de concurrence au capitalisme nord-américain cette stratégie eut un certain succès, du moins presque jusque vers la fin des années cinquante. À titre indicatif de cette croissance rapide, le tableau suivant présente les taux de croissance du produit national brut pour ces années qui ont de quoi faire rêver n’importe quel politicien d’aujourd’hui :

[65]

TABLEAU III



Favorisée par sa position dans la chaîne impérialiste mondiale, la bourgeoisie canadienne transforme la structure héritée de l’économie de guerre en un complexe militaro-industriel, intégré à celui des États-Unis. Le Canada occupe une position stratégique, à la fois avant-poste de la défense nationale américaine et réservoir de matières premières des plus sûrs. Aussi le capitalisme canadien profite-t-il de sa collaboration avec l’impérialisme américain en pleine expansion pour accéder au rang de puissance impérialiste. On voit en quoi la présence du Canada dans la zone d’influence des États-Unis, loin d’affaiblir sa position sur le marché mondial, la renforce. On a identifié dans ce complexe 248 réseaux, comprenant de 2 à 2,000 entreprises [17]. En tout, plus de 3,875 entreprises se trouvent associées à ce complexe, dont les plus importantes sont CIL, Atlas Steel of Canada, Dominion Foundries and Steel Co., International Nickel, Canadian Safety fuse, Canadair et Noranda Mines. Le Canada est le 8ième producteur d’armes au monde.

Les contrats liés à la défense soit “nationale”, soit “continentale” offrent une source sûre et importante de profit. Beaucoup de grandes entreprises canadiennes actuelles ont grossi grâce à la production d’armements ou de produits connexes, pour ensuite se hisser à une position dominante dans d’autres secteurs de l’économie canadienne.

Sans entrer dans les détails, on peut affirmer que toute la période d’après-guerre jusque vers la fin des années soixante représente la phase de développement et de consolidation de ce nouveau mode d’accumulation, axé sur une croissance rapide autour d’une industrie manufacturière à haute productivité et d’une industrie d’extraction de matières premières, principalement destinées à l’approvisionnement des grands monopoles américain, en particulier ceux qui sont insérés dans le complexe militaro-industriel nord-américain.

L’effet global de l’ensemble de ce processus de croissance ouverte amène de profondes transformations de la [66] structure industrielle canadienne. Le contrôle américain s’étend alors dans tout le secteur manufacturier de pointe (produits chimiques ; instruments de précision ; machinerie) et dans celui des matières premières (pétrole et houille ; métaux non ferreux), alors que le secteur bancaire et des pâtes et papiers restent le domaine réservé de la bourgeoisie canadienne. Pourtant le capital canadien d’origine commerciale s’étend un peu au secteur manufacturier moyennement productif (appareils électriques, produits métalliques,...). Par ailleurs, durant le laps de temps qui s’étend entre 1949 et 1970, les industries manufacturières connaissent un taux de croissance moyen supérieur à la moyenne canadienne. Evidemment, cette croissance ne se répartit pas également. En effet, alors que les industries à faible intensité capitalistique (aliments et boissons, textiles, pâtes et papiers, bois, meubles,...) enregistraient des taux de croissance nettement inférieurs à la moyenne, les branches suivantes possédaient des taux de croissance très largement supérieurs à la moyenne générale : métaux primaires, produits métalliques, machines, automobile, matériel électrique, produits chimiques, matériel de transport et caoutchouc. En d’autres termes, les secteurs à forte croissance sont ceux-là même où la productivité du travail est la plus grande et où le contrôle américain est le plus fort. Le tableau IV illustre bien ce fait. Il s’agit de la part des profits et des actifs sous contrôle américain dans les principales industries.

TABLEAU IV


Source : W. Clement, Continental Power Elite.


Il est à remarquer que la différence entre la part des profits et des actifs indique le niveau technologique atteint [67] par les entreprises sous contrôle américain au Canada. Par exemple, dans l’industrie de la machinerie, avec 65% des actifs totaux, les intérêts américains empochent 81% des profits totaux de cette branche. Cela signifie que le capital américain connait une productivité supérieure au capital canadien investi dans la même industrie.

D’un autre côté, on voit apparaître à cette époque un important secteur tertiaire. Ainsi, de 1946 à 1966, on a vu le % d’employés dans ce secteur passer de 40% à 56% de l’emploi total au Canada. Ce phénomène est lié au rôle grandissant que jouent les services, particulièrement la fonction publique dans la nouvelle organisation du processus d’accumulation du capital, comme dans la plupart des économies capitalistes avancées, mais aussi, il s’agit au Canada d’une façon de suppléer à la faiblesse du secteur secondaire.

