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La perception du temps
Préface
Zénon, cruel Zénon, Zénon d’Elée
M’as-tu atteint de cette flèche ailée
qui vole, vole... et qui ne vole pas ?
Paul Valéry
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges jeter l'ancre un seul jour
Lamartine (Le Lac)
Je ne veux pas d’un monde où tout change, où tout passe
Lamartine (La Foi)
Il peut sembler prétentieux, de la part d'un petit institut interfacultaire, le Centre Universitaire d’Etude des Problèmes de l'Energie (CUEPE), de proposer une réflexion sur la perception du temps. Nous n’ignorons pas que ce vaste sujet a retenu l’attention, au cours des siècles passés, d'une multitude de grands esprits, scientifiques ou philosophes : à commencer par les Grecs, de Zénon à Aristote et leurs nombreux disciples suivis par des penseurs chrétiens, de Saint Augustin à St Thomas d'Aquin plus tard les créateurs et penseurs de la mécanique classique. Newton. Descartes. Galilée - Leibnitz et les fondateurs du calcul infinitésimal - et plus près de nous des contemporains plus connus qu’il est inutile de présenter, Poincaré, Bergson, Einstein et les tenants de la mécanique quantique.
À l’échelle des recherches du CUEPE sur l'énergie et l’environnement, notre communauté d’architectes, d’économistes et de physiciens attentifs aux problèmes de l’énergie et de l’environnement ne peut pas faire l’économie d’une réflexion, même sommaire, sur le temps, car la pensée est prise en tenaille entre des positions contradictoires ou du moins difficilement compatibles. Qu'on pense, en effet, aux discours des économistes sur les oscillations de l’économie autour d’une position théorique d’équilibre - voire même sur les déséquilibres de l’économie et les conflits sociaux qui peuvent en découler - ou au temps long des environnementalistes, qui est porteur de processus irréversibles aux conséquences imprévisibles et parfois redoutables.
La question que nous sommes tout naturellement amenés à nous poser est de savoir si ces oppositions relèvent de simples perceptions liées à des cultures scientifiques différentes ou si, plus profondément, elles sont enracinées dans le substrat scientifique de ces disciplines. Nous espérons que ce livre permettra d’effectuer un premier bilan des convergences et des divergences dans les perceptions du temps des disciplines présentes. Notre rêve est de fournir une petite contribution au développement d’un cadre conceptuel qui permettra de lancer des passerelles de compréhension entre ces différentes perceptions.
Ce livre est le résultat d’un colloque qui s’est tenu au CUEPE le 9 février 2005. Nous remercions vivement les auteurs des articles, qui ont accepté de participer à notre projet sur la perception du temps, le prof. Willi Weber, directeur du CUEPE, qui l’a accueilli avec enthousiasme, ainsi que Mme Cam Lai Nguyen Frentzel-Beyme et M. Raphaël Jakob, qui nous ont aidé à le présenter.
Jacques Royer, Anne-Nelly Perret-Clermont et Franco Romerio
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