Malgré cela, l’après-guerre consacre le Canada comme véritable pays capitaliste avancé et comme un impérialiste à part entière. Cette période parachève aussi de manière radicale le long processus historique de l’établissement des rapports sociaux capitalistes au Canada et cela à travers son intégration à l’ensemble économique nord-américain.

Tous ces développements demeurent partiellement incompréhensibles, si on ne les met pas en relation avec les deux processus suivants :

1. l’accélération des mouvements de concentration et de centralisation du capital.

2. l’accroissement impressionnant et qualitativement différent de l’intervention de l’État qui tend à marginaliser les fractions non-monopolistes de la bourgeoisie canadienne et qui d’autre part, permet la mise en place d’une politique d’intégration du mouvement ouvrier pan-canadien à l’appareil.



b. L’État canadien et le capital monopoliste [18].

La croissance des grandes entreprises monopolistes ne date pas au Canada comme ailleurs, de l’après-guerre. Par contre, ce qui caractérise l’après-guerre et la mise en place du nouveau mode d’accumulation du capital que nous venons de décrire, c’est l’approfondissement de la domination du secteur monopoliste sur l’ensemble de la production sociale.

[68]

Loin de faire disparaître le secteur dit concurrentiel, le secteur monopoliste de l’économie canadienne tend, au contraire, à le régénérer constamment mais en lui imposant une réorganisation, une restructuration en fonction des exigences de sa propre croissance.

Cette réorganisation s’effectue à travers de multiples mécanismes et de multiples formes de sous-traitance et d’endettement. Il est intéressant de souligner que des rapports de sous-traitance particulièrement importants existent entre l’industrie canadienne et les grands monopoles américains. Ceci constitue une autre manifestation de la dépendance économique et technologique du capitalisme canadien. Technologique, parce que ces rapports de sous-traitance donnent lieu à l’utilisation de brevets américains qui réduisent encore l’autonomie des sous-contractants canadiens.

L’autre caractéristique du mode d’accumulation axé sur une croissance rapide, c’est la transformation de la fonction de l’État comme agent de régulation de ce processus d’accumulation du capital. En effet, depuis 1945, l’intervention de l’État au Canada, comme dans l’ensemble des pays capitalistes avancés, a joué un rôle essentiel pour permettre la réussite de cette stratégie, en créant les conditions de rentabilité nécessaires à l’investissement et en soutenant la demande solvable pour les biens de consommation durable. Essentiellement, la politique générale suivie par les différents gouvernements fédéraux visait à soutenir directement ou indirectement la stratégie de croissance ouverte et à maintenir l’équipe politique et social au Canada. Cette politique s’est appuyée sur trois éléments :

a) Une politique fiscale et monétaire favorable à la croissance des investissements, impliquant souvent d’importants déficits budgétaires.

b) Une politique de concessions face au mouvement ouvrier pan-canadien pour éviter les affrontements de front avec celui-ci. De plus, cette politique visait à s’assurer l’intégration des masses ouvrières à la consommation de masse des biens durables (automobile, appareils électro-ménagers, ...).

c) Une politique de croissance des services sociaux et de législations sociales afin de limiter les tensions sociales et de s’assurer un niveau de demande effective compatible avec le nouveau mode d’accumulation du capital [19].

La mise en œuvre de cet ensemble de politiques, connues sous le nom de politiques économiques keynésiennes [20], [69] n’était possible que dans le cadre d’une expansion économique rapide liée à une hausse constante de la productivité, donc de la composition organique du capital. Or, depuis quelques années, l’économie capitaliste mondiale, particulièrement l’économie canadienne, ne répond plus à cette condition. Ce fait maintenant très visible avec la stagnation économique persistante a forcé le gouvernement Trudeau à abandonner ces politiques et à adopter une nouvelle orientation au niveau des politiques économiques. Cette nouvelle orientation, mise de l’avant par l’ensemble des bourgeoisies impérialistes à la Conférence de Bonn (été ’78), s’est concrétisée au Canada par l’annonce cet automne d’importantes coupures budgétaires et par l’attitude intransigeante et excessivement répressive de l’État face à la grève des postiers au mois d’octobre dernier.

Il s’agit d’une nouvelle stratégie internationale sur laquelle nous ne possédons pas encore assez d’éléments pour l’analyser complètement. Pourtant il est clair que cette nouvelle politique économique, tout comme la précédente, visera à faciliter l’accumulation du capital pour le secteur monopoliste, dans une nouvelle conjoncture.

Si on admet que le secteur monopoliste domine l’économie canadienne, cela implique que l’ensemble des politiques qui ont caractérisé la période 1945-70, bénéficiaient d’abord et avant tout aux entreprises du secteur monopoliste, en particulier, à celles qui constituaient les branches les plus dynamiques de ce secteur.

En ce sens, les interventions de l’État canadien depuis 1945 n’ont pu, à cause de la structure même du capitalisme monopoliste, que favoriser de façon systématique les intérêts du secteur monopoliste aux mains du capital américain qui occupe une position privilégiée dans le processus de production sociale. Ce que nous avançons ici n’a rien à voir avec la conception simpliste d’un État “valet des monopoles” et réduit à cette seule fonction. Il est évident que les marchés ouverts ou défendus par l’impérialisme canadien avec l’aide de l’impérialisme américain ne servent pas uniquement les intérêts du grand capital. Des secteurs non négligeables de la moyenne entreprise et même de la petite entreprise y trouvent leur compte. Par ailleurs, sur le plan international, l’État canadien est un instrument essentiel pour la bourgeoisie canadienne ; l’exportation du capital se fait sous sa protection et le partage des marchés, par son intermédiaire.

[70]

D’autre part, l’État, dans le mode de production capitaliste possède une relative autonomie par le fait même que, à cause du fonctionnement du système, les conflits entre monopoles ne peuvent se régler par les seuls mécanismes économiques. L’État bourgeois se trouve donc être à la fois lieu central d’affrontements entre les diverses fractions de la bourgeoisie et arbitre entre ces diverses fractions.

C’est dans ce cadre que nous insistons sur l’aspect structurel de l’“aide” de l’État aux branches monopolistes hautement productives.

Dans le même sens, il n’était pas nécessaire que la fraction de la bourgeoisie qui représente le capital monopoliste, exerce dans son entier un contrôle direct sur l’État canadien, la position dominante qu’ils occupaient dans l’économie canadienne leur garantissant que l’intervention de l’État irait dans le sens de leurs intérêts. On comprend alors, par exemple, pourquoi l’organisation de la politique de taxation de l’État canadien a toujours eu tendance à favoriser la croissance des grands monopoles, ce qui se traduisait souvent par un système de taxation où les grandes entreprises américaines payaient proportionnellement moins d’impôts que les monopoles canadiens placés dans des branches moins dynamiques et moins importantes pour la stabilité de la croissance de l’économie canadienne.

Il existe à cet égard une contradiction apparente entre ce rôle de l’État et l’existence d’une bourgeoisie canadienne autonome, s’appuyant sur cet État et possédant sa propre base d’accumulation du capital. Cette contradiction est de même nature que celle qui existe entre le maintien d’États nationaux et la “formation d’unions internationales monopolistes de capitalistes” dont Lénine parlait et dont la forme la plus développée se trouve être la firme multinationale.

Il n’est pas inutile de rappeler que le capital est un rapport social et qu’en ce sens il est porteur de contradiction et de conflit. Comme l’écrit Lénine :

Si les capitalistes se partagent le monde, ce n’est pas en raison de leur scélératesse particulière, mais parce que le degré de concentration déjà atteint les oblige à s’engager dans cette voie afin de réaliser des bénéfices ; et ils le partagent “proportionnellement aux capitaux”, “selon les forces de chacun”, car il ne saurait y avoir d’autre mode de partage en régime de production marchande et de capitalisme” [21].

[71]

En ce sens, cette contradiction ne peut être dépassée que par l’analyse des rapports de dépendance qui existe actuellement entre les pays capitalistes avancés, particulièrement ceux qui lient le Canada aux États-Unis. L’emprise de l’impérialisme américain est important dans tous les pays capitalistes avancés d’Europe occidentale, au Japon et en Australie. On remarque que cette emprise se situe à tous les niveaux, tant économique (implantation de multinationales américaines, présence importante de capitaux américains, ...) que politique (E.-U. : gendarmes du monde, ...) et idéologique (système de valeurs axé autour du “american way of life”). Mais les fondements de cette hégémonie de l’impérialisme américain ont une base avant tout économique. Outre les phénomènes de présence directe que nous avons énoncé plus haut, la domination américaine se manifeste surtout par une dépendance technologique de la plupart des pays capitalistes avancés avec de fortes conséquences sur leur degré d’autonomie réelle. Au Canada, par contre, la dépendance se présente avant tout par le très haut niveau atteint par l’investissement direct des capitaux américains, principalement dans les branches clés de l’économie canadienne, comme on a pu le voir précédemment. Comme de nombreux rapports existent sur cette question (Gordon, Watkins et Gray), nous nous contenterons de reproduire le tableau suivant qui est très explicite :

Tableau V
Statistiques sur les industries manufacturières par pays
de contrôle, Canada, 1970


source : Statistique Canada, 30 octobre 1974 [22]

[72]

Ce qui est remarquable, c’est qu’avec seulement 9.1 o/o des établissements au Canada, les intérêts américains contrôlent plus de 40 o/o de la valeur des expéditions, soit presque autant que la totalité des industries manufacturières sous contrôle canadien.

En définitive, il apparaît clairement que la stratégie d’expansion de la grande bourgeoisie canadienne n’est pas basée sur un projet “national” autonome, mais au contraire, sur un projet d’intégration économique à la stratégie d’expansion, mise de l’avant par la bourgeoisie américaine. Ce projet est porté, depuis la fin de la deuxième guerre, au niveau fédéral par le Parti Libéral du Canada, représentant de la bourgeoisie impérialiste canadienne. Ce à quoi nous faisons référence, c’est la volonté de la bourgeoisie canadienne de négocier avec l’impérialisme américain une base d’accumulation propre aussi bien au niveau du “marché” canadien qu’au niveau mondial (ses investissements et ses débouchés à l’étranger) en s’appuyant sur son contrôle de l’État canadien et sur le secteur monopoliste de l’économie canadienne qu’elle dirige encore. Ce secteur se compose principalement des banques, des institutions financières et de certaines branches de l’industrie manufacturière comme les textiles, les pâtes et papiers et les appareils électriques. Finalement, il faut bien se le dire, l’élargissement du processus d’accumulation à l’échelle mondiale, en d’autres termes, l’internationalisation du capital, signifie actuellement l’industrialisation de certaines zones des pays sous-développés. Cette nouvelle division internationale du travail à laquelle s’ajoute l’intensification de la concurrence internationale, accentue les faiblesses de l’impérialisme canadien. Cette intensification de la concurrence résulte de la crise mondiale et menace plusieurs industries retardataires de l’économie canadienne. Du fait même, cette situation limite la marge de manœuvre de la bourgeoisie canadienne et accélère les tendances centrifuges. C’est cette constatation qui a amené certains éléments de la bourgeoisie canadienne à prôner un certain contrôle des investissements étrangers ce que la bourgeoisie impérialiste dans sa très grande majorité ne tient pas à faire.

Pour la grande majorité de la bourgeoisie impérialiste canadienne, la solution se trouve plutôt dans une augmentation des investissements à l’étranger et des échanges avec les pays du “tiers monde”. La visite d’un groupe d’industriels canadiens avec à leur tête, Paul Desmarais, président de Power corp., en Chine et les déclarations qui suivirent en sont des exemples probants.

[73]

Conclusion :
La bourgeoisie canadienne est impérialiste


1. On peut dire que le Canada partage les caractéristiques du capitalisme impérialiste. Le niveau d’industrialisation y est comparable à n’importe quel autre pays impérialiste ; avec l’un des niveaux de vie les plus élevés du monde.

2. L’État canadien est totalement souverain. Son alliance de longue date avec l’impérialisme américain fait partie de la stratégie de développement économique de la bourgeoisie impérialiste canadienne et constitue le principal instrument de promotion et de défense de ses intérêts.

3. Le capitalisme canadien, dès sa naissance, s’est caractérisé par un haut degré d’interpénétration du capital bancaire et du capital industriel qui a mené l’économie canadienne à l’un des plus haut niveau de concentration du capital au monde, comme l’a encore montré une récente commission : la commission Bryce (1978). D’autre part, très rapidement et du fait que sa base d’accumulation “nationale” était limitée par cette concentration et par la présence du capital américain, la bourgeoisie canadienne a voulu chercher à l’extérieur du Canada de bonnes occasions d’investir.

4. La caractéristique propre à l’impérialisme canadien, issue de sa fondation même, se situe dans la contradiction entre une bourgeoisie hautement monopoliste et très conservatrice qui se sert brutalement de son État pour défendre sa domination sur “son” marché et le fractionnement du “marché” canadien en différentes régions économiques ; chacune s’intégrant à la division continentale du travail selon la logique de la bourgeoisie impérialiste américaine. Voilà pourquoi, il serait préférable de parler de système étatique canadien.

5. Cette contradiction se trouve renforcée par le nouveau mode d’accumulation du capital mis en place depuis 1945. Ce nouveau mode d’accumulation axé sur une croissance soutenue et basé sur l’intervention de l’État, favorise les monopoles américains en termes relatifs, et tend à limiter toujours davantage la base d’accumulation propre à la bourgeoisie canadienne. D’autre part, cette stratégie développe les tendances centrifuges au niveau des diverses régions économiques ; tendances inhérentes au développement capitaliste au Canada.

6. Cette combinaison d’intégration continentale et de fractionnement régional ne remet pas en cause comme tel [74] l’existence de l’État canadien. Pour deux raisons principales :

a) La survie de l’État canadien est assurée par l’existence de tarifs douaniers protégeant un “marché” canadien, d’un secteur monopoliste relativement important et par l’existence même de l’appareil d’État fédéral.

b) La volonté de l’impérialisme américain d’éviter la désagrégation du Canada qui représente à la fois un marché rentable et un allié sûr.

7. On comprend, dès lors, le caractère explosif que prennent les questions nationales dans l’État canadien. Particulièrement, le mouvement de libération nationale au Québec. Le retrait effectif du Québec de la Confédération minerait les assises de la bourgeoisie impérialiste canadienne et signifierait, en mettant en branle une dynamique d’éclatement, la fin de la forme spécifique qu’a pris l’État canadien depuis sa fondation et qui lui a assuré une grande stabilité politique : la Confédération Canadienne !

Pierre Paquette

NOTES

[75]



[1] Cité par S.-B. Ryerson dans son livre : Le capitalisme et la confédération, ed. Parti Pris.

[2] Cité par J. Châtelain dans son article : Un pouce et demi en haut des États-Unis, in Les Temps Modernes, juillet 1978.

[3] Idem.

[4] Ces expressions sont tirées d’un texte que j’ai eu l’occasion de lire en première ébauche et qui sera publié prochainement dans la revue théorique de la Ligue Ouvrière Révolutionnaire.

[5] Voir les textes rassemblés dans un ouvrage intitulé Police et liberté, publié par la Ligue des droits de l’Homme, 1978.

[6] S.-B. Ryerson, Le pari québécois : de la nation/communauté au pouvoir étatique ?, in POLITIQUE aujourd’hui, no. 7-8.

[7] Comme tel, l’AANB est moins centralisateur que celui qui l’avait précédé, l’Acte d’Union (1841). Par contre, il constituait une constitution plus globalisante, intégrant l’ensemble des colonies et des possessions britanniques en Amérique du nord. En ce sens, la constitution de 1867 représente un acte de centralisation important.

[8] Voir les articles de Pierre Fournier et Gilles Bourque, respectivement intitulés, Le parti québécois et la conjoncture économique au Québec et Le parti québécois dans les rapports de classes, in Politique aujourd’hui, no. 7-8.

[9] Ce tableau est tiré de l’article de Halary, Soucy, Mascotto, intitulé Les fondements de l'État canadien, in Pluriel no. 12.

[10] C’est dans ce cadre en effet qu’on peut comprendre le document du comité sénatorial permanent des Affaires étrangères qui propose que le Canada se dirige vers un régime de libre-échange bilatéral avec les États-Unis, en commençant par certains secteurs, (voir : La Presse, 26/08/78).

[11] Diane Lamoureux, Question Nationale et mode de radicalisation de la classe ouvrière au Québec (1970-1976), thèse de maîtrise présentée à l’UQÀM, juin 1977.

[12] Le plan de cette section vient d’un texte anonyme qui se titrait : Développement du capitalisme et rapports de classes au Canada : 1950-1970.

[13] Il est intéressant de remarquer que dans ses recherches André Gunder Frank soit arrivé à des conclusions similaires pour les pays d’Amérique Latine, (voir : Le développement du sous-développement).

[14] Voir les textes rassemblés par la Ligue des Droits de l’Homme dans le livre, Police et liberté.

[15] Voir le libre de Kari Levitt, La capitulation tranquille.

[16] C. Halary, J. Mascotto, P.-Y. Soucy, Les fondements de l’État canadien, in Pluriel no. 12.

[17] How to make killing, Project Anti-War, octobre ’74.

[18] Dans les 5 critères fondamentaux qu’utilise Lénine pour définir l’impérialisme, l’interrelation de l’État et des monopoles n’est pas explicitement mentionné. Ce fait n’en demeure pas moins l’un des aspects essentiels du capitalisme actuel.

[19] La “demande effective” désigne la demande qu’on constate à un moment donné et qui s’appuie sur un pouvoir d’achat disponible, appelé “demande solvable”.

[20] Du nom du célèbre économiste britannique J.M. Keynes qui énonça les grands principes de ces politiques dans son livre, La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, (1936).

[21] Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme. Ed. du progrès, p. 104.

[22] Ce tableau est tiré du livre de P. Fréchette et autres, L’économie du Québec, Ed. HRW, p. 346.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 20 octobre 2023 6:08
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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